L'envie de sang
Hermione était inquiète.
Depuis Samain, Harry lui semblait de plus en plus étrange. Elle avait noté qu'il marchait plus facilement dans les endroits peu baignés par le soleil mais également qu'il était beaucoup plus sensible à la lumière. Elle avait également remarqué qu'il prenait sa viande rouge plus saignante et qu'il dédaignait de plus en plus les viandes blanches et les poissons.
Mais surtout, Harry ne lui parlait pas.
Ils avaient appris avec force que les sorciers, tout comme les moldus, pouvaient ne pas se révéler dignes de confiance. Pour autant, l'un et l'autre savaient qu'ils pouvaient se confier tout et n'importe quoi.
-Tu t'inquiètes trop, souffla la personne concernée dans le creux de l'oreille.
Harry contourna Hermione pour s'asseoir à ses côtés.
-Tu reconnais donc que ton comportement sort de l'ordinaire, fit Hermione.
-Je ne le nie pas, fit Harry. Mais je préfère garder le silence jusqu'à ce que j'en sache plus.
-Ce n'est pas dangereux ? demanda Hermione
-Ça dépend pour qui, sourit Harry.
Hermione lui rendit son sourire. C'était un constat auquel ils étaient arrivés tous les deux. Quoi qu'ils fassent, cela avait de conséquences, qu'elles soient bénéfiques ou non.
-De toute façon, haussa des épaules Harry, tu seras la première à tout savoir. Juste, ne fais pas de recherches.
-D'accord, fit Hermione.
Elle avait aisément compris le message : personne ne devait savoir qu'il se passait quelque chose avec Harry, et surtout pas Albus Dumbledore, et leurs amis seraient mis au courant en temps et en heure.
D'ailleurs …
-Comment se porte ta famille ? sourit Harry
Tous les deux avaient des codes pour connaître des informations précises. La famille d'Hermione – et non les parents d'Hermione, cela avait son importance – était le nom de code pour l'occlumencie de la jeune fille.
-Ils réfléchissent à l'éventualité d'accueillir quelqu'un dans la maison, répondit Hermione.
Harry ne montra pas sa surprise. Hermione s'était initiée à l'occlumencie quand lui-même a dû s'entraîner pour se protéger de Voldemort. Contrairement à Harry, ses progrès avaient été spectaculaires et Severus avait accepté de tester ses barrières pour concéder qu'elles étaient excellentes. Mais là, Hermione lui disait carrément qu'on avait tenté d'entrer dans son esprit !
-C'est une lourde décision, fit Harry.
-C'est pour cela que je leur ai dit de bien y réfléchir, sourit Hermione.
Le brun calla sa tête contre l'épaule de son amie et ferma les yeux tandis que la brune ouvrait un livre. Harry avait noté depuis Samain qu'il était plus sensible aux odeurs de ses proches. Celles qui le calmaient le plus radicalement étaient celle d'Hermione, de Neville et étonnement de Severus, qu'il associait à la famille. Ses autres amis avaient des odeurs rassurantes mais il ne les côtoyait pas assez pour qu'elles aient des effets notoires sur lui. En revanche, quand il avait croisé Dumbledore dans l'un des couloirs une dizaine de jours plus tôt, il avait dû se retenir de cracher sur son passage et de se fondre dans les murs, tel un animal sauvage. Le directeur avait noté sa réaction mais Harry avait heureusement pu la mettre sur le compte de la surprise.
Plutôt que de se prendre la tête, le brun commença à méditer.
§§§§§
Novembre puis décembre passèrent sans incidents notables. Severus avait poursuivi ses recherches au sujet d'Harry et très vite, il avait dû s'éloigner des symptômes courants pour chercher quelque chose de plus précis. Il avait également abandonné l'idée de jeter un coup d'œil dans la bibliothèque de Poudlard car il connaissait depuis longtemps l'esprit fouineur de son supérieur. Tout comme Hermione, il avait noté les différences qui étaient apparues avec Harry et les avaient passées sous silence.
Ce jour-là, il s'était rendu dans une bibliothèque très controversée pour les sujets qu'elle couvrait. Il avait appris depuis longtemps que s'il ne voulait pas dévoiler au monde entier le sujet de ses recherches, il fallait le noyer parmi d'autres. Heureusement, la bibliothèque des Embrumes, LA bibliothèque du monde sorcier anglais, savait garder les secrets de ses lecteurs.
Severus fréquentait depuis des années ces lieux que seuls les initiés connaissaient. Lui-même avait été introduit après qu'Ollivander ait vu de ses propres yeux qu'il était digne de confiance. A sa plus grande surprise, il avait appris qu'Albus Dumbledore s'était toujours vu refuser l'accès, alors qu'il était pourtant un personnage important de l'Angleterre sorcière.
Pour cacher ses véritables recherches, Severus avait décidé de faire croire qu'il tentait d'améliorer la potion Tue-Loup. Les habitués sachant comment il fonctionnait, ils le laissèrent tranquille.
Au fil des heures, il regroupait les symptômes qui touchaient Harry. Visiblement, tout pointait vers une créature magique mais les grimoires étaient formels, elles avaient toutes disparu depuis des siècles. Agacé, il préféra faire une pause et rangea ses affaires pour se promener dans le quartier sorcier. Sur un coup de tête, il passa à Gringotts et fut reçu par Ragnok, le directeur de Gringotts Grande Bretagne.
-Je ne m'attendais pas à ce que nous nous voyons aujourd'hui, seigneur Ragnok, fit Severus après les salutations d'usage.
-Disons que j'étais assez intrigué par le sujet de vos recherches, Héritier Prince, sourit Ragnok.
-Je n'ai même pas envie de savoir comment vous êtes au courant, soupira Severus.
-Vous n'aimerez pas la réponse, sourit Ragnok. Enfin bref, quand vous verrez le jeune Harry, vous pourriez lui remettre ces quelques grimoires. Malheureusement, vous ne serez pas en mesure de les lire.
-Vous savez ce qui se passe avec lui, comprit Severus.
-Effectivement, confirma Ragnok. Malheureusement, je suis soumis à un serment magique qui m'empêche de vous en dire plus. Seul l'Héritier Potter pourra vous dire ce que vous voulez savoir. Et je vous conseille de cesser vos recherches.
-Je sais que Dumbledore a remarqué l'état de santé d'Harry, soupira Severus. Soit, j'accepte d'attendre. Mais ça ne me plait pas.
-Le dix-septième anniversaire du jeune Harry Potter sera riche en événements, sourit Ragnok. Les liens que vous avez tissés avec lui vous assurent une place aux premières loges.
-Je ne savais pas que les gobelins avaient des dons de voyance, grommela Severus.
-Vous ne savez pas tout ce que les gobelins sont réellement, sourit Ragnok.
§§§§§
-Eh, Harry !
Harry se retint de grogner. Ronald Weasley, pour une raison obscure, redoublait d'efforts cette année pour entrer dans son cercle d'amis.
-Weasley, grommela Harry.
-Y'a un match tout à l'heure, fit Ron. Tu veux y aller avec moi ?
-Non, refusa Harry. Regarder un match doit être un plaisir mais te supporter est loin de l'être.
Ron rougit tandis qu'Hermione et Neville affichaient un sourire railleur discret. Les trois Gryffondors avaient eu l'occasion de voir le roux sous son véritable jour, après qu'il ait tourné le dos à Harry en deuxième année. Ils ne comptaient plus le nombre de fois où il s'était jeté à la tête de certains élèves parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec ce qu'il disait et le lui avaient fait comprendre. Il ne fallait pas oublier que quand Harry avait montré des talents extraordinaires pour le vol sur balai, Ron avait harcelé Harry tant et si bien que le brun avait refusé le poste dans l'équipe de la maison des lions. Le professeur McGonagall en avait été désolée mais même elle aurait claqué avec joie le roux qui s'était permis d'inonder Harry de soi-disant conseils avisés pour devenir le meilleur attrapeur jusqu'à dans le dortoir.
-Mais … protesta Ron.
-Si tu libérais le passage, grogna Harry. Je n'ai pas le temps d'écouter tes bavardages insipides. Bonne journée, Weasley.
Le brun le contourna et s'éloigna dans les couloirs. Neville lui emboîta le pas et Hermione allait faire de même quand elle fut retenue.
-Qu'est-ce que tu veux, Weasley ? siffla Hermione
-Pourquoi tu ne veux pas sortir avec moi ? geignit Ron. Qu'est-ce qu'Harry de plus que moi ?
-Des manières, renifla Hermione. Et surtout, il respecte les autres et leurs opinions. Ce n'est pas lui qui insulte les gens quand on lui fait remarquer que son équipe préférée est la dernière du classement, que ce n'est pas près de changer et qui joue de ses poings pour qu'ils retirent ce qu'ils ont dit …
Ron rougit.
-Commence par grandir et après, je pourrais songer à l'éventualité de te considérer comme autre chose qu'un sale gosse, déclara Hermione en se dégageant.
La jeune femme s'en alla avant d'avoir des paroles malheureuses. Si Harry puis Hermione et Neville avaient refusé de renouer avec Ron, c'était parce qu'il faisait partie des personnes qui avaient une image précise d'eux sans jamais les avoir vu. Pour Ron, le Survivant devait être obligatoirement gentil, serviable, prêt à accepter et aider les autres sans concession, bref, une véritable serpillère. Neville devait avoir peur de son ombre parce que sa grand-mère Augusta était une force de la nature qui aurait dû le terroriser au point qu'il soit faible. Hermione … devait être comme un animal de compagnie dont le but était d'intégrer la société sorcière en épousant le premier sorcier qui lui témoignerait un peu d'intérêt, une potiche quoi.
Les trois amis se rendirent dans une salle inoccupée et Harry fouilla pour sortir de son sac sans fond son sachet de friandises.
C'était une habitude qui avait étonné Hermione et Neville. En effet, Harry ne s'achetait des friandises qu'une fois par an mais c'était un stock conséquent de tous les bonbons disponibles sur le marché qu'il transportait tout l'année sur lui. De temps à autre, il piochait dedans et laissait le hasard choisir son petit plaisir du moment.
Ce jour-là, il s'était décidé pour des sucettes rouges. Neville haussa des sourcils.
-Des sucettes de sang ? s'étonna Neville. Ce sont des friandises particulières.
-En ce moment, j'adore ça, sourit Harry, penaud.
-Harry … soupira Hermione.
-Je sais que vous vous inquiétez, coupa Harry. Mais vous savez comme moi que les lieux ne sont pas particulièrement adaptés pour les confidences.
Les deux autres hochèrent la tête. L'exemple le plus flagrant était justement le don de fourchelangue. Pendant le simili duel entre Harry et Draco, le blond avait invoqué un serpent pour le déstabiliser. Le brun, qui savait qu'il avait un lien avec les reptiles, avait gardé bouche close mais quand les amis avaient réussi à se retrouver dans un coin isolé pour qu'Harry leur avoue qu'il avait compris ce que le serpent disait, ils n'avaient pas noté que Ron les avait suivis et avait répandu le secret en moins de temps qu'il ne fallait le dire. Et pour avoir veillé à ce qu'ils ne soient pas suivis, Neville était certain que le roux avait été mis sur leur piste avec l'aide des tableaux présents sur leur chemin, tous à la solde du directeur.
-Les vacances ? proposa Neville
-On va m'obliger à aller au QG de l'Ordre, grogna Harry.
Les trois amis ne se voilaient pas la face. Depuis le retour de Voldemort, l'Ordre du Phénix s'était installé au manoir Black, au 12 square Grimmaurd. Harry s'était étonné, l'été dernier, que l'Ordre puisse encore rester alors que Sirius, le propriétaire légitime, était mort, mais les gobelins lui avaient révélé qu'il y avait un contrat qui liait la présence de l'organisation dans les lieux à celle du propriétaire des lieux. Seulement, Harry ne devait pas savoir qu'il était désormais l'héritier de Sirius et le nouveau propriétaire du manoir Black, puisque le directeur avait bloqué l'ouverture du testament. Mais ça ne l'empêchait pas de forcer Harry à y venir dès qu'il avait des vacances. Heureusement, cet été, il n'y était resté qu'une dizaine de jours.
-Je passe mon tour, grimaça Neville. Grand-mère n'a toujours pas confiance en Dumbledore et si on me voit avec toi, ça donnerait une impression totalement fausse de l'équilibre des forces.
-Je viendrais, sourit Hermione. Ils ne se demandent jamais si je ne manque pas à mes parents.
Et pour cause. L'une des premières attaques après la renaissance de Voldemort avait touché les parents d'Hermione. Ne perdant pas le nord malgré la douleur, elle avait pu s'émanciper dans le monde moldu puisqu'elle avait déjà commencé la démarche avec ses parents avant leur mort. Comme monde moldu et monde sorcier ne mettaient pas en commun leurs informations, aucun sorcier ne savait qu'elle vivait seule depuis un an.
-On trouvera un moyen de s'en aller, haussa des épaules Harry. Parfois, je préfère être chez les Dursley pour la liberté que j'ai.
-On ne peut pas tout avoir, sourit Neville. Mais sinon, tu es sûr que tu vas bien ?
-Je me soigne, assura Harry.
-Ça me suffit, déclara Neville. Mais il va falloir que tu donnes mieux le change.
-J'y travaille, grimaça Harry. Juste, ne t'inquiète pas.
-Nous devons malheureusement retourner dans des endroits plus peuplés pour qu'on ne lance pas de battue à notre recherche, prévint Hermione.
Elle fit tomber la bulle d'intimité qu'ils élevaient dès qu'ils voulaient discuter tranquillement et se dirigèrent vers la tour Gryffondor.
§§§§§
Tom était vraiment agacé. Et le pire, c'était que ça amusait Narcissa !
Voldemort mettait le pays à feu et à sang depuis qu'il avait été découvert au ministère en juin dernier. Les mangemorts attaquaient régulièrement des quartiers sorciers voire les artères commerciales en laissant derrière eux des dizaines de morts et tout autant de blessés. Pourquoi, par Merlin et Morgane réunis, Dumbledore voulait réduire aussi drastiquement la population Sorcière anglaise ? Il comprenait pour les Sang Pur, car ils pouvaient toujours se dresser contre lui, mais le sorcier lambda ? C'était simplement faire couler le sang juste pour le plaisir.
Ses recherches pour retirer la marque des ténèbres étaient au point mort. Pour qu'il puisse avancer, il lui faudrait comprendre comment elle était apposée. Il était très tenté de vérifier dans l'esprit de Lucius mais vu l'ampleur de la machination, il ne voulait pas prévenir Dumbledore qu'il savait ce qu'il ne voulait pas qu'il sache, encore moins lui donner sa localisation.
-Tu n'as rien sur la magie du sang ? demanda Tom
-Ce n'est qu'une maison secondaire, se désola Narcissa. Si seulement on pouvait accéder au manoir Malfoy ou Black …
-Draco ne peut y entrer en tant qu'héritier ? demanda Tom
Malgré toutes ces années, il y avait beaucoup de choses dans l'étiquette Sang Pur qu'il ne savait pas.
-Je dois attendre sa majorité pour tenter avec le manoir Malfoy, répondit Narcissa. Quant à celui des Black, on ne sait même pas qui devait reprendre le titre.
-Encore une lignée de perdue, comprit Tom.
-Et pas l'une des plus insignifiantes, précisa Narcissa.
-Je pense que je n'ai pas le choix, je dois quitter le pays pour trouver d'autres informations, soupira Tom.
-Tu es sûr ? s'inquiéta Narcissa. Ça ne m'étonnerait pas que Dumbledore surveille les frontières.
-Si seulement je pouvais accéder à la Bibliothèque d'Angleterre, maugréa Tom. Je suis certain que je trouverai toutes les informations qui me manquent.
Narcissa soupira. Même Lucius n'avait pas eu accès à la Bibliothèque des Embrumes, connue à l'international comme étant LA Bibliothèque d'Angleterre. Abraxas Malfoy avait eu l'occasion d'y entrer à la toute fin de sa vie mais n'avait pas eu le temps d'introduire son fils. Orion Black, le dernier chef de la famille Black, avait aussi eu ses entrées mais tout comme Abraxas, il n'avait pas eu le temps d'introduire ses fils. Depuis le « retour » de Voldemort, le bouche à oreille parmi les Sang Pur ne marchait pas et les rumeurs n'indiquaient plus qui pouvait avoir le fameux sésame pour Tom.
-Tu sais, la légende veut que si tu fais grande impression sur les personnages les plus importants d'Angleterre, tu peux être invité à y aller, fit Narcissa. Et avant que tu ne me le demandes, Dumbledore n'a jamais pu entrer et n'est curieusement pas considéré comme un personnage important du pays.
-Tu n'en connais pas ? demanda Tom
-Malheureusement non, répondit Narcissa. Mais c'est une piste, non ?
-Bien sûr, sourit Tom. Merci …
§§§§§
-Tu sais lire maintenant ? railla Draco en apercevant Harry dans le canapé de Severus
-Et toi tu as arrêté de regarder ton nombril ? rétorqua Harry sans quitter des yeux son grimoire. Tu m'as l'air en forme, blondinet.
-Ne m'appelle pas blondinet ! cracha Draco
-Par contre, pour le sang-froid, tu peux repasser, ricana Harry.
Comprenant qu'il s'était encore fait avoir, Draco se laissa tomber dans un fauteuil et se mit à bouder. Severus arriva dans la pièce.
-Vous avez encore blessé son ego surdimensionné ? soupira Severus
-Ce n'est pas bien difficile, sourit Harry.
-Faites comme si je n'étais pas là, grommela Draco.
-C'est le cas, pointa Severus.
Draco se renfrogna encore plus.
-Es-tu venu ici pour nous faire bénéficier uniquement de ta bonne humeur ou il y a autre chose ? demanda Severus
-Je vais finir par vous détester, soupira Draco. Les contacts de mère ont annoncé qu'il y avait du mouvement dans le manoir Potter.
Harry délaissa son livre et fronça des sourcils.
-Où ? demanda Harry
-Tu ne sais pas où tu habites ? ricana Draco
-Draco, prévint Severus.
Le blond déglutit discrètement.
-A Godric's Hollow, répondit Draco.
-Ce sont des ruines, s'étonna Severus.
-C'est pour cela que ça semble bizarre, fit Draco.
-Ils sont en train de reconstruire la maison ? demanda Severus
-Plus des fouilles, se remémora Draco. Faites par des Sorciers. On ne t'a pas demandé ton avis, Potter ?
-Non, assura Harry.
Draco savait – il y avait quand même un contrat magique, il n'était pas fou – qu'Harry en savait plus qu'il ne devrait, notamment concernant son héritage. Le blond l'avait beaucoup aidé avec ses amis Serpentards pour que le brun ne se retrouve pas stupide à ses dix-sept ans. Enfin, si on l'avait laissé accéder à son héritage.
Harry se plongea dans ses pensées. A sa demande, les gobelins avaient restauré la majorité des demeures Potter et depuis cet été, ils s'étaient penchés sur celles des Black – sauf celle située square Grimmaurd pour des raisons évidentes – puisqu'elles étaient toutes protégées par ce qu'on appelait un Fidelitas de Famille, rituel que seules les familles Sang Pur pouvaient réaliser. Il avait laissé de côté le cottage de Godric's Hollow pour plusieurs raisons. Tout d'abord, pour le sorcier lambda, il était considéré comme étant le manoir Potter, car avant sa destruction, il dépassait de très loin les standards d'un cottage mais surtout, pour qu'on ne se doute pas que l'héritage Potter avait été repris en main. En l'absence d'un héritier Potter ou d'un tenant du titre, les gobelins étaient les seuls habilités à entrer sur les terres Potter et uniquement pour l'entretien du patrimoine. Mais bien entendu, à la mort de ses parents, un petit malin avait voulu que son héritage soit géré uniquement par un sorcier mais les gobelins avaient mis leur veto. A la place, ce même petit malin s'était érigé tout seul son garant sorcier et de ce fait, filtrait tout ce qu'il devait savoir du monde sorcier. Le nom de cet homme ? Albus Dumbledore. Etonnant, non ?
Severus observa le jeune brun. Depuis cette fameuse retenue pendant sa première année, il était le spectateur du ballet de manipulations et d'hypocrisie dont le centre était Harry Potter. Mais depuis le retour de Voldemort, il notait que cela s'intensifiait crescendo. Sans compter la transformation en cours.
-Est-ce que ta mère dit autre chose ? demanda Severus
-Oui, la rumeur veut qu'une loi va être votée à propos de la majorité des orphelins, fronça des sourcils Draco.
-On parie combien que le but est de me coller un tuteur dans les pattes après mes dix-sept ans ? ricana Harry. Je vais finir par croire que le patrimoine Potter est immense.
-Harry … hésita Draco. D'après ma mère, ton héritage a augmenté de trente pour cent depuis la mort de tes parents, ce qui te place parmi les premières fortunes d'Angleterre et également d'Europe. Et à cause de ton statut de Survivant, tu es attendu après Poudlard sur le plan politique, aussi bien national qu'international.
Harry montra sa stupéfaction. Oui, il savait qu'on lui cachait son véritable héritage mais il n'en connaissait visiblement pas son étendue ! La stupeur se mua très rapidement en rage contre le directeur qui tenait tellement à faire de lui sa marionnette. Il avait brusquement envie de déchiqueter la gorge du vieux Sorcier pour voir son sang jaillir, de s'y repaître et de le torturer encore et encore …
-Harry ! s'alarma Severus en sentant une magie étrangère envahir la pièce
Ce n'était pas une perte de contrôle de magie ordinaire. Avec les nombreux cours qu'il lui donnait, Severus avait eu l'occasion d'apprendre à connaître la magie d'Harry. Depuis le début de l'année, les cours avaient bien entendu continué mais le maître de potions avait bien senti que le jeune homme retenait sa magie et il n'était pas parvenu à déterminer si c'était intentionnel ou non.
Mais là … la magie était sauvage, électrique, envoutante, séduisante …
Dangereuse.
Visiblement avide de sang.
Malgré la crainte qui l'envahissait alors qu'il mettait un Draco figé en sécurité, il nota que les alarmes de Salazar Serpentard ne s'étaient pas déclenchées, beaucoup plus sensibles que celles de l'école. Et plus les secondes s'égrenaient, plus la magie déversée dans la pièce se faisait oppressante.
-HARRY ! rugit Severus, érigeant un bouclier
Le brun se tourna vers le professeur et cligna les yeux, reprenant ses esprits et faisant disparaître la chape de magie.
-Que … balbutia Harry avant de tomber à genoux.
Severus se précipita à ses côtés, le prit dans ses bras – il était toujours écœuré de s'apercevoir qu'il pouvait facilement soulever ce gamin de seize ans alors que ça n'aurait jamais dû être possible si on s'était correctement occupé de lui – et l'allongea sur le canapé. Il lança prudemment des sorts de diagnostic, au cas où sa magie se rebellerait de nouveau avant d'aboyer ses ordres à son filleul totalement choqué.
-Draco ! gronda Severus. Il me faut des potions. Maintenant !
Le blond se ressaisit et alla récupérer les fioles que son parrain lui désignait au fur et à mesure. Il se dépêcha de les apporter et le professeur les administra sans attendre. Harry reprit doucement son souffle avant de prendre fermement les mains des deux hommes et les fixa droit dans les yeux, avec une telle intensité qu'ils se sentirent mal à l'aise. Ils hoquetèrent de surprise lorsqu'ils sentirent leur magie se soumettre à leur ami qui, par sa propre magie, leur suppliait – non, leur ordonnait – de ne pas souffler un mot de quelque façon que ce soit de ce qui venait de se passer. Quand il eut obtenu leur accord – contraint, il ne fallait pas se voiler la face – le jeune homme se redressa, vérifia sa tenue et partit sans un mot, non sans récupérer son grimoire. Severus secoua la tête pour faire descendre son adrénaline et regarda Draco qui tremblait doucement.
-Qu'est-ce qui s'est passé ? balbutia Draco
-Je ne sais pas, soupira Severus. Mais surtout, n'en parle à personne, ne fais surtout pas de recherche. Harry a une idée précise de ce qui se passe et il nous en parlera quand il sera temps.
-Mais … protesta Draco.
-Il en va de sa protection, assura Severus. Viens, je vais te donner quelques potions et tu vas t'allonger un peu avant de retourner dans ta salle commune.
Une fois que Draco eut fermé les yeux, Severus se posa dans son fauteuil et se servit un verre d'alcool qu'il fit distraitement tourner.
Il aurait juré voir le regard d'Harry devenir littéralement noir et ses canines s'allonger et égratigner ses lèvres.
§§§§§
-Il va falloir que nous prenions contact avec lui, déclara une voix.
-N'est-ce pas un peu tôt ? s'étonna une seconde voix. La transformation n'a commencé qu'il n'y a quatre mois !
-D'après les gobelins, elle progresse légèrement plus vite qu'ils ne le pensaient, expliqua la première voix. Ce n'est pas inquiétant mais il faut surveiller cela de très près.
-Pourtant, c'est un Sang Pur, rappela la seconde voix.
-Mais son ascendance est à prendre en compte aussi, pointa la première voix.
-Qu'est-ce qui vous pousse à vouloir le rencontrer ? demanda la seconde voix
-Les gobelins lui ont transmis les grimoires en rapport avec nous, expliqua la première voix. Pour cela, ils sont passés par l'intermédiaire d'un sorcier qui semble avoir la confiance de notre éveillé. Je voudrais connaître ses alliés pour mieux les protéger uns fois qu'il sera pleinement des nôtres.
-Est-ce qu'il aura confiance en nous ? se demanda la seconde voix
-J'espère que non, sourit la première voix.
-Vous espérez ? releva la seconde voix
-Je me poserais des questions s'il me faisait confiance sans me connaître, répondit la première voix.
-Savez-vous comment vous allez prendre contact avec lui ? demanda la seconde voix
-Oh, ce ne sera pas difficile, sourit la première voix.
