Apparences trompeuses
Neville s'était réfugié dans les serres, une lettre dans la main.
Sa grand-mère venait de lui annoncer que les prochaines vacances allaient être chargées. Comme il avait atteint l'âge vénérable de seize ans – la bonne blague ! – il allait être présenté à la magie familiale pour prendre officiellement le titre d'Héritier Longbottom. Jusqu'à son dix-septième anniversaire, il sera évalué par la magie familiale et jugé par les autres membres de la famille pour voir s'il était apte à reprendre le clan Longbottom.
Un sourire carnassier orna ses lèvres.
Il comprenait parfaitement pourquoi Augusta Longbottom lui faisait ce rappel à l'ordre. Pour le monde sorcier, Frank Longbottom et sa femme Alice étaient des aurors valeureux qui avaient combattu jusqu'au bout contre Voldemort et qui avaient été torturés jusqu'à la folie peu après la disparition de ce monstre.
Mais pour la lignée principale … ils étaient des échecs.
Neville n'avait jamais compris pourquoi sa grand-mère ne parlait jamais de ses parents pendant son enfance. Certes, ils allaient leur rendre visite à chaque Yule mais elle ne desserrait pas des dents de toute la visite. A sept ans, en comprenant qu'elle ne répondrait pas à ses questions, Neville avait interrogé ses oncles et ses tantes au sujet de ses parents. Il avait écarquillé des yeux en comprenant que pour eux, Alice et Franck étaient des héros, comme aux yeux du reste du monde sorcier. Mais comme le comportement de sa grand-mère l'intriguait, il avait continué à chercher pour découvrir l'amère vérité.
Les Longbottom étaient connus depuis des générations pour être des botanistes émérites. Leurs serres étaient connues dans tout le pays pour la diversité des végétaux qui s'y trouvaient. Rares en faisaient toutefois leur métier. Mais à côté de leurs carrières publiques, la famille avait des activités annexes. En effet, la lignée principale était connue dans les mondes souterrains pour être Empoisonneuse. Pour le dissimuler, ils devaient le cacher par le désintérêt, voire, dans le cas de Neville, par une nullité absolue dans le domaine des potions. Mais alors qu'Augusta maintenait la réputation de la famille dans les marchés parallèles, Franck, poussé par sa fiancée puis par sa femme Alice, s'était totalement détourné de l'entreprise familiale. La matriarche avait rapidement remonté la source d'une telle décision et révélé au grand jour l'influence d'Albus Dumbledore, icône du « Bien » pour de nombreux sorciers. Augusta aurait pu laisser passer cette volonté d'être totalement « clean » mais ce qui avait attiré le mépris de la matriarche de la famille, c'était la volonté du couple d'impliquer le directeur de Poudlard dans l'éducation de leur enfant mais surtout, le fait que Franck brassait les potions les plus dangereuses pour le vieux sorcier, et, qui plus est, gratuitement et sans contrepartie. En consultant les différents grimoires de la famille, notamment les journaux intimes de ses parents, Neville avait compris que si ses parents avaient continué sur leur lancée, la famille Longbottom aurait été soumise par leur biais à un sorcier qui n'avait pas les intérêts de la Magie à cœur.
Neville n'avait pas voulu croire qu'un sorcier encensé de partout aurait pu être une menace pour sa famille. Mais en travaillant sur les comptes de son père, il avait découvert que Franck se mettait littéralement sur la paille pour payer le directeur ainsi que sa famille maternelle qui s'était totalement ruinée pour soutenir l'effort de guerre. Avec l'aide des gobelins, il avait compris que cet argent ne servait nullement ce but mais allait directement remplir les coffres personnels du sorcier.
Neville avait continué à creuser du côté d'Albus Dumbledore et ce fut à l'aube de ses neuf ans qu'il était allé trouver sa grand-mère pour lui exposer le résultat de ses recherches. Augusta avait été fière de voir que malgré son jeune âge, son petit-fils avait été capable d'éviter le piège dans lequel son fils avait plongé tête la première.
Oui, il était temps qu'il embrasse totalement son rôle d'Héritier Longbottom.
Et qu'il continue à manipuler le monde sorcier dans sa grande stupidité.
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Hermione avait pris l'habitude de se promener aux abords de la forêt interdite depuis sa première année. Même en ne posant pas un seul pied dedans, elle avait croisé la route d'animaux magiques assez impressionnants.
Mais envers et contre tout, elle avait réussi à se lier avec une créature considérée comme insignifiante.
Heureusement qu'elle ne gobait pas tous les mensonges du monde sorcier …
-Tu t'inquiètes encore pour ton ami ? demanda Teeresa
-Un jour, Harry me rendra folle ! soupira Hermione
Hermione était tombée un soir d'hiver sur ce qu'elle avait reconnu être une fée. Son aile était pliée dans un angle assez improbable et de plus coincée sous une branche tombée d'un arbre. Le plus délicatement possible, elle l'avait dégagée et lui avait parlé tout au long de l'opération pour la rassurer. Elle avait été un peu surprise d'obtenir des réponses et elles avaient lié connaissance. Elles s'étaient échangé leurs prénoms puis sur leurs espèces respectives.
-Tu m'as dit qu'il semblait gérer la situation, pointa Teeresa. Fais-lui confiance.
-Je sais, soupira Hermione.
-En attendant, concentre-toi sur ta propre situation, déclara Teeresa.
Hermione grommela. Après la mort de ses parents, elle s'était concentrée pour terminer la procédure d'émancipation. Mais aussitôt qu'elle avait obtenu le statut de mineur émancipée, elle avait dû se battre pour garder ses possessions. Elle hésitait à demander de l'aide à ses amis voire aux gobelins et en attendant de prendre une décision, elle compulsait les codes de droit pour trouver une autre alternative.
-Tu ne peux pas faire tout toute seule, continua Teeresa. Tu n'es même pas une adulte aux yeux des Humains. C'est bien d'étudier mais c'est mieux que tu apprennes de ceux qui savent.
-Tu me conseilles de demander de l'aide ? murmura Hermione
-Tu es peut-être formidable, Hermione, mais quand tu ne peux plus avancer, il faut t'avouer que tu ne peux plus rien faire, fit Teeresa. Et demander de l'aide n'est pas une faiblesse. Encore moins à ses amis en qui on a confiance.
-Je vais essayer, fit Hermione. Merci Teeresa.
-Les amis sont faits pour cela, rit Teeresa.
-Et toi ? demanda Hermione. Toujours des braconniers sur vos terres ?
Si Hermione avait pu rencontrer Teeresa à l'orée de la forêt interdite, c'était parce que cette dernière cherchait à convaincre des créatures magiques plus imposantes qu'elles pour chasser les braconniers qui tuaient les fées pour leurs ailes et la poudre qu'elles produisaient. Au fil des ans, la jeune sorcière les avait aidées à déplacer leur village à de nombreuses reprises.
-On va finir par s'exiler, soupira Teeresa. Mais nous ne pourrons pas survivre s'il n'y a pas un minimum de magie pour nous tous.
Hermione hocha de la tête. C'était l'une des particularités du peuple des fées. Sans magie ambiante, ils étaient condamnés à mourir.
-Que comptes-tu faire ? demanda Hermione
-Il va falloir qu'on se mette d'accord sur qui nous allons envoyer à l'extérieur de la forêt pour trouver de nouvelles terres, répondit Teeresa. J'en ferais sûrement partie. Je vais demander à explorer le monde moldu.
-Vraiment ? sursauta Hermione
-En fait, je pensais te demander de t'accompagner quand tu rentrerais chez toi, rougit Teeresa.
-Ça peut se faire, réfléchit Hermione. Mais je ne comptais pas aller chez moi. Si tu peux te cacher et ta magie, je pense que c'est possible.
-Ne reste plus qu'à obtenir l'autorisation des Anciens ! sautilla Teeresa
-Je n'ai aucun doute que tu réussiras, rit Hermione. Je vais devoir rentrer. Porte-toi bien, Teeresa.
-Sois prudente, Hermione, répondit Teeresa.
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Luna s'était réfugiée dans son endroit favori, dans les cachots du château.
Bien loin des quartiers des Serdaigles.
Quand elle était entrée en première année, elle s'était rendu compte que la maison à laquelle elle appartenait désormais n'était pas du tout ce qu'elle imaginait. L'apparition de Voldemort avait changé drastiquement l'image de cette maison qui se proclamait intelligente. La blonde aurait cru que les élèves se seraient renseignés sur son idéologie mais il s'était avéré que la majorité des aigles – plus particulièrement les nés sorciers – se drapaient de leur sacro-sainte connaissance du monde sorcier et avaient refusé de se pencher sur les circonstances de la montée en puissance de Voldemort, arguant qu'ils avaient des choses plus importantes à faire. Les nés de moldus, eux, avaient relevé le parallèle avec les dérives du régime nazi mais ils avaient impitoyablement été réduits au silence. Quand elle-même avait posé des questions, elle avait été renvoyée dans ses pénates, bien que sa famille soit l'une des grandes familles de Serdaigle. Elle avait très vite compris que son comportement décalé – et connu du monde sorcier pour être caractéristique de leur famille – lui vaudrait une exclusion partielle de sa maison. Alors elle s'était tournée vers les autres maisons tout en se coulant un peu plus dans son rôle d'excentrique. C'était elle qui avait alerté Hermione, Harry et Neville du comportement anormal de Ginny Weasley et elle les avait aidés à la délivrer de l'Héritier de Serpentard. Et quand les autres élèves avaient vu qu'elle était devenue amie avec le Survivant et l'héritier Longbottom, elle avait attiré leur envie et leur jalousie.
Elle pouvait comprendre qu'ils n'étaient que des enfants mais parfois, ce qu'ils pouvaient être stupides …
Ce jour-là, les filles de Serdaigle lui avaient encore reproché de trop traîner avec Harry et Neville et avaient voulu l'éloigner d'eux de manière musclée. Elle le leur avait fait payer et avait décidé d'aller se calmer dans un endroit où on ne la chercherait pas. Les cachots avaient toujours été son endroit favori car les autres maisons étaient trop engoncées dans leurs préjugés pour comprendre qu'avant d'être des maisons qui devaient impérativement se dresser les unes contre les autres parce qu'elles avaient des « qualités » premières différentes, ils étaient tous des enfants qui découvraient le monde. Mais quand on était conditionné pour penser ainsi …
-Ton don te tourmente encore ? soupira la Dame Grise
-Il est un peu plus lourd à porter aujourd'hui, soupira Luna. J'accepte mon don, Helena. Avec ses bons comme ses mauvais côtés.
-On dirait entendre ma mère, grinça la Dame Grise.
-Rowena n'avait pas tout à fait tort, confirma Luna.
La jeune fille avait rapidement découvert que le fantôme de Serdaigle, la Dame Grise, était en réalité Helena Serdaigle, la fille de la Fondatrice Rowena Serdaigle. Elles avaient appris à se connaître et elles avaient compris qu'elles avaient le même don de voyance, sans oublier leur lien de parenté. Helena aurait cru que Luna exprimerait plus d'enthousiasme en apprenant qu'elle était une Serdaigle par le sang mais la blonde avait été assez calme.
-Comment tu fais pour l'accepter ? demanda Helena
-Devons-nous encore avoir cette conversation ? soupira Luna, agacée. Tu es morte, Helena. La mort t'a délivré de ce don, tu n'as pas besoin de savoir comment il va évoluer.
Avec l'altercation qui avait eu lieu, Luna n'était pas conciliante avec qui que ce soit.
-Mais … protesta Helena.
-Je n'ai pas envie de t'entendre pleurnicher sur ta vie que tu as gâchée toute seule, siffla Luna. Tu étais jalouse de ta mère mais il ne t'était jamais venu à l'idée de faire tes propres choix pour sortir de son ombre. Tu as été assez stupide de croire que de lui voler sa plus grande œuvre allait te faire exister à ses yeux alors qu'il fallait juste que tu ouvres les tiens et que tu acceptes ce qui se présentait à toi pour qu'elle soit heureuse ! Mais non, tu t'es enfuie en Albanie et quand Connors s'est mis en colère contre ton aveuglement, il t'a frappé pour te remettre les idées en place mais il n'a pas mesuré la force de son coup et t'a empalé sur une branche. Quand il a compris que tu étais morte, il s'est suicidé, désespéré d'avoir tué la femme qu'il aimait.
Helena se recula, choquée. C'était le résumé de sa mort le plus froid qu'il lui avait été donné d'entendre.
-Tu es cruelle, accusa Helena.
-Et toi egocentrique, répondit du tac au tac Luna. Je ne suis pas d'humeur à t'écouter te lamenter. Tu es morte, Helena, et c'est entièrement ta faute.
Vexée, Helena disparut. Luna soupira de soulagement. Même si Helena était l'une de ses ancêtres, elle pouvait être particulièrement pénible quand elle voulait parler de sa vie. L'une des premières fois qu'elle l'avait effleurée, elle avait pu voir les circonstances de sa mort et avait compris qu'Helena, morte à dix-sept ans, était une gamine pourrie gâtée par l'une de ses cousines qui était stérile. Ce dernière, jalouse du succès de Rowena, avait monté la tête d'Helena. A la mort de sa fille, la Fondatrice n'avait plus été la même mais toujours en train de se lamenter sur son sort, Helena ne l'avait même pas remarqué.
Luna chassa Helena de son esprit et se concentra sur ce qu'elle voulait faire. Son air rêveur cachait les nombreuses visions qu'elle avait du passé et de l'avenir. Après la mort de sa mère, elle avait dû se mettre à l'occlumencie pour pouvoir se dissocier de ses visions et dissimuler à tout le monde qu'elle voyait autre chose que ce qui l'entourait, sans oublier la capacité de suivre deux conversations en même temps et de faire deux choses en même temps. Au fil des années, les visions s'étaient faites plus puissantes et elle avait dû redoubler d'efforts pour qu'on ne découvre rien. D'ailleurs, pour éloigner les soupçons, elle n'avait pas tenu à suivre le cours de divination, déjà considéré comme étant une vaste blague.
Pendant qu'elle donnait une bonne leçon aux filles de Serdaigle, une vision l'avait frappé assez durement, ce qui l'avait poussé à écourter « l'entretien ». Comme la majorité du temps ces dernières années, elle concernait de très près Harry. Mais pour la première fois, elle y avait vu la mort. Certes, ses visions étaient toujours empreintes de souffrance et de torture mais là, elle sentait que c'était différent.
Elle sortit son journal et y nota toute la vision avec le maximum de détails. Au fur et à mesure qu'elle écrivait, elle se rendait compte qu'il allait falloir qu'elle révèle au brun le contenu de cette vision et par extension, son don à ses amis. Elle n'avait jamais caché être sensible à la magie mais ce secret pouvait la mettre en danger. Si son don en venait à être connu, elle serait recherchée par les trois puissances en présence, soit Voldemort, Dumbledore et le ministère. Tous les trois voudront l'exploiter au maximum et la tuer à la tâche ne serait pas un problème à leurs yeux. Mais elle avait confiance en ses amis pour la protéger.
-Pourquoi Harry me cherche ? s'étonna Luna à haute voix alors qu'une vision de son ami venait de s'imposer à ses yeux
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-Ça va, vous ? écrivit Ginny
-On a vu pire, répondirent Fred et Georges.
Pour garder le contact, Fred, Georges et Ginny avaient élaboré des parchemins de communication. Les jumeaux avaient envisagé de le commercialiser mais avaient préféré attendre la fin de la guerre pour cela.
Ce jour-là, Ginny avait appris dans le journal que le Chemin de Traverse avait été de nouveau attaqué et avait tenu à prendre des nouvelles de ses frères. Bien entendu, elle avait commencé par leur écrire une lettre qu'elle avait envoyé avec Coquecigrue, son hibou reçu en cadeau pour son treizième anniversaire de la part de Sirius, puis une autre pour sa mère. Mais personne ne savait qu'elle aurait une réponse bien plus rapidement.
-Nous avions déjà augmenté les protections de la boutique. On a pu les tester en direct.
-Vous n'avez pas pris de risques ? s'inquiéta Ginny
-Tu nous connais.
-Justement, renifla Ginny.
-Cette boutique, c'est toute notre vie, Ginny. Tu sais parfaitement qu'on ne fera rien pour la perdre. Si c'est le cas, nous savons que notre seule possibilité de survivre serait de revenir à la maison.
-Aïe, grimaça Ginny.
Elle-même était dans le même cas de figure. Encore en cinquième année, elle attendait avec impatience la fin de ses études pour quitter la présence étouffante de sa mère. Elle avait déjà négocié avec son père pour passer toutes ses vacances en compagnie de ses frères et avait déjà obtenu un contrat de travail saisonnier avec les jumeaux pour l'été prochain. Mis à part pour Ron, pour toute la fratrie, retourner vivre dans la maison de leur enfance serait un échec qu'ils auraient du mal à surmonter.
-Des dégâts ? demanda Ginny
-La vitrine en a pris un coup mais rien d'insurmontable.
-Vous pouvez réparer ? s'inquiéta Ginny
Ce n'était pas pour rien qu'elle posait la question. La boutique des jumeaux n'avait ouvert que depuis cinq mois à peine et elle était encore fragile économiquement parlant.
-On n'a pas le choix. Mais on n'est pas inquiet.
-D'accord, souffla Ginny. Vous avez sorti de nouveaux produits ?
-Non. On doit se faire un nom avant de proposer des nouveautés. Harry est d'accord avec nous.
Comme le prix du Tournoi des Trois Sorciers avait servi à financer la boutique, les jumeaux avaient décidé de faire d'Harry leur associé. Ayant confiance en ses amis mais pas dans le monde sorcier, le brun leur avait conseillé de donner une existence légale et sûre de leur projet. Les gobelins avaient été fantastiques sur ce point et avaient initié les trois jeunes hommes au monde de l'entreprise sorcière, ce qui faisait que toutes les décisions concernant la boutique se prenaient à trois. Et comme le pays était en période de guerre, les jumeaux avaient fait de leur sœur leur héritière et l'initiait à leur tour aux affaires.
-Maman vous a contacté ? demanda Ginny
La question méritait d'être posée. Malheureusement.
-Non. Même si elle aurait pu et dû. Papa est passé ce matin avant de travailler.
Ginny soupira. Molly Weasley n'avait pas apprécié que Fred et Georges s'enfuient de l'école avant leurs ASPIC et le leur avait bien fait comprendre par le biais d'une série de beuglantes toutes plus bruyantes les unes que les autres. Mais ce qui avait réellement mis le feu aux poudres, c'était que à la suite de leur départ en fanfares, les jumeaux n'avaient pas réintégré le domicile familial. Pire, ils avaient ouvert leur boutique sans en référer à qui que ce soit, encore moins à elle. Pour résumer, elle avait hurlé son mécontentement sur ses deux fils et n'avait pas voulu écouter leurs explications, encore moins les considérer comme des membres de sa famille.
Pas que ça change quelque chose.
-Et toi ? Est-ce que ça va ?
-Avec maman ? précisa Ginny. Ça ne change pas. Je dois impérativement obtenir le mariage avec Harry.
-Alors qu'il est clair que vous ne serez plus jamais ensemble ?
-Vous la connaissez, rappela Ginny.
Bien qu'ils soient sortis ensemble, Ginny et Harry avaient très vite noté qu'ils étaient bien mieux en tant qu'amis qu'en tant que petits amis. Leur mise en couple leur avait apporté à l'un comme à l'autre beaucoup de problèmes et ils avaient découvert qu'il n'y avait que deux personnes qui avaient très mal pris leur séparation, Molly Weasley bien entendu, mais également Albus Dumbledore à la plus grande surprise du brun. Mais Ginny lui avait très vite expliqué que le directeur de Poudlard était un visiteur assidu du Terrier quand le patriarche partait au travail. Donc envisager qu'il y ait collusion entre eux deux n'était pas totalement délirant.
-Elle insiste encore ?
-Elle estime que nous formerions un couple formidable, railla Ginny.
-Pourtant, il n'a pas l'air branché fille.
Ginny retint un pouffement. C'était une idée fixe des jumeaux depuis environ un an. Ils pensaient dur comme fer qu'Harry n'était pas totalement hétéro, notamment parce qu'il n'avait pas paru aussi empressé auprès de la jolie rousse que n'importe quel garçon de son âge dont les hormones travaillent furieusement.
-Il refuse toujours de répondre à cette question, ricana Ginny.
-On croyait que tu saurais le convaincre de se confier.
-On parle d'Harry Potter, les gars, sourit Ginny. Le véritable Harry, pas l'idole que se sont construits les médias.
-Pas faux. Mais ce serait bien de savoir.
-Vous vous reconvertissez en entremetteurs ? leva un sourcil Ginny
-Il se peut qu'on ait des potes qui pourraient être intéressés …
-Je veux être couchée sur votre testament, prévint Ginny. Pas sûre que vous restiez en vie quand Harry l'apprendra.
Tous les trois savaient que le brun avait horreur qu'on se mêle de sa vie sans qu'il ne soit au courant. Il avait une tolérance limitée aux surprises mais si les jumeaux se mettaient à lui organiser des rendez-vous dans son dos, Harry n'allait pas du tout apprécier et il aurait des réactions … radicales.
-Ginny … Est-ce que tu vas bien ? Vraiment bien ?
La rousse détourna le regard, gênée. Ce n'était pas une question innocente. Pas quand on connaissait les secrets du Terrier.
-Ginny … On n'a pas osé te le demander avant … Mais comment s'est passé ton été ?
-Comme d'habitude, soupira Ginny.
-Ginny …
-J'ai encore trois années à tenir, déclara Ginny. Trois ans les gars.
-Cinq mois et demi à te retrouver sous sa coupe pour être exact. C'est trop.
-C'est le prix à payer pour être libre, déclara Ginny.
-Combien de fois nous t'avons retrouvée affamée dans la cave parce qu'elle te trouvait trop grosse ? Les pieds en sang parce qu'elle estimait qu'une bonne épouse ne devait pas avoir les pieds trop grands ? Attachée à la chaise toute la nuit parce que tes travaux d'écriture n'étaient pas parfaits ?
-Fred, Georges ! gronda Ginny
-Ne nous dis surtout pas que son comportement est aimant et cohérent ! Ginny, c'est de la TORTURE !
Ginny ferma les yeux. Oui, les méthodes de sa mère étaient limites mais elle était persuadée que sa fille était faite pour faire un grand mariage Sang Pur. Elle lui donnait les moyens pour atteindre ce but, tout simplement. C'est ce qu'elle pensait.
Au début.
Ginny avait bien vu que ses frères aînés, dès qu'ils entraient à Poudlard, faisaient en sorte de la soustraire de plus en plus de leur mère. Ce ne fut que quand elle fut libérée de l'influence du journal de Voldemort – et surtout, en discutant vraiment avec Neville de l'étiquette Sang Pur – qu'elle avait compris que les actes de sa mère ne pouvaient être considérés comme étant exclusivement de l'amour. Elle avait finalement ouvert les yeux sur le conditionnement de sa mère pour correspondre à ses critères et le fait de fréquenter Harry Potter avait achevé de le désacraliser pour la rousse, mettant à mal les convictions patiemment inculquées par Molly. Quand Fred et Georges avaient compris que Ginny était lucide de ce qui se passait, ils s'étaient efforcés de la garder au maximum avec eux mais ils n'y arrivaient pas tout le temps. Maintenant qu'ils avaient quitté le domicile familial, ils étaient encore plus inquiets pour leur sœur. Malheureusement, aucun membre de la fratrie Weasley ne pouvait exiger qu'elle vienne vivre chez eux sans alerter Molly et déclencher une crise de la matrone. La dernière avant la fuite des jumeaux de l'école avait vu l'exil volontaire de Charlie hors du pays.
-J'ai eu de nouvelles idées, annonça Ginny pour changer de sujet.
-Dis toujours.
-Emprisonner des sorts de défense dans des balles, annonça Ginny.
-On y a pensé. Mais il faut trouver la matière qui soit suffisamment solide pour être transformé et assez fragile pour être brisé quand on en a besoin.
-Donc, on peut oublier le verre, comprit Ginny.
-Pas forcément …
