Une souffrance nécessaire

Dobby s'occupait d'Harry Potter depuis maintenant vingt-quatre heures.

Après avoir fermé le manoir d'hiver du clan Black et plus exactement les appartements du jeune homme, sa transition avait commencé exactement au milieu de la nuit. Son corps s'était arqué de douleur et sa magie était sortie, tumultueuse et agressive.

Dobby était inquiet. Comme il était apparu qu'il serait le serviteur privilégié d'Harry, un pan de l'esprit commun des elfes de maison s'était débloqué en lui pour qu'il sache ce qu'il devait faire auprès du sorcier. Mais maintenant qu'il passait en revue ses connaissances, il se rendait compte que la transformation allait beaucoup plus vite que prévu. Harry aurait dû avoir sa transformation physique à la dernière conjecture magique, soit le solstice d'été six mois plus tard.

-C'est bien trop tôt, fit une voix inquiète.

Dobby se retourna et avisa une projection astrale.

-Monseigneur, s'inclina Dobby. Vous êtes le guide du seigneur Harry ?

-Nolan, se présenta la projection. J'imagine que vous êtes Dobby, l'ami et le serviteur d'Harry ?

-C'est exact, confirma Dobby.

L'elfe de maison savait qu'il pouvait avoir confiance. Il pouvait sentir le lien de magie et de confiance qui existait entre Harry et Nolan. Il pourrait parfaitement l'aider.

-Je ne suis donc pas le seul à trouver que la transformation du seigneur Harry est trop rapide ? demanda Dobby

-Non, confirma Nolan. Même les plus puissants des nôtres ne sont pas transformés aussi vite.

-Est-ce dangereux ? s'inquiéta Dobby

-Je ne sais pas, avoua Nolan en s'approchant du cocon de magie pure qui entourait Harry. Les seules personnes qui pourraient avoir la réponse ne doivent surtout pas être au courant de l'existence d'Harry. Du moins, pas avant que son anniversaire ne soit passé.

-N'y a-t-il pas quelqu'un qui pourrait nous venir en aide ? fit Dobby

-Malgré son état préoccupant, j'ai confiance en la Magie pour protéger son élu … fit Nolan.

La projection réfléchit quelques instants.

-Il y a peut-être quelqu'un, finalement, songea Nolan.

Il posa une main tendre sur le cocon.

-Est-ce que le seigneur Harry sait que vous êtes son oncle ? demanda doucement Dobby

-Il sait que nous sommes de la même famille, soupira Nolan. Mais pas plus. Ni que sa mère n'est pas exactement ce qu'il pense.

-Des mesures devront être prises, songea Dobby. Je vais contacter le seigneur Ragnok. Si le seigneur Harry sait que Dumbledore n'a pas ses intérêts à cœur, comme le prouve tous les événements qui se sont produits depuis qu'il est entré dans le monde sorcier, je ne suis pas sûr qu'il ne reste quoi que ce soit des Dursley et de Dumbledore quand il comprendra que toute sa vie a reposé sur un mensonge.

-Expliquez-vous, exigea Nolan.

-Le sorcier Dumbledore a argué au seigneur Harry que s'il a dû rester dans sa famille maternelle, c'est à cause d'une protection de sang issue de sa mère, révéla Dobby. Cette protection devait empêcher les mangemorts et par extension toute personne qui lui voudrait du mal de l'approcher. Pour rester active, elle devait se « recharger » auprès d'une personne de la même famille de sang que dame Lily Evans : sa sœur, Pétunia Evans épouse Dursley. N'étant pas aux faits des capacités du monde sorcier, le seigneur Harry ne sait pas qu'il est très simple d'établir l'existence d'un lien de parenté.

-Vous êtes en train de me dire que ce sorcier n'a pas fait les vérifications de base avant de certifier qu'Harry devait vivre chez cette femme ? leva un sourcil Nolan

-C'est certain, assura Dobby. Ne serait-ce que par ce qui s'est passé derrière les murs de la maison de cette famille. Les proches des Potter savaient que Pétunia Evans haïssait la magie et leurs porteurs. C'était donc un choix parfaitement assumé de le confier à une famille moldue, encore plus quand on sait qu'elle aurait refusé tout contact avec le monde sorcier. On ne voulait pas que le seigneur Harry soit élevé dans la connaissance de la Magie, encore moins en tant que sorcier.

-Donc quand il apprendra que je suis son oncle … souffla Nolan.

-Le seigneur Harry comprendra aisément que ce lien de sang n'existe pas, fit Dobby. Donc, qu'il a vécu avec eux sans aucune raison valable. Enfin, vécu, c'était très vite dit …

Nolan ne sauta pas sur l'occasion pour en savoir plus sur l'enfance d'Harry. Il savait qu'elle avait été loin d'être joyeuse mais si Dobby en faisait des sous-entendus à peine voilés, c'était que c'était encore pire que ce qu'il aurait pu imaginer.

-Pourquoi faire intervenir un gobelin ? demanda Nolan

-Pas un gobelin, un haut gobelin, corrigea Dobby. Il s'agit du directeur de Gringotts Grande Bretagne.

Nolan siffla intérieurement. Pour qu'un directeur de Gringotts, qui plus est un haut gobelin, s'intéresse personnellement à quelqu'un, Harry devait vraiment lui avoir tapé dans l'œil.

-Donc ? demanda Nolan

-Je pense que sept mois seront bien assez pour trouver un moyen de faire disparaître les Dursley définitivement du monde moldu comme sorcier, sourit machiavéliquement Dobby. Je suis certain que le manoir Potter possède des cachots pour que le seigneur Harry ait tout loisir de … « s'occuper » … d'eux sans que qui que ce soit ne cherche à les retrouver.

Nolan frissonna. Non pas de peur mais de plaisir. Les leurs étaient particulièrement férus de sang et de vengeance. Les crimes des Dursley devaient être particulièrement odieux pour que l'elfe de maison ne s'insurge même pas à l'idée que celui qu'il servait puisse les tuer dans d'atroces souffrances.

-Et Dumbledore ? demanda Nolan

-Je pense qu'il a des plans le concernant, hésita Dobby. Mais il faudrait le lui demander.

Nolan acquiesça. Beaucoup de choses dépendaient du jeune homme qui était en train de souffrir mille morts.

-Je ne pourrais contacter la personne à laquelle je pense qu'après le solstice, s'excusa Nolan. En attendant, je pense qu'il faudrait trouver un endroit sécurisé.

-Seigneur Nolan ? fit Dobby

-Habituellement, la période entre le dernier jour de conjecture magique et l'anniversaire est ponctuée d'éclats de magie, expliqua Nolan. S'il doit garder profil bas, il faudra lui faire quitter l'école très souvent.

-J'aviserai avec le seigneur Harry, déclara Dobby.

Nolan hocha la tête. Dès le début de leurs contacts, il avait compris qu'Harry avait horreur qu'on prenne des décisions le concernant sans le consulter.

-Prévenez-moi dès qu'il commencera à se réveiller, demanda Nolan.

-Oui, seigneur Nolan, s'inclina Dobby.

-Je dois y aller, déclara Nolan. Prenez soin de lui.

-Je n'en aurais pas fait autrement, assura Dobby.

La projection astrale s'en alla et l'elfe de maison reprit sa veille.

§§§§§

Harry, parfois je te hais !

La première raison pour laquelle Hermione avait accepté de se rendre au QG de l'Ordre était Harry. La seconde, Ginny, se trouvait à ses côtés et semblait également maudire intérieurement leur ami.

Cela faisait trente-six heures qu'Harry n'était plus descendu dans les parties allouées à l'Ordre. Dans leur grande arrogance, Molly, Ron puis Dumbledore avaient tenté de briser les murs de magie, en vain bien entendu. Le directeur avait songé à utiliser Kreattur pour avoir des nouvelles et ce dernier leur avait avoué avec reluctance que le jeune homme était cloué au lit. Prenant très à cœur son rôle auto attribué de mère de substitution – qu'Harry ne lui reconnaissait pourtant pas – Molly avait ordonné à l'elfe de maison de lui faire porter les potions et les plats qu'elle lui donnerait. Hermione et Ginny, qui avaient pu voir le cirque habituel de Kreattur, se retinrent de lever les yeux au ciel, certaines qu'il ne lui obéirait pas.

Devant leurs échecs successifs, les enfants restants se prenaient toute la mauvaise humeur des adultes. Les deux filles avaient pris le parti de se réfugier dans leur chambre « pour réviser » pour ne pas avoir à entendre Molly ronchonner sur l'injustice de la vie qui ne voulait pas qu'elle prenne soin d'Harry qui, se retenaient de lui rappeler les filles, n'avait jamais supporté son comportement « maternel » et qui n'en voulait pas. Malheureusement pour elles, leur présence était exigée trop souvent dans la cuisine, comme maintenant.

-Noël est pour ce soir, déclara Albus en regardant Molly. Il serait dommage qu'Harry passe cette fête familiale seul.

L'autre raison pour laquelle Hermione en voulait à Harry était qu'elle devait supporter le directeur de Poudlard à chaque repas. Avec son attitude de Miss Je Sais Tout, on aurait pu croire qu'elle avait une foi sans faille en les figures d'autorité mais quand on se faisait harceler pendant des années sous le regard aveugle des professeurs, on n'avait qu'une confiance extrêmement limitée en l'équipe enseignante. De plus, Harry n'avait jamais caché avoir des relations conflictuelles avec sa famille, sans compter son physique fin à la limite de l'anorexie, sa taille bien en-dessous de la moyenne et ses habitudes alimentaires préoccupantes, mais aucun professeur – et encore moins le professeur Dumbledore qui se proclamait son mentor – n'avait fait l'effort d'en savoir plus sur ce qui se passait au 4 Privet Drive.

-Si seulement on pouvait le rejoindre, pleurnicha Molly.

Heureusement que vous ne pouvez pas le rejoindre, oui ! cracha Hermione dans sa tête

Harry lui avait déjà avoué qu'à cause de son enfance, il détestait qu'on envahisse son espace vital sans le lui demander. Or, Molly Weasley se le permettait soi-disant parce qu'il n'avait pas de mère et qu'elle en ferait une parfaite de substitution.

-J'ai pensé à une solution, fit Albus. Puisque Kreattur peut aller jusqu'à Harry, nous pourrions lui demander de nous amener jusqu'à lui …

-C'est une excellente idée ! s'extasia Molly

Hermione se retint de froncer des sourcils. Après l'épisode de Dobby, elle s'était renseignée sur les elfes de maison, aussi bien dans la bibliothèque de Poudlard – soit en tout et pour tout trois livres qui se battaient en duel et qui étaient complètement à côté de la plaque – que dans les librairies du quartier magique de Londres – il y avait longtemps qu'elle avait compris que celle du Chemin de Traverse ne contenait que des livres « politiquement corrects » donc elle était allée faire son marché ailleurs – et parmi les sorciers qui possédaient des elfes de maison. Ses trois principales sources d'informations étaient catégoriques, un elfe de maison n'obéissait qu'à son maître. En l'occurrence, Kreattur ne devait obéir qu'à Sirius ou, à la rigueur, à un Black. Or, Dumbledore n'était ni l'un ni l'autre donc elle ne voyait pas comme l'elfe de maison allait accéder à ses désirs.

-Terminez de manger, nous allons essayer tout de suite, ordonna Albus.

Ron, pressé de voir le reste de la maison, projeta encore plus son repas autour de lui. Leur appétit définitivement coupé, Hermione et Ginny repoussèrent donc leurs assiettes.

Une dizaine de minutes plus tard, la cuisine fut débarrassée et chacun alla se préparer pour l'expédition. Sur leurs gardes depuis qu'Harry leur avait signalé qu'elles devaient être soumises à une potion de contrôle, les deux jeunes filles se préparèrent à toutes les possibilités. Tout le monde se retrouva dans le salon. Le directeur appela alors l'elfe de maison.

-Kreattur ! tonna Albus. Mène-nous à Harry Potter !

Alors que la sensation de transport magique les envahissait, Hermione jurait avoir vu le sourire de Kreattur devenir machiavélique.

Et ce fut le trou noir.

§§§§§

Tom n'en pouvait plus.

Malgré les recherches qu'il avait menées, les progrès de Sirius étaient loin d'être satisfaisants. Il lui fallait une aide spécialisée qu'il n'était pas en mesure de lui donner. Mais convaincre cette tête de mule n'allait pas être une partie de plaisir, c'était certain.

Il se dirigea vers le salon où son elfe de maison lui avait indiqué où se trouvait son invité et s'assit en face de lui.

-Je ne veux pas t'entendre, gronda Tom. Tu vas d'abord m'écouter.

Sensible à la menace non verbale, Sirius garda la bouche close.

-Tu es resté des années sous la garde des détraqueurs, récapitula Tom. Tu as réussi à t'enfuir et tu as erré pendant une année avant de retourner dans un endroit que tu détestais à tout prix où tu y as été littéralement enfermé. On a voulu te tuer. J'essaie de te soigner mais tu ne le veux pas.

-Mais si ! protesta Sirius

-Non, insista Tom. Tu veux rester en Angleterre en dépit du bon sens. Tu veux aider ton filleul mais tu ne te donnes même pas les chances d'y arriver. Tu n'arrives même plus à faire de la magie !

Sirius baissa la tête. Il pensait qu'il avait été discret mais visiblement, pas assez. Poussé par la nécessité de ne pas se faire prendre, durant l'année de sa fuite, il avait très peu utilisé sa magie et quand il avait rejoint square Grimmaurd, il n'était pas parvenu à se débarrasser de cette habitude de se passer de magie et n'avait pas spécialement essayé. Pour la bataille du ministère, seule l'idée de protéger Harry l'avait porté et il s'était dépensé sans compter. C'était cruel à dire mais sa chute dans l'arcade était tombée à point nommé puisque s'il avait combattu encore quelques minutes, il se serait totalement vidé de sa magie et qui savait combien de temps il serait resté dans le coma, s'il en était sorti un jour.

-Mais Harry … protesta Sirius.

-Harry te croit MORT ! rappela durement Tom

Sirius sursauta. Tom fronça alors les sourcils. Pour des raisons évidentes, il ne s'était pas risqué à entrer dans un esprit aussi instable que celui de Sirius. Mais si d'autres ne s'étaient pas encombré de ces précautions … cela expliquerait l'entêtement de l'ancien détenu à vouloir rester dans le pays les bras ballants pour soi-disant protéger son filleul …

-Si tu tiens vraiment à le protéger, il vaudrait mieux que tu sois autre chose qu'une loque qui attend que le temps passe, grogna Tom.

-Mais je me suis battu pour lui ! fit Sirius. Au ministère !

-Tu trouves ? ricana Tom. Quand tu étais auror, est-ce que tu aurais ignoré autant tes limites ? Est-ce que tu serais allé te battre sans même savoir sur qui tu allais devoir compter ? Sans même un entraînement adéquat ? Compare ton comportement actuel avec celui que tu avais avant que tu n'ailles en prison. Même si tu étais un peu irresponsable, tu n'aurais jamais pris autant de risques.

La compréhension envahit Sirius. Tom se leva.

-Médite dessus, fit Tom. En attendant, nous partons tous les deux pour l'Allemagne dans trois jours, que tu le veuilles ou non. Tu dois te faire soigner et j'ai des recherches à faire. Et avant que tu me sortes ton habituelle ineptie que tu dois protéger Harry, regarde objectivement ce que tu as fait et après, viens me dire qu'il ne s'en sort pas mieux quand tu n'es pas là.

Il sortit de la pièce, laissant le sorcier hébété.

§§§§§

Severus laissa un soupir de soulagement lui échapper alors qu'il venait de s'enfermer dans ses appartements.

La dernière réunion des mangemorts, juste avant la rentrée scolaire, s'était parfaitement passée. Bien sûr, il n'était pas du tout ironique.

La veille – ou plutôt cette nuit, s'il devait être précis – les enfants des mangemorts de plus de quinze ans qui n'avaient pas encore la marque devaient être présentés à Voldemort. Cette « cérémonie » était très attendue puisqu'il s'agissait essentiellement des enfants dans la tranche d'âge d'Harry Potter, l'ennemi déclaré du Maître. Mais dans les rangs des mangemorts, on voulait surtout voir comment serait Draco Malfoy, qu'on murmurait être le chef de la nouvelle génération de mangemorts.

Mais il ne s'était pas présenté.

Ni lui, ni le reste des Héritiers d'Argent.

Severus soupira. Parce que Dumbledore avait surnommé Harry Potter, Ron Weasley et Hermione Granger le Trio d'Or dès leur première année, par opposition, les élèves avaient nommé la bande de Draco Malfoy – appelé dès ses premiers pas à Poudlard le Prince de Serpentard – les Héritiers d'Argent, par rapport au fait qu'ils rassemblaient les plus importants héritiers de la maison. Avec son manque d'imagination coutumier, les mangemorts avaient repris cette appellation, même Voldemort s'y était abaissé.

Bref. Les Héritiers d'Argent n'étaient pas présents. Et Voldemort n'avait pas apprécié.

Leurs parents avaient bien été en peine de justifier leur absence. Mais Parkinson père – Merlin, heureusement que Pansy n'était pas comme lui sinon, il aurait dû la supporter en train de le harceler pour qu'il parle d'elle à Draco pour qu'elle puisse obtenir le mariage dont il rêvait – pour bien se faire voir, avait avoué avoir entendu parler d'une invitation pour les vacances.

Severus sourit. Les têtes des patriarches Malfoy, Nott et Greengrass, sans oublier Parkinson, avaient été impayables quand ils avaient compris qu'ils ne savaient pas où étaient leurs héritiers.

La fureur de Voldemort avait été pire que d'habitude. Tout le monde en avait pris pour son grade. Les enfants présents avaient même pu goûter en avant-première les punitions du Maître. Malgré son propre état lamentable, Severus avait réussi à conduire les enfants blessés vers une salle inoccupée pour les examiner et les soigner. Aux yeux du maître de potions, il était déjà aberrant de torturer ses propres suivants, mais toucher des enfants était au-delà de ses forces. Son enfance peu reluisante lui avait fait jurer de ne jamais lever la main sur eux. De là à les torturer … Parfois il avait envie de faire goûter à Voldemort sa propre médecine.

Il avait réussi à partir avant que les adultes ne geignent pour qu'il leur fournisse des potions – eux avaient accepté de servir de leur plein gré ce malade, alors qu'ils assument – et maintenant, c'était à son tour de se soigner. De nombreuses fois, il avait songé à faire comme Karkaroff, s'enfuir dans un autre pays et se planquer. Mais il avait une fierté – d'autres auraient dit de l'orgueil, pour ne citer que Lily – et après avoir pris conscience de sa monstrueuse erreur, il était prêt à tout pour mener Voldemort et son idéologie à sa fin définitive.

Une lampe s'alluma sans qu'il n'ait fait aucun geste. Severus préférait se soigner dans son laboratoire pour des raisons évidentes d'approvisionnement. Et comme tout laboratoire de potion fonctionnel, il était hermétique et personne ne pouvait y entrer sans qu'il ne l'autorise, pour des raisons de sécurité. Le laboratoire avait deux accès. Un par ses appartements privés, un autre par son bureau. L'accès par ses appartements était strictement privé et calibré sur sa signature magique. L'accès du bureau était l'entrée « publique ». Si la lampe s'allumait, c'était parce qu'on tenait absolument à lui parler, malgré le fait qu'il soit visiblement occupé. Peu de chance au beau milieu de la nuit donc pour que ce soit un élève resté pour les vacances – les consignes étaient claires pour les Serpentards, s'ils voulaient le voir, c'était à des heures décentes et pour des raisons valables, s'il vous plait – donc il s'agissait sûrement d'un adulte. Et sur toute l'équipe enseignante, un seul se fichait comme d'une guigne des états d'âme de ses employés. Pour lui, ils devaient être à sa disposition, de jour comme de nuit.

Albus Dumbledore, qui d'autre ?

Severus soupira et avala une potion d'énergie. Il lui fallait au moins cela pour supporter les élucubrations de son supérieur hiérarchique. Le maître de Potions remonta ses barrières occlumens avant de se rhabiller et de passer dans son bureau. Finalement, les dernières barrières qu'il avait posées avaient fonctionnées. Le patronus du directeur l'attendait sagement dans le bureau.

-Venez au QG de l'Ordre, maintenant ! ordonna la voix d'Albus

Severus soupira avant de prendre un lot de potions d'urgence et de s'exécuter. Avec la chance qu'il avait, il allait devoir s'y rendre pour de la bobologie. Il se couvrit chaudement – l'hiver était rude et c'était infernal de tomber malade en cette période de l'année – et quitta le château. La neige n'arrangeait pas son avancée et il bénissait la Magie de pouvoir empêcher que ses pieds ne soient congelés. Le portail passé, il transplana vers le square Grimmaurd Place et entra. Son humeur ne s'étant pas arrangée avec le temps glacial, la porte claqua et la voix mélodieuse de Walburga Black résonna fortement. N'ayant pas le temps – et surtout l'envie – de calmer le tableau, il passa directement dans le salon.

Et salua son sang-froid pour ne pas permettre à sa mâchoire de rejoindre le sol.

-Professeur, salua Severus. Que me vaut le déplaisir d'être convoqué dans ce lieu maudit au beau milieu de la nuit ?

Le maître de potions n'avait jamais mâché ses mots et ce n'était pas aujourd'hui qu'il allait commencer.

-Respectez le professeur ! rugit Molly. Aïe !

-Même si j'appartiens à cet Ordre, je vous rappelle que j'ai des besoins et des obligations extérieures aux buts poursuivis ici, susurra Severus. Donc j'ai tout droit d'exprimer mon mécontentement d'être traîné hors de mon lit à deux heures du matin !

-Nous n'avons pas le temps ! siffla Albus. Soignez-nous, Severus !

-Que s'est-il passé ? demanda Severus

-Vous n'avez pas à le savoir, cracha Molly.

-A moins que vous ne vouliez que je vous tue parce que je vous aurais administré la mauvaise potion, si, déclara sèchement Severus alors qu'il passait sa baguette au-dessus du plus jeune fils Weasley, dont certains membres avaient des angles bizarres.

Il passa à Nymphadora Tonks qui, une fois n'est pas coutume, avait les cheveux totalement blancs.

-Harry est enfermé dans sa chambre car il est malade, révéla Molly du bout des lèvres après avoir obtenu l'autorisation de la part d'Albus. Le directeur a proposé à ce que Kreattur nous emmène vers lui pour que nous passions Noël avec lui.

Severus se retint de ricaner. Bien sûr qu'il était au courant que le manoir Black avait relégué l'Ordre dans une minuscule partie de la bâtisse. Il n'était pas surpris que dans son monde utopique, Dumbledore aurait pensé qu'un elfe de maison qui ne lui était aucunement rattaché l'aurait amené dans un endroit sur lequel il n'avait aucun droit et aucune légitimité à siéger et encore moins à y mettre les pieds.

-Nous nous sommes réveillés il y a une heure et nous avons calculé que nous sommes restés inconscients à peu près sept jours, avoua rageusement Albus.

Severus ne laissa pas sa surprise s'afficher sur son visage. Autant ?! Les protections du reste du manoir Black devaient être puissantes !

Passant d'un patient à l'autre, il fronça des sourcils lorsqu'il termina.

-Où se trouvent mesdemoiselles Granger et Weasley ? demanda Severus

L'agacement fut clairement visible dans la gestuelle du directeur et de la matrone.

-Nous pensons qu'elles sont restées dans l'autre partie du manoir Black, serra les dents Albus.

Severus se retint d'hurler de rire devant la déconvenue des personnes devant lui. Ils avaient voulu s'incruster et ils avaient lamentablement échoué ! Bien fait pour eux !

-Ne pouvez-vous pas leur envoyer un message pour savoir si elles vont bien ? demanda Severus

-Coquecigrue ne se laisse pas approcher alors que c'est le hibou de Ron, ragea Molly.

Severus se garda bien d'ouvrir la bouche. Le hibou était arrivé à la fin de la troisième année d'Harry. Au début, il restait dans le giron d'Hedwige, la chouette d'Harry, et de son compagnon sorcier puis il avait de plus en plus suivi Ginny, qui lui avait finalement donné un nom. Par un procédé obscur, Ron, qui à cette époque, suivait Ginny pas à pas puisqu'elle avait réussi à attirer l'attention d'Harry et qu'il essayait de redevenir son ami, avait fait croire à sa mère que Coq était à lui et qu'il ne faisait que le prêter à Ginny. Un mensonge de plus à son actif, en somme.

-Fawkes est introuvable, ajouta Albus.

Severus avouait qu'il n'avait plus vu le phénix depuis le début de l'année scolaire.

-J'aimerai que vous examiniez les barrières, ordonna Albus. C'est sûrement de la magie noire et il y a sûrement un moyen de la défaire.

Si Severus avait pu avoir son mot à dire, alors il aurait refusé catégoriquement cette mission. S'il y avait bien une chose à laquelle il refusait de se frotter, c'était bien les protections dites de magie noire. Elles étaient particulièrement vicieuses et étaient restées inchangées depuis des siècles. Ces protections anciennes avaient eu le temps de s'adapter à la magie actuelle et les défaire seul ne serait qu'un suicide. Se sacrifier pour les vœux de domination du monde d'Albus Dumbledore ? Il passait son tour, merci.

-Je verrais ce que je peux faire, grogna Severus.

Conscient qu'il n'y avait plus rien à dire, il fit une dernière vérification avant de prendre congé et de grappiller enfin quelques heures de sommeil.