Bien trop tôt

Narcissa souffla de soulagement en se coulant dans son bain.

Lors de la dernière réunion des mangemorts, Lucius était revenu accompagné. Heureusement pour elle, il n'était pas revenu avec des adversaires sérieux mais elle avait lutté jusqu'au bout pour que les elfes puissent enfin les mettre hors d'état de nuire. Après trois heures de combat, elle pouvait enfin se reposer. Dès l'instant où les alarmes avaient retenti, Draco et ses amis avaient quitté la maison pour se mettre en sécurité.

-Maman ? fit Draco

-Par Merlin, Draco ! hurla Narcissa. Mais qu'est-ce que tu fais ici ? Ne vois-tu pas que je suis dans mon bain ?

Le blond sourit.

-Du calme, fit Draco. Reste dans ton bain. J'ai parlé aux elfes de maison et je voulais te parler en tête à tête.

-Ce n'est pas une raison pour que tu entres ici ! pesta Narcissa

-Mère ! fit fermement Draco

Narcissa comprit qu'il n'en démordrait pas.

-Tu n'as pas intérêt à te retourner, marmonna Narcissa en se renfonçant dans l'eau.

-Oui maman, assura Draco en levant les yeux au ciel.

Une fois qu'ils furent installés, Draco prit la parole.

-Je sais qu'il existe un moyen de reprendre le clan Malfoy avant la mort de père, annonça Draco. Je veux savoir comment.

Narcissa souffla. Il était bien comme son père, trop intelligent pour son propre bien.

-Explique-toi, fit Narcissa.

-Tôt ou tard, on va apporter la preuve qu'il est un mangemort, répondit Draco. Et tu connais comme moi les abrutis qui peuplent le gouvernement, ils vont vouloir se faire de l'argent sur notre dos sous le prétexte qu'il devra payer une dette à la société sorcière. En devenant lord Malfoy, je leur retirerai la possibilité de réclamer quoi que ce soit.

-Cette idée ne manque pas de mérite, concéda Narcissa. Mais si tu fais ça, tu te dessineras une cible pour Voldemort et Dumbledore. Paradoxalement, je te l'accorde, ils prendront plus de précautions jusqu'à ce que tu aies un héritier, ce qui te laisserai trois ans au minimum.

-Ça ne répond pas à ma question, fit Draco.

-Ni à la mienne qui est : est-ce que tu as vraiment mesuré toutes les conséquences d'une telle mesure ? contra Narcissa. Je ne nie pas que c'est possible mais il faut que tu comprennes que c'est une décision définitive que tu vas prendre. Ça aura un impact conséquent sur le clan Malfoy, pas autant que si ton père est reconnu mangemort mais pas loin.

-Tu crois que je suis trop jeune, grogna Draco. Mais cette guerre ne nous permet pas de rester des enfants et des adolescents sans cervelle plus longtemps.

-Comme si on te l'aurait permis, sourit Narcissa. Non, je m'inquiète parce que tu devras te battre sur plusieurs fronts à la fois : Voldemort, puisque tu ne comptes pas rejoindre ses rangs, Dumbledore, parce qu'il va se rendre compte que tu ne vas pas pour autant chercher sa protection, le ministère, car tu ne vas pas courber l'échine devant eux, et surtout ton père.

-Pourquoi ? s'étonna Draco

-Parce que tu lui voleras tout son pouvoir, rappela Narcissa. Tu le connais, il peut être très, mais alors très rancunier.

Draco grimaça. Lucius Malfoy n'aimait pas que quelque chose qui lui tenait vraiment à cœur lui passer sous le nez.

-Mais il n'est plus lui-même, fit Draco.

-Ce n'est pas une raison, persista Narcissa. Quand il reprendra ses esprits, il t'en voudra quand même, même s'il s'avouera que c'était la meilleure solution.

-La seule, corrigea Draco.

Narcissa mit quelques instants avant de répondre.

-La seule viable actuellement, confirma lourdement Narcissa.

La blonde soupira. Leur famille était effectivement au pied du mur. Depuis que Voldemort était de retour, la réputation et le patrimoine des Malfoy étaient en régression. Faible, puisqu'elle avait repris la main très vite, mais constante. Draco approchait de son dix-septième anniversaire et dès qu'il sera majeur, on lui demandera de se positionner dans cette guerre insensée, de force s'il le fallait. Le titre de lord Malfoy lui donnerait plus de poids pour repousser les sollicitations malvenues.

Mais pour cela, il lui faudrait mettre sur la touche Lucius. Elle entendait déjà les hurlements qu'il allait pousser, enfin, quand il aurait repris ses esprits.

-Je vais faire des vérifications, décida Narcissa. Je ne te promets pas que tu puisses devenir lord Malfoy du vivant de ton père sans son accord mais je ne tiens pas à te voir mourir. Est-ce que tu comprends ?

Draco fut ébranlé. L'inquiétude de sa mère le touchait au-delà de tout mot. Dans une famille où les sentiments ne s'exprimaient que très peu, sinon de manière détournée, il était rare qu'on exprime aussi ouvertement la peur de l'avenir.

-Oui, maman, répondit solennellement Draco.

Le blond se retourna et embrassa tendrement sa mère sur le front.

-Je ferais tout pour que tu sois fier de moi et pour que nous vivions le plus longtemps possible côte à côte, déclara Draco.

-Visiblement, tu as hérité du charme des Black, rit Narcissa. Allez, file d'ici, sale gosse.

Draco détala.

§§§§§

Harry s'était réfugié dans un compartiment du Poudlard Express. Hermione, Ginny et Neville l'avaient laissé seul avec Luna.

-Tu es transformé, déclara Luna.

-Beaucoup trop tôt, d'après ce que j'ai compris, grogna Harry. Je dois porter des glamours pour le reste de l'année scolaire.

La blonde tendit la main et remit en place une mèche de cheveux.

-La forme de tes oreilles est … originale, lâcha Luna.

-J'aurais dû me douter que tu verrais à travers, souffla Harry.

-Qu'attends-tu de moi ? demanda Luna

-Justement, que tu me dises quels glamours doivent être retravaillés, avoua Harry. Dumbledore ne doit surtout rien savoir.

-Pour cela, il faudra que tu évites l'infirmerie, sourit Luna.

-Comme si je le faisais exprès, Petite Fée, pesta faussement Harry. Quoi d'autre ?

-Il faudrait que je regarde quand tu as le moins de vêtements possibles … avoua Luna.

-Tu tiens vraiment à ce que j'aie des problèmes avec Neville ? s'offusqua Harry

Ils éclatèrent tous les deux de rire.

-Une soirée dans une piscine pourrait parfaitement convenir, sourit Luna. Ce sont les tatouages qui t'inquiètent ?

Le brun hocha simplement la tête. La plupart des changements physiques pouvaient être cachés mais les tatouages magiques pouvaient n'en faire qu'à leur tête. Il avait supposé que Luna pouvait faire la différence et c'était le cas. Il devait tenir encore six mois avant que sa nature ne s'exprime pleinement. En attendant, il devait continuer à faire semblant d'être un sorcier heureux de se faire mener en bateau, un rôle qu'il tenait depuis plus de cinq ans.

-Petite Fée, fit Harry. Mis à part Neville, est-ce que quelqu'un se doute de qui tu es vraiment ?

La question n'était pas anodine. Le génie des Lovegood était connu dans toute l'Angleterre mais pour autant, Luna avait été ostracisée dès qu'elle avait mis les pieds à l'école. Pire, tout en étant sous la protection des Longbottom – d'abord en tant qu'amie puis de petite-amie de Neville – elle était encore plus harcelée, alors que quand ses ancêtres étaient à l'école, personne ne les embêtait. Alors, qu'est-ce qui avait changé d'une génération à l'autre ?

Un seul nom, Albus Dumbledore.

-Nous faisons en sorte que notre don ne soit pas connu, révéla Luna. Pour le directeur, je ne suis pas « utilisable » puisque mes visions sont incompréhensibles pour le reste du monde.

-Il t'a déjà approché ? demanda Harry, la fureur grondant déjà sous sa peau

-Quand il s'est aperçu que je ne prenais pas divination, sourit Luna. Il en a profité pour me demander si ça ne me gênait pas d'avoir la majorité de mes amis dans l'année supérieure. Je me suis juste retenue de lui dire qu'aux dernières nouvelles, Ginny était dans la même année que moi.

Harry sourit et l'enlaça tendrement.

-Fais attention, souffla Harry. Je ne sens pas du tout cette année. Ma transformation n'arrive pas au bon moment et je ne veux pas que tu souffres.

-Pour une fois, arrête de penser aux autres, gronda Luna. Cette année est extrêmement importante et sans jeu de mot, elle va te permettre d'en apprendre plus sur toi. Concentre-toi là-dessus. Nous resterons tous à tes côtés quoi qu'il arrive.

-Tu l'as vu ? taquina Harry

-Tu voudrais bien le savoir, ricana Luna.

Leurs amis revinrent à ce moment-là.

-Ron est dans le train, annonça Hermione. Il ne nous a pas vus.

-Et même si c'était le cas, il ne serait pas venu réclamer des explications, renifla Ginny.

-Que s'est-il passé ? demanda Neville, intrigué

-Il s'avère que nous étions au QG de l'Ordre du Phénix pour les vacances, raconta Ginny. Mais le lendemain de notre arrivée, nous avons été relégués dans une cuisine, une salle de bal, cinq chambres et une salle de bain au lieu d'un immense manoir. Sans qu'on ne sache pourquoi.

-Comment ça se fait ? écarquilla des yeux Neville

-On ne sait pas, haussa des épaules Hermione. Le point le plus étrange, c'était que seul Harry pouvait aller dans la partie désormais interdite à l'Ordre.

-J'en ai profité pour avoir ma propre chambre sans Ron dans les pattes, grommela Harry. Seulement, depuis la descente du train, je couvais quelque chose qui s'est avéré être une grippe moldue. Trois jours après mon arrivée, j'étais cloué au lit. Ma magie me soignait mais je suis passé par des périodes difficiles.

-Maman tenait absolument à veiller sur lui, leva les yeux au ciel Ginny. Et Dumbledore était inquiet qu'il reste tout seul. Alors ils ont eu une idée.

-Ils avaient réussi à établir un « contact » par le biais de Kreattur, l'elfe de maison de la maison, renifla Hermione. En fait, je devrais dire qu'ils avaient des informations à peu près fiables de la part d'un être qui n'avait pas hésité à trahir son ancien maître. Enfin bref. Ils ont décidé d'utiliser cet elfe de maison pour tous nous emmener auprès d'Harry.

-Et l'elfe a obéi ? s'étonna Neville

-On ne sait pas trop, avoua Ginny. Quand Hermione et moi nous nous sommes réveillées, nous n'étions pas dans la partie du manoir accessible à l'Ordre. On a voulu sortir mais on était enfermées. On a fouillé un peu partout et on a trouvé Harry assez mal en point.

-Que vous deux ? demanda Luna

-Oui, confirma Hermione. On a réussi à trouver Hedwige pour dire aux autres que nous allions bien mais qu'on n'arrivait pas à sortir. Après la deuxième Beuglante une semaine plus tard, on n'a plus rien reçu.

-On dirait que la maison a pris les commandes, sourit Luna.

-Peu importe, je ne la remercierai jamais assez ! souffla Hermione. Elle nous a épargné une dizaine de jours avec Molly qui se plaignait qu'Harry ne voulait pas qu'elle le chouchoute, Ron qui ne fait que se goinfrer toute la journée et Dumbledore qui nous questionnait à tout bout de champ.

-Le meilleur était que ce matin, nos affaires étaient toutes rangées dans nos malles et prêtes à partir, sourit Ginny.

Harry cacha son sourire. Il se promit d'offrir ce qu'il voulait à Dobby pour avoir pris soin de ses amies. Quand il s'était réveillé de sa transformation, il avait été surpris d'y découvrir les deux jeunes filles qui prenaient tranquillement leur repas. Il ne leur avait rien dit à propos du nouveau fidelitas en place – puisque ce qu'elles ne savaient pas ne pouvait pas leur faire du tort – et ils avaient passé des vacances agréables. De même, elles ne savaient pas qu'il avait également eu la visite de Fawkes, le phénix de l'école, qui lui avait raconté l'état de fureur du directeur.

Oui, visiblement, désormais il pouvait communiquer avec les phénix. Il en apprenait tous les jours.

Laissant ses amis discuter, le brun s'adossa contre la fenêtre et somnola.

§§§§§

Ragnok travaillait dans son bureau lorsque des coups nerveux furent frappés à la porte.

-Seigneur Ragnok, fit Gripsec en entrant dans le bureau. Albus Dumbledore demande à vous voir.

Un rictus malfaisant orna les lèvres du gobelin. Il attendait cette confrontation depuis qu'il avait verrouillé le patrimoine d'Harry Potter et il se doutait que le sorcier avait avancé ce rendez-vous depuis que le manoir Black n'était plus à portée de main.

Oh, qu'est-ce qu'il allait s'amuser !

-Faites-le entrer, ordonna Ragnok.

La porte refermée, il dissimula tous les objets qui ne devaient pas être sous les yeux du manipulateur puis enclencha quelques protections magiques. La croyance populaire sorcière voulait que les gobelins ne pouvaient pas utiliser la magie et étaient naturellement résistants à la magie sorcière. La vérité était que les gobelins qui pouvaient le faire étaient éloignés de tout contact avec les sorciers et leur existence protégée par serment magique. Pour leur résistance … Disons que gobelins et sorciers étaient ennemis depuis des siècles et qu'ils avaient pris les mesures nécessaires pour se protéger … ou les attaquer au cas où.

La porte s'ouvrit à nouveau et Ragnok ne prit même pas la peine de se lever.

-Dumbledore, salua Ragnok.

-Ragnok, répondit Albus.

Le sorcier prit place sans y avoir été invité.

-Que puis-je pour vous ? attaqua Ragnok

-Je suis un ami de la famille Potter et ils m'ont donné la tâche de veiller sur leur fils, Harry, mentit honteusement Albus.

Ragnok ne montra pas qu'il l'avait percé à jour. James Potter n'avait jamais eu totalement confiance en Albus Dumbledore. De plus, les règles du clan Potter refusaient que les héritiers de la famille soient confiés à des personnes qui n'avaient pas des liens magiques avec eux. Donc autoriser Albus Dumbledore de veiller sur Harry Potter ? Aucune chance.

-Et donc ? fit Ragnok

-Depuis quelques temps, je ne peux plus avoir accès aux coffres des Potter, annonça Albus.

-L'Héritier Potter va atteindre ses dix-sept ans, rappela Ragnok. Selon la loi, n'ayant plus de parents, il va hériter de tous ses titres à sa majorité. Pour cela, nous nous sommes permis de faire un audit de tous les coffres et de toutes les possessions des Potter pour pouvoir présenter après son anniversaire au nouveau lord Potter des propositions d'investissement voire de partenariat avec nous.

-Pourquoi ne pas m'en avoir avisé ? s'étonna faussement Albus

-Vous ne nous avez pas fait part de votre intention de vous associer au clan Potter, pointa Ragnok.

Délicate manière de lui dire qu'il n'avait jamais eu aucun droit sur le patrimoine Potter.

Les traits de Dumbledore tressaillirent un bref instant avant de redevenir le vieux sorcier tout gentil qu'il vomissait au monde sorcier.

-Je vous le dis, sourit Albus.

-Malheureusement, à moins de neuf mois de la majorité du sorcier Harry Potter, nous ne pouvons plus rien faire, annonça Ragnok.

Le sorcier ne put masquer sa fureur. Le délai des neuf mois – qui correspondait à une grossesse humaine – était présent dans beaucoup de lois présentées par des Sang Pur. Le peu de fois où il s'y était heurté, il n'avait jamais pu faire déroger sur ce délai.

Et malheureusement, les gobelins ne le feraient pas.

-Ne pouvez-vous pas faire une entorse ? proposa Albus

-A moins de vouloir absolument que le futur lord Potter nous attaque en justice pour ne pas avoir respecté la loi, non, asséna Ragnok.

-J'ai toujours veillé aux intérêts d'Harry … se désola Albus.

Ragnok se retint de montrer les dents. Vraiment ? Alors qu'il venait de découvrir qu'il avait fait en sorte d'être le garant sorcier d'Harry Potter et avait littéralement pillé le coffre personnel du jeune homme tout en mettant en place différents virements astronomiques totalement irréguliers depuis les coffres ancestraux de la famille vers les siens propres ? D'après les premiers chiffres, le grand manitou de Grande Bretagne avait ponctionné presque quinze pour cent des coffres des Potter – et on ne parlait que des liquidités, pas des biens immobiliers ni des objets de valeur – en à peine quinze ans.

-De plus, ajouta Ragnok, le dernier lord Potter a activé une protection qui veut que nous prenions contact avec son héritier au plus tard six mois avant son anniversaire pour qu'il puisse reprendre sereinement son héritage.

-Je peux m'en charger, se précipita Albus.

Ragnok fit mine d'y réfléchir.

-L'idée est vraiment tentante, avoua Ragnok. Mais il est vrai qu'il ne pourra pas venir demander des précisions à la banque puisqu'il est toujours scolarisé. Je vais y réfléchir. Autre chose ?

-Je ne pense pas, fit Albus en se levant. Je dois y aller. A bientôt.

Et il quitta le bureau. L'instant suivant, Gripsec entra dans le bureau.

-Les manières d'Albus Dumbledore sont toujours aussi déplorables, critiqua Ragnok.

-Il a salué l'un de nos employés sorciers, indiqua Gripsec.

-Lequel ? demanda Ragnok, intrigué

-William Weasley, répondit Gripsec.

-L'aîné de l'héritier Weasley, songea Ragnok. Une famille assez proche de Dumbledore. Je veux son dossier complet tout de suite. Je veux savoir s'il serait capable de trahir son serment à la banque pour satisfaire les envies de grandeur de ce vieux fou.

-Bien, directeur, fit Gripsec en partant à son tour.

Quand il fut enfin seul dans son bureau, il prit du papier et un stylo et entreprit d'écrire une lettre au jeune Potter afin qu'il ne se trahisse pas sans le savoir.

§§§§§

Harry fut surpris de voir un hibou inconnu lui apporter du courrier. Il savait qu'il ne s'agissait pas d'une convocation de Dumbledore – ce dernier l'avait appelé dans son bureau le lendemain de la rentrée scolaire et il n'avait pas réussi à avoir le fin mot de l'histoire qui s'était déroulée au QG de l'Ordre du Phénix – donc il restait assez méfiant.

-Ça vient du ministère, annonça Neville à voix basse.

-Comment tu le sais ? s'étonna Harry sur le même ton

-La bague à sa patte, indiqua Neville. Ce sont leurs couleurs.

Harry hocha la tête. Discrètement, il vérifia que la lettre n'était pas ensorcelée avant de la prendre et de l'ouvrir.

Monsieur Potter,
Depuis la bataille qui a eu lieu en juin dernier au Ministère qui a officiellement révélé le retour de Vous Savez Qui, mon administration et moi-même essayons de vous contacter pour obtenir votre version des faits sur ces événements. Le directeur de Poudlard, Albus Dumbledore, nous a transmis votre récit mais je vous avoue que j'aurais préféré vous parler de vive voix en privé. J'ai essayé de vous rencontrer à votre domicile mais votre tante nous a signalé que vous étiez absent.

Harry se souvenait. Alors qu'il rentrait pour faire acte de présence pour la visite de Dumbledore pour son anniversaire – bien entendu, il se passerait bien de ce cadeau empoisonné chaque année – Pétunia l'avait intercepté et lui avait raconté à mi-voix la visite de cet homme habillé correctement qui prétendait être le ministre de la Magie. Le brun avait simplement haussé les épaules et s'était préparé à subir la présence du directeur. Mais après la visite, il y avait réfléchi et avait compris que le ministère ne tenait pas à passer à côté du pouvoir que possédait le Survivant.

Depuis notre rendez-vous, mes services et moi-même tentons de prendre contact avec vous, notamment par courrier, mais à chaque fois, Albus Dumbledore nous déclare que vous ne souhaitez pas nous parler de nouveau.
Si vous avez cette lettre entre vos mains, c'est parce que je l'ai envoyée depuis mon domicile et j'ai demandé aux Langues de Plomb de faire en sorte qu'elle vous parvienne directement.
Si c'est le cas, j'aimerai entamer une correspondance avec vous. Nous sommes deux personnalités sur lesquelles le peuple sorcier va compter ces prochaines années.
En espérant que ce courrier vous parviendra,
Cordialement,
Rufus Scrimgeour
Ministre de la Magie d'Angleterre

Sentant le regard insistant du directeur sur lui, Harry rangea la lettre dans sa poche et se tourna vers Neville à ses côtés.

-Merci de m'avoir mis en contact avec ta grand-mère, Neville, sourit Harry. Elle vient de me répondre. Elle accepte de me donner des graines non magiques pour que j'aie des fleurs d'intérieur !

Neville embraya rapidement.

-J'avais un doute qu'on en ait encore dans nos jardins, répondit Neville. Grand-mère était la seule qui pouvait te répondre.

-Encore merci, fit chaleureusement Harry.

-De rien, répondit Neville.

Les deux amis avaient bien noté avoir retenu l'attention de Ronald Weasley, qui persistait à les suivre, mais le jardinage n'était pas un sujet qui le passionnait, loin de là.

Hermione et Ginny, qui avaient suivi la conversation, ne montrèrent pas qu'elle les avait interpellées. Elles comprenaient parfaitement que certaines choses ne pouvaient pas être discutées dans la Grande Salle.

La bande termina son repas et se rendirent dans leur salle commune, talonnés de près par Ron. Ils se penchèrent sur leurs devoirs et vaquèrent à leurs occupations.

Comme si la lettre n'avait jamais existé.

§§§§§

Harry ouvrit brusquement les yeux. Sans même regarder son horloge, il sut qu'il était aux alentours de quatre heures du matin. Sans un bruit, il se redressa et ouvrit délicatement les rideaux. Quand la scène se dévoila à lui, il sentit immédiatement ses canines égratigner ses lèvres. Respirant profondément, il lança une petite vague de magie pour réveiller Neville. Ce dernier, un peu surpris, s'assit sur son lit et vit la même chose qu'Harry.

-Qu'est-ce que tu fais, Ron ? demanda Neville en sortant de son lit

-Ce ne sont pas tes affaires, cracha Ron en se retournant violemment.

-En fait, j'allais lui poser exactement la même chose, intervint Harry en sortant à son tour de son lit.

Le roux pâlit drastiquement. Il pensait toujours qu'il avait une chance contre Neville – ce dont ce dernier se chargeait toujours de le détromper – mais il savait qu'il n'avait aucune chance contre Harry. Et autant il aurait gain de cause si seul Harry était réveillé – enfin, plus ou moins – autant, avec Neville debout, ce serait plus difficile.

-Les gars ? bailla Dean. Qu'est-ce qui se passe ?

Seamus sortit également de son lit, réveillé en sursaut par les éclats de voix.

-Il se passe que je viens de surprendre Ron en train de fouiller mes affaires, siffla Harry.

Cela acheva de réveiller les deux autres.

-Ron ! pesta Seamus. Tu avais dit que tu ne recommencerais pas !

-Putain, Ron ! cracha Dean en sautant hors de son lit

Rapidement, le jeune homme vérifia ses affaires. Quand le roux s'était amusé à piller les affaires de ses camarades, tout le monde avait perdu des objets chargés émotionnellement mais surtout très chers. Bien que les quatre garçons aient rapporté ce comportement intolérable à leur directrice de maison et qu'Augusta Longbottom ait déposé plainte, l'essentiel des objets disparus ne leur était jamais revenu. Cela s'était arrêté après le Tournoi des Trois Sorciers mais si ça reprenait, ils s'étaient promis de ne pas être aussi tolérants.

-Alors ? demanda Harry. Qu'est-ce qui t'intéressait cette fois dans mes affaires ? Mes tenues en soie d'Acromantula ? C'est vrai que tu as bavé dessus la seule fois que j'ai dû te supporter pendant les vacances.

-Quoi, ce n'est que maintenant qu'il s'en est aperçu ? ricana Seamus. Il s'est sûrement dit qu'il pourrait les revendre au moins vingt galions pièce. Et s'il ajoute qu'ils appartenaient au Survivant …

Généralement, ils ne faisaient pas d'allusion sur la pauvreté des Weasley. Mais plus les années passaient, moins ils étaient conciliants, surtout quand Ron se permettait de les attaquer verbalement.

-Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! grinça Ron

-C'est pour ça qu'on veut savoir pourquoi tu fouilles encore les affaires des autres, rappela Neville.

Le roux grimaça. Visiblement, il pensait ne pas se faire prendre.

-Depuis le temps, tu devrais savoir que nous avons pris nos précautions pour que tu ne puisses plus faire ton marché sur notre dos, décréta Harry. Soit tu nous réponds et tu nous dis la vérité, soit on vient chercher les réponses.

La chambrée sourit machiavéliquement. En cinquième année, Ron avait été pris la main dans le sac et Dean et Seamus lui avaient extorqué ses aveux à la force de leurs poings. Harry et Neville avaient soigné ses blessures les plus impressionnantes avant de le déposer anonymement devant l'infirmerie, sérieusement blessé. Depuis, le roux se tenait sur ses gardes. Enfin, jusque-là.

-C'est ça, provoqua Ron.

Harry ne chercha pas midi à quatorze heures. Il figea son « camarade » avant même que les autres ne songent à lui sauter dessus.

-Tu comptes faire quoi, Harry ? demanda Dean, inquiet

Tout comme les autres, il était sensible à l'aura de magie qui venait d'émaner du brun. Pour une raison obscure, il craignait son ami, même s'il savait qu'il ne lui ferait aucun mal.

Enfin, il pensait.

-Oh, Ron va simplement apprendre à se mêler de ses affaires, gronda Harry.