Sang Pur, en force

Draco s'était réfugié sur les bords de la tour d'astronomie. Comme son secteur de patrouille l'englobait, après avoir chassé le couple qui s'y trouvait – depuis le temps, pourquoi les élèves ne comprenaient pas qu'il s'agissait du premier endroit où on les trouverait ? – il avait décidé de faire une pause.

Daphnée, Astoria, Pansy, Théo, Blaise et lui avaient fait part de leur décision de s'éloigner des actes de Voldemort à Hermione, Ginny, Luna, Harry et Neville. Tous les cinq avaient été d'accord sur le principe mais Neville, le seul à voir l'ensemble des tenants et aboutissants, avait relevé les difficultés qui allaient s'amonceler sur leur chemin. Se mettre à l'abri pour échapper aux mangemorts, soit, mais sans que la magie familiale ne prenne cela pour une trahison ? Beaucoup plus difficile.

Il ne s'inquiétait pas vraiment pour Blaise puisque son père était déjà mort depuis de très nombreuses années et que les différents époux de sa mère ne pouvaient approcher de près ou de loin la fortune propre de Moïra comme l'héritage de Blaise. Ni pour Théo car il semblait bien qu'il avait son propre plan pour mettre sur la touche son mangemort de père. Beaucoup le prenait pour un petit garçon faible qui n'aurait dû être placé à Serpentard mais personne, même lui, ne se doutait de ses réelles capacités. Et le blond ne tenait pas spécialement à en savoir plus.

Non, les personnes pour lesquelles il était inquiet étaient Pansy, Daphnée et Astoria.

Il n'allait pas se mentir, la société Sang Pur était essentiellement patriarcale mais la Guerre Noire, entre 1853 et 1856, qui coïncidait avec la guerre moldue de Crimée et qui avait été une tentative complètement foirée des sorciers britanniques d'essayer de faire tomber la mainmise des vampires sur le monde, dont plusieurs principaux clans se trouvaient en Europe de l'Est et en Russie, avait changé la donne. En effet, comme vengeance, les vampires avaient décidé de punir les britanniques en massacrant les principaux responsables de cette guerre et leurs héritiers mâles. Cela avait eu pour conséquence que pour certaines familles, les filles étaient les seules à pouvoir continuer la lignée et les mères à assumer la régence et à prendre les décisions. Après des jours et des jours de débats, les lois Sang Pur avaient été modifiées pour que les femmes puissent reprendre officiellement le rôle de chef de famille sans être sous la dépendance de leur père ou de leur mari et surtout, sans qu'elles soient obligées de rendre leur tablier quand leur fils aîné devenait majeur. Dans les faits, ça leur avait toujours été possible mais comme les sociétés européennes avaient toujours été misogynes … La primogéniture masculine avait été également officiellement retirée des lois Sang Pur mais les habitudes avaient la vie dure. Beaucoup de familles n'acceptaient pas qu'une femme soit à la tête de la famille et pour passer outre, forçaient l'héritière à se marier et son époux à prendre leur nom pour que ce dernier reprenne la tête de la famille.

C'était ce qui attendait Pansy, malheureusement.

A la base, elle n'était que leur deuxième enfant de la fratrie. Elle avait un frère, Patrick, de huit ans son aîné et un autre frère, Paul, de sept ans son cadet. Patrick devait reprendre la tête de leur famille quand son père serait trop vieux et avait suivi ce dernier – mais il ne se leurrait pas, on l'avait « convaincu » à coups de doloris – aux pieds de Voldemort. Mais quand celui-ci avait fait connaître sa présence au ministère, les attaques des mangemorts s'étaient multipliées et l'aîné des Parkinson avait été tué. Pansy adorait son grand frère qui avait été le parent aimant en lieu et place de leurs propres parents et elle leur en voulait de l'avoir forcé à prendre la marque. Elle avait été dévastée par sa mort durant l'été et elle était certaine que ce n'était pas les aurors qui l'avaient fait passer de vie à trépas mais Voldemort pendant l'une de ses crises de mégalomanie. Et Draco n'était pas loin de penser de même.

Tout cela pour dire que Pansy avait été propulsée héritière sans l'avoir demandé. Mais pour ses parents, elle n'avait pas et n'aurait jamais la carrure pour reprendre la tête de la famille Parkinson. Oh, ils n'étaient pas Sang Pur mais ses parents tenaient à ce qu'ils en fassent partie par tous les moyens et s'efforçaient d'en copier maladroitement les codes. D'où l'ineptie de la forcer à tout faire pour qu'elle épouse Draco. Le blond ne se leurrait pas, elle l'aimait vraiment mais ses sentiments naviguaient entre une très forte amitié et un véritable amour. Mais bref, deux « choix » s'offraient à Pansy. Soit elle épousait un sorcier, de préférence Sang Pur, qui reprendrait la tête de la famille et elle deviendrait une potiche – sa hantise – ou bien elle prenait la régence pour que Paul reprenne la tête de la famille. Aucune de ces solutions n'attirait Pansy parce que dans tous les cas, elle devrait laisser Paul à la merci de leurs parents. Or, atteint par une grippe sorcière dans son enfance, l'enfant de désormais neuf ans était un peu faible physiquement et selon les critères étriqués et obtus de Voldemort, il devrait être tué « par compassion ».

Draco serra les dents. Il avait déjà rencontré plusieurs fois le petit Paul et c'était un enfant adorable. Son seul défaut était son souffle plus court que celui des autres. Et pour Voldemort, il serait un handicapé à abattre ? Foutaises !

Le cas d'Astoria était le même que celui de Pansy, mais le pire était que Liam Greengrass, qui avait pris le nom de sa femme Rosalinda car plus puissant que le sien, n'accepterait jamais que le nom des Donovan doive renaître en passant par celui des Zabini. L'homme, en plus d'être un mangemort convaincu, était un raciste pur et dur et refuserait catégoriquement que son petit-fils soit métisse, si d'aventure l'histoire entre Blaise et Astoria allait plus loin et que le mariage soit prononcé, d'où le fait qu'il l'ait déjà fiancé avec un sorcier « convenable ». Il ne pouvait même pas se rabattre sur un éventuel troisième enfant puisque le lit conjugal lui était refusé depuis qu'il avait adhéré à l'idéologie des mangemorts. Quant à Daphnée, elle échappait à ce cas de figure mais son père y mettrait sûrement son nez comme dans la succession Donovan qu'il avait sûrement promis à son maître en fiançant Astoria à un sorcier tout aussi pitoyable que Jonathan Dawlish.

Eh oui, tout se savait parmi les Sang Pur …

Sa situation était aussi enviable que celles des filles. Sa mère avait finalement décidé de lui révéler l'une des manières possibles de reprendre le clan Malfoy sans tuer Lucius. Narcissa l'avait prévenu qu'il devait se décider rapidement car tout devait être prêt pour son anniversaire, le 05 juin prochain. Draco savait que sa mère était inquiète qu'il prenne cette importante décision mais il n'avait pas le choix s'il voulait que le nom des Malfoy prospère après Voldemort.

-Je me disais bien que je te trouverai ici, fit brusquement une voix.

Draco sauta sur ses pieds et brandit sa baguette vers la silhouette qui venait d'apparaître dans les airs.

-Harry ?! s'étouffa Draco

-Pousse-toi, que je puisse atterrir, fit Harry.

Le brun se laissa gracieusement tomber sur la plateforme et épousseta distraitement son pantalon.

-Qu'est-ce que tu fiches ici ? piailla Draco. Et pourquoi tu es venu en balai ? Tu sais qu'il y a des escaliers ?

-Du calme, sourit Harry. J'avais besoin de me détendre.

-En pleine nuit, vraiment ? railla Draco

Harry haussa des épaules. Il ne pouvait pas lui expliquer qu'outre le fait qu'il préférait de plus en plus se déplacer une fois l'obscurité tombée, la pleine lune l'avait rapidement appelé hors de son lit.

-Personne ne t'a vu ? s'inquiéta Draco en s'asseyant avec Harry sur le rebord de la tour

-Non, assura Harry.

En même temps, depuis qu'il détruisait systématiquement les sorts de traçage qu'il trouvait sur lui et que Nolan lui avait enseigné comment agir sur sa magie pour que personne ne puisse le retrouver, il n'y avait aucune chance.

-Qu'est-ce que tu faisais ? demanda Harry

-Je réfléchissais, soupira Draco. Ce connard nous pourrit vraiment la vie !

Harry sourit. Pas la peine de demander de qui il parlait …

-Tu as de la chance, il ne veut pas te tuer à vue, toi, railla Harry.

-Je ne sais pas qui est vraiment chanceux entre nous, bougonna Draco. Enfin bref …

-Qu'est-ce qui te tracasse ? poussa doucement Harry

-J'ai peur … souffla Draco.

-De quoi ? s'étonna Harry

-A cause d'une seule personne, tout ce qui fait les Sang Pur est en péril, soupira Draco. Et bizarrement, ça n'inquiète personne ! Nous sommes obligés de choisir entre notre vie et notre héritage. Pour éviter ça, je dois sacrifier mon père !

-Tu vas le tuer ? sursauta Harry

-Heureusement, non ! gronda Draco. Mais je ne devrais pas avoir à le mettre sur la touche, je n'ai pas le choix !

Prudemment, Harry posa sa main sur l'épaule de Draco.

-On a toujours le choix, rappela Harry. Seulement, il y en a qui sont plus difficiles que les autres.

-Je sais, souffla Draco.

Le blond lui lança un regard soupçonneux.

-Depuis quand tu es si sage ? fronça des sourcils Draco

-Il s'avère que cette année m'a réservé beaucoup de surprises, sourit Harry. Tu as d'ailleurs été aux premières loges …

Draco frissonna. Il se souvenait encore de la manière dont la magie d'Harry leur avait imposé le silence à Severus et lui. Il s'était depuis promis de ne plus jamais énerver le brun.

-Ça ne s'est toujours pas arrêté ? demanda Draco

-Ce ne serait pas drôle sinon, ricana Harry. Et puis, tu me connais. Pourquoi ça devrait s'arrêter en si bon chemin ?

-Tu le prends bien, constata Draco. Si ça m'était arrivé, je pense qu'on m'aurait entendu hurler depuis longtemps.

-Mais tu connais tous tes ennemis, rappela Harry.

Draco se renfrogna. Le brun n'avait pas tort. S'il n'avait pas été soupçonneux, jamais il n'aurait compris qu'il ne savait pas tout ce qu'il aurait dû savoir. Harry connaissait la plupart de ses alliés mais il se méfiait particulièrement de ses ennemis dans l'ombre.

Draco décida qu'on avait assez parlé de lui.

-Pourquoi es-tu debout à cette heure de la nuit ? demanda Draco

Harry laissa son regard courir vers le ciel.

-J'ai de moins en moins besoin de sommeil, avoua Harry. Je me sens plus à l'aise la nuit et j'avais envie de laisser mes pensées vagabonder …

Ce n'était pas l'exacte vérité mais c'était tout ce qu'il pouvait dire à son ami.

-Ça t'arrive souvent ? demanda doucement Draco

-De temps à autre … éluda Harry.

Il n'était pas sûr qu'il prenne bien qu'il déserte son lit dès que les membres de son dortoir posaient leurs têtes sur leurs oreillers – bien entendu, il les y aidait – pour parcourir soit le ciel ou bien la Forêt Interdite et finir par rentrer pour dormir à peine deux heures. Son temps de sommeil s'était vraiment réduit à peau de chagrin.

Ils gardèrent le silence quelques instants avant que le blond ne reprenne la parole.

-Est-ce que tu as pris rendez-vous avec les gobelins ? demanda Draco

Harry leva les yeux au ciel. S'il n'avait pas rencontré ses amis et s'était lié d'amitié avec le professeur Snape, jamais il n'aurait su qu'il avait un énorme héritage côté sorcier comme moldu. Dumbledore avait la main haute sur son éducation et sa vie et ne semblait pas vouloir qu'il sache quoi que ce soit sur ses futures responsabilités. Heureusement, le brun avait su contourner la « bienveillance » du directeur.

-Normalement, si tout va bien, dès que je devrais y aller dès la descente du train, répondit Harry. Mais je me méfie, surtout que dans le monde sorcier, le dix-septième anniversaire revêt une importance capitale. Je vais m'arranger pour y aller avant.

-Comment ? demanda Draco

-Ah, mon petit Draco, si je te disais tous mes secrets, où serait le mystère ? taquina Harry

-Va te faire voir ! grogna Draco

-Mais avec plaisir, éclata de rire Harry.

Le brun mit quelques instants pour se calmer.

-Ne t'inquiète pas pour moi, assura Harry. Malgré tout ce qui me tombe dessus, j'ai toujours su retomber sur mes pattes.

-Et quand ça ne sera plus le cas ? marmonna Draco

-Alors j'appellerai à l'aide, répondit Harry.

Conscients qu'il n'y avait rien à dire là-dessus, ils restèrent l'un à côté de l'autre à admirer les étoiles en silence, jusqu'à ce qu'ils sentent qu'ils devaient aller dormir.

§§§§§

Sirius grogna.

-Sirius, prévint Dimitri. Faites un effort, pour l'amour de la Magie !

-Ce … pervers ne posera pas la main sur moi ! gronda Sirius

Ledit pervers eut un sourire machiavélique.

-Le petit lord anglais n'aime pas voir qu'il réagit quand je le touche ? susurra l'invité. Auriez-vous un problème sur le fait que ce soit un mâle qui vous fasse bander aussi durement ?

Pour toute réponse, Sirius grogna.

Après le départ de Tom, tous les progrès qu'il avait pu faire pour détruire les consignes mentales de son esprit avaient stagné. Dimitri Vater, le maître legilimens rattaché à son cas, en venait presque à s'arracher les cheveux. Finalement, il avait décidé de faire appel à l'un de ses collègues qui, devant le défi que le patient présentait, avait accepté de faire le voyage depuis son pays natal, l'Afrique du Sud.

Angus Boer était un maître spirituel qui s'était spécialisé dans une branche précise. Chaque région du monde avait une version des différents arts magiques et les techniques des peuples en dessous du Sahara étaient observées avec circonscription. En effet, les peuples africains n'avaient pas le lustre des peuples occidentaux et préféraient l'efficacité avant tout autre chose. Pour des sorciers bien-pensants, les arts magiques africains étaient tous sans exception de la magie « noire » alors qu'en fait, ces derniers ne se préoccupaient pas de la moralité de leur finalité mais uniquement de leur efficacité. Angus, élevé par sa grand-mère qui était un peu « sorcière » selon les critères moldus, avait fait ses premiers pas dans le monde de la magie quand il s'était avéré qu'il avait réellement des pouvoirs magiques actifs. Il s'était spécialisé dans la magie de l'esprit politiquement correcte, avait obtenu tous ses diplômes avant de retourner à ses racines et d'apprendre ce qui faisait réellement la richesse des arts magiques africains, principalement centrés sur l'esprit, la divination, la nécromancie, la magie du sang et la magie élémentaire.

Oh, et la magie sexuelle.

C'était une magie taboue dans toutes les sociétés sorcières « civilisées » mais comme l'hypocrisie était leur apanage, elle était très souvent utilisée dans les grandes cérémonies sorcières, plus particulièrement pour les unions. Angus Boer était très connu pour ses connaissances et il était réellement appelé en dernier recours quand toutes les possibilités avaient été épuisées. Alors que s'il était appelé dès le début, tellement de choses auraient pu être réglées bien plus rapidement. Un bon petit coup dans les chaussettes avait toujours un effet dévastateur sur l'être humain …

Angus Boer avait rencontré Dimitri Vater pendant un colloque et entretenait une correspondance régulière. Au contact de l'autre, ils avaient affiné leur perception de leur art et n'avaient pas peur de défendre leur point de vue.

S'il se trouvait en Russie, c'était que Vater calait complètement sur le cas Sirius Black. Les consignes avaient implanté tellement profondément dans son esprit qu'il n'avait pas le choix de détruire l'esprit de son patient pour le reconstruire. S'il le pouvait.

Il y avait d'autres méthodes occidentales pour éveiller un esprit tellement entravé. Sirius Black avait désormais conscience de ses actes, certes, mais s'il devait rencontrer celui qui lui avait implanté ces consignes maintenant, il serait obligé de lui obéir.

Il lui fallait donc un traitement de choc. D'où l'arrivée d'Angus Boer.

La première rencontre entre son patient et son collègue avait tellement été hilarante que Dimitri avait mis des heures à calmer son fou rire.

Rien qu'avec un baiser.

Angus s'était contenté d'entrer dans la pièce où l'attendait Sirius et lui avait roulé le patin du siècle.

Certes, quand Sirius avait repris ses esprits, Angus avait durement rencontré le mur le plus proche mais pour la première fois depuis que son patient était arrivé à la clinique, sa magie avait contourné les sceaux rattachés aux consignes, ce qui était un très bon signe.

Maintenant, il fallait continuer sur la lancée.

-Pourquoi avoir fait appel à ce … rustre ? gronda Sirius

-C'est la méthode la plus rapide pour que vous repreniez totalement le contrôle de vos actes, soupira Dimitri.

Sirius le regarda, confus.

-Asseyons-nous, soupira Dimitri.

Tous les trois prirent place dans des fauteuils confortables.

-Comme je vous l'ai dit, à cause de votre faiblesse avec la mort de ceux que vous considériez comme votre famille et votre emprisonnement sous la garde des détraqueurs, sans compter votre cavale et le fait qu'on n'ait même pas songé à vous soigner, la personne qui vous a implanté ces consignes a pu plonger profondément dans votre esprit, presqu'à en toucher votre âme, expliqua Dimitri. En plus, il a entravé une grande partie de votre magie avec ces consignes, à un tel point qu'il est surprenant qu'elle puisse encore vous soigner ou que vous ayez pu l'utiliser l'été dernier. J'ai fait venir maître Boer car sa vision de l'esprit pourrait être plus efficace que la mienne.

-En m'embrassant ?! piailla Sirius

-En me servant de vos réactions primaires, corrigea Angus. Je suis ce que vous appelez un maître Rouge, seigneur Black.

Sirius frissonna. La maîtrise de la magie sexuelle était l'une des plus délicates et paradoxalement l'une des plus réprouvées malgré son importance dans les actes de haute magie sorcière. Y faire appel en dehors des cérémonies soigneusement encadrées était assez rare.

-Comment ? souffla Sirius

Angus prit un bocal rempli d'eau et y plongea un morceau de bois.

-Le principe de base est étonnement simple, fit Angus. Considérez que ce morceau de bois, c'est vous, ou plutôt votre esprit, que votre magie c'est l'eau et que les consignes mentales soient la surface de l'eau et du morceau de bois. Vous me suivez ?

-Oui, fit Sirius.

-Par des méthodes assez peu « conventionnelles », je vais pousser votre esprit à crever la surface, expliqua Angus. En fait, dans les grandes lignes, c'est vous qui allez détruire les consignes mentales.

-Comment ? s'étonna Sirius

-La magie rouge est très riche dans ses utilisations, sourit Angus. Vous, les occidentaux, vous vous limitiez à la puissance magique déployée lors des mariages ou, dans de plus rares cas, à la maturité magique, mais c'est bien plus que cela. Le plaisir, le bien-être … ce sont des émotions particulièrement puissantes bien guidées.

-Vous allez m'embrasser ? soupçonna Sirius

-Seulement si vous le l'autorisez, déclara Angus.

-Vous préférez les hommes ? demanda Sirius avec un soupçon d'incrédulité

-J'aime prendre le plaisir là où il se trouve, corrigea Angus.

Il regarda Dimitri qui haussa des épaules. Dès le début de leur amitié, leurs points de vue s'étaient heurtés sur certains sujets, notamment l'homosexualité et les couples inter-races. Les moldus étaient devenus homophobes depuis l'avènement du christianisme et ce n'était que deux mille ans plus tard qu'on pouvait dire qu'à défaut d'être totalement acceptée sans concession, elle commençait à faire sa place dans la société moderne. Dans le monde sorcier, c'était une toute autre histoire car on côtoyait des races magiques où la priorité allait plus vers la complémentarité magique que vers le sexe opposé. Et encore, car certaines races magiques, pour ne citer que les vélanes, avaient peut-être un genre évident mais tenaient plus de l'hermaphrodisme puisque mâle ou femelle, s'ils étaient avec une âme sœur du même sexe qu'eux, pouvait porter leurs enfants issus de leur union. Pour tout être proche de la Magie donc, l'orientation sexuelle était un faux problème. Mais tout comme les moldus s'étaient éloignés de la Nature, beaucoup de sorciers s'étaient éloignés de la Magie et réprouvaient l'homosexualité pour prouver leur « supériorité » sur les autres races magiques, dont a découlé la xénophobie des sorciers. En tant que maître Rouge, Angus se fichait comme d'une guigne du sexe de son partenaire ainsi que de sa race magique c'était l'une des raisons pour laquelle ils étaient tellement ostracisés.

Angus leva les yeux au ciel. S'il était tombé sur un sorcier fier de rejeter la Magie, alors peu importe la longue amitié qui l'unissait à Dimitri, sans un minimum de collaboration de la part du patient, il ne pourrait rien faire.

-Oh … souffla Sirius.

-Est-ce un problème ? attaqua Angus

Sirius sursauta devant le ton vindicatif.

-Je ne crois pas … hésita Sirius.

-Alors quel est le problème ? intervint Dimitri

-C'est … tabou, souffla Sirius.

-Mais … ? poussa Angus

-N'est-ce pas … mal ? hésita Sirius

-Ça ne l'est que si vous le considérait comme tel, assura Angus. Mais je ne ferai rien que vous ne voudriez pas.

-Alors comment allez-vous faire ? demanda Sirius

-Donc, vous n'êtes pas contre cette technique hors norme ? demanda Dimitri

Sirius n'était pas quelqu'un de versatile mais Dimitri préférait assurer ses arrières et ceux d'Angus. A la clinique, personne ne savait qu'il était là et sa présence en ces lieux n'était conditionnée que par l'accord du patient. Il ne fallait pas égratigner l'image de marque de l'institut …

-S'il fait le serment qu'il ne fera rien que je ne veuille pas … déclara Sirius.

-Nous signerons un contrat type, assura Angus.

Il préférait cela à un serment sorcier car au moins, il aurait une preuve écrite que ce qu'il faisait avait le consentement de toutes les parties en présence. Il s'était déjà fait avoir plusieurs fois à ses débuts, il prenait désormais ses précautions.

-OK, alors, fit Sirius.

Angus profita de sa chance.

-Les émotions liées au sexe sont parmi les plus brutes qui puissent exister, expliqua Angus.

-Et quand on simule ? sourit Sirius

Dimitri laissa un sourire effleurer ses lèvres. On pouvait largement oublier que Sirius avait cessé de mûrir au moment de son arrestation. C'était un sorcier de trente-cinq ans avec un esprit de vingt, voire moins.

-On sera au-delà de la simulation, sourit Angus. Je veux vous faire atteindre un point où vous n'aurez plus aucune prise sur ce que vous ressentirez et ce que vous projetterez.

-Quel rapport avec ma magie et les consignes mentales ? demanda Sirius, intrigué

-C'est un concept assez abstrait pour toutes les personnes qui ne connaissent pas la magie rouge un minimum, s'excusa Angus. Mais si je devais le résumer … je veux vous faire atteindre la seule chose qui puisse surpasser la puissance magique pour que vous parveniez à détruire ce qui vous emprisonne.

-Et c'est quoi ? demanda Sirius, presque envoûté

-La foi, très cher, la foi en vous… sourit Angus.

§§§§§

La jeune femme fit un grand geste de la main et la magie vibra tout autour d'eux.

-Cela te prend souvent de remonter les barrières magiques du domaine sans prévenir ? plaisanta Celeb

-Pas quand Nolan a envie d'être tranquille, répondit distraitement sa sœur Kali.

Celeb ne se redressa pas. Pourtant, la situation avait de quoi inquiéter qui que ce soit. Seules les familles les plus puissantes possédaient des protections magiques autour de leur domaine et non pas uniquement autour de leur demeure. Actuellement, officiellement, seule Kali Velvet, la shaman au service des RoseSang, avait la main dessus mais la fratrie savait que si Nolan le voulait, il pouvait lui-même les élever et les abaisser sans effort.

Mais aujourd'hui, il avait demandé à Kali de le faire, c'était qu'il voulait être laissé tranquille.

-Où est-il ? demanda Celeb

-A la frontière ouest, près du moulin, répondit Kali en se concentrant.

-Est-ce qu'il a besoin d'aide ? proposa Celeb

Kali ferma les yeux quelques instants avant de les rouvrir, une expression d'incrédulité peinte sur son visage.

-Il veut savoir … si on sait s'occuper d'un enfant ?! fit Kali

Celeb écarquilla des yeux. Qu'est-ce que Nolan avait encore fait ?!