24 décembre 2009
Comme cadeau de Noël, on pouvait décidément trouver mieux que votre meilleur pote militaire de carrière sur votre paillasson, venu vous engueuler parce vous refusiez de respecter des règles à la con qui laissaient mourir les gens par leur lenteur.
Enfin, Tony disait ça, c'était juste son avis. Qu'est-ce qu'un ingénieur de génie pouvait bien y connaître, hein ?
« Allez, vieux » argumentait Rhodey en essayant de lui sortir la moue réprobatrice - va te rhabiller, mon gamin de neuf ans fait ça mieux que toi, et ce depuis qu'il a trois ans. « C'est une question de protocole. J'essaie juste de te dire que tu rends les gens nerveux. Tu débarques et t'impliques dans les problèmes avant qu'on puisse te déployer officiellement. »
« De protocole ? » Le ton méprisant de Tony aurait fait apparaître du givre sur les radiateurs tant il était froid. « Qu'est-ce que j'y peux si vous autres êtes trop lents ? »
« Ce n'est pas l'intérêt » protesta le colonel, un soupçon d'exaspération dans la voix.
« Alors c'est quoi ? »
« L'intérêt est que nous sommes supposés travailler ensemble ! » éclata Rhodey.
« J'apprécie, vraiment » commenta l'ingénieur en tirant sur le col de son t-shirt, exposant à l'air libre son pacemaker high-tech/sa petite veilleuse permanente. « Essaie toi de vivre avec un réacteur ARC logé dans la poitrine. Sans ce truc, il n'y aurait pas Iron Man. »
L'officier se rembrunit à la vue du souvenir de voyage afghan de Tony, n'appréciant visiblement pas le spectacle. Il était loin d'être le seul : Jon refusait carrément de regarder l'engin et Leah pinçait toujours la bouche comme s'il venait de l'obliger à gober un ver de terre dès qu'elle l'avait dans son champ de vision.
« Je sais. Ils m'obligent à écrire un rapport sur toi maintenant. »
Tony sentit ses oreilles se dresser - oh, alors on en était à ça ?
« Vraiment ? N'oublie pas de m'envoyer une copie, j'y jetterais un coup d'œil. Ou tu pourrais juste me dire ce qu'il y a dedans. Tu comptes me jeter aux loups ? » demanda-t-il d'un ton blagueur. « Je peux gérer. »
« Je t'en prie » rouspéta Rhodey. « Je vais évaluer la situation et donner mes recommandations. Je reste le meilleur allié que tu puisses trouver, souviens-toi-en. »
Tony ne pouvait pas discuter avec ça. Peut-être qu'il se serait laissé aller à un moment de sentimentalisme si JARVIS ne lui avait pas signalé une urgence. Le colonel avait tenté de le retenir, de le persuader de jouer selon les règles, mais Tony n'avait jamais été très doué pour suivre d'autres règles que les siennes.
Et puis, ça ne faisait pas de mal si sa méthode donnait plus de résultats, et beaucoup plus vite.
« Il est parti ? »
James Rhodes aimait se considérer comme un homme courageux, et cette vision qu'il avait de lui-même s'était vue corroborée par ses états de service dans l'armée. Il existait cependant une différence notable entre la bravoure et la stupidité, et James Rhodes n'était pas stupide au point d'attirer sur lui les foudres de Leah Locke. La femme semblait capable et même désireuse d'étriper et de pendre avec ses propres intestins la première personne qui lui dirait ce qu'il ne fallait pas.
« Tu n'es pas en congé ? On est le soir de Noël. »
La magicienne haussa le nez en l'air, exposant sa gorge pâle cerclé d'une chaîne en or.
« Je suis la gouvernante de Jon. Son bien-être est ma priorité, et si je l'abandonne à Anthony tel qu'il est maintenant, je manquerais à mon devoir. »
Le colonel sentit la grimace lui déformer la bouche et lui plisser le front.
« C'est si mauvais que ça ? »
« Anthony est si souvent absent qu'il n'a même pas remarqué que Jon a entamé une grève de la parole » laissa tomber la femme d'un ton écœurée. « Oh, ce n'est pas une grève totale : quand c'est moi, Pepper ou Happy, aucun problème. Quand son père est dans la pièce ? Un vrai muet. »
Là, Rhodey sentait l'inquiétude montrer le bout de son nez pointu. Mine de rien, il avait de l'affection pour le gamin de Tony, le genre qu'on voue à un neveu éloigné qu'on ne voit que rarement et qu'on aime éblouir en jouant l'oncle audacieux et aventurier. Et il savait que le gosse adorait son père comme seul un môme peut aimer un héros. Le petit n'était même pas encore pubère, il ne pouvait pas se mettre à détester Tony d'un seul coup !
« Il a dit pourquoi ? »
« Chantage » laissa tomber Leah. « Si Anthony veut être un héros plutôt qu'un papa, très bien, mais Jon ne lui parlera plus. Après tout, qu'est-ce qu'un enfant de cet âge pourrait dire à un héros ? On n'est pas sensé parler aux inconnus. »
Oh là. Le pire, c'était que le raisonnement était logique... d'une manière enfantine, qui rappelait beaucoup Stark père, en fait. Par moments, Tony ne semblait pas avoir dépassé le stade de l'adolescent négligent centré sur son nombril. Quand il n'avait à sa charge que sa personne, passe encore, mais avec la responsabilité d'un enfant, les choses risquaient de tourner au désastre en un battement de cils.
Tony, toi qui répètes toujours que tu n'es pas comme ton père, pourquoi tu essaie de reproduire la façon dont il t'a élevé avec ton propre fils ?
« Et dire qu'ils étaient passer Noël en famille » gémit la magicienne. « Pourquoi je me ruine la santé pour cette famille, je me le demande. »
« Parce que tu tiens à eux ? » suggéra Rhodey, s'attirant un regard d'un vert radioactif.
« Si ton cher Iron Man veut que je le garde dans mes bonnes grâces, il a intérêt à fournir des efforts. Excuse-moi, j'ai un garçon à consoler parce que son bon à rien de géniteur a rompu sa promesse, ça va prendre minimum la soirée et après je voudrais probablement arracher la tête de quelqu'un. Joyeux Noël, colonel. »
Il la regarda faire volte-face pour s'éloigner en direction du salon, la pointe de sa longue queue de cheval oscillant entre ses reins.
Bon sang, Tony. Reprends-toi avant de ruiner ce que tu as.
3 mai 2010
« Le notaire est arrivé, voudrais-tu bien venir signer les papiers de transfert ? »
Pepper était une perle, vraiment, mais ce n'était pas le bon moment. Tony avait beau être un génie capable de fonctionner en mode multitâches, il était un peu trop occupé à se faire casser la tronche par son chauffeur pour venir gribouiller sur trois bouts de papier - qui faisait encore ça, à l'ère des claviers et de la numérisation ?
Ceci dit, dès qu'il était question d'une belle femme, il n'était plus question ni d'honneur ni de raison, et la rouquine occupée à tailler la bavette avec Leah se rangeait indubitablement au sein de la communauté des jolis minois : aussi petite que la brune était grande, elles formaient un duo contrasté qui aurait ravi les couvertures de magazines de modes.
Et Nathalie Rushman, un nom intéressant, aussi. Des Nathalie, il en croisait rarement. Hélas, Leah avait décidé de le persécuter en le contraignant à l'abstinence - pas cool, ça ! Et il ne pouvait même pas riposter en tentant la même stratégie, vu que Mary Poppins ne fréquentait personne. Sérieusement, il ne savait pas que c'était possible d'être nonne par tempérament plutôt que par obligation.
« C'est méchant de l'empoisonner contre moi » pleurnicha-t-il en jouant les grands blessés.
Leah lui adressa un sourire, c'est à dire qu'elle ouvrit la bouche et lui exposa ses dents d'une blancheur oppressante.
« Je ne l'empoisonne pas, je la préviens. Je suis cruelle, mais pas au point de t'infliger à une pauvre innocente sans aucun avertissement. »
« C'est Jon qui es sensé se plaindre de toi, pas moi. Dis donc, pourquoi tu es là ? C'est un jour d'école, tu sors en ville, d'habitude. »
« Je suis venue signer le contrat en tant que tutrice secondaire désignée de Jon, qui se trouve être l'héritier de la compagnie dont tu viens de céder les rênes à Pepper. Ceci étant, je pourrais tout aussi bien te réclamer la garde complète, tu ne fais quasiment plus partie de la vie de ton fils. »
La pique vitriolée toucha au but, et l'ingénieur sentit le goût acidulé de la nausée tout au fond de sa gorge. Bien sûr qu'il ne passait plus autant de temps avec Jon qu'avant l'incident afghan : il avait tant à accomplir et une si petite fenêtre pour ça. Il espérait juste que Jon pourrait comprendre quand il serait parti.
23 mai 2010
Leah ne trouvait aucun intérêt aux courses de voiture. Que le Grand Prix de Monaco puisse attirer pareille foule la laissait perplexe et désespérant un tantinet de l'intelligence humaine. Si elle se forçait à regarder la retransmission en direct, c'était uniquement par masochisme, pour s'assurer que si Tony rentrait sa voiture dans un mur, elle serait la première à annoncer la mauvaise nouvelle à Jon.
Ce genre de courses comportait toujours des accidents, mais en général, ceux-ci n'étaient pas causés par un fou furieux déguenillé armé de fouets électriques.
Elle n'avait pas réfléchi, se coulant dans les ombres dès que le malade avait ciblé Anthony, émergeant grelottante, en chemise de nuit et robe de chambre et absolument furieuse sous le soleil de Monaco.
Un geste de la main expédia le Père Fouettard contre le mur tandis qu'elle se précipitait vers la voiture dont elle déchira les parois comme du papier mouillé, en extirpant un milliardaire stupéfait.
Un craquement d'énergie retentit derrière elle, le fouet s'abattant une seconde plus tard sur le bouclier d'énergie verte qu'elle venait d'invoquer. Elle se retourna, le regard brûlant, et le ver de terre recula quand il vit ses yeux.
Oui, crains-moi. Essaie de fuir ou combattre, comme tu voudras, mais je t'écraserais comme la vermine que tu es.
Sa destinée n'était malheureusement pas de broyer des crânes ce jour-là, comme le nigaud visa complètement à côté en essayant de toucher Anthony qu'elle enserrait dans ses bras, le fouet électrique tombant dans une flaque d'essence répandue sur le bitume.
Leah eut à peine le temps de dresser une barrière l'englobant ainsi qu'Anthony avant que la déflagration ne lui crève les tympans. Lorsqu'elle cessa d'entendre des sirènes entre ses deux oreilles, le Père Fouettard gisait par terre, la tête en sang et diverses abrasions dispersées sur sa personne.
Elle reporta son attention sur l'ingénieur toujours blotti contre elle.
« Anthony Edward Stark » articula-t-elle, « je suis à deux doigts de prendre ta peau et de m'en faire une descente de lit. »
Le milliardaire déglutit.
