17 juillet 2011

Depuis toute petite, Hermione Granger avait rêvé de vivre de fabuleuses aventures, comme beaucoup de jeunes filles. Contrairement à beaucoup de jeunes filles, elle ne s'était pas imaginée dans le rôle de la princesse en robe à froufrous, mais dans celui du courageux soldat qui affrontait une armée sans rien d'autre qu'un pistolet et revient du front auréolé de gloire.

Quand on est la petite-nièce de Bucky Barnes, membre des Commandos Hurlants et acolyte privilégié de Captain America lui-même, c'est un peu inévitable que vos fantasmes de célébrité tournent autour de l'action sur le terrain et de la défaite directe des hydres, aussi bien métaphoriques que réelles. Le sang avait tendance à se montrer bavard, en dépit des efforts de votre mère pour le décourager.

Suite à la disparition de son frère aîné dans les derniers mois de la Seconde Guerre Mondiale, Katherine Barnes avait décidé qu'elle ne voulait plus entendre parler de l'armée ni de l'héroïsme et avait émigré en Grande-Bretagne, fuyant le pays où elle avait passé toute son enfance ainsi que le souvenir de Bucky Barnes. Là-bas, elle était devenue dactylo puis mère au foyer après avoir rencontré et épousé un tenancier d'hôtel, mourant peu de temps après l'entrée du monde dans le nouveau millénaire.

Sa fille Kimberly Proctor n'avait pas partagé la répugnance de sa mère pour la notoriété de leur famille et son désir de vivre autant que possible dans l'obscurité, mais elle n'en avait pas moins choisi une carrière de dentiste – franchement, il fallait se forcer pour considérer glamour un métier où vous passiez votre temps à mettre les doigts dans la bouche des gens – qui lui avait permis de rencontrer Dean Granger, son futur mari.

Après deux générations satisfaites de leur quotidien ordinaire, Hermione était arrivée comme un cheveu dans la soupe. Passe encore s'il n'y avait eu que son adoration pas si secrète pour son grand-oncle, mais un facteur imprévu était venu compliquer la donne et offrir à la jeune fille l'occasion de vivre sa propre aventure.

« Tout s'est bien passé, alors ? »

Assise bien droite dans son fauteuil, l'enfant brune eut du mal à s'empêcher de sourire.

« Oui, madame Locke. Le professeur MacGonagall pensait que j'étais juste une née-moldue trop curieuse. »

Le regard approbateur de la femme assise en face d'elle la remplit de fierté.

Leah Locke avait fait son apparition dans sa vie suite à un incident assez inexplicable, survenu alors que cette horreur de Vicky DeWitt tentait de saboter son travail en cours d'art plastique, seulement pour que son travail à elle subisse une métamorphose aussi hideuse que spectaculaire et incompréhensible. Hermione savait que c'était elle la responsable, alors que toute logique lui affirmait que c'était impossible.

Et puis Madame Locke s'était présentée à la porte des Granger, avait donné des ailes à leur service à thé et annoncé à une Hermione émerveillée de huit ans qu'elle était une sorcière.

Madame Locke ne ressemblait pas du tout à l'image populaire d'une sorcière – crapaud, verrues et nez crochu – mais davantage à une dame de l'aristocratie, toujours parfaitement coiffée, toujours élégante sans effort, toujours d'une politesse sans défaut. Hermione était tombée sous le charme au premier regard, et Madame Locke lui aurait-elle affirmé que sauter d'une hauteur dangereuse permettait de voler qu'elle se serait jetée d'un pont sans hésiter.

Heureusement pour M. et Mme Granger, Madame Locke ne comptait guère inciter Hermione à des activités dangereuses en échange d'un tutorat privé concernant les bonnes manières et l'arcane approfondi. Non, tout ce qu'elle demandait était qu'une fois acceptée à Poudlard, la jeune fille lui envoie un rapport régulier sur ce qui se passait au sein du château.

Car Madame Locke avait beau être une sorcière, elle était une sorcière américaine – révélation ayant laissé Hermione absolument pantoise, son mentor parlant avec un accent d'Oxford non négligeable – et n'y connaissait rien à la société magique anglaise, les diverses enclaves sorcières éparpillées dans le monde n'entretenant que le strict minimum en matière de contacts.

Dean Granger avait aussitôt crié à l'espionnage international, ce qui n'avait fait que raffermir la détermination de sa fille à jouer son rôle – une espionne à son âge, c'était un rêve qui se réalisait. Madame Locke n'avait pas nié qu'il s'agissait en partie de cela, mais assuré qu'Hermione ne courait aucun danger : qui irait regarder de travers une petite fille écrivant régulièrement à son cousin des colonies ?

Hermione n'avait pas de cousin américain, rien que les enfants d'oncle Sidney qui vivaient tous dans le Royaume-Uni, mais c'était la couverture décidée par Madame Locke, laquelle avait un filleul tout à fait capable de jouer le rôle. Et comme ce filleul irait à Ilvermorny, l'académie magique américaine, Hermione aurait un correspondant avec qui discuter et comparer les cours.

Vraiment, que des avantages. L'aventure s'annonçait bien.

« En ce qui concerne notre moyen de conserver le contact... »

« Je m'en suis occupée » s'empressa de préciser Hermione, indiquant de la main la superbe chouette des neiges perchée sur l'accoudoir du sofa, occupée à dévisager la visiteuse de ses yeux dorés. « Le vendeur m'a affirmé que les longs trajets ne lui poseraient aucun problème. »

« Je vois » murmura Madame Locke. « Tu ne laisses vraiment rien au hasard. Une bonne qualité. »

La jeune fille rayonna.

2 août 2011

Le cadeau serait sans doute arrivé plus rapidement par hibou, mais Tilly avait décrété que la chouette des neiges – baptisée Karin – ramenée de son excursion en Angleterre serait réservée à la correspondance scolaire, si bien qu'Olivia avait dû envoyer la collection d'albums de Bendy le démon dansant par la poste normale.

Apparemment, Bendy était l'équivalent de Mickey dans le monde magique américain. Ou plutôt de Donald Duck, vu qu'il n'avait jamais de chance pour ce qui était de jouer un mauvais tour à Boris le Loup ou faire la cour à Alice Angel, ange déchu et homonyme de la marraine d'Olivia.

En parlant de celle-ci, elle était devenue la grande amie de Tilly, surtout parce qu'elle savait ce que c'était que d'être l'unique guide d'un enfant magique de première génération au sein d'une société pas franchement accueillante envers eux.

Mme Angel – juste Alice si elle vous aimait bien – habitait à Los Angeles en tant que consultante en magie pour divers studios hollywoodiens, ce qui était la manière dont elle avait rencontré le père d'Olivia, M. Vertigo travaillant à l'époque sur Holà Britta !, une sitcom racontant les déboires d'une magicienne inepte durant la guerre du Vietnam. Plus malin qu'il n'en avait l'air, le producteur avait vite compris qu'Alice prétendait seulement embobiner les foules en ce qui concernait ses pouvoirs et avait sollicité son aide dès que sa fille de trois ans s'était mis à faire voler ses peluches et à faire venir à elle la boîte à gâteaux.

Depuis, Alice militait pour la mise en place d'une structure d'encadrement plus personnalisée et moins formelle que l'approche habituelle du MACUSA. Franchement, vu la grosse vache qui s'était présentée chez les Stark pour apporter les brochures scolaires, Jon trouvait l'idée excellente. Le secours de Tilly ne serait probablement pas de trop pour la petite organisation.

Pour sa part, Olivia Vertigo avait décidé que Jon avait besoin d'un mentor pour ses premiers pas dans l'univers d'Ilvermorny et s'était attribué d'emblée le rôle. Inutile de protester, la fille était une joyeuse avalanche balayant toute récrimination sur son passage. Tony n'aidait guère non plus, proclamant sa fierté de voir une fille se jeter sur Jon – va mourir, tiens.

Il n'empêche, malgré son enthousiasme excessif, Olivia était assez chouette comme fille. Elle lui avait même expliqué tout ce qui se passerait lors de la rentrée.

Alors, ça méritait bien qu'il lui envoie un mot de remerciement pour les albums, accompagné de la peluche de Bendy. Il détestait écrire des mots de remerciements, alors mesurez un peu l'ampleur du sacrifice.