5 septembre 2011
Leah examina d'un œil critique le grand verre posé sur la table à café, juste à portée de sa main. Consistance crémeuse, coulis au brillant de grenat, paille noire élégante, il ne manquait rien. Oserait-elle aspirer une seule goutte pour tester les eaux ? Non, de la discipline. La bonne tenue et les bonnes manières avaient de l'Importance.
Ensuite, le canapé. Elle était nonchalamment adossée à un coussin calé contre l'accoudoir, ses jambes reposant sur l'ensemble de la longueur. Pas de couverture, on était tout de même en Californie et le mois de septembre venait à peine de débuter.
En d'autres termes, elle était on ne peut plus prête.
La Gazette du Sorcier de ce matin – enfin, ce matin en Angleterre, s'entend – se déploya obligeamment devant elle, juste à la bonne hauteur pour qu'elle n'ait pas à se tordre le cou afin de lire. S'emparant du milk-shake, Leah aspira une petite gorgée. Hum, oui, comme elle les aimait.
Ses yeux vert poison commencèrent à balayer les lignes noires imprimées sur le papier bon marché.
Le Garçon-Qui-A-Disparu
Perte du trésor national vivant d'Angleterre
par Rita Skeeter
Leah pinça brièvement les lèvres. Skeeter était une sale fouille-merde de la pire espèce, et ses articles n'étaient pas des plus recommandés si on préférait les faits avérés à l'affabulation outrée. Ceci dit, il fallait lui reconnaître une plume des plus vitriolées, sans compter qu'elle refusait de se laisser intimider par la réputation de ses cibles – au contraire, plus celles-ci avaient de pouvoir et de notoriété, plus elle aimait à déboulonner leur piédestal.
Il n'est pas un sorcier en Grande-Bretagne qui ignore le nom de Harry Potter – le garçon qui a réussi l'exploit sans précédent de terrasser un mage noir au faîte de sa puissance avant même d'être sorti des langes. Il n'est pas un enfant anglais de bonne famille qui n'a pas attendu impatiemment la rentrée scolaire de cette année – l'occasion de rencontrer enfin l'icône tant portée aux nues par le public.
Imaginez donc le choc et la stupeur qui se sont déclarés dans la Grande Salle de Poudlard lorsque le nom de Harry Potter a été appelé sans recevoir de réponse – lorsque Harry Potter ne s'est pas présenté à la Répartition, pour la bonne et simple raison qu'il n'avait pas mis le pied dans le train. En fait, il s'est avéré après enquête de votre servante que Harry Potter n'avait jamais mis le pied chez sa tante Moldue, la personne que Dumbledore lui destinait comme tutrice et gardienne.
Comment est-ce possible ? Comment Dumbledore n'a-t-il pas réalisé que le jeune garçon ne se trouvait pas là où il devrait être ? A en croire Lucius Malfoy, « c'est la preuve irréfutable que l'estimé Directeur de Poudlard n'est plus en mesure d'assumer ses fonctions comme il le devrait. Il ne s'agit malheureusement pas de la première, mais c'est en tout cas la plus flagrante. ».
Bévue de gravité, certainement, dont nombre de gens – parmi lesquels des représentants du Magenmagot – doutent qu'elle puisse être rattrapée. « Quand une disparition n'est pas résolue en quarante-huit heures, mieux vaut raccrocher votre tablier parce que vous ne trouverez rien » déclare John Dawlish, Auror vétéran. « Et dans le cas Potter, on part avec dix ans de retard. »
Le Ministre de la Magie Fudge n'en a pas moins déclaré son intention de créer une unité de recherche spécialement dédiée à l'affaire Potter, afin de retrouver le Survivant sain et sauf et de le ramener parmi les siens dans les plus brefs délais. « Monsieur Potter n'est pas seulement un trésor national, il s'agit de l'un de nos enfants. Pourquoi nos enfants nous respecteraient-ils alors que nous ne pouvons même pas les protéger comme ils méritent de l'être ? » a-t-il annoncé.
Une enquête menée après cette annonce a révélé que près de 73 % de la population sorcière soutient de tout cœur cette prise de position. Parmi eux, pratiquement la moitié n'a pas manqué de critiquer – à juste titre – le rôle joué par Dumbledore dans la débâcle. Pour reprendre les termes crus de Dirk Cadwallader : « Le bougre n'est même pas capable de garder l'œil sur le gosse le plus haut-profile du pays et vous voudriez qu'on lui fasse confiance pour ce qui est des nôtres ? »
« Heu… Mary ? »
La sorcière s'interrompit dans sa lecture pour se focaliser sur l'intrus : debout dans l'encadrement de la porte du salon, Anthony la fixait d'un air vaguement épouvanté.
« Oui ? »
« Tu… as un drôle de rire. Aux dernières nouvelles, c'est moi le scientifique fou… et je crois pas que tu sois du genre à pratiquer le meurtre en série... »
Elle lui adressa un sourire candide.
« Je lisais juste un truc amusant » déclara-t-elle, ce qui était on ne peux plus vrai.
Il la zyeutait sous ses cils, apparemment guère convaincu.
« Si tu le dis » lâcha-t-il avant de s'éclipser, l'abandonnant à son plaisir.
Car vraiment, c'était du pur plaisir de découvrir que son opération avait si bien marché. Tout un pays plongé dans la confusion et le chaos… et elle n'avait eu besoin que de quelques sorts de fausse piste et d'une taupe chargée de désinformer le vieil idiot pour que tout marche à la perfection.
D'accord, elle avait été obligée de tordre le cou à la femme Cracmolle quand celle-ci avait refusé de lui transférer son allégeance, mais tout le monde finissait par mourir un jour ou l'autre. Et il lui avait fallu répondre à la lettre envoyée par Poudlard, autrement les retombées n'auraient pas été si drôles. Un travail délicat, ça, de parvenir à embobiner les registres de l'école.
Mais comme le prouvait l'article, l'effort en avait bien valu la chandelle.
19 septembre 2011
Pour son anniversaire, Hermione avait décidé de s'autoriser des beignets à la confiture – un vrai scandale quand vos parents étaient dentistes, ce qui les poussait à ne vous donner que des fruits et des céréales au petit-déjeuner, pour le quatre-heures et quand il vous prend une irrésistible envie de grignoter. D'accord, c'était important de manger sain, de manger bien, mais… des beignets. Et puis une fois par an, la Terre n'allait pas s'écrouler.
Et puis franchement, elle le méritait après le bientôt-mois qu'elle venait de passer.
Oh, ce n'était pas que les cours n'étaient pas intéressants, c'était juste que le programme se concentrait sur la magie au point d'exclure tout le reste. Pas de cours de langues, pas de littérature, pas de mathématiques. Comment était-elle supposée passer les A-Levels si elle ne s'y préparait pas à l'école ?
Et n'oublions pas les autres élèves et professeurs. Bon, la plupart étaient tout à fait polis et intéressants en tant qu'individus, mais hélas il existait toujours des exceptions du type Malfoy et Rogue – pourquoi cet homme était-il autorisé à enseigner, ça la dépassait.
Dans l'ensemble, Hermione éprouvait une vague déception frustrée. Après avoir rencontré Madame Locke, nul doute qu'elle avait développé de très hauts standards concernant la magie et ses utilisateurs.
Histoire de se distraire de ses pensées, elle s'était intéressée aux paquets ayant atterri dans son assiette pendant le petit-déjeuner. De la part de ses parents, il y avait une édition flambant neuve de Nobliaux et soeurcières par Terry Pratchett, très amusant. De la part de Madame Locke, une paire de boucles d'oreilles, deux petites boules en or sur lesquelles avait été gravée une rune – il faudrait qu'elle consulte le dictionnaire qu'elle avait apporté pour lire le soir. Et il y avait…
Le troisième paquet était accompagné d'une lettre.
À l'attention de Miss Hermione Granger,
Comme je ne peux rien refuser à Tilly – autrement adieu les cookies – me voilà donc qui t'écrit de l'autre bout de l'Océan Atlantique.
Oui, je suis Américain. Non, je ne suis pas blond (j'ai les yeux bleus par contre). Non, je ne suis pas athlétique. Non, je ne m'habille pas avec une bannière étoilée (faut pas me confondre avec mon grand-père). Oui, je suis un nerd honteux qui dort avec un T-shirt « Winter is Coming ».
Maintenant que j'ai énuméré mes plus charmantes qualités, passons à la comparaison qui ne manquera pas de s'ensuivre, alors évacuons ça tout de suite, si tu veux bien ? Ilvermorny – c'est mon école – est un immense château dans lequel on se perd même avec un plan et GPS. Un professeur a provoqué un feu d'artifice dans la classe pour exiger le silence, et un des garçons de mon dortoir mâche quand il dort.
Comment va chez toi, que je sache si je dois faire la danse de la joie parce que ça pourrait être pire ou me jeter sur le chocolat parce que ça devrait être mieux ?
Ton correspondant des Colonies
Jon Stark
Hermione s'imaginait le filleul de Madame Locke plus… raffiné. Au point qu'elle se demandait si la femme n'avait pas aussi choisi le troisième cadeau, une Histoire du sorcier américain au XXe siècle. Quoique, il était Américain, après tout… Où avait-elle déjà entendu le nom Stark ?
Elle consentirait à lui répondre. On verrait bien sur quoi ça déboucherait.
30 septembre 2011
Azkaban compromis !
L'inexplicable évasion de Sirius Black
par Rita Skeeter
S'il est bien une seule chose dont peut s'enorgueillir la prison d'Azkaban, c'est bien du fait qu'aucun de ses détenus n'a jamais pu quitter l'île au nez et à la barbe des Détraqueurs. Si ceux-ci ne parviennent pas à rattraper l'évadé, les courants marins ne lui laisseront aucune chance de nager jusqu'en lieu sûr.
Mais comme il faut une première à tout, Sirius Black – responsable du meurtre de douze Moldus et d'un sorcier au moyen d'un sortilège surchargé – est apparemment parvenu à déjouer toutes les mesures de sécurité…
