2 février 2012
S'il y avait bien un talent qu'il était important de posséder pour un meneur d'hommes ou quiconque bossait dans le social, c'était la capacité à distribuer correctement les assignations. Après tout, vous alliez pas demander à un matheux de composer une symphonie si vous vouliez un résultat qui ne vous casse pas les oreilles.
De même, il fallait être soit complètement abruti soit investi de pulsions suicidaires pour demander à un fumeur impénitent de jongler avec de la dynamite. Nicholas Fury aimait à croire qu'il était loin d'être bête et pas déprimé à ce point, aussi s'était-il abstenu de réquisitionner l'aide de Locke en ce qui concernait les études ayant commencé sur le Tesseract.
À première vue, c'était complètement absurde. Pis que cela, cela pouvait passer pour de l'auto-sabotage. Après tout, le Tesseract était fréquemment décrit comme magique – et bon nombre des tours que pouvait réaliser ce petit cube bleu d'aspect innocent tenaient bel et bien du miracle, c'était un athée endurci qui le reconnaissait – et Leah Locke était leur meilleure experte en phénomènes supranormaux et arcanes, c'était un fait.
Sauf que le problème ne venait pas de ses qualifications. Non, comme souvent le cas avec le matériau humain, le problème originait de la personnalité de Leah Locke – et ça, c'était autrement compliqué à résoudre.
La raison pour laquelle Nick Fury classifiait Locke comme un atout à manier avec des pincettes, c'était tout simplement que la femme se foutait éperdument de l'humanité dans l'ensemble. Pas une miette d'empathie véritable envers la race Homo sapiens sapiens, comme si Locke appartenait à une espèce entièrement différente. Ce qui était probablement le cas – SHIELD avait mené sa petite enquête, et parfois oui ces bruits de sabots étaient émis par des zèbres plutôt que des chevaux – et il avait le désagréable pressentiment que question chaîne alimentaire, Locke était si haut placée que les humains faisaient pâle figure de proie. Non, même pas des proies, mais des insectes à ignorer ou écraser, selon son bon plaisir.
D'accord, il noircissait un peu le tableau. Locke pouvait construire et entretenir un lien social affectif, les rapports concernant la famille Stark en faisait état. D'un autre côté, c'était pas fameux non plus, car Fury ne pensait pas que Locke désire élargir son cercle social. Cette femme, c'était le genre contrôlé. Restreint en toutes mesures. Et absolument désastreux quand ça craquait.
Il la voyait très bien décider de passer le monde à la torche si ça lui permettait d'en tirer un bénéfice pour les Stark, et dormir comme un bébé après coup.
Puis, il ne lui faisait pas confiance pour ce qui était de ne pas impliquer Stark dans le projet. Un génie accablé d'un déficit de l'attention et aux tendances théâtrales recevant l'opportunité de faire joujou avec une source d'énergie cosmique illimitée ? Mauvais plan si on tenait à conserver une planète intacte, voire un système solaire intact.
Très franchement, la liste de gens assez fiables pour pouvoir manipuler le Tesseract se comptait sur les doigts d'une seule main. Fury avait eu l'honneur de rencontrer une de ces personnes au cours des années quatre-vingts-dix, et il ne s'attendait pas à en recroiser une autre avant trois décennies.
Néanmoins, il allait devoir s'arranger, et vite, parce qu'il avait le Conseil sur le dos. En matière de responsables de merde, ils auraient pu apprendre à un trouduc l'art et la manière de chier. Alors il avait contacté Selvig, qui au moins ne serait pas entièrement paumé sur le sujet.
Foster aurait été mieux, mais allez savoir pourquoi, suite à tout ce foutoir Nouveau-Mexicain, elle semblait avoir pris SHIELD et tous leurs affiliés en grippe. Le genre bien morveux et toussant, qui traîne jusqu'à commencer à empiéter sur le terrain de la pneumonie.
Enfin, on ne pouvait pas tous les gagner à sa cause.
15 mars 2012
Chère frégate de liberté franchouillarde,
Plus tu m'en racontes sur ton école, plus je penserais bien que tu essaies de te payer ma tête, sauf que tu ne me parais vraiment pas le genre à aimer les blagues. Donc, réjouis-toi, tu m'as convaincue de ta sincérité. En revanche, tu devras redoubler d'efforts pour le reste de mon trio féminin : quand je leur ai raconté que le garde-chasse de chez toi n'a plus de maison parce qu'il a voulu se lancer dans l'élevage de dragons, Olivia a failli se faire pipi dessus tellement elle riait et Alma semblait vouloir appeler l'asile le plus proche pour qu'ils viennent m'enfiler une jolie camisole.
Ici, la grande Zelda Dobinski s'est encore fait remarquer quand elle a voulu utiliser sa baguette pour se faire une permanente garantie deux mois. Pendant un moment, on a sérieusement cru qu'il faudrait l'envoyer à l'hôpital pour la débarrasser de tout ce lichen phosphorescent ayant remplacé son système capillaire…
Hermione reposa la lettre sur la table de la bibliothèque où elle était assise.
L'après-midi au-dehors était superbe, pour le climat écossais, et une lumière aux nuances dorées se répandait dans la pièce envahie de livres. En résumé, ça n'était pas du tout la météo convenant à la frustration envahissant la jeune fille.
Plus ça allait, plus Hermione avait la certitude que quelque chose à Poudlard ne tournait vraiment pas rond. Oh, elle aurait pu mettre cela sur le compte du décalage, après tout c'était une académie magique, n'est-ce pas ? Sauf qu'Ilvermorny aussi enseignait la sorcellerie, et le quotidien que décrivait son correspondant dans ses lettres hebdomadaires ne présentait pas les incongruités qu'elle remarquait dans son propre pensionnat.
Pour commencer, il y avait eu l'incident du troll. Ensuite, la découverte de la présence d'un Cerbère au troisième étage. Puis la conversation qu'elle avait surprise entre les professeurs Rogue et Quirrell juste après le troisième match de Quidditch de l'année, et maintenant cette histoire de dragon qui risquait de provoquer le renvoi et l'arrestation de Hagrid pour contrebande d'animaux aussi exotiques que dangereux.
Sans parler du fait que lorsqu'elle s'en était allée parler au garde-chasse – principalement pour lui demander ce qui lui avait pris, en plus d'essayer de lui soutirer le portrait-robot du contrebandier initial lui ayant vendu l'œuf – celui-ci avait laissé échapper que des licornes se faisaient agresser et tuer dans la Forêt interdite.
Au strict minimum, Poudlard avait réellement besoin d'adopter des mesures de sécurité nettement plus drastiques. Avec cela, une enquête approfondie sur le corps enseignant serait bien, parce que ceux-ci ne semblaient pas soucieux de remédier au problème. Pire, Hermione avait un vague et horrible soupçon qu'ils y contribuaient, et la hantise que ce soit de leur plein gré.
Et Madame Locke qui lui conseillait de garder la tête baissée ! De ne pas se faire remarquer, de ne pas formuler de protestations trop virulentes !
D'accord, elle pouvait comprendre le raisonnement de son mentor lorsque celle-ci lui en avait fait part au cours des vacances d'hiver : Hermione n'était pas supposée agir en première ligne, elle était avant tout un agent de renseignement. Et un espion n'a de valeur et de capacité d'agir que lorsque personne ne le remarque, quand il se fond dans l'anonymat.
Un petit rat de bibliothèque écrivant à son correspondant américain, qui s'en souciait ? Une petite maligne lâchant les autorités sur l'école, ça passerait nettement moins bien. Elle y gagnerait une étiquette de mouchard, et quand tout le monde vous attribuait déjà le crime de délation, vous ne faisiez pas long feu sous couverture.
Tout de même, Hermione avait l'impression que son grand-oncle Bucky la regardait du haut de son nuage au Ciel et secouait la tête de déception, de se voir pourvu d'une descendante si passive. Il y avait de quoi en attraper un complexe, et elle n'était même pas croyante pour commencer.
D'un autre côté, la science disait que la magie relevait du domaine du conte. Alors elle était prête à accorder le bénéfice du doute à un potentiel principe divin.
