Jon ne comprenait toujours pas pourquoi Hermione et Olivia avaient mutuellement décidé de s'écharper sans merci à peine présentées l'une à l'autre. Bon, d'accord, pas littéralement : il n'empêche que Hermione avait catégorisé Olivia comme une foldingue qui devait se droguer en cachette tandis qu'Olivia accusait Hermione de nécessiter une intervention chirurgicale afin de se retirer un balai du rectum.

Inutile de préciser, quand le garçon de pratiquement douze ans avait accueilli sa première connaissance sorcière venue passer trois jours chez lui pour son anniversaire, il s'attendait à moins d'hostilité entre ses invitées. Mais vu comme c'était parti, la fête s'annonçait mal.

Et c'était en plus de la mystérieuse urgence du SHIELD qui réclamait aussi bien Tony que Tilly. Quand il s'agissait du gouvernement, les délais n'étaient jamais fixés, alors autant conclure d'office que son père n'assisterait pas en personne à son douzième anniversaire. Très bien, Jon pouvait survivre à ça, il avait de l'entraînement après son neuvième anniversaire.

Il avait néanmoins été ravi de voir débarquer Tilly. En dépit de la mine à faire peur qu'elle tirait – à croire qu'elle venait de courir un marathon et allait devoir remettre ça dans une minute. Sous une pluie torrentielle, et elle avait un rhume qui ne demandait qu'à évoluer en pneumonie.

Aussi, lorsqu'elle lui avait suggéré un câlin, il ne s'était pas fait prier – tout le monde savait que ça stimulait la production d'endorphines. Et Tilly sentait toujours bon.

Et puis –

Et puis –

« JON ! »

Un bruit mouillé –

un liquide chaud qui lui arrosait le cou –

les mains gantelées de Tony qui l'arrachaient à Tilly –

Tilly avait la gorge ouverte et pleurant du rouge –

« Dio – JARVIS ! Quelqu'un ! N'importe qui ! »

Des talons hauts claquant sur le carrelage.

« Monsieur Stark, vous êtes rev – miséricorde ! »

C'était la voix de Miss Alice – la marraine d'Olivia, puisque ses parents ne pouvaient pas se libérer, elle était venue à la place – elle paraissait horrifiée.

Jon n'était pas sûr. Il avait le visage enfoui contre la poitrine de son père. Sa gorge lui faisait mal. Est-ce qu'il était en train de hurler ?

« Jon, shhh, je suis là, tesoro, sono con ti, tutti sara bene, tesoro, Leah non è morte, tutti sara bene... »

Non, ça n'allait pas bien. Tout était horrible.


Absolument tout était merdique, songea Tony avec la froide clarté du désespoir, étreignant son fils traumatisé dont le hurlement s'était progressivement mué en sanglots convulsifs. Et il n'avait pas la plus petite idée de comment se mettre à réparer ça.

La femme dont les cheveux blancs ne collaient pas du tout avec son visage juvénile – la fée marraine de la copine de Jon, comme quoi rien de tel que la magie pour envoyer un chirurgien plastique au chômage – était allée se pencher au dessus du corps affalé sur le divan (pas Mary, pas elle même si c'est son visage, Mary est en sécurité et elle le restera) sortant sa baguette pour en toucher la gorge coupée et arrêter le flot de sang.

Pratique, ça.

« Tony ? Tony, qu'est-ce qui se passe ? »

Bon vieil Happy, à peine en retard et probablement perdu dans le grand bain. Il allait falloir que Tony lui paie de chouettes vacances, un coin tranquille genre le Minnesota, là où personne ne s'amuse à imiter le visage de quelqu'un en qui vous avez entièrement confiance avant de commettre un acte aussi sanglant qu'irréparable. Déjà que ça fout un coup au pékin moyen, si en plus votre boulot c'est de voir des menaces partout vous finissez avec un aller simple pour les terres de la paranoïa aiguë.

« Monsieur Stark ? On a entendu des cris... »

« Jon, est-ce que ça va ? »

Oh non. Non non non, les deux gamines venaient directement sur les talons de Happy, et pour l'instant la carrure du garde du corps les empêchaient de voir la scène de crime, mais qu'elles bougent et elles allaient profiter du spectacle qui était indiscutablement Pour Adultes Uniquement.

Tony se leva d'un bond, courant pratiquement fourrer son fils dans les bras de Happy.

« Ne rentrez pas ! » aboya-t-il. « Allez ailleurs et restez-y ! »

Un hoquet choqué. Hermione lui adressait un regard désapprobateur par-dessous sa frange ondulée, visiblement prise au dépourvu par son timbre brusque et autoritaire, tandis qu'Olivia ouvrait des yeux ronds plein d'incompréhension.

Il pouvait vivre avec ça du moment que ces filles ne se retrouvaient pas avec un cadavre dans leurs souvenirs.

Après un coup d'œil à l'intérieur de la pièce où la sorcière continuait à s'acharner en premiers soins, Happy était tout à fait sur la même longueur d'onde.

« Je les emmène au salon de karaoké » annonça le garde du corps, berçant le petit gabarit de Jon comme il l'avait fait alors que le garçon n'avait que deux ans.

« Parfait. »

« Monsieur Stark, si vous nous expliquiez » voulut insister Hermione, seulement pour qu'une Olivia pâlotte lui pose une main sur le bras.

« Est-ce que nous sommes en danger ? »

Tony n'avait jamais autant apprécié le fait que Robby Vertigo ait développé une paranoïa tout à fait justifiée pour un membre de la scène hollywoodienne et donné à sa fille des protocoles à suivre en cas de paparazzi ou de fan cinglé armé d'un fusil.

« Restez près de Happy, c'est tout » fit-il, ses yeux bruns scrutant les prunelles grises de la fille qui déglutit et hocha la tête, comprenant la gravité de la situation.

Devant le front uni présenté par l'inventeur, le garde du corps et l'actrice en herbe, Hermione opta pour le lâchage d'histoire et suivit docilement quand le groupe fit marche arrière dans le couloir, permettant à Tony de refermer la porte et de se retourner pour voir comment la situation avait évolué.

Cornes de bouc avait repris sa forme originelle – heureusement pour les nerfs de Tony, qui avaient été bien mis à mal de voir Mary Poppins la gorge ouverte. Alice Angel avait apparemment réussi à refermer la plaie, si bien que l'alien respirait encore, c'est juste qu'il avait une suture rougeâtre vaguement boursouflée qui lui barrait le cou et que son armure futuriste n'était plus tellement vert et or, après avoir été abondamment éclaboussée de sang.

Pour sa part, la fée marraine avait le teint de la même couleur que ses cheveux : très blanc.

« Heureusement que j'avais un vieux flacon de dictame dans mes poches » souffla-t-elle d'une voix tremblante. « Vu l'âge, l'extrait avait perdu en puissance, mais ça a fait le travail… Espérons juste qu'il n'a pas perdu trop de sang... »

Sur ces mots, la femme parut soudain réaliser qu'elle avait les mains bien humides de rouge et fut secouée d'un tremblement aussi irrésistible que la tectonique des plaques. Tony regretta que ce salon ne soit pas un de ceux comportant un mini-bar – Angel avait mérité un cognac ou un whisky sans glace, peut-être un doigt de vodka ou de la tequila avec du piment. Il dut se contenter de lui tapoter l'épaule.

« Merci d'avoir été là, parce que sinon, je sais pas ce que j'aurais dit à Point Break. À tous les coups, il nous aurait rejoué Katrina sur New York, version Viking... »

La fée marraine s'étrangla, parce qu'elle voulait pleurer ou rire, Tony n'en avait aucune idée, et tourna vers lui des yeux vitreux.

« Anthony, qu'est-ce qui se passe ici ? »

Merde. Voilà qui s'annonçait délicat à expliquer s'il voulait être simple et éviter que Fury lui tombe sur le dos plus tard. Remarque, il pouvait sans doute invoquer la clause du témoin – elle avait été traînée dans ce foutoir sans prévenir, donc elle méritait un résumé complet du bazar, non ?

Il ouvrait la bouche quand un hululement d'air ionisé qui se déchire se répandit dans l'atmosphère. Le portail – quel con, il avait totalement oublié le portail, avec la tentative de suicide sous les yeux de son gosse il avait oublié l'urgence…

Angel poussa un glapissement étouffé avant de répéter sa question :

« Qu'est-ce qui se passe ici ? »

La gorge de Tony était plus sèche que le désert afghan lorsqu'il répondit :

« Le début de la guerre. »

Traduction de l'italien

Tesoro, sono con ti, tutti sara bene, tesoro, Leah non è morte, tutti sara bene = Trésor, je suis avec toi, tout ira bien, trésor, Leah n'est pas morte, tout ira bien