Pour un séjour mémorable, on pouvait affirmer que c'en était un. Sans parler du côté anniversaire – que s'est-il passé pour le tien, vous avez eu droit à une journée entière au parc d'attractions ? Ben moi, j'ai eu l'invasion alien, essaie donc de faire mieux !

Tout d'abord, et de manière assez raisonnable, après les ravages commis par l'armée de créatures extraterrestres, Hermione avait cru que la fête d'anniversaire était annulée. Et tout l'embrouillamini familial et mythologique n'avait fait que la conforter dans cette certitude, laquelle avait été jovialement pulvérisée par Tony Stark – apparemment une tendance fâcheuse qu'il avait, ruiner toutes les illusions et les règles auxquelles les gens se raccrochaient.

« Bien sûr qu'il veut une fête » avait déclaré Olivia avec toute l'assurance d'une mondaine émérite, « il a retrouvé sa mère et il vient de repousser une invasion ennemie ! Qui ne voudrait pas célébrer ça ? »

« Mais il était supposé aider à l'évaluation des dégâts et la reconstruction des quartiers endommagés de la ville » avait tenté de contre-argumenter Hermione.

« Encore mieux ! Le travail déprimant, ça nécessite de décompresser de temps à autre, sinon tu finis par perdre la tête, ou la perdre encore plus qu'elle ne l'était déjà, et chez les divas, ça peut tourner très, très laid. »

« M. Stark est un ingénieur, pas un acteur ou un des collègues de ton père sur la scène hollywoodienne. »

« C'est vrai, il n'est pas au même niveau d'égocentrisme » avait concédé l'autre fille. « Beaucoup trop modeste. »

Vu les proportions monstrueusement titanesques du nombrilisme de Tony Stark, cette révélation avait poussé la jeune Anglaise à conclure qu'elle ne visiterait jamais Hollywood – autrement, soit elle commettrait un meurtre soit elle y perdrait la raison.

Tout de même, eu égards à la tragédie toute fraîche, il avait pesé un léger parfum de gêne sur la célébration, et c'était beaucoup moins coloré que prévu. Aussi, un des invités – un camarade d'études de Jon, Lovatt ou quelque chose du même acabit – s'était désisté, ses parents ayant jugé que la ville n'était pas assez sûre pour s'y rendre.

La grand-mère de Jon avait été présente aussi, et ça avait été assez délicat au début – vu que c'était son identité alternative qui avait provoqué l'invasion, lavage de cerveau ou pas. Mais Madame Stark avait été très compréhensive, et entrepris de charmer les parents d'Hermione en discutant avec eux des difficultés d'élever un enfant surdoué, et l'invasion avait été rapidement mise de côté – ce n'était pas quelque chose qui s'oublie comme ça, non, mais Madame Stark était l'amabilité même, alors c'était compliqué de s'en souvenir sur le moment.

Le gâteau avait été délicieux, rempli de confiture d'abricots et décoré de smarties multicolores formant le chiffre 12, ainsi que de citrouilles et de chapeaux pointus en pâte d'amande. À la vue de ces décorations, Jon avait adressé un regard vaguement incrédule à Madame Locke qui lui avait renvoyé un sourire n'exprimant pas la moindre repentance.

Après, bien sûr, il y avait eu l'ouverture des cadeaux. Hermione avait longuement réfléchi là-dessus, et s'était finalement décidé à offrir l'Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu de Bernard Werber – dans le français original – à son correspondant américain après l'avoir entendu exprimer le désir de parfaire son polyglottisme en plus, la collection disparate d'informations plus ou moins loufoques ne manquerait pas de l'amuser. À voir frémir la commissure de ses lèvres tandis qu'il dépouillait le livre de son papier cadeau, mission accomplie.

Une fois ceci plié, le soir était tombé, si bien que tout le monde s'était fait la bise et était parti se coucher, une nécessité à effectuer de bonne heure pour les Granger vu que leur avion décollait à sept heures du matin. Le réveil serait brutal, mais ils pourraient toujours mettre à profit les douze heures de vol au dessus de l'océan Atlantique pour faire une petite sieste.

Mine de rien, Hermione n'était pas naïve et se doutait fort que ses parents acceptent de retourner aux États-Unis un jour, a fortiori si c'était pour se rendre à New York – un événement traumatisant de cette ampleur, ça tend à vous dégoûter des lieux. À leurs yeux, le Royaume-Uni serait nettement plus sûr, même si leur fille pouvait jurer que ce n'était pas le cas entre les murs de Poudlard.

Elle savait qu'elle avait prié pour mener une vie palpitante quand elle était petite, mais entre le pensionnat de la mort et les vacances transformées en cauchemar terroriste, ça faisait tout de même beaucoup.

Il ne manquerait plus que son grand-oncle Bucky décide de revenir d'entre les morts pour parachever le tableau, elle voyait ça d'ici.


Alexander Pierce croyait en l'ordre.

Plus précisément, il croyait en un monde ordonné. Structuré. Un monde où tout et tout le monde était à sa place, où tout et tout le monde connaissait sa place.

Un monde bénéficiant de la souveraineté absolue et irrémédiable d'HYDRA.

Ce qui venait de se produire à New York n'avait fait que renforcer sa certitude qu'un tel monde n'était pas un simple projet, mais une nécessité.

Des aliens, jaillis des profondeurs de l'espace. Des dieux, revenus des profondeurs des âges. Face à pareils titans, pareils monuments de pouvoir, que pouvait aligner l'humanité sur le champ de bataille afin de se défendre ? Rien que cinq personnes.

Cela vous avait des allures de farce, mais c'était loin d'être comique. Pierce n'avait certainement aucune envie de rire.

L'humanité avait besoin de soldats. Besoin de pouvoir. Besoin d'une armée capable de vaincre quiconque se mettrait en tête de l'attaquer à nouveau. L'Initiative Vengeurs montée par Fury était une bonne idée, pourvue d'un mérite indéniable, mais au bout du compte, elle n'allait pas assez loin, ne voyait pas assez grand, était d'ampleur trop limitée.

La tactique individualiste américaine pouvait rapporter de grands bénéfices, mais en l'occurrence, elle n'était pas adéquate. Il fallait chercher ailleurs, et Pierce avait une petite idée de l'endroit où entamer ses recherches.

Au fil des années, divers agents du SHIELD avaient discrètement surveillé les Stark, principalement pour que le génie du père ne tombe pas entre de mauvaises mains, mais aussi pour évaluer la véracité de la rumeur prêtant des dons extraordinaires au fils. Oh, c'était trois fois rien, seulement les observations s'étaient accumulées, et la rumeur avait été confirmée.

Jon Stark possédait des pouvoirs inhabituels. Des pouvoirs encodés dans son ADN. La perspective d'un être humain manipulé au niveau génétique afin de pouvoir agir sur son environnement comme s'il s'agissait de pâte à modeler… tout bonnement étourdissant. Était-ce là le prochain chaînon dans l'évolution humaine ? L'homme supérieur au précédent modèle homo sapiens sapiens ?

Et il ne s'agissait pas d'un cas isolé. La nounou avait été nettement moins discrète qu'elle ne le croyait, lorsqu'elle avait emmené les Stark arranger les détails pour l'inscription du petit Jon dans un pensionnat pour enfants talentueux. Rien que cela avait des implications passionnantes – l'existence d'un institut, un endroit visant à instruire des enfants, signifiait que non seulement d'autres enfants existaient, mais qu'il y avait des instructeurs pour les former.

Laisser croupir pareil ressource alors qu'elle était nécessaire à la sauvegarde du monde ne serait pas juste stupide, ce serait tout bêtement un crime. Le secret ne pouvait pas – ne devait pas – durer. Il y aurait enquête, et la vérité de la chose éclaterait au grand jour.

Dommage que Miss Locke soit vouée à mourir une fois Insight activé, il aurait tant voulu la remercier de l'avoir orienté vers cette piste. Mais tel était le prix quand vous vous alignez avec les perdants.