En dépit du dédain ostensiblement affiché de la société sorcière pour le monde moldu, leurs plus hautes instances faisaient de leur mieux afin de garder l'œil sur leurs voisins ordinaires. Question de simple prudence et de logique, vraiment : imaginez que les moldus trouvent moyen de ruiner le Statut du Secret ? L'apparition de l'Internet ainsi que des caméras vidéos avaient failli s'avérer catastrophiques.
Néanmoins, même cela n'était pas au niveau de ce qui venait de se produire à New York. En vérité, catastrophe paraissait bien faible pour qualifier la chose ; apocalypse semblait tellement plus justifié.
D'aucuns prétendraient qu'une trop grande proximité avec Alastor Maugrey avait vu sa paranoïa déteindre sur Albus Dumbledore : après tout, une armée alien était tout à fait différente de la vraie magie, n'est-ce pas ? Ce à quoi le vénérable directeur de Poudlard était tout prêt à répondre que si l'humanité pouvait accepter l'existence de vie extraterrestre, il n'y avait qu'un pas à effectuer pour qu'elle commence à soupçonner la possibilité d'une secte capable de manier des forces arcanes.
Pour comble d'horreur, le lieu d'invasion avait été New York. Et si la bataille avait débordé dans Woolworth Building, le siège actuel du MACUSA, ou encore le Sanctum abritant les Maîtres des Arts Mystiques ? Les uns comme les autres auraient été contraints de se défendre de toutes leurs forces au lieu de simplement se placer sur la défensive, et les conséquences en auraient été incalculables.
En dépit d'avoir échappés à peu près intacts au péril, le Congrès avait laissé échapper qu'il se trouvait actuellement en crise et se concentrerait sur la gestion de ses troubles internes dans l'avenir proche. Pour ce qui était des Maîtres des Arts Mystiques, ceux-ci s'étaient montrés aussi évasifs et troubles qu'à l'ordinaire avec les envoyés du Ministère venus s'enquérir de leur situation au Sanctum de Londres – les adeptes de cet ordre ne s'étaient jamais entendus avec la société sorcière qu'ils accusaient de provincialisme et discrimination outrageante, tandis que de nombreux Ministères les considéraient comme une violation en puissance du Statut du Secret vu leur tendance à instruire de vulgaires mortels dans l'arcane.
Cependant, le pompon de l'histoire, la cerise sur le gâteau pourrait-on dire, avait été plusieurs témoignages d'individus nettement sensibles à ce type d'énergies certifiant que des dieux étaient intervenus dans l'Incident. Au moins l'un avait été publiquement identifié – Thor, dieu norrois du tonnerre, de la bataille et de la fertilité – et un autre était soupçonné de s'être échappé. Inutile de préciser que cette annonce avait provoqué plus de quelques crises de nerfs.
Les moldus avaient une déplorable tendance à croire que les dieux pouvaient se comporter de manière raisonnable. Oh, ils pouvaient faire illusion, donner à croire qu'ils étaient simplement des hommes et des femmes plus puissants que l'humanité dans l'ensemble, mais gober pareil mensonge reviendrait à n'être qu'un enfant niais persuadé qu'une fourmi pouvait dialoguer sans péril avec un ouragan, ou une éruption volcanique.
Les dieux n'étaient pas humains. Ils étaient des phénomènes naturels, des entités qui dépassaient l'humanité sans effort et étaient en mesure de la dévaster sans plus d'effort. Parvenir à en tuer un tenait du miracle à un point outrancier, et encore cela n'avait-il été accompli qu'à une seule occasion, lorsque l'Empire Romain avait condamné la progéniture du dieu Abrahamique – seulement car l'Être en question les avait laissés faire, et cela n'avait abouti qu'à neutraliser son enveloppe charnelle.
Heureusement, les dieux s'étaient retirés de la dimension terrestre depuis des siècles, soit par manque d'adorateurs, soit par conflits avec leurs congénères, soit par ennui pur, et l'humanité avait pu prospérer sans l'ombre étouffante de leur capricieuse égide pesant sur eux. Leur Âge était passé, et en vertu de la pensée linéaire de l'être humain, personne n'avait jamais envisagé qu'ils voudraient revenir un jour.
Mais l'un d'eux l'avait fait – peut-être bien plusieurs d'entre eux. Et là où se trouvait un dieu, d'autres ne tarderaient guère à venir. Comment réagiraient-ils, quand il deviendrait apparent que l'humanité n'était plus docile, facilement terrifiée par les formes de vie qui lui étaient supérieures, mais avait contractée la fâcheuse habitude de chercher à se défendre ?
Si les mythes et légendes avaient prouvé un fait, c'était que les dieux abhorraient les mortels refusant de ramper devant eux. Athéna avait maudit Arachnée pour être la plus habile des tisserandes, meilleure encore que la déesse, après tout. Le dieu Abrahamique avait rendu les résidents de Babel incapables de se comprendre pour empêcher l'achèvement de leur grande tour, également. Et il ne s'agissait que de deux exemples parmi tant d'autres.
Oui, le terme apocalypse devenait de plus en plus approprié. Le Jugement Dernier. La colère déchaînée des dieux descendant à nouveau sur Terre.
Face à pareille horreur, même la potentielle résurrection de son élève égaré Tom Jedusor représentait de la petite bière. Quoique, il était toujours possible que Tom ait plongé suffisamment loin dans la démence qui saisissait inexorablement tout pratiquant assidu de la magie noire pour ne pas réaliser l'ampleur de la menace prête à déferler sur le monde et parvienne à aggraver la situation en refusant de lâcher sa croisade mesquine et stupide pour s'emparer du pouvoir au Royaume-Uni. Ce bon philosophe Murphy l'avait bien deviné, une situation n'est jamais désespérée au point qu'elle ne puisse empirer davantage.
Dumbledore s'efforcerait de retarder la fin, bien entendu. Que pouvait-il faire d'autre, en tant qu'être humain et en tant qu'éducateur ? Il ne pouvait pas permettre à ses élèves de partir docilement à la mort, pas alors qu'il pouvait leur donner les moyens de prolonger leur vie et celles de leurs camarades, quand bien même cette prolongation se limiterait à quelques misérables secondes.
Il ne savait pas si le Ministère le soutiendrait dans cette entreprise. Oh, il aurait la faculté de Poudlard de son côté, aucun doute à ce sujet, mais il ne nourrissait pas grand espoir regardant l'institution supposée gouverner la Grande-Bretagne magique. Ce n'était pas que celle-ci soit mauvaise, c'était qu'elle était ni plus ni moins qu'inadaptée. Elle avait accueilli avec abandon la chute de Lord Voldemort, avant de décréter qu'il ne s'agissait que d'un accroc dans son histoire récente et de refuser de prendre des mesures afin de mieux se préparer à un autre aspirant terroriste domestique.
Et ce n'était là qu'un souci interne, pas un conflit global. Peut-être même un conflit universel – ces aliens ayant tenté d'envahir New York pouvaient très bien avoir des alliés désireux de venger leur défaite, et vouloir retenter leur chance. Qui sait ? Ils pouvaient opter de combattre les dieux pour une raison indéfinissable, auquel cas la planète serait mise à feu et à sang – et c'était la prévision la plus optimiste, celle qui ne voyait pas mourir le système solaire entier.
Et dire que le début des vacances d'été lui était apparu comme une lueur de répit. A présent, il ne voyait plus rien que des nuages de tempête à l'horizon, et ils ne semblaient pas prêts de se dissiper.
