16 septembre 2012

Pour être franc, Colin Crivey n'avait pas un profil intéressant, le genre qui vous poussait à le désigner dans une foule et proclamer qu'il deviendrait la prochaine pop-star de la décennie ou le futur Premier Ministre. Il était le fils d'un laitier, si ceci n'annonçait pas déjà la couleur, il ne voyait pas ce qui pouvait.

Mais quand votre maman était la petite-fille d'un sorcier (et ouh-là, dit comme ça, c'était très Narnia, Le Neveu du Magicien mais lui et Dennis avait toujours préféré Le Cheval et son écuyer, enfin tant pis) apparemment ça changeait la donne.

Colin n'avait jamais été vraiment proche de grand-papi Marius, d'abord parce que celui-ci n'avait pas été tellement content de voir maman épouser un laitier, ensuite parce que même après avoir appris qu'il avait hérité la magie de la famille Black, lui et Dennis n'étaient pas les seuls petit-enfants et arrière-petit-fils de grand-papi et il avait fallu jongler avec tous les cousins, et puis grand-papi était mort. Ça arrivait aux gens, surtout vieux, mais c'était rudement embêtant pour quand on voulait se rapprocher de la personne concernée.

Heureusement que Madame Locke avait pris la relève. Elle avait l'air tout chic et respectable, à croire qu'elle prenait le thé avec la Duchesse de Cambridge et la Reine, mais elle était tellement gentille et polie que papa ne pouvait pas s'empêcher de l'appeler une bien chouette dame, et il était pourtant allergique aux gens de la haute. Mais bon, c'était probablement dur d'en vouloir à la femme qui vous expliquait pourquoi le papier peint changeait de couleur dans la chambre de vos garçons, et qui vous disait les astuces pour ne pas trop se faire snober en allant acheter les affaires pour l'école.

Alors pour elle, Colin était tout à fait d'accord pour prendre des photos – de toute façon, c'était son passe-temps préféré. Et les photos sorcières pouvaient bouger, vous imaginez un peu ? Ça, c'était du tonnerre ! Bon, ça pouvait se faire seulement avec une pellicule, parce qu'il fallait développer celle-ci dans une potion particulière, mais il pourrait envoyer des photos qui bougeaient à Dennis – son petit frère allait grimper aux rideaux, il voyait ça d'ici.

Il avait aussi accepté la proposition d'envoyer des lettres à un correspondant : c'était un programme arrangé par Madame Locke, mettre en contact un né-moldu anglais et un preums américain (parce que les Américains disaient juste première génération et après ils avaient raccourci) afin de pouvoir comparer les différences entre les sorciers habitant de tel ou tel côté de l'Atlantique. Pour Colin, elle avait choisi un autre garçon appelé Norman Babcock, et d'après les deux lettres qu'il avait envoyé, le type aimait plutôt tout ce qui était zombies et histoires d'horreur. Colin, pas tellement, mais il avait photographié plusieurs fantômes avec leur permission et envoyé les portraits à Norman qui avait apprécié – les fantômes de Poudlard n'étaient pas tellement terrifiants si on oubliait le Baron Sanglant, mais un fantôme ça restait macabre par nature.

Et puis, il avait aussi reçu le conseil d'aller voir une élève dans l'année au-dessus de lui si jamais il avait de gros problèmes, quelqu'un qui s'appelait Hermione Granger. Après une petite enquête, il avait appris qu'elle était à Serdaigle, et comme c'était la maison des grosses têtes, il avait vite décidé qu'il pouvait toujours raconter qu'il ne comprenait pas bien un cours ou un autre et voulait une tutrice. Une excuse comme ça, personne n'irait regarder de trop près.

Bon, peut-être que le professeur MacGonagall serait un peu vexée parce qu'il n'avait pas demandé à un élève plus âgé dans sa propre maison, mais il pouvait toujours dire que c'était l'entourage qui n'allait pas. La tour de Gryffondor, c'était sympa et animé, mais c'était pas vraiment le bon cadre pour étudier.

Une chose qui n'avait pas changé avec la découverte de sa magie, c'était que maman et papa lui tireraient les oreilles s'il ramenait de mauvaises notes.

31 octobre 2012

Les mots luisaient d'un éclat autant rouge qu'humide dans la lumière vacillante des torches.

LA CHAMBRE DES SECRETS A ÉTÉ OUVERTE. ENNEMIS DE L'HÉRITIER, PRENEZ GARDE.

Avec détachement, Hermione ne pouvait s'empêcher de comparer la scène à du théâtre de rue, le style grand-guignolesque qui avait contenté la soif de sang et de carnage du grand public longtemps avant que le cinéma ne décide d'inventer les films de slashers. C'était tout aussi mélodramatique et de mauvais goût.

D'abord, c'était quoi, la Chambre des Secrets ? La plupart des gens pouvaient avoir peur de l'inconnu, mais en ce qui concernait Hermione, le manque d'information l'irritait davantage qu'autre chose. Vu les murmures curieux s'élevant de la foule des élèves, elle devrait probablement se lever à la première heure demain matin pour réquisitionner un exemplaire de L'Histoire de Poudlard à la bibliothèque afin d'y trouver mention de cette mystérieuse Chambre. Et sinon, elle pouvait toujours demander à un professeur.

Ceci dit, en ce qui concernait les professeurs, la jeune fille commençait à perdre courage. L'année dernière s'était avérée un fiasco aussi franc qu'outrageant du début à la fin, et vu ce qui venait de se produire ce soir, l'année actuelle s'annonçait tout aussi mal. Et ça… une fois était un hasard, deux fois pouvait être une coïncidence, mais trois fois ne pouvait être que l'action de l'ennemi. Ou pour reprendre les mots châtiés et raffinés d'oncle Sydney :

« Quand un gars te traite de con, rigole et n'y pense plus. Quand deux gars te traitent de con, commence à te poser des questions. Quand trois gars te traitent de con, change de façon de vivre ! »

Pour l'instant, c'était encore la deuxième année, donc elle avait du mou en reste, mais la brune intellectuelle n'en ressentait pas moins un frisson d'appréhension au creux de l'estomac. Peut-être bien qu'elle devrait commencer à demander à Madame Locke s'il existait une procédure pour se faire transférer à Ilvermorny, l'académie américaine était nettement plus reposante selon les lettres de Jon…

En parlant de Madame Locke, son mentor devrait être informée le plus tôt possible de ce qui venait de se produire. Quel dommage qu'elle ne puisse pas lui envoyer une photo de la scène du crime pour compléter son rapport – mais développer une pellicule prenait du temps, alors elle n'allait pas reprocher ce retard à ce pauvre Colin.

Il était bien gentil, Colin, en dépit de toutes les taquineries que les autres Serdaigles adressaient à Hermione concernant son nouveau poussin tombé loin de son nid, ou plutôt de sa tanière ; il voulait surtout discuter de Madame Locke et de leurs correspondants respectifs, mais il nourrissait une sincère curiosité pour la magie et son fonctionnement, quelque chose de beaucoup trop rare entre les murs de Poudlard – pourquoi donc les gens manquaient-ils à ce point de la capacité à questionner les choses, Hermione s'en arrachait presque les cheveux.

Alors oui, elle s'était un peu attachée à lui. Maintenant, elle pensait comprendre de quoi parlaient ses cousins lorsqu'ils discutaient de liens fraternels – y compris l'irrésistible et séduisante pulsion de jeter l'horripilant humain plus petit que vous par la fenêtre quand il finissait de manière inévitable par vous taper sur les nerfs. Bon, elle ne commettrait jamais pareil acte, mais parfois, juste parfois, quand elle était épuisée par deux heures de réflexion et que Colin se montrait aussi enthousiaste qu'au début de la séance….

C'était rien qu'un tout petit peu tentant.