23 décembre 2012

Maria Stark née Di Angelo, bien que d'origine sorcière, n'en avait pas moins eu la foi. Peut-être était-ce un peu typé de la part d'une italienne, mais quand vous viviez dans le même pays que le Pape (d'accord, le Vatican constituait un état à part entière mais ledit état se trouvait en plein milieu de l'Italie alors pas de discussion sur les petits détails), ça vous laissait forcément des marques.

Ni son mari (et ça faisait toujours mal de penser à Howard, et elle savait que ça n'arrêterait jamais, juste qu'elle pourrait cesser d'y penser constamment) ni son fils n'avaient compris véritablement sa foi, mais n'en avaient pas moins accepté qu'elle aille à la messe le dimanche et insiste pour installer une crèche lors du réveillon de Noël. Maria avait été contente de vivre avec cela.

Avec le recul, elle se demandait si ce n'était pas l'influence inconsciente de sa vie comme Loki. Le panthéon Norrois n'était pas le dieu abrahamique, mais il ne s'agissait pas moins d'une religion, d'une reconnaissance du divin. S'était-elle rappelée sans le faire exprès qu'il existait une nature transcendant l'humanité, un principe si parfait qu'il en devenait impossible à expliquer, il fallait le vivre pour le saisir ?

Maintenant qu'elle avait assimilé ses engrammes disparus et réunifiés les fragments scindés de son être, Maria conservait fermement sa foi. Non, avoir été un dieu Viking ne changeait pas cela – en fait, elle considérait que c'était un argument en faveur de la croyance.

Loki avait eu conscience d'être dépassé par la nature du cosmos – un magicien, un digne de ce nom, ne pouvait pas se bercer d'illusions s'il voulait vivre et pratiquer l'arcane. Il avait su que l'Univers était vivant, mais que les mots pour décrire cette existence échappaient à sa portée. Il avait été un dieu, mais il avait réalisé qu'au-dessus de lui se trouvait quelque chose. Quoi donc ? Même les plus grands prophètes et philosophes d'Asgard n'avaient pas réussi à jeter davantage qu'une lumière trouble sur la question.

Maria croyait donc. Après avoir retrouvé sa famille, les enfants qu'elle avait perdu tout espoir de revoir et le petit-fils auquel elle ne s'attendait pas, elle avait allumé nombre de cierges à l'église.

Elle en avait allumé plusieurs pour le temps perdu et pour Howard, son cher Howard, et si le Paradis comme l'avaient dépeint les artistes de la Renaissance existait, il devait rendre fous les anges à critiquer leur aérodynamisme et à se moquer des saints pour passer le temps jusqu'à la réunion finale, mais pardonnez-lui, Seigneur, mon mari a simplement la langue trop rapide pour sa tête, vous voyez ce que je veux dire.

Quelques uns de ces cierges avaient été allumés par Jon.

« Je suis un juif de lignée paternelle dont la Nonna est un païen Viking converti au Christianisme » avait-il laissé tomber en guise de justification alors qu'il accompagnait sa vieille mémé à l'église pour la première fois. « C'est plutôt intéressant, d'avoir trois options disponibles si jamais je fais une crise spirituelle. »

Maria n'avait pas relevé. La foi était une affaire personnelle, si son tesoruccio ne souhaitait pas en discuter avec lui, elle ne l'y forcerait pas. Mais elle garderait la porte ouverte – et puis, elle était déjà touchée qu'il soit venue avec elle, son père et son grand-père trouvaient immanquablement un prétexte pour s'abstenir.

Elle avait aussi été touchée quand il l'avait aidée à fouiller dans les anciennes affaires mises de côté par Tony, juste pour retrouver la crèche et les décorations usées qu'elle avait utilisés avant l'accident de voiture. Alors qu'elle savait qu'il n'avait pas terminé de déballer sa propre malle.

En rétrospective, heureusement que Jon n'avait pas sorti davantage que sa lessive de ses affaires. Sinon, ça aurait pris beaucoup trop de temps de tout récupérer avant que la maison de Malibu ne soit détruite, en plus de s'enfuir avec le petit.

De l'autre côté, la crèche en porcelaine était définitivement détruite. Rien que pour cela, elle voulait arracher les yeux de ce prétendu Mandarin.

« … Nonna, tu sais que dans mon manuel pour le club de Duel, il y a un Charme du Bouclier ? » glissa Jon, blotti dans ses bras – non, elle n'était pas pressée de le reposer par terre, c'était son petit-fils et elle avait des années de câlins en retard.

« Certes, tesoruccio. Mais tu es un novice dans l'art de l'arcane, je récupère encore de l'incident déplaisant de cet été, et il s'agissait de missiles tirés par des hélicoptères. Dans le doute, abstiens-toi ou tu risques d'attraper un nez cassé. »

Derrière eux, les derniers pans encore intacts de la maison Stark croulèrent dans l'océan avec un gémissement de mauvais augure. Jon sursauta.

« Tu crois que Papa est... »

« Oh non » s'empressa d'affirmer Maria, « ta tante serait déjà là dans le cas contraire pour ressusciter ton père et le tuer de nouveau avant de le ramener encore pour le punir d'avoir osé mourir sans sa permission, et pas vieux dans son lit à l'âge de quatre-vingt-treize ans. »

Hela avait des Opinions sur la fin de vie de son frère, des que la matriarche Stark approuvait pleinement. Après son propre décès dans un accident automobile, elle n'accepterait rien de moins qu'une mort naturelle pour sa progéniture, une qui viendrait quand ils seraient trop vieux pour se rappeler ne pas avoir été vieux.

Jon continua d'arborer une petite moue. Elle raffermit gentiment sa prise sur lui.

« Mon doudou, ça ne me fait pas plaisir non plus de voir ton père se mettre en danger. C'est mon fils, tu te souviens ? »

« … Je voudrais juste qu'il arrête » souffla le pré-adolescent, et si sa voix n'était pas étranglée de larmes, c'était uniquement parce que la fatigue transparaissant dans son timbre indiquait qu'il n'avait plus assez d'énergie pour ça. « Pourquoi il veut tellement mourir ? »

Ah. C'était étonnant que la fatigue ne soit pas considérée comme une maladie contagieuse, Maria pouvait sentir l'engourdissement de la lassitude se diffuser dans ses propres muscles et ses pensées.

Elle devait faire asseoir ses garçons dans la même pièce et les obliger à discuter des conséquences du style de vie héroïque sur la vie et les relations familiales. Ce n'était jamais agréable, mais il fallait immanquablement en passer par là.

Bien sûr, cela devrait attendre qu'Anthony se soit dépêtré de son actuelle idiotie. Vraiment, que pensait-il lorsqu'il avait défié un terroriste en lui indiquant son adresse, que le bougre allait se conduire en personne civilisée et rationnelle ? Quiconque décidait de tuer plutôt que d'essayer d'ouvrir un dialogue était une cause perdue.

Voyons, où pourraient se réfugier une vieille dame et son petit-fils subitement privés de toit ? Pas à la Tour Stark, ce prétendu Mandarin ne manquerait pas de surveiller les lieux expressément affiliés avec Iron Man. Pas chez l'un des amis de Jon non plus, ou une famille innocente finirait en dommage collatéral ou prise en otage, ce qui ne manquerait pas de ruiner leur réveillon – gâcher les festivités d'autrui parce que les vôtres sont parties en fumée, quelle mesquinerie. Quant au SHIELD…

Maria ne pouvait pas se débarrasser d'une nausée persistante chaque fois que le sujet du SHIELD entrait dans la conversation. Une impression de danger – oh, bien sûr que le SHIELD était dangereux, mais elle doutait que cette dangerosité soit du côté de sa famille. Les protégerait plutôt que de se retourner contre eux.

Après mûre réflexion, il ne restait qu'une seule possibilité.

« Jon, nipotino, sois un amour et rappelle à ta pauvre Nonna le nom de cette auberge située dans le Pueblo magique ? Ma mémoire n'est vraiment plus ce qu'elle était. »