1er janvier 2013

Pour le réveillon de Noël, Hermione s'était vu offrir une espèce de poncho brun caramel poilu dans lequel se blottir quand elle avait froid aux épaules – elle ne savait pas pourquoi, elle pouvait se promener les genoux complètement à l'air en plein mois de Décembre anglais sans mal mais elle ne pouvait pas exposer le haut de ses bras au froid sous peine de se métamorphoser en loque frissonnante et éternuante – un jeu d'évasion sous la forme d'un livre intitulé Le Secret de Gutenberg où le lecteur-joueur se retrouvait perdu dans le passé et devait résoudre des énigmes afin de retourner à sa propre époque, un cordon d'argent brillant pour lui servir de bandeau dans les cheveux et une paire de boucles d'oreille en forme de papillons noirs et fuchsia.

Pour le réveillon de Noël, son correspondant Jon avait eu droit à un terroriste faisant sauter sa maison, tout ça à cause d'une rancune puérile contre Tony Stark – et oui, Hermione considérait les terroristes comme le summum de la puérilité, détruire les affaires des autres et formuler des exigences déraisonnables était le genre de conduite qui ne passait plus après le cap des deux ans, comment ces gens avaient-ils donc été élevés ?

En règle générale, Tony Stark semblait avoir un problème avec les terroristes. Voyez son enlèvement lorsqu'il avait voulu visiter l'Afghanistan, le désastre qui s'était produit lors du Grand Prix de Monaco quand ce russe s'était déchaîné puis avait attaqué l'Expo Stark pour faire bonne mesure, et maintenant ce soi-disant Mandarin qui pensait que ruiner Noël était une excellente idée, dans le plus pur manque de respect pour les idéaux de paix et de fraternité associés avec la fête de fin d'année.

Hermione avouerait qu'il lui arrivait parfois de se sentir jalouse de Jon, principalement car le garçon américain vivait sous le même toit que Madame Locke et pouvait donc la monopoliser à loisir, mais elle ne lui enviait certainement pas la menace terroriste pesant sur sa tête. Ça devait être un vrai cauchemar de voir votre maison changée en un monceau de gravats fumants et à moitié liquéfié par la chaleur des bombes, tant pis si vous étiez assez riche pour avoir quinze autres résidences disséminées un peu partout dans le monde.

Elle ne lui enviait pas non plus les soucis familiaux. D'accord, sur ce point précis, Hermione n'avait guère l'opportunité de se plaindre très fort, vu les tensions causées par son grand-oncle Bucky chaque fois que celui-ci était évoqué, mais au moins était-il mort depuis belle lurette et n'avait que peu de chances de revenir parmi les vivants, à la manière de Maria Stark.

Cependant, à en juger par sa dernière lettre, Jon semblait s'être engagé sur le chemin de la réconciliation avec son père. Bon, c'était hésitant, et le tempérament pour le moins houleux et capricieux de l'ingénieur devenu super-héros causerait fatalement des rechutes, mais ça avait l'air d'un pas dans la bonne direction. La nouvelle année était supposée annoncer un nouveau départ et de nouvelles résolutions, n'est-ce pas ? Hermione adresserait autant de bons vœux que possible à son correspondant de l'autre côté de l'océan Atlantique, il en aurait besoin.

Pour sa part, elle hésitait. Vu la tournure empruntée par ses études à Poudlard, avec une arme de destruction massive cachée dans les fondations de l'établissement et un escroc notoire en position d'influence parmi le corps enseignant, la jeune fille se demandait si elle ne ferait pas mieux de prier pour son avenir, mais à qui s'adresser ? Elle avait grandi plus ou moins Protestante, mais l'apparition de Thor lors de l'Incident de New York avait causé une résurgence non-négligeable de paganisme scandinave, et certains murmuraient que si un dieu existait, ce n'était pas la preuve que les autres panthéons étaient un ramassis de balivernes.

Oui, il y avait beaucoup d'agitation dans les milieux de la religion, y compris dans le monde sorcier – parce que la nature humaine avait désespérément besoin de croire en quelque chose qui la dépassait de manière écrasante, peu importe l'endroit où vous naissiez ou votre capacité à utiliser une baguette pour changer le voisin en crapaud.

La perspective de prier faisait un effet bizarre à Hermione, surtout car elle savait que Maria Stark était le dieu Viking Loki. S'adresser à cette charmante vieille dame en tant qu'entité surpuissante – bon, les grand-mères ne manquaient pas de pouvoir et elles n'hésitaient pas à s'en servir, mais là c'était carrément l'échelon supérieur et c'était juste étrange au point que le cerveau de la pauvre fille menaçait de bloquer furieusement.

Et puis, Madame Locke ne verrait probablement pas une prière d'un bon œil. La femme qui aimait s'habiller en vert et en noir n'hésitait jamais à fournir conseils et informations, mais elle restait un mentor assez détaché de ses protégés – elle attendait d'Hermione et de Colin qu'ils se débrouillent par eux-mêmes quand il leur arrivait quelque chose. C'était assez flatteur, quand on y pensait – Madame Locke avait suffisamment confiance en eux pour leur laisser les coudées franches – mais à l'occasion, un peu plus d'investissement dans la vie de ses protégés serait plus rassurant qu'étouffant pour leur talent.

Hermione commençait à se dire que rester dans le monde sorcier après avoir obtenu ses BUSE – elle s'était renseignée, c'était le diplôme minimal à décrocher si vous vouliez avoir la moindre chance d'être pris au sérieux en Grande-Bretagne magique et non d'être considéré comme un babouin ayant accidentellement gagné accès à une baguette magique – ne serait peut-être pas la meilleure route à suivre pour elle. Et d'une, elle n'aimait pas les tendances discriminatoires présentes au sein de l'établissement scolaire qui promettaient d'empirer dans le milieu du travail, et de deux, elle ne tenait pas à se couper entièrement du monde et de la société dans laquelle elle avait vu le jour, et de trois, si le danger continuait à monter malgré les efforts de Dumbledore que tout le monde proclamait le plus grand sorcier du monde moderne, elle préférait encore décamper avant l'explosion finale.

Bon, le monde ordinaire non plus n'était pas très sûr, ces derniers temps. New York envahie par une horde d'aliens sanguinaires n'était que la cerise sur le gâteau, il y avait eu des incidents – certes moins notables mais pas moins troublants – auparavant et les choses ne faisaient pas mine de vouloir ralentir.

Est-ce que grandir, c'était cela ? Remarquer combien l'univers était tellement moins inoffensif que vous aimiez à le croire ? Ou bien cela n'avait rien à voir avec Hermione gagnant en maturité, c'était juste que la planète elle-même perdait la boule et se détraquait. Très probable comme hypothèse, les nations pouvaient s'anéantir à grands renforts de missiles nucléaires depuis les années 50 alors que ça aurait été impensable du temps de la Reine Victoria, plus les années filaient et plus l'humanité devenait dangereuse pour elle-même et l'environnement en général.

À présent, ce danger menaçait de se répandre plus loin que le système solaire – si la ville de New York pouvait repousser une invasion cosmique à elle seule, qui savait les dégâts que causerait environ huit milliards de Terriens au reste de la galaxie ? Peut-être que Miss Locke en aurait une idée, mais Hermione ne lui poserait pas la question.

La fille aux cheveux ébouriffés avait le net pressentiment que ce serait une énorme casse. La galaxie était vaste et cachait forcément quelque chose qui n'apprécierait pas de se faire écraser les orteils, mais un revolver n'en était pas moins capable de causer plusieurs morts avant de dépenser toutes les balles dans son barillet.

Pour l'instant, la Terre avait encore ses cartouches au grand complet. Sur quoi allait-elle tirer en premier, c'était la grande question.