La journée de Scarlett commença de la pire des manières. A son réveil, elle quitta son lit et s'emmêla les pieds dans la couverture ce qui la fit lourdement tomber au sol. Malgré le léger saignement provenant de son nez, elle s'empressa d'aller prendre sa douche mais, au moment d'activer l'eau chaude, elle ne reçut rien d'autre que de l'eau gelée en plein visage.

Agacée, elle eut la soudaine envie de dévorer des tartines de pain griller mais son toasteur se mit littéralement à cracher de la fumée juste sous ses yeux. Abandonnant l'idée de manger, elle quitta son appartement pour se rendre au travail mais cette fois-ci, ce fut sa voiture qui décida de faire des siennes en refusant catégoriquement de démarrer.

N'ayant pas le temps pour téléphoner à une dépanneuse, elle se contenta de courir – aussi vite que possible – jusqu'au métro le plus proche malgré ses chaussures qui n'étaient absolument pas faites pour cette pratique sportive. Par chance, elle eut un peu d'avance sur le wagon dans lequel elle devait monter alors elle en profita pour acheter un grand gobelet de café.

Celui-ci avait un véritable goût de chaussette sale, ce qui manqua de peu de la faire vomir sur les chaussures de l'adolescent – qui sentait la sueur – assis à ses côtés. Laissant sa place à une personne âgée, elle se retrouva donc debout et un homme eut la bonne idée de venir la coller de trop près ce qui lui valut un majestueux coup – dans ses bijoux de famille – de la part de sa paire de chaussure en cuire.

Manque de chance, l'homme – en se tordant de douleur – la poussa et – avec la vitesse du métro – elle tomba sur une jeune femme qui était en pleine lecture. Comme si la situation ne pouvait pas être plus catastrophique, elle renversa l'intégralité de son café à la chaussette – encore bouillant – sur son chemisier blanc qui devint alors transparent au niveau de la tâche marron.

Il s'agissait du genre de journée où il valait mieux rester à la maison, parfaitement en sécurité dans le confort de son lit mais Scarlett était de nature courageuse, elle aimait le défi et se disait que rien de pire ne pouvait lui arriver alors, le sourire aux lèvres, elle quitta le métro – bien déterminée à affronter cette nouvelle aventure. Le chemin jusqu'à son lieu de travail ne durait pas plus de vingt minutes et pourtant, ce fut sans aucun doute les vingt plus longues minutes de sa vie.

Alors qu'elle s'apprêtait à traverser, une voiture ne respecta pas le feu rouge et manqua de peu de l'écraser. Pour l'éviter elle braqua sur le côté, plongeant ainsi sa roue en plein dans une flaque d'eau ce qui la trempa de la tête aux pieds. Ce fut à ce moment que sa paire d'écouteur commença à grésiller dans ses oreilles et, un peu plus loin, alors qu'elle jetait un coup d'œil à l'heure sur son téléphone, elle percuta de plein fouet une jeune femme qui laissa tomber son sac de course.

Se retrouvant à présent avec une omelette d'œuf, de farine et de jus de cornichon sur les chaussures, elle commença à se dire qu'elle aurait sans doute mieux fait de ne pas titiller Murphy qui, visiblement, voulait sa peau aujourd'hui. Un fin sourire se dessina sur son visage lorsqu'elle vit l'établissement où elle travaillait se dessiner juste sous ses yeux mais celui-ci disparu tout aussi vite car, lorsqu'elle posa le pied sur une crotte de chien abandonnée sur le trottoir, un pigeon vint se poser sur son épaule pour y faire sa commission.

« Ce qui ne te tue pas, te rends plus forte. » Marmonna-t-elle en entrant dans le tribunal, les chaussures à la main.

Heureusement, Scarlett était de nature courageuse même si malchanceuse, elle avait tendance à avoir deux mains mais aussi deux pieds gauches alors elle avait – non pas une mais deux tenues de rechange dans son casier. Passant par les toilettes pour se changer, elle soupira en constatant que son collant – qu'elle avait pourtant mis pour la première fois – venait de rendre l'âme mais bon, elle n'était plus vraiment à ça près.

Elle préféra jeter sa tenue à la poubelle plutôt que de s'attirer plus de mauvaises ondes en la gardant à portée de main puis, tout en s'attachant les cheveux trempés en une queue de cheval, elle acheta un café à la machine. Elle avait l'impression de boire de l'eau chaude avec un arôme qu'elle était incapable de citer mais, au moins, ce n'était pas celui aux chaussettes sales.

Elle regarda à nouveau l'heure et soupira en constatant qu'elle était en retard. Officiellement, elle avait encore dix minutes d'avances sur l'heure à laquelle elle devait prendre son poste mais, officieusement, elle était déjà en retard d'une demi-heure. Le juge en chef ne plaisantait guère là-dessus, être à l'heure revenait déjà à être en retard alors, pour ne pas s'attirer ses foudres, ils faisaient tous en sorte de venir le plus tôt possible.

Elle entra donc dans son bureau et constata – sans grand étonnement – que tous ses collègues étaient déjà à leur poste. En trainant des pieds au sol, elle s'approcha de la liste des tâches à faire et manqua de peu de s'écrouler en constatant qu'elle avait été nommée pour répondre au téléphone.

La brune jeta alors un regard circulaire dans la pièce pour savoir qui était l'imbécile qui avait osé mettre son nom à cette place mais, bien évidemment, aucun d'entre eux n'osa relever la tête. Scarlett était connue pour sa gentillesse sans limite mais lorsqu'elle venait à se mettre en colère, rien ni personne ne pouvait la calmer.

« Bande de traitre. » Marmonna-t-elle en retrouvant son plan de travail.

De toutes les tâches qu'il fallait faire, la pire d'entre elles lui avait été attribuée. Elle ne rechignait jamais à l'idée de devoir rédiger une sentence, un compte rendu d'audience ou encore répondre à tous les mails que recevaient les juges. Elle pouvait passer la journée à trier les dossiers sans pousser le moindre soupir mais, répondre au téléphone, elle avait envie de mettre fin à ses jours à chaque fois qu'elle portait l'appareil à son oreille.

Quel mal avait-elle fait pour mériter un tel début de matinée ? Sans doute avait-elle accumulé un mauvais karma dans une autre vie et Dieu avait choisi ce jour-ci pour le lui faire payer. En tout cas, si elle se fiait à cette maudite Loi de Murphy, quelque chose d'encore pire allait arriver. Quoi ? Elle n'en avait pas la moindre idée mais elle se tenait prête à affronter l'explosion que risquait de provoquer cet évènement.

A peine eut-elle le temps de s'installer à son bureau que le téléphone se mit à sonner. S'en suivit alors de longues minutes pendant lesquels elle s'efforça de garder son calme tout en répétant, encore et encore, la même chose.

« Faire l'objet d'un placement éducatif ne veux pas dire qu'il aura un casier. Ce n'est pas une prison, Madame. Malgré ce que beaucoup de personne peuvent croire, ce n'est pas un centre de détention, les enfants peuvent se construire comme ils le feraient à l'école. Nous les surveillons, il y a tout un suivi psychologique et… Oui. Oui, je sais… »

Belle, qui rédigeait jusqu'alors le rapport demandé par le juge en chef, leva les yeux de son ordinateur et regarda sa collègue avec peine. Comme Scarlett était en retard, ils avaient tous votés, elle la première, pour lui imposer la tâche la plus ingrate. Pour se faire pardonner sa trahison, elle attrapa le téléphone dès que celui-ci se mit à sonner pour lui permettre de respirer quelques secondes.

« Service du tribunal pour enfant. C'est quel commissariat ? Ah, oui, bonjour. Que puis-je pour vous ? Mais on ne peut rien faire parce que c'est une décision de la Cours. Je vous demande pardon ? Vous en êtes sur ? » Dit-elle en écarquillant peu à peu des yeux.

Au même moment, à l'entrée du tribunal, un taxi passa – non sans mal, la foule de manifestant pour s'aventurer jusqu'au pied du bâtiment. Une sulfureuse brune en sortie, valise de travail à la main, et s'éloigna du véhicule en faisant bruyamment claquer ses talons sur le carrelage blanc.

Elle passa rapidement par l'entrée où elle récupéra son badge puis, à l'aide de l'ascenseur, elle grimpa jusqu'à l'étage dédié à son département. Elle s'aventura lentement dans le couloir en scrutant le moindre tableau présent sur les murs, la moindre petite touche de décoration.

D'un point de vue extérieur, elle marchait comme si l'endroit lui appartenait, comme si elle avait le monde à ses pieds alors qu'elle découvrait tout simplement son nouvel environnement de travail.

Au bout du couloir qui lui parut interminable, elle trouva enfin la pancarte signalant la chambre des mineurs criminels puis, après avoir pris une profonde inspiration, elle entra dans la pièce. Elle se retrouva alors nez-à-nez avec une jeune femme blonde, tout juste dans la vingtaine, qui sirotait tranquillement une tasse fumante.

« Vous êtes la juge Regina Mills ? Bonjour, je m'appelle Ashley Herman. Je gère le département criminel du tribunal pour mineurs. Vous êtes arrivé plus tôt que prévu, veuillez me suivre. » Lança celle-ci en posant sa boisson chaude sur son bureau.

Sans un mot, la brune la suivit jusqu'à la petite pièce adjacente où se trouvait deux bureaux dont l'un était totalement vide. Instinctivement, elle se dirigea vers celui-ci en comprenant qu'il devait s'agir du sien.

« Voilà, c'est ici. On vous a bien informé que vous partageriez votre bureau avec un autre juge ? C'est une femme et elle s'appelle Emma Swan ! Elle a passé toute la nuit à rédiger la sentence, elle est sortie pour se rafraichir un peu. »

Regina regarda attentivement ce bureau qui manquait cruellement d'organisation. Les dossiers et divers documents étaient éparpillés sur le bureau avec tout un tas de stylo dont l'encre allait finir par sécher si personne ne venait remettre leur bouchon. Il y avait aussi une tasse vide, un paquet de mouchoir, une bouteille de soda vide ainsi qu'un paquet de nouille instantanée. Comment diable faisait cette juge pour se concentrer ?

Contrairement au bazar qui régnait en maitre sur le bureau principal, le meuble sur lequel reposait l'ordinateur était, lui, étrangement en ordre. Les livres de Loi et de constitution étaient posés les uns sur les autres, dans un coin, protégés individuellement par une pochette en plastique. Un peu plus haut, sur le mur, se trouvait accroché des images d'une jeune femme avec des adolescents d'âge et de taille différentes.

Puisqu'elle était la seule à réapparaitre sur les images, Regina comprit qu'il devait très probablement s'agir de sa future collègue. Des cheveux blonds – sans doute très longs – des yeux clairs et un sourire heureux sur le visage, il fallait avouer qu'elle dégageait un certain charme, une certaine aura qui la rendait d'autant plus belle.

« Et Monsieur Spencer ? Il n'est pas là ? » Questionna-t-elle simplement en posant son sac à main.

De l'autre côté du tribunal, une voiture se vit bloquer le passage par une foule de manifestants qui étaient, une fois de plus, au rendez-vous. Emma, au volant, ne put s'empêcher de soupirer et montra sa carte de juge à l'un des policiers – présent afin d'assurer le bon déroulement de la manifestation – pour qu'il lui puisse lui créer un passage jusqu'à la grille.

Abrogation de la Loi sur les mineurs !

Abrogation ! Abrogation !

Nous voulons des peines plus sévères pour les jeunes criminels violents !

Abrogation ! Abrogation !

Tolérance zéro avec les jeunes délinquants !

Abrogation ! Abrogation !

La Loi sur les mineurs est une insulte pour les victimes, nous en voulons l'abrogation !

Abrogation ! Abrogation !

Tant bien que mal, elle parvint à se faufiler entre le bloc de personne mais ce ne fut pas sans recevoir des coups de pancarte sur sa voiture. Elle entendait parfaitement leurs plaintes et leurs peines mais, en y réfléchissant correctement, l'abrogation de cette Loi n'était pas une bonne idée.

Sans cette Loi, tous les mineurs seraient jugés de la même manière que les adultes ce qui était tout bonnement inacceptable. Les criminels devaient être punis mais à la hauteur de leur crime et de leur âge, de leur connaissance du monde et de leur discernement. La colère ne devait pas entraver le jugement, cette Loi avait justement été conçue pour limiter les abus de peine de la part du tribunal.

Soupirant, elle se massa les tempes en se disant qu'une autre dure journée de travail l'attendait alors qu'elle manquait cruellement de sommeil. Par chance, si aucun gros dossier ne venait à lui tomber dessus, elle pourrait très bien trouver le temps de roupiller entre deux coups de téléphone.

Après s'être garée à la place qui lui était attribué dans le parking sous terrain, elle attrapa sa besace ainsi que les gobelets de café qui attendaient patiemment sur le siège passager. Tranquillement, elle rejoignit l'étage où se trouvait son poste de travail mais avant, elle fit un détour par le bureau collectif dans lequel travaillaient Belle et Scarlett. Les deux brunes semblaient avoir eu un début de journée des plus compliqué alors, sans un mot, elle déposa devant elle un gobelet de café qui – au vu de leur mine déconfite – allait leur faire le plus grand des biens.

Tout en jetant un coup d'œil à ses mails depuis son téléphone, elle se dirigea ensuite vers son propre bureau qui se trouvait pratiquement de l'autre côté du département. Le numéro de l'avocat d'un des enfants dont elle avait la charge s'afficha alors sur son écran et elle soupira en se demandant ce qui avait bien pu encore se passer. Sans grande surprise, l'adolescent était à l'hôpital après une énième bagarre.

« Oui je comprends. Encore ? La blessure n'est pas trop grave j'espère ? Oui, évidemment. Je comprends tout à fait… Oui, bien sûr, il faut le soigner en priorité. Tenez-moi au courant dès que c'est terminé, s'il vous plait. Merci beaucoup ! »

Elle raccrocha pile au moment où elle arriva à la hauteur de la porte de son bureau mais elle n'eut pas le temps d'enclencher la poignée que celle-ci s'ouvrit sur une jeune femme. Ses cheveux bruns s'arrêtaient au niveau de ses épaules et encadraient divinement son visage grâce à une coiffure des plus parfaite. Des pupilles chocolat à couper le souffle, une bouche pulpeuse recouverte d'une très légère couche de rouge… Il s'agissait sans nul doute de la plus belle femme qu'Emma n'ait jamais vu de sa vie.

Elle resta stupéfiée pendant quelques instants, la suivant du regard sans pouvoir dire quoi que ce soit. Sa bouche était étrangement sèche malgré le morceau de gomme qu'elle mâchouillait et son cœur, il semblait sur le point de sauter hors de sa poitrine.

« Excusez-moi ? Vous êtes qui ? Euh… Je suis désolée, cet endroit n'est pas du tout accessible au public. Vous êtes venu ici pour voir quelqu'un ? » Lança-t-elle finalement.

« Le nouveau juge associé qui travaille ici. » Répondit la brune qui la regarda enfin.

« C'est le juge Mills, c'est bien ça ? Vous avez pu le rencontrer ? On m'a dit qu'il était un peu en retard parce que son transfert avait dû se faire dans l'urgence. Est-ce que vous avez rendez-vous avec lui ? » Fit la blonde en jetant un coup d'œil dans la pièce à la recherche d'une trace de l'homme.

« Non, je n'ai pas besoin d'un rendez-vous parce que je suis le juge Mills, Regina Mills. Nous allons travailler ensemble. »