Correctrice : Clina
Personnage : Caméléon June
Mention de : Andromède Shun, Athéna, Pégase Seiya, Ophiuchus Shaina, Aigle Marin, Bélier Shion
Ship : June x Shun, mention de Shaina x Seiya
Type d'écrit : introspection, réflexion, romance
Arc temporel : après Hadès, quelques années plus tard même, même temporalité que les autres OS
Lieu : Sanctuaire d'Athéna, les ruines
Autre : suite de l'OS n° 16 Retrouvailles et de l'OS n° 31 Souper en tête-à-tête. On est cependant quelques mois plus tard, leur relation a donc évolué en conséquence. C'est l'OS qui accompagne le précédent avec les pensées de Shun.
Nombre de mots : 2130
Titre : Ruines
S'il y avait quelque chose qui caractérisait bien le décor du Domaine Sacré, c'était les ruines selon June. Il y en avait quasiment partout au Sanctuaire, vestige des temps reculés de sa création et des anciennes Guerres Saintes, qui avaient secoué le monde, témoin des évolutions du Sanctuaire au gré des siècles et des millénaires, apportant bien souvent un peu plus de modernité en ces lieux antiques. Le Domaine Sacré s'étendait, se recentrait sur lui-même et il évoluait suivant la progression des êtres qui y vivaient. La jeune femme savait que certaines ruines étaient précieusement conservées en hommage et en mémoire des grands Guerriers et des fières Amazones, ou pour les combats épiques qui s'y étaient déroulés autrefois. Et c'était toujours un lieu empli de calme et de silence, dans lequel elle aimait venir se ressourcer et surtout découvrir le contenu des lettres de son ami d'enfance. Tout avait été rénové et reconstruit grâce aux bons soins de la Fondation Graad et selon les desiderata de leur Déité protectrice, qui avait voulu conserver l'esprit antique du Sanctuaire tout en le modernisant. Mais elle avait respecté ces lieux de mémoire, où les Saints venaient chercher un moment de calme, de repos, de solitude et de souvenirs. C'était aussi important de respecter l'héritage des siècles passés qu'ils avaient.
Et en ces temps de paix annoncée, June pouvait se permettre de mieux profiter du décor antique du Domaine Sacré. Elle y vivait depuis des années maintenant. Elle s'y était retrouvée après la Guerre interne du Sanctuaire. Son regard gris bleu fit lentement le tour des ruines autour d'elle. Elle avait énormément perdu lors de cette bataille. Leur Maître pour commencer, qui ayant choisi la neutralité face aux décisions de Shun, l'avait payé de sa vie lors d'un combat contre un Saint d'Or. Leur île d'Andromède, cet endroit qui n'avait rien de paradisiaque, mais où elle avait quasiment toujours vécu, avait été détruite en sanction sur les ordres du Grand Pope de l'époque. Elle avait vu disparaître tout ce qu'elle chérissait en quelques minutes à peine, découvrant par la même la puissance des Ors. Et même si elle s'était présentée face à Shun en disant vouloir glaner la rédemption auprès du Sanctuaire, elle voulait surtout le protéger. Parce qu'il ne lui restait que lui à l'époque. Parce qu'elle en était éperdument amoureuse déjà depuis un moment. Cette amitié d'enfant qui avait changé avec l'adolescence et qui lui faisait redouter de le perdre lui aussi. Parce qu'il était tout ce qui lui restait à ce moment-là…
Avait-elle vraiment cru que sa confession amoureuse changerait quelque chose dans le choix de Shun ? Non, mais elle avait besoin de le dire. Il devait savoir avant de partir combattre plus fort que lui. Elle risquait fortement de ne jamais le revoir après tout. Mais elle avait toujours eu conscience de sa vraie force et de son courage. Il n'était pas du genre à renoncer, et il avait beaucoup d'honneur. Mais on ne devinait sa vraie personnalité que quand on le connaissait suffisamment pour voir au-delà de ses traits fins et androgynes, au-delà de sa gentillesse, sa douceur et sa bienveillance naturelles. Ce que d'autres prenaient pour des faiblesses fournissait à Andromède une force inouïe et la capacité de faire des miracles. Elle en avait été le témoin indirect. Et elle l'avait toujours admiré pour cela. Elle se sentait bien faible, elle, qui avait osé lui demander d'abdiquer pour rester en vie et pour être avec elle. Relevant la tête, June observa le décor antique en ruine. C'était très différent de son île. Mais venir ici la rendait toujours nostalgique de ce qui s'était passé là-bas, ravivant autant les souvenirs d'enfance que ceux plus douloureux de la perte de son Maître adoré, cet homme qui avait été comme un père pour eux. Et elle ne chassa pas la larme qui cascada lentement sur sa joue. Elle s'octroyait aussi le droit de ressentir et d'accepter certaines émotions.
June ferma les yeux. Et elle soupira. Bien sûr ils ne s'étaient pas directement revus après cette bataille. Les Guerres Saintes s'étaient très vite enchaînées. Shun combattait avec ses frères pour Athéna, leur Déesse, et pour protéger l'humanité. Ensuite il était bien souvent blessé et il se retrouvait en convalescence ici ou au Japon. Et si June avait toujours pris de ses nouvelles, elle n'avait jamais osé le visiter. Elle se sentait intimidée. Et peut-être qu'à l'époque, elle redoutait un rejet, même s'il l'aurait formulé avec tact et extrêmement de douceur. Et elle avait repris sa vie en s'installant ici, en se mêlant aux autres Amazones. C'était une nouveauté cette complicité féminine, elle qui avait été la seule apprentie féminine sur l'île d'Andromède. Elle avait découvert la sororité ici. Elle se sentait bien et chanceuse d'avoir aussi des sœurs d'armes. Et elle s'était plus ou moins liée à Marin et Shaina, les deux Argents qui étaient si proches de Saints Divins. Par contre, elle évitait soigneusement les Ors depuis leur retour à la vie. Elle n'arrivait pas à chasser son appréhension et peut-être une certaine forme de rancœur pour ce qui était arrivé à son île.
Et elle avait laissé Shun s'éloigner. Au départ, elle comprenait son besoin de temps pour guérir de la guerre contre Hadès. Elle savait ce qu'il avait traversé. Et elle ne pouvait pas venir avec ses sentiments, auxquels il ne pouvait pas répondre, trop pris par ses propres démons à guérir. Puis elle avait cru que peut-être son amour pour lui changerait avec les mois devenus années, que cela deviendrait une douce amitié complice comme lors de leur enfance. Mais en fait non, elle était toujours amoureuse de lui. Et en laissant filer le temps, elle s'était retrouvée incapable de lui avouer qu'elle l'aimait toujours. En fait elle en était au point où elle n'arrivait même pas à oser croiser son regard ou juste venir lui parler, quand ils se rencontraient ici par hasard. Et comme il ne faisait pas le premier pas, elle avait juste abdiqué se contentant de ses moments de rêveries, et faisant des plans plus élaborés les uns que les autres pour aller se déclarer à nouveau. Une part d'elle avait besoin de savoir qui elle était pour lui. Alors elle avait été heureuse de sa mission auprès de la Déesse Athéna à Tokyo. Avec un peu de chance, elle pourrait visiter ou au moins rencontrer Shun. Et au final, avec l'aide de la jeune Réincarnation divine, elle avait obtenu une semaine complète de tête-à-tête avec lui. Avec patience et bien qu'ayant un peu bafouillés au début, ils avaient retrouvé leur complicité naturelle. Elle s'était à nouveau déclarée, mais elle lui laissait le temps de réfléchir à ses propres sentiments.
Puis June était revenue au Domaine Sacré. C'était peu de temps après qu'ils avaient commencé à s'échanger hebdomadairement des lettres, par l'entremise de Saori et la complicité du Grand Pope. C'était plus facile par écrit. Le Caméléon s'était alors imposée un rituel précis pour découvrir le contenu des lettres d'Andromède. Elle attendait d'avoir un moment de libre pour se retirer dans les ruines du Sanctuaire. Ici, elle pouvait être seule pour découvrir le contenu à son aise, sans témoin de ses rougeurs aux joues ou de son sourire béat devant l'écriture fine et calligraphiée de Shun. Elle n'avait pas une si jolie écriture, mais elle s'appliquait quand elle lui écrivait. Et elle aimait son moment de solitude pour lire ses mots. Bien sûr au départ, les missives étaient relativement courtes et basiques. Après en général deux lectures, elle savourait ses émotions du moment et elle s'octroyait le droit de rêvasser à lui. Mais elle mettait toujours un jour de plus et une autre lecture avant de lui répondre. Et comme lui au début, elle ne faisait que raconter des anecdotes.
Puis elle s'était enhardie, sûrement dû à la distance et parce qu'il lui manquait. Elle avait commencé à glisser de petits surnoms, des mots plus affectueux et doux, des propos plus personnels. Shun n'y répondait pas vraiment. Mais lui aussi avait commencé à raconter plus de choses, à parler de sujets plus personnels et intimes. Puis une fois, elle s'était étranglée en lisant sa lettre. Elle avait dû relire trois fois la ligne pour s'assurer avoir bien compris le sous-entendu timide qu'il avait fait. Et elle se souvenait encore de la sensation de chaleur sur ses joues, du sourire qu'elle devait avoir et des papillons qui voletaient dans son ventre. De toute évidence, son amour n'était pas autant à sens unique qu'elle l'avait imaginé. Et June avait répondu, mettant moins de sous-entendus, mais craignant toujours d'aller trop vite avec lui. Elle voulait vraiment lui laisser le temps de penser à eux, à ce que lui pouvait espérer comme relation pour eux. C'était toujours un peu anxieuse, qu'elle cachetait ses lettres avec ses mots tendres devenus des petites déclarations amoureuses à peine dissimulées entre les autres propos plus communs. Shun y répondait souvent par des propos poétiques et plus timides. Et cela durait depuis des semaines.
Alors elle avait failli tomber de la pierre sur laquelle elle était assise en découvrant la fin de sa missive. Métaphoriquement parlant bien sûr, elle avait juste été très surprise. Et elle avait dû relire la phrase plusieurs fois. Pourtant il n'y avait rien de sous-entendu. La déclaration était des plus limpides, comme l'eau de source ! Une fois qu'elle avait réalisé qu'elle ne s'était pas trompée dans sa lecture et qu'elle ne rêvait pas, son corps avait réagi tout seul. Elle avait les joues très rouges. Et elle bénissait le fait qu'elle pourrait remettre son masque métallique pour rentrer au quartier des femmes. Son cœur battait très fort et très vite, ses mains tremblaient légèrement. Elle était presque heureuse que sa première déclaration soit faite par lettre ! Elle n'aurait pas su comment réagir face à lui. Et une part d'elle regrettait qu'il soit si loin. Elle aurait aimé se réfugier dans ses bras et peut-être lui voler un chaste et court baiser. Elle pouvait en rêver plus ouvertement, sans culpabiliser maintenant. Et un sourire bien heureux naquit à nouveau sur ses lèvres rosées. June savait que ses joues avaient aussi pris une jolie teinte rougeâtre.
La jeune femme déplia sa lettre et elle la relut à nouveau. Elle ne savait pas combien de fois elle avait déchiffré ses mots depuis qu'elle les avait reçus. Elle y avait répondu et elle attendait maintenant avec impatience la réponse de Shun. Elle mourrait d'envie de demander la permission d'aller au Japon, mais ce serait déplacé d'oser quémander une mission auprès du Grand Pope. Mais en vrai elle mourrait d'envie de le voir, de lui dire à voix haute tout l'amour qu'elle lui portait et de trouver refuge entre ses bras. June soupira. À défaut de sa présence et sa chaleur, elle pouvait relire sa lettre à l'infini. Et surtout ces quelques mots à la fin Tu me manques. Je t'aime. Et la jeune femme savait qu'elle ne comprenait pas de travers la déclaration d'amour. Elle était courte et simple, loin des grands clichés romantiques. Mais ça lui suffisait. Parce que ces petits mots renfermaient tout l'amour qu'il lui portait, tout le bonheur qu'ils pouvaient espérer et toutes les promesses d'avenir. Ils auraient encore des choses à découvrir ensemble, sur ce qu'être un couple voulait dire. Cela changerait peut-être un peu leur dynamique, mais cela n'avait pas d'importance.
Mais June avait foi en leur avenir. Elle était juste heureuse. Et la seule chose qui pourrait augmenter son niveau de joie serait de pouvoir le voir. Elle se demandait comment Shaina avait réussi à vivre comme cela pendant des années, avec son âme-sœur à l'autre bout du monde la moitié du temps. Et le Caméléon pouvait secrètement s'avouer qu'elle avait été envieuse de cette relation amoureuse pleinement accomplie et qui semblait si parfaite à ses yeux. Pouvait-elle souhaiter partager un lien aussi fort et précieux avec Shun ? Elle l'espérait vraiment. Certes ce serait différent puisqu'ils n'avaient pas le même passif que Seiya et Shaina, ni les mêmes personnalités. Mais June pouvait rêver qu'elle pourrait avoir quelque chose d'aussi beau et sain que ce que les amis de Shun partageaient. Un soupir bienheureux lui échappa et elle releva le regard sur le paysage. Jusqu'à présent les ruines représentaient ce qu'elle avait perdu et un lieu de réminiscence involontaire, un endroit de calme à ses yeux. Aujourd'hui, elles étaient le témoin privilégié de son amour pour Shun et de tous ses espérances en leur futur commun. Ce qu'elle pouvait l'aimer. Cela avait toujours guidé ses pas et ses choix. Et aujourd'hui elle pouvait envisager de cheminer dans sa vie future en lui tenant la main. Oui, elle se sentait chanceuse et encore un peu plus amoureuse de lui que la veille.
