Sabo fixa longuement le tableau sur lequel leur professeur continuait d'écrire des formules mathématiques qui n'avaient aucun sens. Cela faisait bien longtemps qu'il avait abandonné l'espoir de comprendre ce cours, mais il se disait qu'il devait quand même prendre quelques notes, histoire d'au moins faire semblant qu'il n'était pas complètement perdu.
Il attrapa donc un stylo, ouvrit une page de son cahier et commença à écrire.
Il fronça les sourcils lorsque la page resta vierge malgré ses tentatives.
Plus d'encre. Évidemment, ça tombait toujours sur lui.
Le plus discrètement possible, il se tourna vers sa voisine. Malgré l'allée qui les séparait, s'il se couchait suffisamment sur son bureau il parviendrait peut-être à ne pas se faire remarquer par leur professeur.
- Kuina, appela-t-il en chuchotant.
Elle ne se tourna pas vers lui, mais arrêta d'écrire. Ses yeux (ou plutôt le seul œil qu'il voyait) se tourna vers lui et elle haussa un sourcil (ou peut-être les deux, mais comme il ne la voyait que de profil, il ne pouvait pas vraiment le dire).
- Tu aurais un stylo à me prêter ?
Sans un mot, Kuina fouilla rapidement dans sa trousse et en sortit un stylo neuf qu'elle lui tendit.
- Merci, dit-il en le prenant.
Kuina acquiesça et se remit à écrire. Elle était toujours discrète et calme et Sabo était sûr qu'il n'avait jamais entendu un seul professeur la réprimander. C'était un peu étrange. Voire inquiétant. Parfois, il se demandait si elle était un robot ou si elle était juste la personne la plus discrète du monde.
Il se mit à écrire avant que tout ne soit effacé, même s'il ne comprenait absolument pas ce qu'il recopiait. Sabo n'était pas stupide, ni même mauvais à l'école, mais les mathématiques était la matière avec laquelle il avait le plus de difficultés.
Ah, il avait fait une erreur.
Il se tourna de nouveau vers Kuina, toujours couché sur son bureau.
- Kuina.
Elle s'arrêta d'écrire. Tourna les yeux vers lui (ou un). Haussa un sourcil (ou deux).
- Tu aurais de quoi effacer ?
Elle attrapa le blanco posé sur sa table et le lui tendit.
- Merci.
Il effaça rapidement son erreur et lui rendit. Elle le reposa exactement là où il était et se remit à écrire.
Un robot. Cette fille lui faisait vraiment penser à un robot. Maintenant qu'il y pensait, il ne l'avait jamais vue manger lors de leurs pauses déjeuners. Certes, ils n'étaient pas du tout amis et ils ne passaient pas leurs repas ensemble, mais il ne l'avait jamais vue aller à la cafétéria ou même à un distributeur de boissons. Peut-être qu'elle n'était vraiment pas humaine, pensa-t-il toujours en la fixant.
Elle continuait d'écrire à la même vitesse, sans hésiter si effacer ce qu'elle écrivait. Elle regardait le tableau pendant trois secondes, puis son cahier pendant trois secondes, avant de recommencer, toujours à intervalles réguliers (peut-être qu'il comptait et peut-être qu'il était bizarre lui aussi, mais peut-être qu'il était assis à côté d'un cyborg ou d'un extra-terrestre alors il pouvait bien se le permettre).
Soudainement, Sabo se demanda à quoi ressemblait Kuina de face. Avait-il déjà autre chose que son profil gauche ? Il était certain qu'il n'avait jamais vu le profil droit de son visage et c'était un peu dérangeant, maintenant qu'il s'en rendait compte.
Quelque chose atterrissant sur sa tête le fit se retourner.
A sa gauche se trouvait Koala qui le fusillait du regard. Elle, par contre, il la voyait toujours de face. Dès qu'il se tournait vers elle, elle était déjà en train de le fixer avec un regard noir comme s'il était la cause de tous les malheurs du monde. Il savait bien qu'elle était amie avec Kuina, mais est-ce que c'était de sa faute si leur professeur avait décidé que deux filles ou deux garçons ne seraient pas assis à côté ? Il n'y pouvait rien, il n'avait même pas choisi sa place.
Soudainement, Koala pointa deux doigts vers ses propres yeux puis les retourna pour pointer Sabo, lui faisant comprendre qu'elle le surveillait.
Pourquoi ?
Qu'est-ce qu'il avait fait ?
Cette fille était aussi étrange qu'énervante. Certes, il avait peut-être découvert que Kuina n'était pas tout à fait humaine, mais qui cela surprenait-il ? Elle ne parlait jamais, donnait l'impression de ne rien ressentir et même son petit frère faisait aussi flipper qu'elle. C'était une sorte d'armoire à glace qui semblait énervé par tout ce qui l'entourait (et qui, pour une raison aussi incompréhensible qu'effrayante, arrivait à être ami avec Luffy ).
La cloche sonna et il soupira. Au moins le cours était passé vite, il pouvait enfin rentrer chez lui et être tranquille.
Quelqu'un lui tapota l'épaule gauche et il se retourna.
La vision qui l'assaillit fut si éblouissante qu'il dut presque se mettre les mains devant les yeux. La personne devant lui, non, la déesse , était resplendissante. Il se sentait béni par sa présence, son regard, le simple fait qu'il respirait le même air qu'elle . Il comprenait désormais pourquoi les gens croyaient en Dieu car la personne qui se tenait devant lui était de toute évidence un être qui ne venait pas de leur monde.
Un robot ? Un extra-terrestre ? Comment avait-il pu être aussi insolent et irrespectueux alors qu'il devrait plutôt la vénérer.
- Sabo ?
Même sa voix était parfaite, comme si un ange susurrait son prénom. Jamais il n'avait ressenti de telles émotions à la simple entente de son propre prénom, mais il ne voulait qu'un chose désormais : qu'elle l'appelle encore et encore de sa voix mélodieuse.
- O... Oui ? bégaya-t-il.
- Mon stylo.
Il le lui rendit sans un mot et elle le remercia d'un petit sourire qui lui fit tourner la tête. Puis elle rangea ses affaires et rejoignit Nojiko qui l'attendait dans le couloir. Il était si chanceux de pouvoir la voir demain et tous les jours qui suivraient, se dit-il.
Il fut tiré hors de ses pensées par une main lui agrippant le col de son uniforme et le tirant brusquement en arrière.
- Ne pense même pas à l'approcher, siffla Koala en l'étranglant presque. Elle est trop bien pour toi.
Puis elle le relâcha et, après un dernier regard noir, partit rejoindre les deux filles dans le couloir.
Sabo, lui, resta bêtement assis à fixer le couloir où d'autres élèves passaient, pressés de rentrer chez eux.
Peut-être que Kuina se montrait toujours de profil parce que personne ne pouvait survivre à sa beauté lorsqu'elle était de face.
