Bonjour à toutes,

Comme promis voici le chapitre deux, la prochain sera pour dimanche ou lundi en fonction de mon planning ;)

Merci à celles qui ont pris le temps de laisser un petit commentaire sur le premier chapitre, c'est toujours un plaisir de lire vos avis et encouragements !

Bonne lecture !


Chap 2 : Agrumes en folie

Après cette entrevue pour la moins désagréable avec les deux Gryffondor Severus avait mis plusieurs jours à décolérer, durant lesquels il avait adressé de nombreux regards venimeux à ses deux collègues. Minerva, qui avait longtemps plaidé une trêve dans l'animosité qu'il vouait à la jeune femme, s'était désespérée de cette dégradation notable de leur non-relation.

Le directeur avait toutefois tenu parole et consacré beaucoup de temps et d'énergie dans la recherche du petit plaisantin qui avait pensé pouvoir lui manquer ainsi de respect et s'en tirer à si bons comptes.

Malheureusement, malgré tous ses efforts, il n'avait pas trouvé le début d'une piste. N'importe quel élève aurait pu se procurer un bocal de cornichons aux cuisines, le sort d'ouverture pour déverrouiller sa salle de classe était du niveau de la plupart des étudiants de second cycle, et il avait insulté de cornichons tellement d'élèves au cours de sa vie que la liste potentielle de suspects était longue comme le bras.

Il avait eu beau menacer, retirer des volées de points et distribuer des retenues à tour de bras, rien n'y avait fait. Personne n'avait lâché le morceau, et personne ne s'était dénoncé. Même ses capacités en légilimancie ne lui avaient été d'aucun secours lorsqu'il avait fait peser son esprit sur les élèves les plus susceptibles d'avoir fait le coup, ceux qui déjà en temps normal se faisaient remarquer pour leur comportement insolent et leur caractère effronté.

Avec le temps, et les examens blancs qu'il avait à préparer pour les cinquièmes et septièmes années, peut-être que Severus aurait pu oublier l'affaire, ou du moins la reléguer dans un coin suffisamment reculé de son esprit pour ne plus y songer avec tant de rancœur.

Mais cela aurait été sans compter Granger.

Granger et son regard amusé qu'elle ne manquait jamais de lui adresser chaque fois qu'elle le croisait depuis cette discussion à couteaux tirés dans le bureau de Lupin, quelques jours plus tôt. Granger et son insupportable sourire moqueur qu'il mourrait d'envie de lui faire ravaler. Granger et son rire cristallin qui le hantait encore la nuit. Avait-on seulement idée de rire ainsi d'une telle effronterie ? De rire devant lui, le professeur le plus acariâtre du château, quand il venait déverser sa colère et sa hargne dans le bureau même du directeur de Gryffondor ?

Cette fille était d'une insolence sans égal !

Depuis cette affaire, Severus n'était plus capable de supporter la moindre vue de l'un de ces petits légumes verts et difformes sans que la colère ne le gagne tout à fait. Sans que le poids de l'humiliation ne lui vrille le cœur. Sans qu'il ne repense à cette façon presque érotique dont la jeune femme avait croqué dans cette fichue cucurbitacée.

Comment diable pouvait-on manger un aliment si commun avec autant de… de… d'impudence, de délectation, de sensualité ?

Rien que d'y penser, Severus en avait des frissons. Et malheureusement pour lui, il y pensait souvent, car les elfes de maison s'obstinaient à présenter les petits légumes lors de nombreux repas à la Grande Salle.

Par ailleurs, comme il n'ignorait plus Granger depuis lors, mettant un point d'honneur à la fusiller du regard dès qu'il en avait l'occasion, il n'avait pas manqué noter d'autres tics et habitudes de la jeune femme, qui vivait pourtant sous le même toit que lui depuis plusieurs mois déjà. Ce petit rituel qu'elle avait chaque matin, par exemple, d'appliquer ses mains sur sa tasse de chocolat pour réchauffer ses doigts avant de fermer les yeux en humant les volutes parfumées du breuvage. L'éclat plus doux qui infléchissait son regard chaque fois que Lupin la rejoignait, le sourire avec lequel elle l'accueillait systématiquement. Cette expression passionnée quand elle discutait métamorphose avec Minerva.

Depuis quand au juste Hermione Granger était-il si vivante, si pleine de vie et d'expressions, si fascinante à observer ?

Cette question ne cessait de tarauder le Serpentard, alors même qu'il n'avait toujours pas résolu son histoire de cornichons.

Heureusement, les vacances de Noël n'avaient pas tardé à arriver, et Severus s'était réjoui de voir l'ignoble Gryffondor quitter le château pour rejoindre sa famille et ses amis pour les fêtes. Même si le Serpentard n'aimait guère l'ambiance festive et mièvre qui allait de paire avec la fin de l'année, les vacances d'hiver restaient les plus plaisantes pour lui, en dehors de la période de fermeture estivale. Fort peu d'étudiants restaient à Poudlard pour Noël, ce qui lui permettait tous les ans de jouir d'une tranquillité bienvenue, et dont il avait plus encore besoin cette année là, après ces semaines à se torturer l'esprit avec cette histoire de cornichons.

Comme tous les ans cependant, Minerva avait tenu à organiser, le dernier soir avant les vacances, le traditionnel repas de Noël de l'école. Et comme tous les ans, la boisson avait coulé un peu plus que de raison, si bien que la majorité de ses collègues s'étaient couchés à des heures pas possibles, avec un taux d'alcool bien loin du zéro de rigueur en temps normal.

Tous, exceptés Lupin et Granger.

Le lycanthrope était encore barbouillé de la pleine lune récente du début de semaine, et n'avait même pas touché ne serait-ce qu'un verre de bièraubeurre. Quant à Granger, eh bien, Severus n'avait même pas été surpris d'apprendre que dans son insupportable manie d'être toujours parfaite, elle ne buvait pas l'alcool. Lorsque Pomona lui avait fait part de cette anecdote, quelque peu froissée que la demoiselle ait refusé de goûter un simple fond de sa liqueur de génépi infernale faite maison, Severus n'avait pu retenir un reniflement de dédain, toujours enclin à dénigrer les choix de sa jeune collègue. Heureusement, Pomona avait été trop contrariée pour lui faire remarquer que lui-même ne touchait jamais une goutte d'alcool, dans sa volonté de rester maître de son esprit en toute circonstance.

Toujours était-il que le lendemain de ce repas copieux et alcoolisé qui avait laissé le corps enseignant dans son lit jusque tard dans la matinée, seuls les deux Gryffondor et Severus s'étaient levés de bonne heure, et s'étaient donc retrouvés à la table du petit déjeuner d'une Grande Salle encore déserte. Les deux lions étaient déjà attablés et discutaient tranquillement quand Severus était arrivé. Inutile de préciser qu'il avait pris soin de s'installer de l'autre côté de l'immense table professoral, lui qui assumait parfaitement son asociabilité.

Il n'avait répondu que d'un bref signe de tête sévère aux salutations enthousiastes des deux sorciers, qui persistaient à en faire des tonnes chaque fois qu'ils le croisaient. Ces moqueries, bien que dissimulées derrière un excès de zèle et de politesse, n'en restaient pas moins flagrantes et insupportables aux yeux du Serpentard, qui serrait toujours les dents chaque fois qu'il en faisait les frais. Et Minerva qui lui avait fait la morale en disant qu'il fallait qu'il laisse définitivement le passé derrière lui et oublie les différends qu'il avait eu avec les deux Gryffondor pour aller de l'avant ! Sottises ! C'était encore lui qu'elle avait sermonné alors que c'était ces deux idiots qui se payaient sa tête en plein !

Il n'y avait donc eu que trois personnes dans la salle ce matin là et pourtant, Severus n'avait pas eu la paix. Quelques minutes seulement après qu'il se soit installé, et alors que le café diffusait une chaleur agréable dans son organisme, du bruit de l'autre côté de la table lui avait fait jeter un bref coup d'œil en direction des Gryffondor, et fusiller du regard Granger qui sortait de table. Sa tasse de café était restée en suspens à mi chemin entre la table et ses lèvres quand il avait paru évident que la jeune femme se dirigeait dans sa direction. Plus que dans sa direction, en réalité. Vers lui, puisqu'un bref coup d'œil alentours lui avait assuré que personne n'était apparu à ses côtés.

Son corps tout entier s'était tendu, se préparant physiquement à la prochaine altercation, tandis que son esprit cherchait vainement quelles raisons pouvaient amener la jeune femme à venir le voir. Impassible, il avait toutefois ignoré son approche, s'obstinant à fixer la corbeille de fruits devant lui.

Quand une main fine s'était saisie de la clémentine posée sur le sommet de la pile de fruits, juste sous son nez, il n'avait pu que relever les yeux, et s'était heurté au regard noisette pétillant de malice. Celui-là même qui s'était ri de lui quelques semaines plus tôt dans le bureau de Lupin. Souligné de ce fichu sourire espiègle dont il faisait les frais depuis lors, et qui ne manquait jamais de déclencher chez lui une drôle de sensation dans le ventre qu'il ne parvenait pas à identifier.

- Professeur Rogue, l'avait-elle salué en tirant la chaise vide à côté de lui.

- Granger. A moins que vous n'ayez quelque chose de vital à me dire… Non, même pas, en fait. Je suis en vacances, inutile de me demander quoique ce soit, avait-il répondu, cassant, en reportant son attention sur son café.

De fait, il avait senti plus que vu son sourire s'agrandir sous le sarcasme, et s'était agacé une nouvelle fois de ne plus avoir ce pouvoir sur elle, que le lien de subordination qui avait longtemps existé entre eux lui avait conféré toutes ces années. Depuis qu'elle n'était plus son élève, Granger se sentait pousser des ailes avec lui, et ne faisait plus montre du respect le plus sommaire, sans même parler du sentiment de peur qu'il avait pu susciter chez elle lorsqu'elle était en premier cycle, et dont il ne restait rien.

De tous ses collègues, il était le seul à ne pas l'appeler par son prénom. Elle était également la seule, avec son fichu collègue de DCFM, qu'il se bornait à nommer par leur nom de famille, car il faisait usage des prénoms avec tous les autres membres du corps professoral, Minerva compris. Il ne s'encombrait même pas d'un quelconque titre avec les deux Gryffondor, crachant leur patronyme comme s'il s'agissait d'une insulte à eux-seuls. Lupin persistait pourtant à l'appeler Severus, de cette voix douce et égale qui hérissait le Serpentard, et Granger lui donnait toujours du « professeur », comme du temps où elle était élève. Le contraste entre cette déférence dans sa façon de s'adresser à lui et celle, insolente, dont elle se comportait à son égard, avait le don de mettre en pelote les nerfs du professeur de potions.

Une fois de plus, la jeune femme avait prouvé qu'elle n'était guère digne des éloges dont Minerva ne tarissait pas à son propos, car elle avait continué néanmoins, sans même tenir compte de sa précédente remarque lui intimant de le laisser tranquille.

- J'ai réfléchi à votre histoire de bocal de cornichons, avait-elle donc repris en ignorant son air renfrogné.

Severus s'était figé à la seule évocation de cette mauvaise blague qui trottait toujours dans un coin de la tête, et qui prenait des airs d'humiliation longue durée puisqu'il n'avait toujours pas identifié le coupable.

- Vraiment ? Avait-il demandé d'une voix tranchante. J'imagine que vous qui avez longtemps fréquenté ce genre de crapules, êtes bien placée pour vous mettre à la place de cette petite fripouille ! Après tout, vous-même n'avez pas que de brillants palmarès à votre actif, si ma mémoire…

Severus s'était interrompu, et les derniers mots étaient restés coincés dans sa gorge tandis que son regard se posait sur la demoiselle assise près de lui. Qui avait porté à ses lèvres un quartier de clémentine pulpeux et luisant de jus. La bouche rose s'était refermée sur le morceau de fruit, avant que les traits de son visage se détendent soudain dans une pure expression de plaisir tandis que le goût fruité envahissait sa bouche. La Gryffondor avait fermé les yeux de bonheur, de la même façon qu'elle le faisait le matin en s'imprégnant de l'odeur de son chocolat chaud. Lorsqu'elle les avait rouverts, une seconde plus tard, les prunelles couleur miel avaient rencontré celles onyx fixées sur elle avec effarement.

Nom d'un chat noir ! Depuis quand au juste un simple morceau de clémentine pouvait faire se pâmer ainsi quelqu'un de plaisir ?

- Vous en voulez un quartier ? Avait demandé la jeune femme en lui tendant la moitié du fruit fraîchement pelé, interprétant mal son silence.

Le son de sa voix avait permis à Severus de reprendre ses esprits. Il avait cligné plusieurs fois, le temps de remettre de l'ordre dans ses idées, se fustigeant de se laisser ainsi déconcentré par les mimiques de la demoiselle.

- Sans façon, avait-il répondu, glacial, en gratifiant le fruit innocent d'un regard noir comme s'il était la cause de ses digressions.

- Vous ne savez pas ce que vous manquez, elles sont délicieuses ! Acides comme il faut et sucrées à… !

- Granger ! L'avait vivement interrompue Severus, agacé. Qu'est-ce que vous foutez là ?

- Ah, oui, pardon ! L'histoire du bocal de cornichon ! Donc je disais, j'y ai longuement réfléchi…

- Si vous avez trouvé l'identité du scélérat qui s'est introduit dans ma salle de classe et que vous êtes venue me demander d'épargner sa tête, vous pouvez toujours courir.

La jeune femme s'était esclaffée, amusée, avant de mettre en bouche un nouveau morceau de fruit. Severus avait détourné les yeux, le cœur inexplicablement en émoi.

- Malheureusement je n'ai pas de nom à vous donner, avait-elle répondu avec un demi-sourire. Mais je pensais… avez-vous envisagé la possibilité qu'il puisse s'agir de Pomona ?

Severus avait sourcillé, pris de court par cette idée.

- Pardon ? Avait-il demandé, interdit, en tournant de nouveau son regard vers elle.

Ce n'est qu'alors qu'il avait remarqué l'éclat rieur dans les yeux noisette, et la commissure des lèvres frémissante sous la pression d'un rire contenu.

Par Salazar… !

- Non parce que, peut-être qu'elle ne supportait plus une telle carence en botanique de votre part, avait poursuivi la jeune femme, perdant sa bataille contre le rire qui avait percé de plus en plus dans sa voix.

Une colère sans précédent avait envahi Severus, l'embrasant comme une traînée de poudre. La Gryffondor avait dû sentir son aura se charger d'orage car elle avait d'elle-même reculé sur sa chaise avant de se lever pour mettre de la distance entre elle et lui, avant même qu'il ne se redresse à son tour, soudain hors de lui. Le rire cristallin de sa collègue n'avait pas attendu davantage pour carillonner à ses oreilles, et chaque son de clochette qui le composait avait accentué un peu plus l'ire du Serpentard.

- Espèce de sale petite… !

- Vraiment, quand on y pense, c'est plutôt inquiétant qu'un alchimiste de votre envergure ait de telles lacunes en bo…

- Hors de ma vue ! S'était époumoné Severus, à bout de nerf.

La jeune femme s'était enfuie en riant en direction de son confrère de Gryffondor, qui n'avait pas perdu une miette de leur échange, debout près de la table qu'il venait de quitter, et avait ri de bon cœur lui aussi. Si Severus avait été un dragon, nul doute que de la fumée serait sortie de ses naseaux, tant il fulminait. Excédé, le cœur battant à tout rompre de colère, il avait incendié les deux rouge et or du regard tandis que Granger battait en retraite vers la sortie de la pièce, toujours agitée par son fou rire, un morceau de clémentine dans les mains.

Par tous les Saints, comment avait-il pu la trouver désirable quelques minutes plus tôt ?

- Severus, avait tenté de tempérer Lupin en avisant l'intensité de son ire. Ne le prend pas comme cela enfin, c'est juste pour te charrier, Hermione adore te faire sortir de tes…

- Fous moi le camp ou je te jure que tu ne passeras pas la fin de l'année ! Avait menacé l'alchimiste, furibond.

Tremblant de rage, il avait suivi des yeux le directeur de Gryffondor jusqu'à ce que dernier ait à son tour disparu de sa vue. Ce n'est que quelques minutes après que le réfectoire se soit définitivement vidé de la présence des deux rouge et or que le Serpentard avait tenté de reprendre une respiration normale et de calmer son esprit agité. Lorsqu'enfin il avait réussi à reprendre la maîtrise de ses émotions, cela n'avait été que pour constater qu'il s'était saisi de sa baguette sans même s'en rendre compte, tellement emporté par sa colère qu'il l'avait sortie par réflexe pour menacer la jeune femme si jamais elle avait persisté à se moquer de lui.

Alors qu'il rangeait le morceau de bois finement sculpté dans sa manche, les yeux du Serpentard avaient été attirés par un petit monticule coloré près de ses couverts qui, il en était certain, ne s'y trouvait pas quelques instants plus tôt.

Et pour cause.

Il s'agissait d'une moitié de clémentine.