Bonjour tout le monde ! (ou personne, pas sûr qu'il y ait quelqu'un qui lise). L'histoire qui suit est basé sur un « et si », en l'occurrence et si Rogue avait survécu à Nagini. Cela se branche donc dans la lignée où on retrouve Rogue à l'endroit où on s'attend le moins, alors qu'on est persuadé qu'il est mort. En l'occurrence, l'endroit est Azkaban.
Il y a aussi un voyage dans le temps de prévu, mais pas immédiatement (partie 2. Sachant que l'écriture de la partie 1 n'est pas achevée). L'histoire est écrite du point de vue de Rogue qui, même s'il a fait un sacrifice héroïque n'est pas la plus sympathique des personnes. Et qui pourrit depuis pas mal de temps à Azkaban et a eu le temps de regretter certaines décisions.
Azkaban, l'impitoyable système carcéral des sorciers, emplit de criminels en tout genre, avec les détraqueurs autour, j'ai besoin de davantage préciser pourquoi c'est classé M ?
La folie est un état d'esprit très particulier, réfléchit le prisonnier numéro 8672, domicilié à Azkaban. Il avait une fois vu une personne effroyablement torturée à coup de Doloris par le Seigneur des Ténèbres et quelques-uns de ses plus proches adeptes se mettre à rire. Le son de la respiration haletante s'était peu à peu transformé en saccades étranges avant qu'on ne perçoive le rire qui était peu à peu monté, dont le son avait augmenté jusqu'à emplir l'espace, se répercutant sur le plafond comme ses cris plus tôt. Bellatrix avait semblé fascinée, si certains des autres mangemorts avaient détourné les yeux. Le Seigneur des Ténèbres avait été furieux; l'homme était un transfuge et il n'avait pas parlé. Le prisonnier, autrefois mangemort, venait juste d'accéder au Cercle Intérieur quand cette scène avait eu lieu. Il en avait été tout à la fois terrifié et fasciné.
Maintenant, il lui semblait qu'il comprenait mieux la réaction du fou. En cet état, on ne peut plus attendre que les gens vous comprennent et la torture devenait donc inutile. Et Severus, comme le transfuge, était très compétent à l'occulmencie. La folie préservait les secrets qu'ils détenaient.
Mais, à la différence du transfuge, les secrets de Severus étaient nettement moins recherchés. Principalement parce que personne ne savait qu'il les possédait. Personne n'avait réalisé le montant d'informations qu'il recueillait. L'Ordre du Phénix avait été trop occupé à le haïr pour réaliser la qualité de leur espion. Et il avait déjoué facilement le veritaserum, sous-estimé qu'il était. Leurs demandes étaient assez imprécises pour qu'il torde la question. S'il s'avait quelque chose d'autre ? Oui, la composition de la Félix Felicis, du Trait de mort vivant, que les moldus étaient allés sur la lune et une chanson populaire prise au hasard dans sa tête. Il savait aussi que Mme Joslin Avery trompait son mari il y a vingt ans, avec qui, et où.
Les Aurors l'avaient rejeté comme sans importance. Un voyeur dans son genre ne pouvait leur apprendre grand-chose. Ils ignoraient manifestement que quatre-vingt-dix pour cent de ce qu'apprenait un espion était rigoureusement inutile. Fous. Fous et déments.
Quoique ces adjectifs s'appliquent peut-être davantage à lui. Après un temps indéfini à Azkaban, on ne s'attendait pas à ce qu'il reste sain d'esprit, non ? La folie engendrée par les détraqueurs s'infiltrait en lui moins rapidement que ne l'aurait fait celle induite par les Doloris du Seigneur des Ténèbres. Il ne se sentait même pas glisser.
La folie n'est pas un état d'esprit joyeux. Cela ressemble plus à une sorte de connaissance absolue et indubitable que le monde n'a strictement aucun sens, et que tous ces hommes, femmes et êtres préoccupés sont accaparés de choses tellement insignifiantes que c'en est risible. Leurs actions déclenchaient parfois une hilarité subite en lui, et seuls ces éclats de rire irrépressibles le renseignaient sur son état mental. Lui-même se sentait terriblement raisonnable et logique. Bien plus qu'il ne l'avait été dans les années précédentes.
Le froid des détraqueurs recula, et Severus Rogue releva les yeux de ses bras croisés. Tapit dans un coin de sa cellule du quartier de haute sécurité, ses yeux soudainement aiguisés parcoururent le couloir et les trois cellules en face de la sienne qu'il pouvait apercevoir. Il ne bougea cependant pas, et tendit également l'oreille. Il y avait à Azkaban beaucoup de temps pour se livrer au délire de la folie, mais contrairement à son camarade dans la cellule d'en face, il ne croyait pas que le mur était sa femme. Probablement parce qu'il n'avait jamais été marié. Mais aussi parce qu'il était assez sensé pour garder une trace du moment de la journée selon les rondes des détraqueurs et de la faible luminosité qui passait par les ouvertures étroites des cellules. Peu avant le midi, le fin rayon de lumière disparaissait totalement du sol, le soleil se trouvant quasiment à la verticale. Le passage de chaque dalle représentait pour lui une unité puisqu'il n'y avait ici aucun moyen précis d'avoir l'heure. Ce n'était ni des heures ni des quarts d'heure et cela variait selon la saison, mais la journée était toujours divisée de la même façon. Le rayon était encore fermement au centre de sa cellule.
Dans la cellule à gauche de l'amoureux halluciné, un autre prisonnier releva la tête. Celle-ci se tourna légèrement, comme un hibou incongru, aux yeux creusés et aux cheveux plus rares et gras que les siens ne l'avaient jamais été malgré les vapeurs des potions qu'il brassait jadis. Le hibou - s'il se souvenait bien, son nom avait été Brian Swift. Coupable de trois meurtres et quatre viols sur des enfants de quatre à dix ans. Mais si les estimations de Severus étaient justes, cela faisait déjà un certain temps que Swift avait dû oublier et son nom et pourquoi il était ici - se redressa ensuite, agita ses membres engourdis.
Un clang ! sonore tira Severus de l'observation de ce qui était la première action intéressante de Swift en un mois. Avec de la chance, cela signifiait que comme son prédécesseur Swift oublierait jusqu'à son instinct de survie et cesserait de manger. Il aurait alors un nouveau camarade à observer et à interroger sur les nouvelles du monde. En contrepartie, les cris que pousserait celui-ci l'empêcheraient de dormir correctement pendant quelques mois. C'était un bon moyen de mesurer le temps. Et Severus était certain d'avoir été ici pour un très long montant de celui-ci. Sans procès, qui plus est. Mais c'avait également été le cas de Black.
Tandis que son esprit commençait à évaluer s'il pouvait avoir passé douze ans dans cet enfer, l'ancien plus jeune Maître des Potions de Grande-Bretagne en trois siècles recentra son attention sur ce qui devait à coup sûr être l'événement du mois, et même du semestre. Peut-être de l'année. En tendant l'oreille, deux voix lui parvinrent.
-Ici, c'est le quartier de haute sécurité.
Il n'avait pas de nom à mettre sur cette voix, mais il avait certainement un visage long, cireux, ressemblant un peu à celui des prisonniers eux-mêmes tant il avait passé de temps à Azkaban. Quand il était arrivé ici, le visage avait été jeune, et les yeux encore brillants, si un peu hantés. L'éclat des cheveux bruns et de la peau saine avait depuis longtemps disparut.
-Je suis censé garder ceux-là aussi, monsieur ?
Jeune, devina Severus. Une recrue verte qui arrivait à Azkaban et ne savait pas encore que la vie y était à peine meilleure pour les geôliers que pour les prisonniers.
-Non, eux se sont généralement les détraqueurs qui s'en chargent. Ils sont ici pour y rester jusqu'à leur mort alors ils font une fête sur eux.
Severus ne s'en souvenait que trop bien. Pendant un temps indéterminé, les détraqueurs s'étaient repus de chaque faible parcelle heureuse de sa vie. Il s'était évanoui avant d'arriver à sa cellule. Chaque faiblesse dans son occulmencie avait été une occasion pour eux. Et il y avait eu des faiblesses, trahi qu'il s'était senti. Mais après des années de combat pour garder quelque parcelle de bonheur qui lui restât, l'opiniâtreté des détraqueurs avait finalement payée. Et malgré le vide absolu qu'il avait ressenti après, malgré le sentiment de l'inutilité de son existence, il s'était demandé pourquoi il ne leur avait pas cédé ce dernier sourire de Lily plus tôt. Car cette dernière goutte de bonheur extraite, il n'avait plus été d'aucun intérêt pour les détraqueurs. Certains avait encore essayés de foirer avec son occulmencie, mais quand Severus les avait laissé passivement passer, qu'ils avaient vu qu'il n'y avait plus rien à recueillir de lui, ils avaient commencé à l'ignorer.
-Alors… Je ne vais pas les croiser ?
-Bien sûr que si, gamin il faut bien que quelqu'un leur apporte à manger.
Et il y eu un bruit de grille. Swift sursauta et produisit un grognement alarmé. Peut-être avait-il également oublié comment parler. Pas forcément un mal. Si Severus devait admettre n'avoir aucun mal avec la torture et l'assassinat, le récit obscène des viols de Swift l'avait dégouté autant que ses yeux brillants d'enthousiasme.
-Tout le monde debout, bande de canailles ! s'écria le plus vieux surveillant.
Le réveil habituel de ce geôlier particulier. L'homme dans la troisième cellule leva ses paupières pour révéler des yeux morts.
-J'ai quelqu'un à vous présenter, s'exclama-t-il, couvrant la voix du nouveau qui ne pensait apparemment pas cela nécessaire. Raclures, c'est Jamie Arthur, mon successeur. D'ici un an c'est lui qui aura la charge de s'occuper du ramassis de vermines que vous êtes.
Cela expliquait l'humeur particulièrement joyeuse du surveillant.
-Et il faut aussi que je te présente tout le monde, poursuivit-il. A ta droite, c'est Rodrik Burn assassin à trois reprises, toujours d'une vieille femme qui lui a tout laissé juste après. Il aime dessiner des choses dans l'air même demandé de quoi peindre quand il est arrivé.
Le geôlier éclata d'un rire qui sonnait désespéré, même si ce n'était surement pas le but.
-On l'a depuis deux ans. Il réagit encore.
-Encore ?
-Ouaip. Après un certain temps, ils se laissent mourir ou cessent de se mouvoir tout à fait. Ça prend habituellement entre quatre et six ans. Notre bon ami Burn est un délicat je ne pense pas qu'il tiendra les trois ans.
Il y eu un bruit de pas, et une autre grille fut agitée.
-Elle, c'est Jessica Whiteman, la très mal nommée. On croirait pas comme ça mais elle a été jolie à une époque. Six ans, une des plus anciennes ici. J'ai complétement oublié pourquoi elle était ici. Tu ne dis pas bonjour chérie ?
-Va te faire foutre !
La phrase était conçue pour être violente, mais elle sortit dans un souffle rauque. Severus l'avait souvent entendu tousser ces derniers mois, mais elle tenait encore. Même si toute beauté l'avait effectivement quitté au fur et à mesure des passages que Severus l'avait vu faire de sa cellule au parloir où l'escortait un garde. S'il ne se dépêchait pas, l'avocat de Whiteman risquait de perdre sa cliente. Elle ne devait toutefois pas être très haute dans sa liste de priorité. Les mères infanticides le sont rarement. Dommage pour elle que le mari mort soit revenu après qu'elle ait étouffé leurs jumeaux qui auraient dû hériter. Severus ne lui avait jamais demandé la raison de son geste. D'autres n'avaient pas eu tant de scrupules. C'était sans doute pour cela qu'il était l'un des rares à qui parle Jessica. Celle-ci lui avait raconté toute son histoire d'horreur une nuit où tous les occupants des autres cellules dormaient. Ses enfants de quinze ans, montés contre elle par leur tante, laquelle n'avait comme seule hâte que de la voir partir, si possible en l'humiliant. La mort de son mari, son seul protecteur, l'exultation de la tante et les menaces des enfants. Sa prière à ses fils, et leur rejet. Puis l'espèce de folie qui avait pris cette sang-mêlée rejetée par sa belle-famille sang-pure. Les quelques gouttes de Potion de Sommeil dans leur verres, puis l'escalade de l'escalier et le coussin qu'elle avait pressé sur leur visage sans même qu'ils ne réagissent. Cela avait été tellement indolore qu'elle n'avait pas eu l'impression de commettre un meurtre. Elle était demeurée atone les jours suivants, pendant que les Aurors remuaient sa maison et que la tante l'accusait. Les Aurors ne l'avaient dans un premier temps pas cru, et Jessica le savait; seul le chef de famille pouvait jeter un sort particulier qui lui permettrait de savoir à coup sûr le meurtrier. Et le mari était revenu, alors qu'on le pensait mort. Jessica l'avait aimé, lui avait-elle confié à mi-voix. C'était un homme bon, qui avait défié sa famille pour épouser une simple herboriste comme elle. Et c'était l'homme éructant qui avait tenté de l'étrangler et que les Aurors avaient dû arracher de sa gorge. Il avait gardé le silence au tribunal pendant que sa belle-famille l'accablait. Et c'était ce silence, et ce manque de visite qui peinait le plus Jessica.
Severus devait admettre de la sympathie pour elle. Pour son amour d'un homme qui ne ferait rien pour elle, si semblable à l'amour inavoué, non partagé, qu'il vouait à Lily. Ou du moins, qu'il avait continué de lui vouer, des années après sa mort, avant que les détraqueurs ne le lui volent aussi. Il avait donné à Jessica quelques trucs pour survivre ici longtemps. Bien que Severus doute qu'elle survivrait encore beaucoup plus longtemps.
-Toujours impolie, remarqua le geôlier. A ta gauche, c'est Marvin Rosier. Quatre ans et détestant les moldus. Il s'est cru à l'époque de Tu-Sais-Qui et en a assassiné une vingtaine pour le sport avant de se faire prendre.
-Vingt ! respira avec choc le nouveau.
-Ouaip, pour une ordure sombre de ce genre, la chasse est un moyen de se connecter avec sa famille.
Severus roula les yeux. Ni Evan ni sa femme Cyndrine Rosier n'avaient particulièrement aimé la chasse au moldu. Cyndrine préférait la torture et Evan vénérait le Seigneur des Ténèbres. Comme Severus l'avait fait un temps. Il n'aurait pas dû cesser de le faire. Il ne serait certainement pas ici s'il n'avait pas changé de camp. Peut-être serait-il mort. Impossible de savoir quelle aurait été la bonne option.
-Et voici le tristement célèbre Brian Swift. Pédophile et sodomite. Arrêté il y a cinq ans par le nouveau chef Auror Potter.
Plutôt que de terrer son visage dans ses bras, les yeux de Severus s'aiguisèrent de colère à ce nom familier. Dix-huit années de sa vie passée à protéger le morveux Potter et celui-ci n'avait même pas eu la décence de lui donner un procès. Avec un procès, Severus aurait pu faire diminuer sa peine. Il ne serait pas sorti aussitôt, certes. Mais il ne serait pas coincé à Azkaban jusqu'à sa mort ou jusqu'à ce qu'il maîtrise la transformation en animagus. Malheureusement, il allait à l'aveugle dans cette direction, sans instructions, et la métamorphose avait toujours été son sujet le plus faible.
Brian Swift se souvenait visiblement un peu de son nom, puisqu'il se jeta sur la porte de la cellule à son audition, avec un son inarticulé entre le hurlement et le grognement. Le nouveau se recula et les doigts de son voisin se tendirent à travers les barreaux, vers les clefs qui pendaient à sa ceinture. Le bras d'Edwin était malheureusement trop court et il le ramena tout aussi rapidement à l'intérieur. Le surveillant le plus âgé envoya une gerbe d'étincelle à Swift qui recula et se recroquevilla contre le mur en grommelant. Il poursuivit ensuite comme si rien n'était arrivé :
-Lui, poursuivait le surveillant en se tournant vers l'homme à la gauche de sa cellule, c'est Edwin Jones. Un monsieur impeccable à tous les rapports à son arrivé, il y a huit ans. Il cumule à peu près tout, de l'escroquerie fiscale de grande ampleur à la révélation de secret d'état pour bon prix, en passant par le meurtre et la corruption de fonctionnaire. Pas des infractions qui vaudraient un séjour à sens unique ici normalement, mais il a poussé ça à une ampleur sans précédent.
Severus aurait pu dire que si l'ampleur était sans précédent dans le monde magique, elle était en revanche tout à fait commune à plusieurs grands escrocs du monde moldu qui étaient les modèles d'Edwin. Edwin était arrivé après lui, quand Severus avait déjà compris qu'on l'avait abandonné en enfer, mais n'avait pas encore abandonné la lutte pour les émotions de ses souvenirs. Une lutte futile, quand on y pensait. Mais Severus et Edwin s'étaient très bien entendus dans cette période et le véreux ambitieux semblait avoir besoin de parler. Bien sûr, après huit ans, ils n'avaient plus grand-chose à se dire; Edwin avait raconté presque toute sa vie de né-moldu déçu du monde magique, et qui était revenu prendre sa revanche après la chute du Seigneur des Ténèbres. Severus lui avait simplement dit qu'il était ici pour assassinat, torture et association de malfaiteurs, ce qui était probablement les chefs d'accusation qu'un tribunal aurait énoncé contre lui. Il n'avait pas dit à celui qui était ici son meilleur ami qu'il avait été mangemort et celui-ci devait probablement le croire de la pègre. Sa voix était assez rauque de cris pour qu'Edwin ne le reconnaisse pas comme son ancien professeur de potion. Ses étudiants n'avaient jamais connu son prénom, et les cellules étaient séparées les unes des autres par un mur. Et tant qu'il évitait de regarder son reflet dans l'eau qu'on lui donnait à boire, il était tout à fait satisfait d'ignorer à quoi il ressemblait maintenant.
-Taylor Jenkins, continua le surveillant en se tournant vers l'amoureux halluciné. A réduit en petits morceaux sa femme et l'amant de celui-ci. Tu en as peut-être entendu parler c'était dans tous les journaux il y a trois ans.
-Je m'en souviens. Il n'était pas cannibale ? hésita le nouveau.
Severus lui donnait quelques mois avant de s'effondrer. Il espérait que cela se produirait devant sa cellule, mais les chances étaient faibles.
-Les charges ont été abandonnées il avait juste du sang sur le visage. Il était déjà fou en arrivant ici.
Severus ramena le front contre ses bras croisés sur ses genoux ramenés contre lui. Les deux hommes s'éloignèrent de la cellule de Jenkins pour se poster devant la sienne. Severus se demandait bien ce qu'il dirait de lui. Il était le seul à n'avoir jamais eu de procès, ici. Même les trois mangemorts qui étaient arrivés au quartier de haute sécurité en même temps que lui en avaient eu un. Ils étaient tous morts depuis, et depuis peu. Les mangemorts avaient eu une plus grande préparation à la vie carcérale si cela était possible. La quinzaine de mangemorts qui avait été enfermée ici entre les deux guerres avait découvert tout un tas d'astuces pour survivre plus longtemps, principalement en s'entre-aidant, faisant du troc en fonction des besoins de chacun. Quand le Seigneur des Ténèbres les avait libérés en 1995, la quinzaine était devenue dizaine, mais une dizaine qui avait établi un record de longévité, et de santé mentale à postériori. Et ils avaient été très prompts à passer leurs connaissances au reste des mangemorts. Eux-mêmes avaient été aidés par les conseils d'autres mangemorts qui avaient fait de plus courts séjours à Azkaban, dans le passé.
Azkaban instaurait une étrange solidarité parmi les personnes qui y vivaient. On aurait pu penser qu'ils s'étriperaient pour les faibles ressources. Cela avait surement dû être le cas, parfois. Mais Azkaban avait aussi pour réaction de créer un sentiment d'appartenance fort. Il y avait un ennemi clair, et tout le monde était concerné par lui. Des personnes enfermées dans un espace étroit, sans possibilité de se nuire directement, finissaient toujours par parler. Quand la dizaine était sortie, ils avaient à peine fait un pas sans les autres pendant des mois. Et même après, ils étaient toujours au moins par pair. L'habitude était telle que Rabastan Lestrange avait régulièrement écrit à une née-moldue encore enfermée presque tous les mois. Et Rabastan haïssait les nés-moldus avec passion.
Heureusement, quand Severus était arrivé à Azkaban, le fait qu'il ait tué Dumbledore avait joué en sa faveur. Même la méfiance tenace de Jugson avait été vaincue par ce fait. Il avait donc pu être intégré au système de troc, recevant couvertures contre leçons théoriques d'occulmencie. Lui-même n'avait rien d'autre à fournir, ne recevant pas de visites. Sans ce système, il n'aurait probablement pas survécu aussi longtemps. Même Black, à la réflexion, avait dû en bénéficier. Même avec sa forme de sinistros, il n'aurait pas survécu aussi longtemps sans cela. Et un certain nombre des mangemorts qui avaient été libérés par le Seigneur des Ténèbres avaient été très proches de réussir leur transformation, bien qu'ayant étudiés dans les conditions les moins propices qui soient. Severus en savait quelque chose. Le foutu chat qui était sa forme animagus refusait toujours de venir après il ne savait combien d'années. Severus ne savait pas comment Black avait pu convaincre les mangemorts de l'aider, après son dénigrement et ses attaques si évidentes. Peut-être y avait-il quelque chose de Serpentard en lui, finalement, et avait-il prétendu se convertir petit à petit à la cause. Cela expliquerait pourquoi Bellatrix l'avait tué. Bella avait évalué sa famille autant qu'elle détestait le sang impur de Severus. C'est-à-dire beaucoup. Et elle n'avait jamais tenté de faire de mal à son cousin lors de la précédente guerre. Mais au ministère, elle l'avait cherché, et tué. La peine des traîtres. Personne n'avait parlé parmi les mangemorts de peur du Doloris de la sorcière, mais Severus était assez confiant dans sa théorie. Dommage qu'Albus ait eu tant confiance en ce foutu cabot.
La voix du geôlier balançant sa lanterne devant la grille lui fit recentrer son attention.
-Et lui… Eh bien, gamin, je te présente le grand mystère du quartier de haute sécurité. Notre doyen, présent avant même que je ne commence à travailler ici. Un cas très rare.
-Pourquoi monsieur ?
-Plus de souvenirs heureux; les détraqueurs l'ignorent complétement. Généralement, quand les prisonniers survivent jusque-là, ils se tuent; la joie dans leurs souvenirs était la seule chose qui les maintenait en vie. Lui, il est devenu fou, mais vif comme une mauvaise herbe. Attention à celui-là, gamin, il m'a déjà fait trois tentatives d'évasion.
-Vous croyez qu'ils vont s'échapper ? demanda le nouveau d'une voix terrifiée.
-Aucune chance. Quoique. Ils font tous quelques tentatives, mais il y a quelques années, lui, Jones et un ancien, River, ont réussi à sortir de leur cellule. Jones a simulé un arrêt cardiaque, les gardes ont été appelés, celui-ci, raconta le surveillant en secouant la grille de Severus, a fauché les clefs d'un des gardes, s'est libéré, les a lancé à River qui est également sortit, puis à Jones et ainsi de suite. Cette bande de squelettes a réussi à maîtriser les gardes, s'emparer de leur baguette, et étaient en train de libérer le reste quand on a lâché les détraqueurs sur eux. Ils ne savaient heureusement pas produire de Patronus. Ou alors n'avaient plus les souvenirs pour. Ça a fait de la paperasse à n'en plus finir.
-Et les gardes ?
-River était à peu près fou à ce moment-là, mais toujours un vrai filou. Il leur a tranché la gorge comme une bête. Avec les dents.
Le nouveau déglutit.
-Et lui ? demanda-t-il, cherchant visiblement à changer de sujet. Vous avez dit qu'il était le plus vieux.
-Pas le plus vieux, celui qui est ici depuis le plus longtemps. Quand je suis arrivé, il jouait souvent aux échecs avec River, dans la cellule d'en face. Ou il récitait des recettes de potions. Il le fait toujours, d'ailleurs. Je sais pas son nom, ni pourquoi il est là; je l'ai toujours appelé l'énigme.
Un éclat de rire sortit de la bouche de Severus à l'audition de cela. Le rire enfla, irrépressible, fou. L'idée qu'on lui fasse partager le vrai nom du Seigneur des Ténèbres était simplement trop hilarante.
-Il fait ça de temps en temps, parfois sans raison, expliqua le garde.
Mais Severus l'entendit à peine, trop occupé à rire et ce n'est qu'après que le garde soit passé devant les trois cellules suivantes qu'il se ressaisit légèrement, le rire se faisant haché, entrecoupé par ses dents. Il voyait parfaitement une image de rire découpé à coup de dents, même s'il savait que la chose était impossible. Il avait de toute manière peu à apprendre sur Keira Bran, Cobb Wallace et Thaddeus Selwyn. Ils étaient tous de la pègre et tous ici pour usage d'un sortilège impardonnable. Keira avait quelques Doloris et Avada Kedavra à son actif, Cobb était apparemment un spécialiste de l'Imperium et Thaddeus n'était ici que pour un Avada Kedavra. Un gâchis; tant qu'à se faire enfermer pour impardonnable, autant en jeter plus qu'un. Severus les avait à peine entrevus à leurs arrivées. Thaddeus le premier, puis Keira et son complice Cobb. Keira était belle, se souvenait-il. Ne pas voir une femme pendant des années fait qu'on les trouve toutes belles, mais Severus pensait que d'autres que ses camarades de détention seraient d'accord avec lui. Il y avait eu une sorte d'exotisme autour d'elle, une aura de chasseresse qui n'avait fait qu'augmenter quand elle avait craché au visage du garde.
Puis l'aura était partie. Keira et les autres n'étaient là que depuis quelques mois, occupant les cellules longtemps laissées libres qui avaient autrefois enfermés ses camarades mangemorts. Mais quelques mois, ou du moins le croyait-il, puisqu'il arrivait maintenant à établir un calendrier à peu près régulier, avaient été assez pour faire disparaître la chasseresse. Keira était belle, et c'était une malédiction ici. Jessica aussi avait été belle, mais Jessica avait eu son avocat qui, même s'il n'avait rien pu faire pour elle d'un point de vue judiciaire, l'avait toutefois protégée de sa simple présence. Keira était ici pour impardonnable; il n'y avait aucune chance qu'elle sorte. Et le garde à qui elle avait craché au visage n'était pas celui qui faisait la visite guidé. Celui-ci était acerbe en parole, mais ne les mettait jamais en acte. Johnson, d'autre part… Eh bien, disons que les seuls bruits avaient étaient assez pour comprendre la situation. Les petits cris de douleurs, les souffles de Johnson, les promesses de mort de Cobb qui se démenait contre la grille. Et le sommeil qui lui échappait, et aucune distraction qui puisse détourner son attention. Johnson était un né-moldu ou un traitre à son sang, Severus en était sûr; les plus puristes des sang-purs ne savaient même pas ce que le mot viol signifiait. Les autres considéraient l'acte avec abomination. Il y avait une raison pour laquelle Azkaban était un si bon endroit pour recruter des mangemorts. Severus, en tant que sang-mêlé, avaient trouvés les sang-purs hypocrites; leurs mariages arrangés et le peu de choix qu'ils laissaient tenaient sans doute du viol. Mais dans la tradition, ces mariages ne se produisaient pas avant vingt et un ans, ce qui laissait aux futurs mariés le temps de prendre la poudre d'escampette, comme Andromeda Black. Si toutefois les futurs mariés se sentaient capables de survivre au monde sans le soutien de leur famille.
Mais il y avait une échappatoire et, c'était sans doute un bien, la famille était liée par l'honneur de respecter le choix de leur membre. Elle n'avait plus aucune responsabilité vis-à-vis de lui et pouvait le laisser crever de faim devant leur porte - et c'était à peu près ce que les Prince avaient fait avec sa mère - mais elle ne pouvait pas le marier contre son grès. Peu importe ce que disaient les nés-moldus les mariages arrangés étaient peut-être barbares par leurs normes, mais par rapport à ce qu'eux-mêmes avaient fait pendant des siècles durant leur moyen-âge et même leur Renaissance, les sorciers étaient beaucoup plus civilisés. Il était ironique qu'Azkaban ait redonné à Severus la foi qu'il avait accordée aux mangemorts à dix-sept ans.
Jessica avait proposé son avocat à Keira, et s'était sèchement faite repoussée par la femme honteuse. Quelques semaines plus tard, Keira implorait Jessica. Jessica n'était pas quelqu'un de mauvais, peu importe ce qu'elle avait fait à ses fils. Outre que les bruits le dérangeaient dans son sommeil, Severus était devenu très doué à ignorer ce qu'il se passait. Il aurait laissé Keira pourrir un peu plus longtemps avant de faire part de la situation à son avocat, s'il en avait eu un. Mais Jessica en avait aussitôt informé son avocat, qui s'était beaucoup mieux débrouillé pour ce cas que pour le sien. Johnson avait été évacué en trois semaines. C'était une bonne nouvelle; si Johnson n'avait pas poussé les choses dans une même mesure avec eux, les autres résidents du quartier de haute sécurité n'avaient pas été épargnés par ses sorts vicieux. Mais ce qui avait le plus peiné Severus, c'était la perte de son jeu d'échec en cailloux taillés et polis. Polir un caillou prend énormément de temps, surtout quand la pierre est dure. Severus avaient eu le temps de se faire tout un jeu, comme River avait fait le sien dans la cellule d'en face. C'était le dernier souvenir qui lui restait de son ami que Johnson avait fait éclater en morceaux.
Severus n'avait pas proposé son aide à Keira ou à un des nouveaux, pour plusieurs raisons. Edwin croyait qu'il était de la pègre et s'il parlait trop longuement avec ceux qui en étaient vraiment et qui connaissaient des gens qui connaissaient des gens qui auraient dû connaître Severus, il serait rapidement devenu évident que ce n'était pas le cas. La confiance trahie tuait les gens à Azkaban; on ne révélait pas qu'on avait menti, même par omission, à quelqu'un d'assez instable pour que cela le pousse au suicide. L'autre raison était que Keira s'était brisée très facilement, tout comme Cobb, dévasté de voir ce que son amie subissait. Aucun d'eux ne vivraient très longtemps, avec ou sans trucs. Thaddeus tenait mieux. Il envisageait toujours des tentatives d'évasion. Tout le monde le faisait. Et tout le monde évaluait le verrou à un moment. Le métal faisait alors un bruit très particulier. Et Severus devait admettre que sa tentative de tailler une clef dans le manche en bois de la cuillère était ingénieuse. D'autant que Thaddeus avait utilisé la magie pour la renforcer afin que le bois rendu humide par l'air ambiant ne cède pas dans la serrure. Cette idée aurait probablement fonctionnée, et Thaddeus avait examiné avec grand soin les rondes des détraqueurs et des Aurors qui avaient la malchance de se retrouver ici. Il serait sans doute allé jusqu'à la porte du quartier de haute sécurité. Néanmoins, s'éloigner même de vingt mètres de sa cellule pouvait être considéré comme un exploit. Mais les gardes avaient fouillés les cellules comme ils le faisaient parfois aléatoirement, trouvé et confisqué la clef-cuillère inachevée. Thaddeus était maintenant plus étroitement surveillé qu'auparavant.
Severus baissa de nouveau les yeux tandis que le vieux surveillant - qui avait été muté pour laisser place à Johnson, mais avait dû revenir quand celui-ci avait à son tour trouvé une place dans une cellule de moins haut niveau - passait avec son futur remplacement. Cette fois-ci, les deux étaient silencieux, le plus jeune avec une démarche un peu saccadée. Recrue verte, pensa de nouveau Severus. La porte de fer forgée se ferma derrière eux avec un bruit définitif, puis on entendit la roue tourner et verrouiller la porte avec d'autres barres en fer. Une porte de coffre-fort pour les plus dangereux résidents d'Azkaban, avait une fois dit le vieux surveillant. Une blague. Ils n'étaient pas les plus dangereux. Ils étaient là pour rester.
-Elles étaient si proches, geignit Edwin d'un ton mélancolique. Elles étaient là, devant moi. Les portes de la liberté. Et elles étaient ouvertes.
Severus se redressa, alla jusqu'au bord de la cellule puis se plaça contre le mur qui le séparait d'Edwin et tendit le bras à travers les barreaux, en sa direction. Le mur n'était pas assez large pour que sa main ne soit pas visible. Il y eu un bruit de frottement et sa main fut agrippée par Edwin qui la porta à son front, la serrant beaucoup trop fortement pour que ce soit confortable. Ce n'était pas une étreinte témoignant de l'amitié. C'était un naufragé s'accrochant à son gilet de sauvetage. La santé mentale d'Edwin l'inquiétait ces derniers temps. Il ne parlait plus de rêves où il se baignait dans une baignoire de billets, le signe directeur de sa vie. Il parlait de sa vision, celle qui l'obsédait de plus en plus souvent.
-Deux grandes portes blanches qui me laissaient le passage, décrivait doucement Edwin d'un ton rêveur. Et entre elles, un magnifique jardin, avec une herbe verte et un ciel bleu. De quel couleur est le vert, Severus ?
-La couleur d'un billet de banque américain, tenta-t-il.
-Oui, oui, mais ce n'était pas ce vert là, pas ce vert là. Et il y avait la lune et le soleil en même temps et un belvédère blanc comme les portes. Et ils me faisaient signe. Ils avaient l'air gentil. Je veux leur parler mais brusquement elles s'éloignent. Les portes s'éloignent.
-Ce sont les clefs qui se sont éloignées.
La main d'Edwin serra plus fort et ses ongles longs s'enfoncèrent un instant dans la peau, puis la pression se relâcha.
-Oui. Les clefs. Les portes. C'est la même chose. Elles ouvrent sur un monde meilleur. Et il y avait des papillons qui volaient, multicolores. Ils avaient tellement de couleurs. Rouge, orange, jaune, bleu. Et ils semblaient me faire signe de venir aussi. Sous les arbres, dans le belvédère à colonnes grecques toutes blanches.
Voilà, j'ai rajouté les points virgules qui avaient sauté la première fois.
