Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas.

Note : UA de Civil War, juste après la visite de Ross pour parler des Accords de Sokovie. Cette fic est une sorte de fic détente pour la fin de l'année, un peu en mode film de Noël avec toutefois le sérieux du MCU. Le rating de la fic pourra changer.


Chapitre 1 – Entre les draps inconnus


Tony avait repris l'habitude de dormir seul depuis que Pepper et lui avaient rompu. Les événements liés à Ultron et à la Sokovie avaient conduit leur couple à l'inévitable. Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui seul, il avait joué avec des pions qui le dépassaient et il avait perdu la partie, en sacrifiant bien trop de gens au passage. Cette solitude, il l'avait méritée, il ne blâmerait jamais Pepper d'avoir rendu les armes, elle avait déjà eu beaucoup de courage de le supporter jusque-là et il savait qu'à défaut de l'amour, l'amitié serait toujours présente entre eux, moins fragile qu'une relation qui tressautait souvent en raison des agissements insensés de l'ingénieur. Il avait de la chance d'avoir encore une amie à qui se confier et il ne la remercierait sans doute jamais assez pour tout ce qu'elle avait accompli.

Ce fut donc avec une certaine surprise que ce matin-là, en s'éveillant, Tony découvrit qu'il n'était pas seul dans son lit. Un souffle lent et régulier se faisait entendre à ses côtés, quelque part dans l'obscurité, le plongeant dans le désarroi. Il avait eu des relations d'un soir, souvent, mais il était sûr de n'avoir ramené personne chez lui la veille. Soit son cerveau se moquait de lui en dissimulant des souvenirs cruciaux, soit il s'était retrouvé dans un état pitoyable qui l'empêchait de réfléchir correctement. D'une haute et intelligible voix, il demanda à Friday d'allumer les lampes de sa chambre et attendit le brusque afflux lumineux. Ses sourcils se froncèrent au manque de réaction de l'intelligence artificielle ; les rares fois où il n'avait obtenu aucune réponse, quelqu'un s'était infiltré dans son système.

Du bout des doigts, Tony chercha un interrupteur, et soupira de soulagement quand la lumière éclaira les lieux. Il ne se perdit pas dans la contemplation de sa chambre, focalisant toute son attention sur l'individu qui dormait encore. S'il avait pris le temps de mieux observer son environnement, il aurait vite compris le problème mais, obnubilé par le fait qu'il ne fût pas seul, il ne remarqua rien. Dos à lui, une silhouette sensiblement masculine ne semblait pas se rendre compte des questions qui enserraient l'esprit de l'Iron Man. Une sirène d'alarme s'activa dans les pensées de Tony – non pas parce qu'il y avait un homme dans son lit, ce n'était pas la première fois, mais plutôt parce qu'il y avait un quelque chose de familier chez l'inconnu. Décidé à en avoir le cœur net, il secoua l'importun sans ménagement et retint un juron quand son mystérieux colocataire se retourna vers lui.

« Hammer ?

— Stark ? répondit son adversaire en plissant les paupières.

— Qu'est-ce que tu fous chez moi ?

— Je pourrais te demander la même chose. »

Tony pensait avoir l'avantage mais son expression devint distante quand il lut la détermination dans les yeux de Hammer. Ce dernier marmonna quelques mots, récupéra ses lunettes sur sa table de nuit, ouvrit la bouche puis la referma. À vrai dire, l'Iron Man se satisfaisait de son silence, il gardait le souvenir d'un Justin Hammer beaucoup trop bavard pour son propre bien et il ne tenait pas à discuter avec lui alors qu'il sentait poindre un monstrueux mal de tête. Il avait besoin de café avant d'avoir des réponses, et de préférence sans être en pyjama. Il s'apprêtait à quitter son lit dignement mais vit enfin la cause du mutisme de Hammer : cette chambre n'était pas la sienne et il était prêt à parier qu'il ne s'agissait pas non plus de celle de son concurrent.

Tournant à plein régime, son esprit esquissa plusieurs possibilités, de quoi justifier cet étrange réveil. Au vu de l'étonnement réel dans les yeux de Hammer, ce dernier n'était ni au courant ni responsable ; ce n'était pas suffisant pour rassurer Tony mais il avait la certitude qu'il n'était pas en train de subir le plan foireux de son compagnon d'infortune. Ils se trouvaient dans la même galère tous les deux, ce qui relevait de l'inédit. Quelle personne assez folle pouvait les avoir amenés là ? C'était le genre de plaisanterie qui aurait fait rire Jarvis au temps où il existait encore et cela tira un soupir à l'Iron Man. Il avait sous-estimé les capacités de Friday ainsi que son sens de l'humour, et il devait reconnaître que c'était du pur génie. L'IA n'avait besoin de changer que quelques éléments visuels pour piéger Tony, rien de plus, et un rictus amusé étira ses lèvres à la pensée d'avoir transmis son sens des mauvaises blagues à ses créations.

Sûr de lui, l'ingénieur tapota la cuisse de Hammer, certain que sa paume ne traverserait que du vide et prouverait que tout n'était qu'illusion. Mais ses doigts touchèrent le tissu du pyjama de son adversaire, rencontrant la résistance logique d'un corps humain - encore plus logique étant donné qu'il l'avait secoué sans ménagement quelques instants plus tôt, ce qui aurait dû suffir à lui rappeler qu'il était en compagnie d'un être réel. L'expression de Hammer venait de passer de l'incompréhension à la suspicion en quelques secondes.

« Je ne te savais pas aussi entreprenant, Anthony.

— De la part du gars le plus tactile que je connaisse, c'est assez ironique. »

L'Iron Man n'avait pas oublié ce jour à Monaco où Hammer avait voulu prendre une photo avec lui en passant un bras autour de ses épaules. Ce n'était qu'un instant dans son existence, un petit rien, mais son esprit semblait insister pour le lui rappeler. Il retira sa main avec un air quelque peu gêné, par principe, et se leva enfin pour retrouver un brin de dignité. Debout, il se sentait bien moins vulnérable qu'assis sur un lit en compagnie d'un type qu'il n'avait pas revu depuis qu'il avait été mis en prison et, très récemment, libéré pour bonne conduite – et parce qu'il n'y avait pas assez de place en prison pour continuer de garder des gens comme lui entre des barreaux alors que certains criminels méritaient un enfermement à vie.

« Je vais me trouver des vêtements et tenter de comprendre pourquoi j'ai débarqué ici. »

Sous-entendant clairement qu'il comptait agir seul et éviter d'avoir Hammer sur les talons, il se dirigea d'un pas vif vers la porte de la chambre. Un couloir orné d'une balustrade l'accueillit, cheminant en direction de plusieurs pièces. Tony souffla un coup et tenta la première porte qui dissimulait un dressing qui aurait presque pu faire rougir celui du Président. À sa grande surprise, les costumes étaient taillés sur mesure pour lui correspondre, ce qui était à la fois bienvenu et étrange. Sans réfléchir, il délaissa les tenues de cérémonies pour récupérer un jean, un t-shirt noir et des sous-vêtements. Il n'avait pas besoin d'être tiré à quatre épingles pour résoudre un mystère qui n'en serait sûrement plus un avant la tombée de la nuit.

Trouver la salle de bains fut une autre paire de manches. Les pièces de l'étage étaient nombreuses, inutiles aux yeux de Tony et très mal agencées. Une salle de musique côtoyait des sanitaires avant de laisser la place à une bibliothèque et à une autre chambre, à côté de laquelle un placard rempli du sol au plafond attendait un coup de balai. Il avait l'impression que des enfants s'étaient amusés à construire une maison en juxtaposant des espaces sans se soucier d'y mettre de l'ordre. Tony ignorait à qui appartenait cet endroit mais il ne s'y sentait pas à sa place. Il se pressa pour prendre sa douche, s'habiller et partir à la découverte du reste de la maison, en espérant avoir un indice qui lui montrerait où il avait atterri.

Au rez-de-chaussée, il chercha en premier lieu la cuisine, passant à côté d'un salon bien trop grand, d'une nouvelle penderie, et d'un escalier qui menait au sous-sol. Il avait désespérément besoin de sa tasse de café et il se tendit en remarquant de la lumière dans l'une des pièces. Il n'avait rien sous la main pour se défendre en cas d'attaque, aussi s'approcha-t-il à pas de loup, soupirant en constatant qu'il y avait seulement Hammer dans la cuisine. Il haussa un sourcil, surpris de découvrir son ancien concurrent déjà vêtu – bien qu'il fût un peu mal à l'aise dans le costume qu'il portait, costume qui n'était sensiblement pas à sa taille. Face à son regard, Hammer esquissa un rictus en lui indiquant qu'il y avait une seconde salle de bains au sous-sol.

« Il y a combien de pièces dans cette fichue barraque ? s'enquit Tony.

— Tu es propriétaire de la tour Stark, ça ne devrait pas te poser de problème.

— Mes salles ont toutes une utilité. »

D'un geste automatique, il saisit la tasse de café posée sur le plan de travail avant de la vider d'une traite, savourant le liquide sur sa langue. Peut-être qu'il pourrait enfin remettre ses idées en place. Ses yeux s'attardèrent sur les meubles, son esprit les associait à des environnements d'un autre temps, presque d'une autre époque.

« Il y a quoi d'autre au sous-sol ? finit-il par demander alors qu'Hammer descendait lui-aussi sa tasse de café.

— Une autre chambre, et plusieurs laboratoires. »

Ce fut ce dernier mot qui attisa enfin l'attention de Tony. Il délaissa la cuisine, se précipita vers les escaliers et descendit au sous-sol à la recherche de ces pièces à la fonction nettement plus intéressante. Il ouvrit une porte au hasard et s'occupa des volets avant de détailler les lieux. Ce n'était pas à la hauteur de ses propres laboratoires mais cela valait mieux que rien. Il remarqua de nombreux plans éparpillés sur des tables ainsi que des prototypes de machines dispersés sur le sol. Il eut un nœud à l'estomac en comprenant qu'aucune de ses armures n'était là, comme s'il n'avait jamais esquissé le moindre morceau de métal. L'absence de son intelligence artificielle lui pesait déjà mais sans ses armures, il pouvait dire adieu à une partie d'Iron Man.

Il se pencha sur les brouillons, décelant des engins familiers. Les mêmes questions revinrent le hanter, il ignorait encore où il se trouvait – chez qui précisément même si tout semblait hurler qu'il était dans sa propre maison – et comment il avait pu arriver là alors qu'il était certain d'avoir regagné ses pénates la veille au soir. À force de regarder les modèles papiers, il remarqua qu'ils portaient tous le symbole de Stark Industries mais il ne se rappelait pas avoir apporté ses projets ailleurs. Sans compter qu'il avait pris soin de bien protéger ses fichiers depuis qu'il s'était débarrassé d'Ultron.

« Un truc cloche ici, marmonna-t-il.

— Tu es comme un lion en cage, lâcha Hammer qui se tenait dans l'encadrement de la porte.

— Il t'arriverait la même chose si tu étais chez toi sans être chez toi. »

Son ton, vif et virulent, tira un grognement agacé à Hammer. Ce dernier rappela à Tony qu'il n'était pas plus chez lui et qu'il ne savait pas pour quelle raison il s'était réveillé là. L'Iron Man perçut une note de panique dans la voix de l'autre homme, infime mais bien présente, ce qui apaisa ses humeurs. Il n'avait pas les droits de passer ses nerfs sur lui, leurs conflits n'entraient pas en jeu dans cette situation désespérée.

« Quel est ton dernier souvenir ? lui demanda Hammer. »

La question était des plus légitimes dans un tel contexte. Il se souvenait de sa discussion téléphonique avec Pepper – il lui avait parlé d'un rendez-vous au quartier général des Avengers, une réunion d'urgence demandée par le secrétaire d'état Ross – puis de son départ. Ross avait mis sur la table un dossier bien trop épais portant le nom d'Accords de Sokovie, un projet destiné à surveiller et commander les actes des super-héros et autres personnes améliorées. Un incident au Lagos, quelques temps plus tôt, avait attisé la haine de différents pays lorsqu'un immeuble avait subi une explosion, entraînant des dizaines de blessés et de morts. Tony avait appris les détails en même temps que la presse, il avait regardé les vidéos avec une certaine stupeur et vu Wanda Maximoff en train d'envoyer Rumlow, un ancien agent d'Hydra, à travers les vitres d'un immeuble dans le seul but de protéger Captain America et la plupart des gens qui se trouvaient au marché.

Depuis que l'équipe des Avengers s'était formée, de nombreuses personnes suivaient avec circonspection leurs missions. Chaque adversaire venait avec son lot de catastrophes, une conséquence bien dramatique mais avec un certain fond de logique ; nul combat ne se terminait sans perte à partir du moment où l'ennemi était capable de commettre des actes atroces. Tony avait essayé de réparer les dégâts de New York et de la bataille contre les Chitauris en lançant le Damage Control mais cela ne suffisait pas. Les deuils humains n'étaient pas des immeubles à redresser ou des machines à changer, le cœur avait besoin d'un long processus pour guérir et surmonter la disparition d'êtres chers. La Sokovie avait empiré l'opinion publique, déjà basse après la révélation de la présence d'Hydra au sein du Shield, et cet événement au Lagos avait été déterminant.

Après la visite du secrétaire d'état, les Avengers s'étaient réunis afin de discuter des fameux Accords puis ils s'étaient quittés en espérant que la nuit leur porterait conseil. Tony se rappelait être rentré chez lui, avoir bu un verre, dépité par ce qui était en train de leur tomber dessus puis, le noir complet. Avait-il atteint sa chambre avant de sombrer ? Il était incapable de s'en souvenir, comme si l'accès à sa mémoire lui était interdit. Rien ne lui permettait de comprendre à quel moment il avait abandonné le confort de sa maison pour se réveiller ailleurs en compagnie de quelqu'un qu'il n'avait pas revu depuis des années.

Assis sur le rebord d'une table, Tony raconta tout à Hammer. Contrairement à ses habitudes, ce dernier l'écouta sans l'interrompre, attentif et silencieux. Une lueur sérieuse brillait dans les yeux de son ancien concurrent, derrière ses lunettes, et cela surprit l'Iron Man de déceler autant d'austérité chez un homme qu'il avait bien souvent vu désinvolte.

« J'étais chez moi, assura Tony. Friday avait pour consigne de me réveiller tôt, je voulais lire les Accords en détail. »

Il avait prévu de s'y intéresser de plus près parce qu'il estimait que c'était peut-être une nouvelle chance pour eux. Rogers et lui ne partageaient pas le même point de vue sur ce sujet mais ce n'était pas surprenant. Depuis que Fury avait eu la merveilleuse idée de monter son équipe, les deux egos se heurtaient sans cesse. D'abord sur l'héliporter du Shield puis dans la ferme des Barton et enfin là, à propos des Accords. Il n'y aurait jamais d'entente suffisante entre eux, il en était certain.

« Et toi ? Qu'as-tu fait avant de finir dans mon lit ? interrogea Tony pour se soustraire à ses sombres pensées.

— J'inspectais les locaux de mes industries. Enfin mes industries … ce qu'il en reste. Pendant mon séjour en prison, tout a tourné au ralenti et j'ai voulu relancer la production. Il paraît que le gouvernement ne veut plus de moi pour armer les militaires mais je peux encore m'associer à des milices privées. »

Et comme Tony, Hammer était rentré chez lui avant de décider d'aller se coucher. Ensuite tout était flou, entre rêve et cauchemar, sans souvenir tangible hormis ce réveil dans les mêmes draps que ceux de l'Iron Man. Ils n'étaient plus chez eux, ni l'un ni l'autre, et ils n'avaient jamais vu cet endroit, ce qui ressemblait à s'y méprendre à un mauvais film où ils finiraient par découvrir qu'ils avaient changé de vie ou d'univers – Tony avait une théorie particulière sur le multivers mais ce n'était vraiment pas le moment de l'expérimenter.

« Je n'ai aucune explication logique à tout ça, s'agaça Tony. Ces projets sont signés Stark Industries, les fringues du dressing sont taillées pour moi, comme si je vivais réellement ici.

— Tes collègues Avengers auraient pu te piéger ?

— Me piéger ? Nous sommes quand même … coéquipiers. »

Il avait failli dire amis mais il peinait encore à donner du sens à ce mot. Pepper, Rhodey et Happy étaient ses amis, les plus sûrs de tous, mais les Avengers ? Ils avaient combattu ensemble contre les Chitauris, contre Loki, contre les robots contrôlés par Ultron, ils avaient même fêté à plusieurs reprises leurs victoires. Mais l'amitié n'était pas un terme qu'il associait facilement aux Avengers, il y avait encore trop de discordes entre eux, trop de colère aussi chez les uns et chez les autres. Ils étaient une équipe, de cela il en était certain, et il ne verrait aucun d'entre eux se lancer dans une telle entreprise.

« Ce n'est pas un coup des Avengers, nous nous respectons, soupira Tony. Mais je ne sais pas qui aurait la possibilité de m'amener ailleurs contre mon gré. »

Un fourmillement désagréable courut sur sa peau dès l'instant où ses souvenirs lui imposèrent les échos de la bataille de New York. Des extraterrestres avaient surgi du ciel, grâce à un portail magique qui s'était créé entre la Terre et l'espace à partir du Tesseract. L'étrange cube bleu était rangé dans le trésor d'Odin, c'était ce que Thor leur avait affirmé mais était-ce vraiment encore le cas ? Un autre habitant d'Asgard pouvait vouloir leur jouer des tours en représailles de querelles avec le dieu du tonnerre, ce n'était pas impossible. Ou peut-être Loki avait-il trouvé un moyen de ne pas être aussi mort que son frère le prétendait ? La magie du dieu du chaos était assez puissante pour tisser des sortes d'illusions très réalistes, ils en avaient été témoins.

Plongé dans ses réflexions, Tony sursauta en avisant la silhouette de Hammer, bien plus proche. Il ne l'avait pas vu venir et, du coin de l'œil, il l'observa avec plus d'attention. Le passage en prison avait eu des effets sur son ancien concurrent, Hammer avait maigri – pas énormément mais assez pour que Tony le remarquât – et des cernes s'étendaient désormais sous ses paupières, comme s'il avait poursuivi le sommeil sans jamais l'atteindre. Il était étonnant de constater qu'ils se retrouvaient tous les deux dans le même traquenard alors que leurs vies avaient suivi des chemins différents. Tony avait continué à briller en héros tandis que Hammer restait derrière des barreaux pour purger sa peine.

Il eut envie de faire la conversation, pour ne pas avoir l'air incorrect à le regarder comme s'il estimait un produit mais les mots se bloquèrent dans sa gorge. Tony n'était pas assez désespéré pour engager une discussion sérieuse avec Hammer, pas pour le moment, pas après lui avoir parlé des Accords et de ce qu'ils représentaient.

« Je vais appeler Pepper, elle saura nous sortir de là en un temps record. »

Le nous était venu spontanément, il n'envisageait pas de quitter cette maison en y laissant son ancien concurrent. Communiquer avec Pepper serait la meilleure des solutions, son amie était l'une des personnes les plus honnêtes avec lui et elle se démenait comme un beau diable dès qu'elle le pouvait. Un problème majeur se présenta cependant à lui quand il constata qu'il n'y avait aucun téléphone. Il fouilla le laboratoire puis les autres pièces du sous-sol en pestant contre ces obstacles imprévus. Puisqu'il y avait quelques technologies dans la maison, où étaient donc les téléphones ?

Hammer fit le même constat après avoir inspecté en détail les autres étages, tirant à Tony un juron sonore. Petit à petit, il percevait les changements qui s'opéraient en lui ; les battements de son cœur étaient un peu plus précipités, les picotements sur sa peau croissaient, ses mains devenaient moites et une sensation d'enfermement commençait à enserrer sa tête. Encore quelques déconvenues de ce genre là et il finirait par subir une grosse crise de panique. Il était censé avoir surmonté tout cela après en avoir parlé avec Bruce, après avoir affronté Killian et le sérum Extremis, mais quelques braises d'angoisse semblaient subsister.

« Il me faut de l'air, souffla-t-il. Un bon bol d'air. »

Il bouscula Hammer en quittant le sous-sol pour rejoindre le rez-de-chaussée avant d'ouvrir au large la porte d'entrée. Il fit quelques pas en inspirant longuement, descendit les marches du porche et se figea face à l'étendue blanche qui recouvrait les routes. Autour de lui, disséminées sur des balcons et des lampadaires, des guirlandes exhibaient leurs fils, éteintes à cette heure de la journée. Sur la façade de la maison qui jouxtait celle dont il venait de franchir la porte, un Père Noël décoratif était accroché au rebord d'une fenêtre. Des rennes de toutes les couleurs ornaient aussi certains jardins, accompagnés de lutins ou de cadeaux.

Pris dans un cauchemar déroutant, Tony poussa le portillon et s'aventura sur le trottoir, sentant rapidement la neige autour de ses chevilles, perçant le tissu de son jean. Son souffle forma de la fumée dans la fraîcheur ambiante alors qu'il essayait de se repérer dans ce nouveau décor. Aucune des maisons ne lui était familière, comme s'il avait été transporté dans un quartier construit pour un film, avec des demeures qui se ressemblaient énormément. Son regard accrocha la boîte aux lettres à côté de lui ainsi que le Tony Stark inscrit dessus ; cela confirmait l'étrange pressentiment selon lequel cet endroit était censé lui appartenir.

« Tu es venu courir avec nous ? »

Le timbre familier de Rogers le frappa de plein fouet au même instant que la silhouette athlétique de Captain America. À ses côtés, Sam Wilson lui adressa un petit signe de la main, avec un sourire.

« Qu'est-ce que vous foutez là ? demanda Tony.

— On fait notre jogging, comme tous les matins, répondit Wilson en haussant un sourcil. La soirée d'hier a dû être particulièrement animée pour que tu oublies ça. »

L'Iron Man ne manqua pas le ton moqueur de Sam ainsi que le sous-entendu glissé derrière ses mots. Il ne rétorqua rien, se circula pour leur permettre de poursuivre leur jogging et les regarda s'éloigner, traçant leur chemin dans la neige. Ces deux-là, amis depuis les événements de Washington, paraissaient ne pas se préoccuper de constater qu'ils étaient en plein hiver, que des décorations ornaient les maisons et qu'ils étaient dans un endroit inconnu.

Décidé à en avoir le cœur net, Tony traversa la route et alla rejoindre la maison d'en face. La boîte aux lettres arborait le nom James Rhodes, ce qui rassura aussitôt l'ingénieur. Son ami pourrait sans doute lui répondre – il lui faudrait aussi trouver les maisons de Pepper et Happy dès qu'il en aurait l'occasion. Il toqua à la porte avec entrain et attendit, anxieux. Lorsque Rhodey lui ouvrit enfin, avec un air ensommeillé sur le visage, Tony se retint de le serrer dans ses bras.

« Si c'est pour me montrer un nouveau prototype, tu aurais pu le faire plus tard, grommela son ami. Tu as vu l'heure, Tony ?

— Et toi, tu as remarqué où tu te trouves ? »

Il désigna le quartier d'un ample geste de la main, espérant lire dans les yeux de son meilleur ami un brin d'incompréhension qui résonnerait avec la sienne mais Rhodey ne réagit pas. Tout du moins, pas comme il l'espérait.

« Je suis chez moi et tu devrais en faire autant. Prends ton premier chocolat et retourne te coucher. Ou commence ta nuit, je ne sais pas encore si tu as l'intention de dormir ou si tu sors de ton lit.

— Rhodey, regarde autour de toi ! Ce n'est pas chez nous ! Quand je pense que … Attends, tu as parlé du premier chocolat ?

— Le premier du calendrier de l'Avent, comme tous les ans. Je ne te demanderai pas si tu as mis tes décorations de Noël parce que tu me répondras non mais mange quand même. »

Il tenta de raisonner Rhodey en lui parlant de la tour Stark – bientôt en destruction – et des domiciles de chacun d'entre eux mais il n'obtint qu'un regard suspicieux de la part de son ami. Rhodey avait de l'humour, l'Iron Man en avait fait les frais, mais jamais encore il n'avait eu l'impression qu'un fossé les séparait, comme si tout était différent depuis son réveil. Rhodey esquissa ensuite un sourire endormi en lui indiquant qu'il aimait bien certaines de ses plaisanteries mais que celle-là était la meilleure ; ils avaient apparemment quitté les grandes villes quelques années plus tôt pour s'établir là.

Tony salua son ami avant de le laisser retourner se coucher. Il était en train de se dire qu'il était temps pour lui d'en effet ouvrir son calendrier de l'Avent lorsqu'un mal de tête violent le secoua. Il était déchiré entre des pensées contradictoires, avec cette envie de participer aux festivités en avance et un besoin de partir au plus vite de cet endroit. S'accrochant à la certitude qu'il n'était décidément pas là par hasard et que quelqu'un se moquait de lui – et sûrement de tant d'autres gens en même temps – Tony retraversa la route. Le cœur battant à tout rompre, il se précipita à l'intérieur de la maison et retrouva Hammer dans le salon. Pour une raison qui lui échappait, il fut heureux de constater que son ancien adversaire n'avait pas fui.

« On a un problème ! lâcha-t-il d'un ton essoufflé.

— Je crois que j'avais compris, ironisa Hammer.

— Non, justement ! C'est bien pire ! »

Encore sous le choc de ce qu'il venait de voir et entendre, Tony en oublia qu'il n'était pas en compagnie d'un ami. Il saisit Hammer par les épaules, comme s'il s'apprêtait à le secouer, son regard hanté par les guirlandes et par les propos de Rhodey. Ses doigts se serrèrent à la manière de griffes sur la chemise de l'autre homme, faisant grimacer Hammer qui attrapa les poignets de l'Iron Man afin de le forcer à reculer un peu.

« Noël, murmura Tony. Ils préparent Noël !

— C'est … c'est impossible ! »

L'horreur dans les yeux de Hammer devait valoir la sienne. Noël – avec autour de cette date symbolique l'hiver et tout simplement les trente autres jours de décembre – ne pouvait qu'être une très mauvaise plaisanterie. Car Tony Stark et Justin Hammer savaient tous les deux que la veille, quand ils étaient encore chez eux sans penser se retrouver coincés là, ils étaient en plein mois de mai.