Chapitre 10
Quand les parents Holmes rentrèrent, John et Greg s'entendaient comme larrons en foire, et avaient déjà eu le temps de refaire la moitié des matchs de rugby du moment, et Sherlock et Mycroft semblaient à la fois désespérés et très heureux de voir que leur conjoint respectifs étaient totalement compatibles. Au moins Mycroft n'avait plus à craindre que les vacances de Noël se passent mal en présence de son compagnon, puisque clairement, John apaisait la situation. Il en aurait presque désiré que ça se passe mal.
— T'inquiètes pas, Myc', se moqua Greg. Quand on ira voir mes parents après Noël, ça on est sûr que ça se passera mal. Ça te rassurera ?
John ricana sous cape, Sherlock ne chercha même pas à masquer son hilarité. Les vacances allaient être sympa, s'ils pouvaient se moquer de Mycroft avec le soutien de son copain !
A l'heure d'aller se coucher, Sherlock ne fit aucune difficulté pour se rendre dans sa chambre, et laissa John aller dans la sienne. Il ne protesta pas, ne tenta pas de le convaincre, se contentant de l'embrasser en douce quand les parents ne voyaient rien. Ils s'étaient brossé les dents ensemble, côte à côte, et cela avait été si affreusement domestique que le cœur de John avait du mal à s'en remettre. C'était ce qu'il voulait vivre tous les jours du reste de sa vie.
Mais une fois seul dans sa chambre, John regretta un peu sa décision de ne pas dormir avec Sherlock. Il savait que c'était mieux ainsi, et qu'ils ne pouvaient pas vivre en couple au bout de moins d'une journée ensemble. Ils vivaient déjà sous le même toit, contraints et forcés par leur situation particulière, mais il avait besoin de se détacher un peu de Sherlock pour respirer. L'intensité de leur relation était presque écrasante, même si cela le rendait plus heureux qu'il ne l'avait jamais été.
En se couchant dans son lit, ayant hâte d'être le lendemain pour fêter le réveillon, il regarda le plafond où se trouvaient les étoiles fluorescentes. Sherlock les avait collées juste après la mort de ses parents, pour qu'il ne soit pas dans le noir. Il avait aussi sa veilleuse sur sa table de nuit, mais les étoiles de Sherlock étaient disposées selon une configuration absurde, une constellation qui était totalement fictive. John ne pouvait pas s'empêcher d'y voir un acte d'amour. Et de penser à ses parents.
— Vous auriez approuvé ? demanda t il au silence de la nuit.
Il n'attendait pas de réponses, évidemment, et n'était pas croyant, mais il voulait croire en une sorte de paradis, un endroit d'où ses parents pouvaient le voir. Et il espérait de tout cœur qu'ils auraient approuvé. Il n'avait jamais eu l'occasion de discuter de ses préférences sexuelles avec ses parents. Ils n'avaient pas le souvenir de gens intolérants, mais c'était toujours plus difficile quand on était directement concerné par la situation.
Mais au moins, s'ils avaient été en vie, il n'y aurait pas eu le problème de la relation fraternelle des deux garçons. Alors John voulait croire qu'ils auraient été heureux pour lui. Il s'endormit à la lumière des étoiles.
Un cri de terreur plus tard, John se redressa en sursaut dans son lit, trempé de sueur. Il n'avait pas été aussi terrifié dans son rêve que le cauchemar violent de la semaine dernière, et ne se souvenait pas de ce qui venait de le réveiller, mais il cherchait à tâtons sur sa table de nuit la bouteille d'eau, pour apaiser son cœur qui battait la chamade quand la porte de sa chambre s'ouvrit.
— John ?
Sherlock, évidemment. Personne d'autre n'aurait pu venir.
— Je sais que tu as dit que tu ne voulais pas qu'on dorme ensemble mais… ça va ? Je peux rester ?
John ne savait pas très bien s'il s'agissait d'une question ou d'une affirmation, mais il ne chercha pas à réfléchir très longtemps : il ouvrit les draps. Sherlock n'hésita pas non plus : il rejoignit John en deux enjambées, refermant la porte derrière lui, et vint enlacer fermement John, le pressant contre lui, plongeant son nez au creux de son cou, inspirant profondément.
— Désolé… marmonna John. J'dois puer la sueur… et être tout poisseux…
— J'm'en fous, répondit Sherlock. Ça me va. Tu es sûr que je peux rester ? Tu as dit qu'on ne devait pas.
— Parce que je veux pas qu'on soit trop intime chez tes parents… mais là, c'est pas pareil… ils ont l'habitude qu'on dorme ensemble quand je fais un cauchemar. Et pis… j'suis pas… enfin… j'ai pas envie de toi, la. Pas après un cauchemar.
John était très sincère. Sherlock le tenait contre lui comme toutes les nuits passées ensemble, lové dans son dos, l'enveloppant de toute sa grande taille, mais contrairement à toutes les autres nuits où il se perdait dans des questionnements existentiels et luttait contre son envie de bander, présentement il ne ressentait rien. Seulement un sentiment d'apaisement profond.
— Je comprends.
— D'slé d'tvoir rveillé… marmonna John, qui mangeait la moitié des voyelles tandis qu'il replongeait dans le sommeil.
— Je ne dormais pas, lui répondit clairement Sherlock. Dors, John.
Au réveil, Sherlock était parti. Et John en fut ravi : c'était la preuve qu'il ne se sentait pas obligé d'agir différemment maintenant qu'ils étaient en couple. Et c'était parfait. Il l'aimait comme il était, son génie.
Il retrouva Sherlock dans sa chambre, en train de travailler sur Dieu savait quoi. John n'avait pas envie de poser la question, ni même d'essayer de comprendre. Ça pouvait aussi bien être l'enquête de Mary qu'il finalisait qu'un problème mathématique posé par sa mère, ou une analyse sociologique pour vérifier ses capacités de déduction.
— Salut. Merci pour cette nuit. Bien dormi ?
Sherlock haussa les épaules.
— Tant que toi tu as bien dormi, c'est l'essentiel.
— Non. Pas seulement. Il était deux heures du mat, Sherlock. Tu ne dormais pas ?
— Non.
— Pourquoi ?
— Je n'avais pas sommeil. C'est vraiment une conversation que nous devons avoir ? Je n'ai jamais vraiment beaucoup dormi, et ça ne t'a jamais dérangé avant.
— Faux, le corrigea John. Ça m'a toujours inquiété, mais je n'avais pas les moyens de dire quoi que ce soit à ce sujet. Maintenant oui, mon petit sucre d'orge.
Sherlock lui renvoya un regard exaspéré, et John évita habilement le coussin lancé dans sa direction. Sherlock visait bien, mais il manquait de force. Ou de conviction, probablement. Avec un minimum d'efforts, John pouvait rester installé sur la causeuse sous la fenêtre — assurément sa place préférée dans la chambre de Sherlock — et ne pas se prendre en plein tronche le coussin expédié depuis le lit où Sherlock travaillait.
— Je t'interdis d'utiliser ce surnom ! s'exclama Sherlock.
— Eh bien réponds moi et j'arrête ! négocia John.
— Tu es injuste.
— Absolument pas. J'ai du pouvoir et j'en profite.
Sherlock grommela un truc incompréhensible en retour.
— Quoi ?
— Je disais que tu abuses déjà de ton pouvoir sur moi : je suis certain que tu vas refuser de me toucher et m'embrasser tant qu'on ne sera pas seuls tous les deux. Autant dire donc, toutes les vacances, puisque Papa et Maman ne travaillent pas pendant les fêtes, et pire, que Mycroft est là pendant plusieurs jours. C'est DÉJÀ une torture, tu n'as vraiment pas besoin d'en rajouter.
Sherlock avait l'air à la fois sérieux, bougon, et sincèrement blessé que cela toucha John en plein cœur. Il n'avait pas entièrement tort. Même si Mycroft savait, et que Violet et Sieger s'en doutaient plus que certainement, et même s'ils avaient la bénédiction de tous ces gens, John n'avait pas la moindre envie d'être trop expressifs en présence des autres. Il entendait continuer de se comporter comme avant avec Sherlock, en public, et non s'afficher comme un couple, comme pourrait le faire Mycroft, ou même les parents Holmes, qui avaient des gestes d'affection l'un envers l'autre depuis toujours, malgré bientôt trente ans de mariage. Pour autant, il ne s'imaginait pas se priver totalement du contact de Sherlock pendant toutes les vacances. Ça lui était impossible.
Et quand le jeune génie avouait, à mots couvert, en rougissant et en baissant les yeux, son besoin désespéré d'être en contact avec John, il ne pouvait pas le lui refuser.
Il venait de se lever, plutôt tardivement. Mycroft et son conjoint étaient levés depuis longtemps, et John avait entendu à l'étage du dessous toutes les autres voix de maison. Ils étaient seuls à l'étage.
— Si tu penses que c'est une torture, Sherlock, sache que ça l'est pour moi aussi, souffla-t-il en se relevant du divan. C'est une torture depuis plusieurs années que de te voir et ne pas pouvoir te toucher, t'embrasser.
Le ton bas et profond de John fit redresser la tête à Sherlock, qui le regarda approcher, l'œil soudain brillant.
— Te taquiner, oui. Te torturer, non. L'idée même de te faire souffrir est plus insupportable que tout ce que j'ai pu endurer dans ma vie. Et ça inclut la mort de mes parents.
— John…
— Je suis sincère, le coupa John. Je veux que tu sois heureux. Et je veux que tu dormes un minimum la nuit pour être sûr que tu prends du repos et que tu ne veilles pas inutilement juste pour surveiller mon sommeil. Je suis sûr que t'es capable d'avoir évalué les heures où je fais des cauchemars pour aller te coucher que lorsque tu es certain que j'ai passé cet horaire.
Sherlock baissa légèrement la tête, ses lèvres se déformant en une grimace contrite, preuve que John avait raison.
— Voilà, je le savais. Ça, tu ne fais plus. Tu as besoin de sommeil aussi. Je te promets que si j'ai réellement besoin de toi après un cauchemar, je viendrai te le dire. Juré. Mais Sherlock, être ensemble, c'est prendre soin mutuellement de l'autre. Pas que tu te sacrifies pour moi.
Au fur et à mesure de son discours, il avait franchi les quelques mètres le séparant du lit, et s'était installé en tailleur sur le matelas, face à Sherlock. C'était le milieu de la matinée et le jeune génie portait un costume sur mesure, que John adorait. A dix-sept ans, Sherlock s'habillait comme un lord anglais, et John trouvait ça assez rétro pour être sexy. Surtout quand il savait que deux heures plus tard ou le lendemain, il traînerait dans un pyjama informe. Sherlock était un paradoxe ambulant et il l'aimait pour ça.
En retour, John portait un pyjama de Noël, rouge et blanc, avec des imprimés en bonhomme de pain d'épice et sucre d'orge. C'était de circonstance.
— Ok, céda Sherlock. Je dormirai quand j'en ai besoin. Mais parfois, il m'arrive de ne pas dormir aux heures où tu as l'habitude de cauchemarder, et ce naturellement.
— Ça c'est ok. Ça me gêne pas. Tu dois juste pas te forcer. Et pour le reste…
— Quel reste ?
— La « torture » de ne pas te toucher.
Il tendit la main entre eux, et Sherlock s'en saisit sans délai, avec un empressement qui trahissait clairement ses envies.
— C'est dur pour moi aussi, reconnut John en enlaçant leurs doigts. Mais je ne veux pas qu'on soit trop évidents devant tes parents, même s'ils savent. Mais ça ne veut pas dire qu'on ne doit jamais se toucher. Il faut juste choisir nos moments. Je pense qu'on peut envisager pleiiiiiin de sorties tous les deux, durant les vacances.
Sherlock leva un sourcil méprisant, peu convaincu.
— Allez Sherlock, mon petit sucre d'orge, fais un effort. A l'extérieur, personne ne sait que nous sommes frères. Même la plupart des gens du lycée l'ignorent, ils ne connaissent que mon nom de Watson. Y'a que l'administration qui m'appelle Watson-Holmes. Pour les gens du lycée, certains savent qu'on vit sous le même toit, mais c'est généralement parce qu'ils savent que je suis orphelin, donc ce n'est qu'un concours de circonstances. On peut aller se promener, se tenir la main, aller se balader en ville et être proches et personne n'y trouvera à redire.
Sherlock avait l'air toujours aussi peu convaincu, et John le comprenait. Des tas de gens, homophobes ou stupides (ou les deux à la fois) pourraient y trouver à redire, mais John refusait de les inclure dans ses fantasmes. Parce qu'il avait des fantasmes de banalité, se promener dans un parc avec Sherlock, sa main dans la sienne, s'arrêter sur un banc, et s'embrasser éperdument, par exemple. Mary avait sans doute raison, ils formaient un vieux couple, mais John assumait. La vie qu'il avait toujours eue avec Sherlock avait été intense, parce que le génie était du genre intense, justement. Il pressentait que le reste de leur existence allait suivre cette même tendance, et John allait y rajouter en plus l'épuisement de la fac de médecine. Clairement, il avait tout intérêt à désirer ce qu'il était sûr d'avoir du mal à obtenir par la suite : un peu de tranquillité.
— Premièrement, arrête de m'appeler comme ça. Deuxièmement, je ne vois pas en quoi le fait de sortir de la maison résoudra notre problème… d'intimité.
— Oh, ça non, assurément pas. Je te parlais simplement de contacts physiques. Mais tes parents ne sont pas toujours à la maison, Sherlock. Quand on reprendra les cours, je te promets beaucoup d'intimité. En attendant… je pense que nous pourrions refaire un bon usage de notre cabane dans les bois.
— Elle est minuscule, se plaignit Sherlock. On arrive à peine à y tenir tous les deux maintenant.
John se retint de lever les yeux au ciel. Sherlock avait de la chance qu'il l'aimait. Il aurait été incapable de draguer qui que ce soit.
— Justement, répondit-il d'un ton enjôleur. On sera obligés de se blottir l'un contre l'autre, de se serrer l'un contre l'autre, vraiment très proches…
La lumière s'alluma dans l'esprit de Sherlock, qui se figea. Sa main, nouée à celle de John, et jouant avec elle, caressant et faisant glisser ses doigts contre ceux de John, resserra sa prise.
— Oh.
— C'est un bon résumé, s'amusa John. Allez, viens là. On a cinq minutes.
Personne ne risquait réellement de venir les déranger. Passer du temps dans la chambre de l'un ou de l'autre, ou dans la bibliothèque, faisait partie de leurs habitudes. Si les parents Holmes voulaient les appeler pour déjeuner ou toutes autres raisons, ils crieraient dans l'escalier. Et quand ils mettaient trop de temps à venir, John avait ramené de son séjour dans les Alpes suisses (le même durant lequel il avait vu un chamois) une énorme cloche des alpages, qu'il avait offerte à la famille Holmes. Sieger et Violet n'avaient aucune pitié à la faire sonner et trembler toute la maison quand ils estimaient que les deux garçons ne descendaient pas assez vite. Surtout Sherlock, qui pouvait être soit littéralement perdu dans sa tête et ce qu'il faisait, soit fermement décidé de ne pas répondre aux sollicitations. Au bout d'un moment, le vacarme était tellement énorme qu'il revenait à la surface ou cédait et descendait manger ou aider le reste de la famille pour toutes les activités pénibles et nécessaires, de faire le ménage à mettre la table en passant par vider le lave-vaisselle et plier le linge.
Tant que la cloche ne sonnait pas, ils étaient tranquilles, et John comptait en profiter. Il attira Sherlock contre lui, et l'embrassa sans perdre de temps, passant ses bras autour de son cou, pour mieux le presser contre lui.
Sherlock répondit avec une ferveur immédiate. Au bout de quelques secondes, ils avaient réussi à se mêler d'une drôle de manière, presque inconfortable mais en fait non, et s'embrassaient comme si tout l'oxygène restant de la planète était dans la bouche de l'autre.
Sherlock avait appris ses leçons. Lui qui ne savait pas embrasser la veille encore se montrait désormais très doué. Sa langue, si douée pour assassiner verbalement quiconque n'avait pas son intelligence (soit l'humanité tout entière moins une faible poignée de personnes et la moitié faisant partie de sa famille), avait aussi toutes les qualités requises pour assassiner John de plaisir. Il embrassait comme il vivait : intensément, passionnément, avec arrogance et supériorité, et John se laissait faire, pantin chancelant et haletant, victime consentante de l'amour de son compagnon.
Ils s'embrassèrent durant ce qui leur parut à la fois des heures et une minute, trop court et trop long à la fois, avant que John ne se recule légèrement, haletant et le regard vitreux.
— Ok, stop.
— Pas bien ? s'enquit Sherlock.
Il avait le regard inquiet, de celui qui ne sait pas ce qu'il fait et a besoin d'être rassuré. Un regard presque inédit sur le visage du génie, qui traversait son existence en conquérant, sûr de lui et ses capacités. A vrai dire, John ne l'avait que peu vu dans cet état : la première fois, c'était au début de leur relation amicale, Sherlock maîtrisait mal les codes sociaux, et une fois qu'il avait accepté John auprès de lui, il s'inquiétait parfois de ne pas faire ce qu'il fallait pour le garder auprès de lui. John avait été souvent blessé ou vexé par des propos ou des actions du petit garçon, et ils y avaient survécu grâce à une bonne dose de communication et ce visage inquiet de Sherlock qui disait « je ne sais pas ce que je fais, rassure-moi, pardonne-moi, apprends-moi, mais ne punis pas pour toujours en m'infligeant ton absence ».
La deuxième fois, c'était juste après la mort de la famille de John et son retour à Musgrave, après les placements et les foyers. Sherlock était cette fois complètement dépassé face à l'inexorable et inextinguible chagrin de John, sa souffrance et sa mélancolie qui frappaient sans crier gare, à un moment charnière de la construction adolescente. Souvent, John surprenait Sherlock en train de le regarder avec cet air-là qui disait « Je ne sais pas comment t'aider, aide-moi à t'aider, apprends-moi et pardonne-moi si je n'agis pas comme il faut pour gérer ta douleur ».
Aujourd'hui John voyait pour la troisième fois ce regard, et en substance, c'était la même chose qu'avant : Sherlock avait peur. Peur de ses sentiments pour John, qu'ils soient trop intenses, que John se sente piégé, écrasé, peur que Sherlock ne sache pas embrasser ou plus si affinités, et que John se lasse de leur relation et retourne voir des filles. Le regard de Sherlock suppliait pour être pardonné de ses défauts, de ses faiblesses, et qu'il avait besoin d'être rassuré et guidé.
— Oh c'était très très TRÈS bien, l'apaisa John. Mais là, il va bientôt être l'heure qu'on descende, parce qu'on est quand même le 24 décembre et que Vio va probablement nous embaucher comme commis pour préparer le réveillon de ce soir…
— Elle a Graham pour ça, grommela Sherlock, qui mettait depuis la veille un point d'honneur à ne pas appeler le compagnon de Mycroft par son nom.
— … et que j'ai besoin de me calmer et prendre une douche, avant.
— Une douche ? s'étonna Sherlock. Tu as déjà pris deux douches hier soir. On n'est pas sortis, depuis.
— Ouais. Mais ça me fera du bien pour… relâcher la pression.
— Oh !
Sherlock s'empourpra, et c'était adorable à voir.
— Pas toi ? demanda John avec une pointe de jalousie, et de déception mêlée.
Il savait que les rapports physiques n'avaient jamais intéressés particulièrement son compagnon, alors que lui-même était saturé d'hormones et bandait facilement et rapidement, mais il y avait quand même quelque chose de vexant de savoir que de simples baisers (d'accord, des baisers effrénés) le mettaient dans un état d'excitation difficilement camouflables, alors que Sherlock n'avait aucun problème. John ne doutait pas vraiment de son charme et sa capacité à plaire, et il savait que Sherlock le désirait, hier l'avait prouvé, mais pour son égo, il aurait aimé autre chose.
— Oui et non, répondit Sherlock. Disons que je pourrais en avoir besoin, mais j'ai un meilleur contrôle que toi sur mon corps. Tu le sais bien.
C'était à la fois vrai et totalement faux. Sherlock répétait à l'envi que son corps n'était qu'un véhicule, qu'il pouvait le plier à sa guise par la seule force de son esprit, mais ça ne fonctionnait pas toujours. Il ne pouvait éviter certains problèmes, avait été malade moins souvent que John durant l'enfance, mais souvent plus gravement. Tout son génie et son esprit ne pouvait faire des miracles, courir à des centaines de kilomètre heure, battre des adultes au bras de fer quand il avait sept ans ou sauter à plusieurs mètres de hauteur.
Mais John devait reconnaître qu'à force de travail, Sherlock savait moduler sa faim, sa soif, son besoin de sommeil ou d'uriner. Il avait en outre une maîtrise totale de chaque parcelle de son corps, induit par des années de pratique de danse classique. Alors peut être qu'en effet, il était meilleur que John pour faire retomber une érection et rester discret.
— Donc… tu as envie de moi ? demanda John à mi-voix.
C'était lui qui avait besoin d'être rassuré, désormais.
— J'ai appris à contrôler mes réactions en ta présence depuis que j'ai quinze ans, peut être seize, répliqua Sherlock. Depuis, je sais mieux faire passer les envies à la seule force de mon cerveau. Je comprends ton envie de ne pas y laisser libre court, même si c'est frustrant. Mais envie de toi ? Évidemment. Tout le temps.
John déglutit difficilement. Il fallait qu'il tienne encore un peu plus de six mois. Ensuite, ils déménageraient à Londres dans leur appartement en commun et à ce moment-là, ils pourraient agir comme ils le voudraient.
— Ok, murmura-t-il. Je vais vraiment avoir besoin de la douche froide désormais.
La douche froide fut effectivement nécessaire pour John, mais une fois qu'ils furent prêts à descendre, ils étaient décents et calmés. Sieger et Violet ne firent aucun commentaire, habitué à ce que les deux garçons ne se lèvent pas franchement tôt. Pour John, c'était ses premiers jours de vacances, et comme tout adolescent en fin de croissance, il pouvait lui arriver de faire des nuits de douze heures sans sourciller. Un réveil avant dix heures un dimanche tenait du miracle. Pour Sherlock, le sommeil n'avait rien à voir dans l'affaire, mais il était su de tous qu'il descendait rarement sans John, et pouvait s'absorber dans ses occupations à l'étage des heures durant, sans jamais manifester le moindre signe de vie.
Mycroft regarda bien les deux garçons arriver dans la cuisine d'un air un peu suspicieux, mais il ne dit rien. Ce n'était pas vraiment comment s'il pouvait, de toute manière : Violet s'était mis en tête de faire passer un interrogatoire à Gregory, et Mycroft accompagnait son conjoint dans cette épreuve, endurant stoïquement avec lui l'afflux de questions de sa mère.
Le fait était que Mycroft était le seul à souffrir de cette situation : Greg la vivait très bien. Violet ne l'interrogeait pas sur ses intentions vis à vis de Mycroft ou ne jugeait pas sa famille, son train de vie ou ses ambitions professionnelles, mais le bombardait de questions absurdes, de sa couleur préférée à son théorème mathématiques favori, en passant par l'âge de ses parents et l'identifiant postal de ville de naissance, le tout en passant aléatoirement d'une question à une autre. Le seul vague point comment, c'était que toutes les réponses, d'une manière ou d'une autre, pouvaient être traduites en chiffres (les couleurs, par exemple, était une combinaison mathématique de bleu, de vert et de rouge) ou renvoyaient à des chiffres. Connaissant Violet, c'était logique. Cela dit, ça n'aidait personne pour comprendre ce qu'elle cherchait.
Au milieu de son interrogatoire, elle réalisa qu'elle avait deux commis de plus, et les mit aussitôt à la pâte, histoire que le dîner à venir soit mémorable.
Violet était en grande forme, Greg était éminemment sympathique et parfaitement conscient de qui était Mycroft, se permettant d'être cynique et sarcastique quant à son copain à intervalles réguliers, John aimait Sherlock et Sherlock aimait John, et rien n'aurait pu être plus parfait.
Le réveillon fut joyeux, bruyant et décalé. Comme toujours, Sherlock et Mycroft s'engueulaient régulièrement, et John donnait des coups de pied sous la table à son copain pour le faire taire. Cette fois, il avait en outre un nouvel argument massue : il menaçait Sherlock de l'appeler « mon sucre d'orge » pour le reste de leur vie. Ça marchait plutôt bien.
Comme d'habitude, Violet se surpassa en cuisine, et le repas fut délicieux. Greg la complimenta à plusieurs reprises, épinglant gentiment Mycroft sur son régime alimentaire — inexistant, il semblait littéralement oublier de manger trois fois sur quatre — et se moquant de lui-même et des habitudes qu'il avait prises en tant que flic, ainsi qu'en tant qu'homme célibataire. Comme Mycroft était pour ainsi dire une catastrophe ambulante en cuisine, Greg prit la résolution de s'améliorer pour permettre à son compagnon de mieux manger. Et pour ça, il aurait adoré des recettes simples de Violet et des conseils. Clairement, celle-ci était aux anges. Greg cochait 100% des cases dont elle aurait pu rêver, et elle l'adorait.
— Considère toi comme adopté, se moqua John a l'intention de Greg, tandis que Violet s'extasiait. Fais gaffe, ils ont tendance à le prendre au pied de la lettre.
Il avait craint qu'ils soient un peu tôt pour ce genre d'humour, mais au vu des éclats de rire de la tablée, ce n'était pas le cas. Greg n'avait sans doute pas tous les tenants et les aboutissants, mais il riait quand même. John devait reconnaître que même lui adorait son nouveau beau-frère. Il pouvait discuter criminalité avec Sherlock, parapsychologie avec Sieger, cuisine avec Violet, rugby avec John et même si tout le monde se demandait plus ou moins ce dont il pouvait bien discuter avec Mycroft, pour le reste de la famille, il était clairement le meilleur parti que Mycroft pouvait trouver.
Et même si ce dernier grommelait sans cesse et maugréait dans son coin, il était évident qu'il éprouvait une certaine forme de fierté et de soulagement de voir sa famille accepter l'homme qu'il ramenait pour la première fois chez eux.
Après le dîner, ils jouèrent à des jeux de société, John et Greg se firent écraser au trivial pursuit par tous les autres (qui jouaient en individuels, eux) mais ça faisait partie des traditions de Noël. Quand ils étaient petits, John et Sherlock jouaient sur une version pour enfants. John se faisait laminer par Sherlock, et avec le sourire. En grandissant, Sherlock était passé aux questions adultes quand John restait à celles des enfants, et même comme ça, il se faisait battre. Depuis qu'il était entré dans la famille, il avait découvert cette tradition holmésienne et jouait avec les questions adultes et perdait avec persistance, chaque année. Ça lui allait très bien. Le jour où il gagnerait face au génie qui lui servait de petit copain, c'était que le monde aurait cessé de tourner rond.
Ils placèrent tous une chaussure sous le sapin, absurdement puisque personne ne croyait au Père Noël (ou même, dans le cas des deux Holmes natifs : n'y avaient jamais cru, même durant la toute petite enfance) dans cette maison, et qu'ils placèrent tous les cadeaux immédiatement. Mais ils seraient ouverts seulement le lendemain, comme promis.
La nuit venue, John se glissa dans le lit de Sherlock : c'était la veillée de Noël. Discrets, d'accord. Ne pas dormir ensemble toutes les nuits, d'accord. Mais il avait le droit de savourer le meilleur cadeau de Noël de tous les temps : se réveiller dans le cocon des bras chauds de Sherlock, qui n'avait pas quitté le lit spécifiquement pour cette raison. Pour une fois dans l'année, il savait que John le voudrait auprès de lui au réveil, et il avait raison.
— Merci d'être resté, soupira John en se réveillant au matin du 25.
Bien évidemment, Sherlock était en train de lire un truc, en prenant des notes sur un carnet, mais il était présent dans le lit, et c'était tout ce qui comptait.
— Joyeux Noël, John, répondit-il en abandonnant sa lecture et son crayon dès qu'il entendit la voix de son compagnon.
Il laissa tomber sans remords ses occupations pour venir enlacer et profiter, pendant quelques secondes encore, de leur intimité.
— Tu es mon plus beau cadeau de Noël, ronronna John en l'enlaçant, les yeux mi-clos.
— Cela signifie-t-il que je dois aller retirer ceux que je t'ai acheté de sous le sapin ?
— Ça dépend. C'est quoi ?
— Je crains de ne pas pouvoir répondre à cette question. C'est le Père Noël qui apporte les cadeaux voyons.
John ricana, parfaitement réveillé désormais. Sherlock n'avait jamais cru au mythe du gros monsieur en rouge, mais John oui. La première année de leur amitié, et leur premier Noël ensemble, John commençait à doucement remettre en cause cette générosité absurde de la part d'un inconnu, surtout avec les réflexions cyniques de Sherlock. Sauf qu'ensuite, quelqu'un avait dû gronder Sherlock en lui expliquant que ce n'était pas très gentil, et il avait alors fait de son mieux, à toutes les occasions possibles et imaginables, pour parler du Père Noël. C'était si forcé, peu naturel et surprenant qu'au final, c'était l'insistance de Sherlock à tenter de lui faire croire au mythe qui avait achevé John de le convaincre qu'il n'existait pas. C'était un jeu entre eux, désormais.
— Dis Sherlock, est-ce que tu aimes sincèrement Noël ? demanda-t-il. Ou c'est juste pour me faire plaisir ? La décoration de la maison, de nos sapins, toutes nos traditions de Noël. Ça te plaît vraiment ?
Il y eut un instant de silence.
— Tu peux répondre sincèrement, lui signala doucement John. Je ne serai pas fâché. Et ça ne changera rien au fait que je te forcerai à les suivre quand même. C'est juste qu'on va devoir s'en créer des nouvelles. On ne sera pas à Musgrave, l'année prochaine. Enfin, juste pour les vacances, alors ce sera différent. Je veux juste savoir comment agir en connaissance de cause et en te respectant.
— Je n'aime pas spécialement Noël, répondit honnêtement Sherlock. Mais je t'aime, toi. Et j'aime te voir heureux. C'est ta période préférée de l'année, et en ça, on pourrait donc dire que j'aime Noël. Mais j'aime sincèrement nos traditions, sans doute plus par habitude du rituel que par réelle passion de ce qu'on fait. Mais ça me fait plaisir quand même, quand c'est bien fait.
John hocha la tête, engrangeant les informations. Il connaissait et respectait le besoin de structures, d'ordres et d'habitudes dans la vie de Sherlock. Pas forcément pour tout, mais juste ce qu'il fallait pour qu'il se sente en sécurité dans son cadre de vie.
— L'année prochaine tout sera différent. Nous n'aurons plus nos habitudes. Ça ne te fait pas peur ?
De nouveau, Sherlock hésita.
— Si, finit-il par dire. Je n'aime pas le changement et cela m'angoisse d'une certaine manière. Mais le fait est que j'emmène avec moi la seule constante de ma vie, alors ça contribue grandement à m'apaiser et à savoir que tout se passera bien. Comme tu l'as dit, nous créerons de nouvelles habitudes, de nouvelles traditions.
Le cœur de John se gonfla d'amour, tandis qu'il se remémorait des mots de Sieger : les semaines qu'il avait passées loin de Sherlock avaient été terribles pour lui, mais encore pire pour Sherlock. Le jeune génie avait besoin de John dans son existence. Ça tombait bien, John ne comptait pas en partir.
— Je serai là à chaque instant, promit-il. Joyeux Noël, Sherlock. Je t'aime, mon petit sucre d'orge.
Et il évita adroitement le coussin que Sherlock tenta de lui écraser sur la figure en réponse.
Noël fut fastueux. John et Sherlock descendirent en pyjama pour ouvrir les cadeaux, tout comme Sieger et Violet. Mycroft, comme d'habitude, était vêtu de son costume trois pièces, et Greg s'excusa d'avoir remis un jean et un pull, mais il craignait de détonner en pyjama, à côté de son compagnon trop habillé.
— T'inquiètes, ricana John. On le sait, nous, que Mycroft dort en costume toute l'année. J'ai même une théorie qui veut qu'il dorme debout, comme les chevaux, que d'une oreille. Toi, tu pouvais pas savoir. Mais l'année prochaine, tu pourras dégainer ton plus beau pyjama !
Tout le monde se joignit à l'hilarité de John, sauf, évidemment, Mycroft, qui soupira de désespoir.
Les Holmes étant les Holmes, il n'y eut pas de papier cadeau volant dans tous les sens à l'ouverture des paquets. Sherlock, Violet et Mycroft ouvraient méthodiquement les paquets. Greg, Sieger et John, ravis d'avoir un nouvel allié dans cette bataille, jetait dans la cheminée les morceaux de papier au fur et à mesure qu'ils les déchiraient.
Les cris de joie et les yeux brillants de surprise se succédaient, au fur et à mesure des découvertes, jusqu'à ce qu'ils conviennent tous qu'ils étaient beaucoup trop gâtés. John, surtout, était content de pouvoir utiliser son propre argent, l'héritage et les revenus générés par la location de sa maison d'enfance, pour gâter ses proches, et remercier les Holmes de leur générosité depuis toutes années. Certes, ça ne valait pas le voyage que Sieger et Violet leur offrait, à lui et Sherlock, à travers l'Europe cet été, mais il était fier quand même.
Comme d'habitude, Violet les embaucha ensuite tous comme commis en cuisine, tout en critiquant ardemment tout ce qu'ils faisaient. Respectant toutes leurs traditions de Noël. Le repas fut fastueux, Violet avait fait importer des fromages français de sa terre natale, ils ouvrirent des crackers et jouèrent à des jeux tous ensemble, sans même que Sherlock et Mycroft ne s'entre-assassinent. Noël, c'était leur trêve annuelle.
Gregory s'inséra parfaitement dans leur dynamique familiale, rejoignant le camp des « on n'est pas des génies, et on ne s'en porte pas plus mal, merci bien », qui était jusqu'alors constitué de seulement John et Sieger. L'arrivée du nouveau venu rééquilibrait la balance, et John et lui s'entendait parfaitement bien.
Greg, plus tard, confiera à John qu'il avait été très soulagé. Il aimait sincèrement Mycroft, pour ses défauts autant que ses qualités, mais il avait conscience de ne pas lui arriver à la cheville intellectuellement parlant, et il avait compris que c'était un sacré truc de famille. Il avait donc peur de se sentir exclus, au cours de ces brèves vacances familiales ou pire, que Mycroft réalise qu'il n'était pas au niveau. La normalité de John, et sa relation aussi bien avec Sherlock qu'avec Mycroft avaient apaisé les choses.
Peu de temps après Noël, Mycroft et Greg repartirent, en direction de Manchester, où vivait la famille de Greg. Mycroft aurait eu l'air de partir à l'abattoir qu'il n'aurait sans doute pas fait une tête différente, ce dont John et Sherlock ne se privèrent pas de remarquer et se moquer. Preuve qu'il avait un self-control assez admirable, Mycroft ne leur répondit même pas.
— Promis, je vous donnerai les détails, s'esclaffa Greg. J'ai hâte de le voir interagir avec mes deux petites nièces, de quatre et six ans. S'il n'ordonne pas leur assassinat avant, bien sûr. Elles vont le détester, et réciproquement, et ce sont des vraies pestes quand elles détestent quelqu'un. D'ailleurs mon amour, tu as déjà entendu parler de la Reine des Neiges ?
L'air horrifié de Mycroft était un spectacle impayable.
— Et dans tous les cas, reprit Greg, ce ne sera jamais aussi bon que les repas ici. Vous êtes un vrai cordon-bleu Violet, et ma mère ne fera jamais à moitié aussi bien !
En quelques mots et un sourire charmeur, il avait réussi à se mettre bien avec l'ensemble de la famille Holmes.
— Gregory, je te jure que si nous ne partons pas immédiatement, je te laisse ici avec le soin à mes parents de t'adopter pour me remplacer en tant que fils, et je rentre seul à Londres. Boris nous attend.
Le chauffeur de Mycroft — arrivé inexplicablement et totalement mutique — ne présentait pas le moindre signe d'impatience au volant de la berline, mais l'humour grinçant de Mycroft mit fin à leurs échanges, et ils saluèrent une dernière fois les deux hommes qui repartaient.
John se brossait les dents, plus tard ce jour-là, quand Sieger entra dans la salle de bains.
— Vio' m'a chargé de te parler, annonça-t-il doucement en s'installant sur le rebord de la baignoire.
Alarmé, John cracha le dentifrice et acheva de se rincer la bouche.
— Elle s'occupe de parler à Sherlock, pendant ce temps-là. Nous avons préféré le faire séparément. C'est assez subtil quand on ne vous connaît pas très bien, mais ce n'est pas notre cas et nous avons remarqué que la dynamique a changé, entre vous. On attendait que Mycroft et Greg soient partis pour vous parler.
John déglutit en coupant le lavabo et en reposant sa brosse à dents. Ses parents adoptifs approuvaient, c'était ce qu'ils avaient dit. Il avait dix-neuf ans, et il avait déjà eu « la conversation » avec ses parents biologiques, avant leur décès, puis un rappel avec Sieger et Violet quand il avait eu ses premières relations. Il ne savait donc pas très bien de quoi il s'agissait ici.
— Tout va bien, John, l'apaisa Sieger. Il s'agit juste de vous dire qu'on a compris ce qu'il y avait entre vous. Je devine que rester discrets, proche de la relation que vous aviez avant est ta décision, pas celle de Sherlock. Il n 'aurait pas été capable d'une telle réflexion.
— Pas faux, murmura John.
— Ça nous va comme ça. Tant que vous vivez tous les deux sous notre toit, nous pensons que c'est mieux ainsi. Nous ferons annuler ton adoption quand tu auras fini le lycée, quand vous serez installés à Londres et majeur tous les deux, d'accord ? Tu pourras reprendre ton nom. Nous perdrons aussi toutes les procurations que nous avons sur tes comptes, toutes les gestions administratives qu'on a pu garder même si tu es majeur. Tu seras indépendant, totalement indépendant et seul. Ça te va ? Bien sûr, Musgrave sera toujours ton foyer, si tu le souhaites, mais tu ne nous devras plus rien comme parents.
— Bien sûr que si, souffla John. Vous serez toujours mes parents d'adoption. Je ne veux pas que Sherlock soit mon frère, mais Vio et toi, vous serez toujours ma famille d'adoption. Celle de cœur. Vous m'avez sauvé la vie. Je n'oublierai jamais ça.
Le sourire doux de Sieger était une constante dans la vie de John. Jamais il n'avait vu cet homme s'énerver, hausser la voix, manquer de patience. John était sincère : il aimait les parents Holmes pour ce qu'ils représentaient pour lui, des parents de substitution.
— Prends soin de Sherlock, lui répondit tranquillement Sieger. Ce sera déjà un challenge, et nous t'en serons éternellement reconnaissants.
Sieger n'aurait pas pu être plus dans le vrai. Après le lycée, il y eut deux mois de vacances à travers l'Europe pour les deux garçons, puis l'emménagement à Londres. John découvrit la folie de la fac de médecine. Il n'y survécut que grâce à la présence de Sherlock à ses côtés.
Sherlock découvrit la folie de la vie de la capitale, toutes les choses à apprendre et tous les mystères à résoudre, et il n'y survécut que grâce à la présence de John à ses côtés.
Ils ne s'engueulaient pas tant que ça, se connaissant trop bien depuis toujours pour ça, et sans même qu'ils s'en rendent compte, les années défilèrent. Leur vie ensemble était riche, intense et parfaite.
Leur amour était intact, nourri, enrichi et parfait.
Jamais John ne cessa d'aimer Sherlock pour ce qu'il était.
Jamais Sherlock ne cessa d'aimer John pour ce qu'il était.
Dix ans plus tard, comme les parents Holmes l'avaient prédit, John réalisa qu'il voulait de nouveau porter le nom des Holmes, mais d'une autre manière. Il demanda Sherlock en mariage.
Sherlock accepta à une seule condition : que John cesse de l'appeler "mon petit sucre d'orge" dès qu'il voulait le manipuler, le rendre furieux, le faire chanter, ou simplement se moquer de lui.
John accepta.
Et par amour du défi autant que de Sherlock Holmes, déclama ses vœux de mariage en les concluant par « je t'aime, sucre d'orge ».
FIN
(Fun fact : le texte complet, incluant son titre et la subdivision en chapitres, fait très exactement 59 999 mots dans mon document word)
Alors, parlons peu, mais parlons bien : j'espère que cette fic vous a plu, qu'on a pu prolonger un peu l'ambiance de Noël même en ce début d'année. J'espère aussi qu'il n'y avait pas trop de bêtises ou de fautes puisque j'ai vraiment corrigé ça au fur et à mesure, et moi toute seule. Je remercie vraiment du plus profond de mon coeur les quelques vaillants qui résistent encore et toujours, et laissent des reviews. ça réchauffe le coeur de se savoir encore lue !
Certains d'entre vous vont s'insurger avec horreur : mais enfin, on a pas eu la conclusion de l'histoire de l'adoption de Mary, comment se fait-ce, c'est intolérable ! Certes. Mais ça a toujours été prévu ainsi, puisque la fic se termine à Noël, et qu'à ce moment là, John et Sherlock n'ont pas revu Mary. Vous avez des pistes de réflexion, vous pouvez vous faire votre propre histoire. Ou sinon, peut-être que je l'écrirai un jour. ce type de background de Mary fait partie de mon canon personnel, donc ça peut intervenir par surprise dans n'importe quelle fic ^^
Tant qu'à faire, si y'en a que ça intéresse, je vais en profiter pour faire un petit point sur les projets à venir. Parce que oui, même morte-vivante, j'écris toujours et spécifiquement sur Sherlock, d'ailleurs. J'ai pas mal de projets en cours (trois fics actuellement en cours d'écriture + une à reprendre + Faust et Perséphone, ceux qui sont là depuis la moitié de mon existence savent xD), mais beaucoup moins de temps qu'avant. Parce que j'ai gardé le même rythme de vie qu'avant (en termes de sorties, de vie sociale, de films vus au ciné et de séries sur Netflix) mais depuis un an et demi avec mon nouveau poste, je finis beauuuuuuucoup plus tard mes journées, donc j'avance, j'écris. Tous les jours. Mais très peu.
Actuellement, je me concentre sur mon plus gros projet. J'ai écrit la partie 1 et 75% de la partie 2, ce qui représente environ 500 pages (ça vous donne une idée du bébé). Pour pouvoir écrire convenablement la fin de la partie 2, j'ai repris toute la correction et relecture de la partie 1. J'avance. Lentement. J'évalue la fin de la correction de la partie 1 et d'écriture de la partie 2 à environ six mois (estimation basse, huit sinon). Ensuite, la simple écriture de la partie 3, si j'écris à ce rythme là sans JAMAIS dévier sur autre chose, c'est... 250 à 400 jours d'écriture (là encore, estimation basse). Or je sais que parfois, pour des tas de raisons, j'ai envie d'écrire autre chose, me taper un délire qui n'a aucun sens et ne sera jamais publié, donc en vrai, il en faudrait plus que ça, sans compter les mois de relecture, correction, vérification de la cohérence globale, et crise existentielle d'auteure qui doute. Concrètement : ce projet j'en ai pour encore 1 an et demi, et ça paraît vertigineux. Mais j'y tiens vraiment, c'est mon plus gros bébé depuis Crabe, et j'avoue être assez fière pour l'instant, j'aimerais aller au bout.
Alors pour me forcer à aller au bout, je pense faire un truc improbable : publier sans avoir fini d'écrire. Enfin, je vais d'abord finir les parties 1 et 2, et ensuite seulement, je me lancerai dans la publication pour me forcer à écrire la 3 régulièrement. Et la publication sera lente, probablement toutes les deux ou trois semaines, pour être sûre de voir venir.
Concrètement, ça veut dire quoi ? Que je disparais des radars pour trois à six mois minimum. Que j'ai conscience que lorsque je reviendrai, le fandom sera définitivement et totalement mort. Que si vous ne passez pas sur ffnet régulièrement, vous êtes désabonné de vos alertes mails (pour éviter de pourrir les boîtes mails des gens, c'est la politique de ff, pas la mienne) et donc vous n'aurez aucune idée que je reviendrai. Que j'ai conscience qu'en tant qu'auteure, si je veux des retours, je me tire totalement une balle dans le pied. Mais j'assume. Il restera peut-être un ou deux fantômes qui erreront de ci de là, et je les accueillerai avec plaisir ! :)
En attendant, je vous remercie encore à tout ceux encore présents, les revieweurs et les lecteurs, je vous souhaite une très belle année 2024, en espérant qu'elle vous apporte plein de bonheur !:)
Gargouilles 17-01-2024 (vous avez vu, j'ai fait presque court, contrairement à mes chapitres entier d'introspection annuelle habituelle xD)
