Bienvenue, si vous avez des sensibilités particulières à l'égard de sujets tels que la violence familiale ou d'autres thèmes similaires, veuillez prendre en considération que ces éléments sont abordés dans ce chapitre.
—I see the bad moon rising—
1er jour de Juillet 1972
Dans les recoins sombres du domaine Black, un air de tristesse épaisse imprégnait l'atmosphère, presque tangible. Les murs, sévères comme des juges intransigeants, étaient ornés de tableaux d'ascendants dont les yeux critiques semblaient surveiller chaque mouvement avec désapprobation muette. Sirius y était confiné, emprisonné par les limites de son héritage, pour tout l'été.
Son châtiment, imposé pour son audace à Poudlard, se révélait aussi inéquitable qu'implacable. Son affectation à Gryffondor avait été un coup dur pour ses proches, une famille traditionnellement attachée à Serpentard, aussi inébranlable que le marbre de leurs statues. Cela constituait un affront, une souillure sur leur blason ancestral, un écart inacceptable par rapport aux traditions ancestrales.
Confiné, seul dans ce dédale de désolation, Sirius éprouvait une frustration brûlante, un chaos émotionnel, oscillant entre colère et désespoir. Il errait dans les couloirs muets, ses pas résonnant sur les pavés glacés et inanimés, une mélodie lugubre pour un esprit en détresse. Les visages des tableaux, emplis de mépris et de désillusion, l'accompagnaient comme des fantômes, chuchotant des verdicts silencieux, des rappels constants de sa défection.
En ces instants de retrait, il affrontait non seulement le rejet de sa famille, mais également ses propres incertitudes et sa recherche d'identité. C'était une lutte intérieure, une confrontation entre son aspiration à l'indépendance et les entraves de son passé, une bataille entre son essence et le fardeau écrasant des espérances familiales. Dans ce domaine, où chaque briquette semblait imprégnée de la rigidité et du traditionalisme de ses aïeux, Sirius cherchait son chemin, cherchant à se redéfinir au-delà des frontières de son berceau.
Finalement, les portraits sévères des Black n'étaient que des ombres négligeables dans l'esprit agité de Sirius. Il avait appris à les écarter, à les négliger, car en réalité, ces visages figés n'avaient jamais offert un iota de chaleur ou de soutien à aucun stade de son existence. Au contraire, ils étaient de simples gardiens d'une tradition oppressante, des observateurs silencieux de sa révolte.
Mais le défi le plus difficile, le plus douloureux pour Sirius, n'était pas ces ancêtres figés, mais son frère, Regulus. Avant ce schisme familial, bien qu'ils n'aient jamais été particulièrement proches, la distance qui les séparait maintenant était bien plus profonde. C'était un abîme, une séparation déchirante.
Regulus, miroir de l'héritage Black, incarnait tout ce que Sirius rejetait. Leur lien, jadis teinté d'une certaine entente fraternelle, s'était mué en un mur de givre, chaque échange marqué par une distance et une indifférence croissantes. C'était cette séparation d'avec son frère qui pesait le plus lourd sur Sirius. En Regulus, il voyait non seulement la perte d'un frère, mais aussi la preuve vivante de l'échec de sa famille à comprendre et accepter sa quête personnelle.
Dans le regard de Regulus, Sirius ne discernait plus que l'apathie, une adhésion aveugle aux idéaux familiaux. Cette indifférence était peut-être plus blessante que toute hostilité manifeste, symbolisant un renoncement, une perte de ce qui aurait pu les unir en tant que frères. C'est dans ce climat de trahisons silencieuses et de malentendus que Sirius Black, l'outsider de sa famille, devait tracer son chemin, se frayer un destin à l'écart des ombres oppressantes du domaine.
Les dîners au domaine, avec leur ambiance étouffante et leurs silences chargés de non-dits, étaient devenus pour
Sirius une épreuve quotidienne. Assis à cette vaste table, entouré de visages autrefois familiers devenus étrangers, il subissait un isolement d'une cruauté aiguë. Ses géniteurs, dans un silence obstiné, ignoraient sa présence, le traitant comme une ombre, un intrus dans son propre foyer. Le tintement des ustensiles sur la porcelaine raffinée, d'une froide élégance, résonnait dans la salle à manger comme l'écho de son exclusion, chaque son étant un rappel de son ostracisme.
Regulus paraissait lui aussi emprisonné dans un conflit intérieur déchirant. Coincé entre son envie de soutenir Sirius et la crainte de décevoir leurs parents, il incarnait le conflit qui déchirait leur demeure. Dans ses yeux, remplis de perplexité et de non-dits, se lisait la complexité de sa situation : déchiré entre la fidélité familiale et les vestiges d'affection pour son frère.
Reclus dans son antre, qui était à la fois un refuge et une prison, Sirius passait des heures à contempler le plafond, perdu dans ses réflexions. Là, dans ce sanctuaire de quiétude, son esprit s'évadait, s'envolant loin des murs oppressifs. Il rêvait d'échapper à sa cage, d'un univers où il pourrait déployer ses ailes meurtries. Il se remémorait les instants ensoleillés à Poudlard, ces moments précieux où il pouvait être lui-même, libre du poids du jugement et du rejet familial.
Dans la demeure des Snape, un lieu presque oublié à Carbonnes-les-Mines, Severus revient de Poudlard pour se retrouver confronté à l'univers terne et étouffant de sa maison familiale. Le ciel de la ville minière, lourd et gris, semble peser sur les épaules de tous ses habitants.
C'est un monde à des années-lumière de Poudlard, un lieu où chaque recoin semble imprégné d'une tristesse persistante, d'une résignation à la banalité de l'existence.
Eileen semble être l'incarnation même de cet univers éteint. Recroquevillée sur une chaise au coin de la cuisine, elle fume à la pipe de son père, le regard perdu dans le vide, comme si elle se détachait de la réalité qui l'entoure. Lorsque Severus franchit le seuil de la maison, elle l'accueille sans la moindre chaleur maternelle. « Tu es rentré ? » Sa voix, détachée et presque indifférente, trahit une désinvolture glaciale. Pour elle, l'absence de son fils depuis janvier ne semble être qu'un détail mineur dans le tissu monotone de sa vie.
« Oui, j'ai fait du stop puis pris le bus », répond Severus d'une voix neutre, une indépendance déjà ancrée en lui à 12 ans. Il sait que sa mère se préoccupe peu de ses allées et venues, une indifférence qui l'a poussé à s'habituer à se débrouiller seul. Le trajet de Londres à Manchester n'a été qu'une autre étape dans son apprentissage de l'autonomie, une indifférence maternelle qui le forge dans une solitude à la fois amère et libératrice.
Dans les yeux d'Eileen, Severus ne trouve ni trace d'affection ni signe d'inquiétude. Elle paraît préoccupée, certes, mais ses pensées semblent flotter ailleurs, loin de lui. « Où est-il ? » demande Severus, ses sens aiguisés par l'ambiance tendue.
« Au pub, à cette heure-ci, j'imagine. As-tu mangé aujourd'hui ? » La question d'Eileen semble plus dictée par l'habitude que par un réel intérêt pour son fils.
« Non » répond-il, bref.
Sans un mot de plus, Eileen lui sert une assiette de pain et de harengs dans de l'huile. Severus acquiesce en guise de remerciement, un geste machinal, avant de déposer sa valise à côté de l'escalier.
Il ne s'intéresse pas vraiment à la santé de son père ; sa question sur lui est davantage une façon de sonder l'atmosphère familiale, de prévoir les épreuves des deux prochains mois. « Comment va-t-il ? » demande-t-il, le ton détaché.
« Les choses ne vont pas bien à la mine, » révèle Eileen, une pointe d'amertume percevant dans sa voix.
« Ça n'a jamais été le cas, » réplique Severus, son cynisme à peine voilé.
« Tu sais pour les grèves de février ? » demande-t-elle.
« Non » répond Severus, ignorant des affaires du monde Moldu, surtout depuis son entrée à Poudlard.
« Il y a eu de grosses grèves minières. Ton père y a participé avec un peu trop de zèle, il n'est protégé par aucun syndicat. Il a des problèmes avec son porion maintenant. »
« Super » marmonne Severus, son sarcasme dissimulant mal son inquiétude sous-jacente.
« Abstiens-toi de commentaires. Mange, monte te coucher et fais-toi discret, » conseille Eileen.
« Est-ce qu'il sait que je ne peux pas utiliser la magie en dehors de l'école ?
— Je ne pense pas.
— Bien, ça me donne un levier.
— Ne joue pas avec un feu que tu ne maîtrises pas, Severus. Suis mes conseils. Fais-toi discret. »
Severus acquiesce sans un mot et monte dans sa chambre, un havre de retraite et de solitude. Deux heures plus tard, il entend la porte claquer. Allongé dans son lit, il réfléchit aux paroles de sa mère. L'été s'annonce long et pénible.
Dans la chambre d'Esther à Plymouth, la jeune fille tient entre ses mains une lettre venant d'Isobel. La lumière douce de l'après-midi filtre à travers les rideaux, éclairant les mots écrits de la main de son amie.
« Chère Esther,
Je t'écris cette lettre avec une nouvelle un peu décevante. Je viens d'apprendre que j'ai été contaminée par la dragoncelle. Heureusement, à notre âge, ce n'est pas bien grave apparemment. Je suis encore jeune, ça va juste prendre un moment, donc je suis désolée, je vais devoir m'isoler quelques semaines, je ne vais pas pouvoir venir à Brocéliande cette année.
C'est frustrant, mais la santé avant tout, n'est-ce pas ? Je me sens comme Sigismund, tu n'imagines pas. Bon, mon cœur à moi fonctionne au moins. J'ai de la fièvre, des boutons, je suis verdâtre, je ressemble à Rusard, c'est affreux.
Je suis confinée dans ma chambre, ce qui me laisse beaucoup de temps pour m'ennuyer. J'ai commencé à écrire un peu aussi, des histoires où des Gryffondors sautent par la fenêtre pour aller domestiquer des moutons avec leur cerveau atrophié. L'histoire n'est pas passionnante, un mouton, un Gryffondor, il faut que je réfléchisse à qui je fais tuer en premier.
Je sais que tu vas t'amuser à Brocéliande sans moi. Profite bien de la nature et j'espère que tu m'enverras tous les jours des lettres, sans quoi je cracherai dans les miennes pour que tu sois malade à ton tour.
Prends soin de toi, Esther. Et n'oublie pas de m'écrire.
Je t'aime,
Ton Isobel. »
Esther repose la lettre sur son bureau, déçue mais avec le sourire aux lèvres. Isobel et son obsession pour les moutons la font rire. Elle comprend qu'elle ne peut pas demander à Isobel de venir même malade.
Le lendemain de son arrivée à Carbonnes-les-Mines, Severus est pris de court par l'arrivée inattendue d'un hibou. Une lettre d'Esther, une surprise totale. Il lui avait expressément interdit d'envoyer des hiboux chez lui, craignant la réaction volatile de son père et les complications potentielles dans un foyer déjà chargé de tensions. Comment avait-elle obtenu son adresse ?
Ouvrant la lettre avec une appréhension mêlée de curiosité, Severus y découvre une invitation à passer deux semaines à Brocéliande. L'idée de s'évader, même temporairement, de l'atmosphère oppressante de la ville minière est séduisante. Il est tiraillé entre le désir de fuir et la prudence qui l'a toujours guidé dans ses relations familiales. De plus, l'idée de supporter Esther non-stop pendant deux semaines... Il ne peut nier qu'il l'apprécie, mais deux semaines en sa compagnie, c'est une autre affaire. Néanmoins, comparé à rester avec son père, le choix est facile.
Eileen, plus préoccupée par la gestion des tensions domestiques que par une affection véritable pour son fils, accueille l'idée de l'invitation d'Esther avec un soulagement presque immédiat. Elle voit là une opportunité d'éloigner Severus des problèmes à la maison, de réduire les risques de confrontation avec Tobias et d'avoir une bouche de moins à nourrir, pense Severus.
Tobias, souvent absent, n'a pas encore croisé Severus depuis son retour. Eileen appréhende le moment où père et fils se retrouveront face à face, sachant que les tensions entre eux sont toujours vives et que l'absence prolongée de Severus n'a sûrement rien arrangé.
Dans sa chambre, Severus pèse ses options. Partir signifie une échappatoire temporaire, un soulagement de la pression familiale. Mais cela signifie aussi laisser sa mère seule avec Tobias, un homme imprévisible et souvent enclin à la colère. Après une longue réflexion, il décide d'accepter l'invitation d'Esther. Après tout, sa mère vit déjà toute l'année avec Tobias ; elle saura gérer deux semaines supplémentaires. Il rédige une réponse, remerciant Esther pour son invitation et lui confirmant qu'il sera heureux de la rejoindre.
4e jour de juillet
Dans la chaleur estivale de l'Italie, installé dans un fauteuil en osier, James s'assied pour écrire une lettre à son ami Remus. En compagnie de son oncle Charlus et de sa tante Dorea, il passe ses vacances à se dorer la pilule.
Il prend sa plume et commence à écrire, racontant son arrivée en Italie avec enthousiasme. Il décrit les rues animées, les glaces, la plage ensoleillée, l'excitation de partir en vacances loin de papa et maman, et puis aussi les glaces. Il essaie d'expliquer également le lien de parenté entre lui, Charlus, sa tante et Sirius. Mais James et des explications claires, ça ne fait pas bon ménage.
« Dorea, tu sais, est la sœur du grand-père maternel de Sirius. J'ai du mal à comprendre ces histoires d'arbres généalogiques chez les Black, et bien Dorea n'a que 52 ans, ou alors je suis vraiment nul en généalogie, parce que Dorea est mariée à Charlus, le grand frère de mon père. Comment la grande tante de Sirius peut être ma tante ? Elle m'a expliqué mais je n'ai pas écouté ! » écrit-il.
James évoque également sa gratitude de ne pas passer l'été avec ses parents. Son père travaille sans relâche, et sa mère aide à l'hôpital Ste Mangouste. Ces vacances avec Charlus et Dorea sont une véritable aubaine.
Vers la fin de la lettre, James aborde la journée "Travail avec ton père" au ministère prévue pour le 4 août. « Tu seras là, Remus ? Moi, Esther et Sirius, on y sera. J'ai hâte de te voir là-bas. Je sais que ton père travaille à la régulation des créatures magiques, ça doit être intéressant ! Ah, et Sirius est enfermé chez lui, mais il peut recevoir des hiboux, donc n'hésite pas à lui écrire, parce qu'il se fait vraiment chier, le pauvre. »
Dans sa petite maison, Remus tient la lettre de James entre ses mains. L'été chez lui est bien différent de celui de James. Ses parents travaillent beaucoup et ils n'ont pas les moyens de partir en vacances. La perspective de la journée au ministère lui donne quelque chose à attendre avec impatience, une occasion de sortir et de retrouver ses amis.
Cependant, il se sent mal à l'aise à l'idée de revoir Esther. Elle a été trop curieuse à son goût ces derniers temps, posant des questions qui le mettent mal à l'aise. Il la trouve intrusive. Malgré cela, l'opportunité de passer du temps avec James et de voir Sirius, même si ce n'est que par correspondance, est réconfortante.
Remus prend sa plume pour répondre à James. Il écrit qu'il compte assister à la journée au ministère et qu'il se réjouit de le voir. Il mentionne brièvement Sirius, exprimant son inquiétude pour son ami enfermé chez lui.
10e jour de Juillet 1972
La tension monte comme dans une cafetière italienne sur un feu trop fort, et le café a bouillu*. La tension est à son comble. Ces derniers temps, elle a atteint un niveau insupportable. Tobias, menacé de licenciement à la mine, est plus violent, déversant sa frustration et sa colère sur Eileen et Severus.
Il assiste impuissant aux disputes et aux accès de violence de son père.
Tobias, imbibé d'alcool et de colère, se tient dans le salon, raide comme la justice mais penché comme un corrompu. L'air hagard, il est adossé à la cheminée éteinte. Dans le fond, on peut entendre en boucle « Burning Love »**. Allez savoir le problème avec la programmation de BBC 4, mais en tout cas, Severus trouve que trois fois dans l'après-midi, c'est trop. Surtout pour du Elvis Presley.
Severus déteste pas mal de choses, on le sait, dans le lot, il y a les olives noires, Evan Rosier, avoir les chaussettes mouillées, Elvis Presley, son père et à peu près tout ce qui est fait à base de Marmite.
À côté du fauteuil à lambrequin fané traîne une bouteille en plastique sur laquelle quelqu'un a gratté une étiquette portant l'inscription "Tesco's Wine".
Ses yeux, rougis par l'alcool et la colère, se posent sur Eileen et Severus, qui se préparent à partir. « Pourquoi il a une valise ? Où est-ce que vous vous tirez ? » demande-t-il d'une voix rauque.
Eileen, tentant de garder son calme face à l'hostilité croissante de Tobias, répond d'une voix posée : « Severus va passer quelque temps chez des amis. Il a besoin d'un peu de repos.
— Y'a a pas moyen qu'il décampe d'ici ! Pourquoi j'apprends ça qu'maintenant ? » crache Tobias, faisant un pas en avant, menaçant. « Il reste là !
— Je t'en ai parlé il y a trois jours, Tobias, je…
— J'en ai rien à faire, il ne sortira pas d'ici. »
La tension monte d'un cran. Severus, sentant la situation déraper, sort sa baguette de sa poche, la pointant discrètement vers son père. « Tu sais ce qu'il se passera si tu ne nous laisses pas sortir ? » dit-il d'une voix ferme, bien que son cœur batte à tout rompre.
Tobias, stupéfait, fixe la baguette de son fils. L'alcool embrouille son jugement, mais la menace est claire. Il recule d'un pas, son expression oscillant entre la confusion et la peur. « T'oserais pas. » marmonne-t-il, incertain.
Eileen observe la scène, terrifiée à l'idée que les choses dégénèrent davantage. « Tobias, laisse-le partir. Il reviendra bientôt, » tente-t-elle de le raisonner.
Tobias regarde alternativement son fils et sa femme, tiraillé entre son désir de contrôle et la peur de la magie, un monde qu'il ne comprend pas et qu'il méprise.
Severus maintient sa baguette levée, son regard ne quittant pas celui de son père. Il sait qu'il bluffe ; il ne peut pas vraiment utiliser la magie hors de Poudlard. Mais il doit protéger sa mère et lui-même.
Finalement, Tobias, poussant un grognement frustré, fait un geste de la main, comme pour chasser la situation. « Sortez, alors ! Mais tu rviendras, Severus ! » crache-t-il.
Eileen, sans perdre de temps, prend Severus par la main et l'entraîne rapidement hors de la maison. Une fois à l'extérieur, Severus range sa baguette et prend une profonde inspiration, secoué par l'intensité de l'affrontement.
« Plus jamais tu ne menaceras ton père, compris ? » crache-t-elle entre ses dents.
« Mais… »
Severus, pris de court, tente de se justifier, mais Eileen le coupe. « Il restera à jamais ton père. Quoi qu'il fasse, quoi qu'il dise, il t'aime. On ne menace pas son père, Severus. J'espère que c'est la dernière fois que j'aurai à le dire ? »
La route vers le ministère est un voyage silencieux, chacun perdu dans ses pensées. Severus se sent soulagé de s'échapper de la maison, mais aussi dégoûté par la défense aveugle de sa mère envers Tobias.
Dans la chambre d'Esther à Brocéliande, Esther et Severus sont plongés dans leurs lectures. L'atmosphère est calme et détendue, une brise légère faisant danser les rideaux aux fenêtres.
Esther est à mille lieues de Malfoy.
Severus est à mille lieues de Tobias.
Joly, l'elfe de maison, entre discrètement dans la chambre. Avec une voix douce, elle annonce : « Le repas sera prêt dans une demi-heure, Esther. »
Esther lève les yeux de son livre, un sourire reconnaissant aux lèvres. « Merci, Joly. Nous serons prêts. »
Severus, légèrement surpris par l'interruption, marque sa page et regarde Joly quitter la pièce.
« Il faut aller se doucher avant le dîner, » dit Esther en se levant.
Severus fronce les sourcils, perplexe. « Pourquoi ? Je ne comprends pas. »
Esther, surprise par sa question, explique : « Ici, ça a toujours été comme ça. On se douche et on se met en pyjama pour le dîner. C'est plus confortable.
— Et tu te douches tous les jours ? » demande Severus, son étonnement grandissant.
Esther, un peu choquée que cela ne soit pas évident pour lui, acquiesce. « Bah oui, je ne dîne pas une fois sur deux. »
Severus réfléchit un instant, puis répond avec une pointe d'humour : « À Rome, fais comme les Romains. »
Curieuse, elle ne peut s'empêcher de demander : « Mais chez toi, comment ça se passe pour la douche ? »
— Je vais à la douche quand je le veux et quand je me sens sale. Il n'y a pas de règle. »
Esther, bien qu'un peu choquée, ne fait aucun commentaire. Elle comprend mieux le rapport différent de Severus à l'hygiène.
14e jour de Juillet 1972
Lettre de Lily à Remus
Cher Remus,
J'espère que tu profites bien de l'été. Ici, chez mes parents, les journées sont calmes et ensoleillées. C'est agréable, surtout après une année à Poudlard.
Je viens d'apprendre que Severus est chez Walsh, je ne vais pas pouvoir le voir pendant deux semaines. C'est un peu triste, tu sais, parce qu'il est l'un de mes meilleurs amis. Mais bon, ça me donne du temps pour moi, pour lire et peut-être aller voir le nouveau Woody Allen ! Je ne sais pas si tu connais, c'est un petit réalisateur, mais il était à la une du Times la semaine dernière. Mais maman m'a dit que j'étais trop jeune pour aller le voir. J'avais vu des bout de Bananas et j'avais bien aimé.
Je dois avouer que je suis contente d'être loin de Potter et Black pour deux mois. Ces deux-là m'énervent. Ils ne semblent jamais prendre rien au sérieux. Parfois, je me demande comment ils arrivent à rester à Poudlard avec toutes les règles qu'ils enfreignent !
Je pensais que ça pourrait être sympa de se voir le week-end du 25/26. Qu'en dis-tu ? J'aimerais bien te revoir et discuter un peu, loin de l'agitation habituelle de l'école.
J'espère que tu vas bien et que tu profites de ton été. Dis-moi si tu as lu des livres intéressants ! Moi, j'ai commencé Anne… la maison aux pignons verts, et c'est trop bien !
Prends soin de toi et donne-moi de tes nouvelles. J'attends avec impatience ta réponse.
Amitiés, Lily"
15e jour de juillet 1972
Réponse de Remus à Lily
Chère Lily,
Merci beaucoup pour ta lettre. Ici, chez mes parents, mes journées sont plutôt tranquilles, passées à lire et à me reposer. L'été est toujours un peu isolé dans notre petit village, mais c'est un bon moment pour récupérer de l'année scolaire. J'ai trouvé quelques vieux livres dans le grenier de mes parents.
Je suis content d'entendre que tu passes un bon été. Je suis désolé, mais je ne connais pas Woody Allen. Tu as raison, un peu de repos loin de James et Sirius doit être agréable. Mais ne sois pas trop dure avec eux. Surtout avec Sirius. Tu sais, avec sa famille et tout, il s'ennuie sûrement enfermé chez lui. James, lui, est toujours plein d'énergie, va embêter les Italiens encore une ou deux semaines.
Pour le week-end du 25 au 26, je suis vraiment désolé, mais je ne pourrai pas venir. Nous avons une réunion de famille ce week-end-là, et je ne peux pas m'y soustraire. Cependant, si tu es libre le week-end suivant, je serais ravi de te voir. Peut-être pourrions-nous faire une balade dans les bois ou près du lac ?
J'espère que le reste de ton été se passera bien. Profite de ces moments de calme, ils sont précieux.
Prends soin de toi, et j'espère te voir.
À bientôt, Remus
À Florence, baignée dans l'éclatante lumière italienne, James savoure une vacance sereine et insouciante. Se déplaçant à vélo sur les pavés, il fait souvent des pauses pour une glace. Accompagné de son oncle Charlus et de sa tante Dorea, incarnations de la liberté hippie, il vit des jours empreints de douceur infinie.
Charlus est un mec cool. Insouciant, avec ses cheveux au vent et ses lunettes noires, il est une véritable icône des années soixante-dix. Sa décapotable moldue, brillant sous le soleil italien, symbolise l'indépendance et la vie bohème. Aux côtés de Charlus, James se sent comme le héros d'un roman d'aventures, accompagné d'un mentor à l'esprit libre.
Approchant la cinquantaine, Charlus conserve une jeunesse d'esprit, animée par un désir d'aventures et une soif de découvertes. Sa capacité à préserver une énergie juvénile fascine James. Leur enfant vivant au Mexique a offert à Charlus et Dorea un monde de libertés. Libérés des responsabilités parentales, ils voyagent à loisir, s'imprégnant de nouvelles cultures. Leur accueil chaleureux et sans contraintes envers James témoigne de cette liberté.
Pour James, la présence du couple est une leçon de vie. Charlus, souvent inconsciemment, lui transmet l'importance de l'autonomie, le suivi des passions et le bonheur de l'instant. Ses histoires de voyages, emplies de passion, ouvrent des horizons à James.
Plus qu'un oncle, Charlus est pour lui un mentor et un ami, un symbole de liberté. À bord de la décapotable, parcourant l'Italie, James se sent exalté, plongé dans un monde de possibilités.
Dorea, bien qu'elle maintienne une certaine distance, ne manque pas d'affection envers James. Le couple offre à James un espace de liberté précieux, un contraste avec la rigidité familiale.
Chérissant ses vacances italiennes, James apprécie l'atmosphère décontractée et l'absence de règles strictes. Toutefois, il ressent une pointe de regret quant à la relation distante entre Dorea et Walburga, et pense à Sirius, qui aurait tant aimé cette liberté.
Chaque jour à Florence est une nouvelle aventure pour James, ébloui par les glaces et l'architecture, enfin surtout les glaces.
20e jour de Juillet 1972
Dans le salon de la maison familiale à Brocéliande, Odette s'occupe de son mari, l'aidant à retirer sa cape. Préoccupée, elle perçoit son agitation et demande : « Dis-moi tout. Je ne veux pas de soupe à la grimace à table. »
Il soupire, la tension visible sur son visage. « C'est la même chose qu'hier, et la semaine dernière. Cette raclure... il semble entouré de gens anormalement influents au ministère. Je suis presque certain qu'il fait partie des membres de Tu-Sais-Qui, et je ne peux même pas jouer là-dessus. Comment un loup-garou sans emploi et sans famille peut-il se permettre de se payer les services de Zabini ? C'est affolant et incompréhensible. »
Attentive, Odette l'écoute. « As-tu cru un seul instant qu'il était innocent ? Il pourrait l'être ?
— Il a déjà été inquiété pour ça il y a sept ans. Il s'était attaqué à un enfant d'un fonctionnaire du département des créatures magiques. Stupide.
— Et l'attaquer sur autre chose, même minime ? »
Son mari secoue la tête, frustré. « Pour qu'il ait une amende payée par Beurk ou Malfoy ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Le procès s'ouvre la semaine prochaine, j'aviserais. » Maximilien soupire et change de sujet, s'intéressant à quelque chose de plus domestique. « Comment se passe la visite du petit Snape ? » marmonne-t-il. Maximilien n'est présent que pour les dîners, partant tôt le matin quand les enfants dorment encore. Et Severus reste souvent silencieux à table, incertain de comment agir ou quoi dire en sa présence. Les présences paternelles n'ont jamais été son fort.
Odette esquisse un sourire doux. « Oh, oui, Esther m'a dit qu'ils passeraient la journée près de l'étang, à jouer avec les têtards. Ils s'amusent bien ensemble. Severus est un garçon calme et sage. »
Il hoche la tête, mais avec scepticisme. « Méfions-nous de l'eau qui dort. Il y a quelque chose dans le regard de ce gamin. Comme s'il était un chat d'égout apeuré et en colère. Ça ne présage jamais rien de bon.
— Pense un peu à l'endroit où il a grandi. Je n'ai jamais connu Eileen, mais nous connaissons bien son père, et ce n'est pas un tendre. Je trouve que Severus lui ressemble. »
Maximilien renifle. « Quand on est capable de renier sa propre fille de la façon dont il l'a fait...
— Tu ressembles également à Alaric, dans ta manière d'être père.
— Jamais je ne mettrais Esther à la porte. Je…
— Est-ce qu'elle le sait ?
— Qui donc ?
— Esther. Je me demande parfois si elle sait à quel point on l'aime ? »
Maximilien rétorque, légèrement irrité. « Si nous ne l'aimions pas, je n'aurais jamais fait alliance avec cette barjot de Walburga.
— Ce n'est pas le même langage de l'amour. Elle a 12 ans. Elle… Entre les Black, ce qu'il s'est passé et… Je ne sais pas si elle a conscience qu'on l'aime. »
Maximilien réfléchit un instant. « Pour ce qu'il s'est passé avec ton père, elle a été oubliettée, ça n'a donc aucune incidence aujourd'hui. Pour les Black, elle comprendra la nécessité, elle n'est pas stupide. »
Odette soupire, une douleur évidente dans sa voix. « Tu sais à quel point je m'en veux ? Je pensais qu'il aurait changé, qu'il ne s'en serait pris qu'à moi, je pensais le surveiller et je… »
Avec douceur dans sa voix il la réconforte « Il n'y a rien. Je ne t'en veux pas, personne ne t'en veut d'avoir cru que ton père changerait. C'est humain. C'était lui le problème, et le problème a été réglé. N'en parlons plus. » Il marque une pause, puis change de sujet. « Qu'avons-nous pour le dîner ? »
— Jolly a prévu une salade et du rôti, il me semble. Je vais rappeler les petits s'ils se sont décidés à... »
L'arrivée brusque d'Esther interrompt la conversation. « JE SUIS LÀAAAAAA ! » crie-t-elle, cheveux ébouriffés et un sourcil saignant. À sa suite, Severus affiche un grand sourire.
« Les têtards, ça explose mal, » annonce t elle, fière.
Amusé, Severus réplique, « Pas besoin de tester pour savoir que c'est très mou, un têtard. »
« J'en ai trois qui ont survécu, » dit Esther à son père, étonné et amusé.
Odette, essayant de garder son sérieux, marmonne : « Allez vous doucher tous les deux, et je ne dirai rien sur la torture de petits animaux. »
Les voix des enfants continuent de porter alors qu'ils se dirigent vers la salle de bain.
« Demain, on teste sur les petits lézards ! » s'exclame t elle
« Certainement pas, » réplique Severus fermement.
« Mais pourquoi ?
— Arrête de torturer des animaux.
— Ça ne te gênait pas quand c'était des têtards.
— Si. Mais te voir faire exploser un nid de têtards et t'en prendre plein la tronche était bien plus drôle, » dit Severus, malicieux.
Maximilien, écoutant la scène, allume sa pipe et murmure : « C'est fou à quel point il ressemble à Alaric. »
22e jour de Juillet 1972:
Remus Lupin, après avoir pillé la bibliothèque Cathays, revient vers chez lui, un bouquin de Roald Dahl dans son panier, comme si c'était le Saint Graal. Il zigzague entre les adultes ennuyeux et s'enfonce avec une satisfaction dans Pontcanna Fields. Là, c'est un autre monde : des champs comme des tapis de billard, des mômes tapant dans un ballon, un véritable cirque en plein air.
Fuyant l'agitation comme on évite une belle-mère, Remus s'engouffre dans la quiétude de Pontcanna Fields. Là, les champs, théâtre d'une comédie champêtre avec leurs familles en pique-nique et leurs footballeurs du dimanche, tranchent avec les rues qu'il vient de laisser.
À côté du château, il se précipite sur son banc favori, près de l'étang. Et puis, il y a ce drôle de Monsieur Follett, la star de la bibliothèque, avec ses cheveux en bataille et ses lunettes en équilibre, plongé dans un livre ancien. Son fils, un petit blondinet, joue à quelques pas, libre et insouciant.
« Bonjour, Monsieur Follett », dit Remus d'une voix timide en s'approchant du banc. Monsieur Follett lui répond par un hochement de tête, l'accueil d'un ermite.
Remus, ouvrant un bouquin à côté de Monsieur Follett, trouve du réconfort dans cette compagnie muette comme une tombe. Le temps file, la lumière du jour s'éteint, étirant les ombres comme des fantômes sur la pelouse. À ses côtés, Monsieur Follett, englouti dans son monde de papier, reste un mystère aussi épais qu'un brouillard londonien.
Bien qu'ils n'aient jamais vraiment causé, un lien non-dit lie Remus et Monsieur Follett, un respect muet pour le silence et les livres. Remus a souvent vu le nom de Ken M. Follett*** griffonné sur son calepin, mais ils gardent tous deux une discrétion digne d'agents secrets.
Le crépuscule tombe sur le parc quand Monsieur Follett, fermant son livre, salue Remus d'un signe de tête, l'adieu d'un moine. En partant, il laisse une barre de Cadbury au caramel sur le banc.
Remus, après un moment de contemplation, se décide enfin à rentrer. Enfourchant son vélo, il traverse les rues assombries de Cardiff, portant en lui un sentiment de légèreté. Près de chez lui, cette tranquillité est brutalement interrompue par l'apparition de Michael Barker, un ancien camarade de classe aussi agaçant qu'une mouche à merde. Michael lui lance une pierre, Remus l'évite. Incident clos.
Évitant le face-à-face, Remus accélère, laissant derrière lui les ricanements et les jurons de Michael. Il se sent plus rebelle qu'un rocker, plus fier que peureux, en s'éloignant à toute berzingue.
Arrivé chez lui, Remus gare son vélo à la va-vite, embrasse sa mère affairée en cuisine, « Tu as l'air crevé, mon lapin », lui dit-elle tendrement, tandis que Remus file se laver, effaçant les tracas de la journée comme on efface une ardoise.
Redescendant, il trouve son père dans le salon, plongé dans son journal. La maison est calme. « Trois lettres pour toi aujourd'hui », annonce son père, une de Sirius, une de Peter et une d'Esther.
Après le dîner, Remus se met à écrire à ses amis : 20 centimètres de parchemin pour Sirius, 45 pour Peter. La lettre d'Esther, elle, reste là, non lue.
25e jour de Juillet 1972
Severus Snape rentre chez lui. Un retour aux enfers après quinze jours d'évasion chez Esther. La maison Snape, Carbonnes les Mines. Un tombeau plus qu'une maison.
Le visage de sa mère est creusé, ses yeux sont éteints. « Il s'est fait virer. Il est au bar. » Paroles sèches. Mots qui claquent comme des coups.
Severus a déjà appris à enfermer ses émotions dans une boîte de plomb. « D'accord », répond-il, sa voix neutre cachant un ouragan intérieur. Il se sert un verre de lait pour retrouver un semblant de normalité.
Eileen soupire, une lassitude profonde imprégnant chaque mot. « Il était furieux quand tu es parti. » Severus frissonne. « C'est une évidence », rétorque-t-il. Le lait a un goût acide, bientôt périmé.
« Fais gaffe. Évite-le. » Conseils de survie d'une mère terrifiée. Severus se souvient. La baguette pointée vers son père. Acte de rébellion, acte de désespoir. « Je ne suis pas censé éviter mon propre père tout l'été. » Une pensée amère. Finies les lectures près du feu de cheminée. Finies les balades dans la forêt. Finis les jeux. Fini le goûter à seize heure. Fini le bocal de Haribo sur le bureau d'Esther. Fini les couvertures qui sentent l'adoucissant. Fini le cinéma en plein air. Finis les Chamallows dans le chocolat chaud. Fini le ronronnement de Socrate qui dort sur ses genoux. Finis les bruits des coucous la nuit. Chez Esther, c'est un autre monde. Chez lui, c'est un autre calvaire.
« Tu n'es pas censé menacer ton père. » Severus implose. « Tu l'aimes. » Dégoût. Haine. Mépris.
L'amour chez les Snape, une farce cruelle. Pour Severus, ce qu'il voyait de l'amour, c'était la soumission. 'Laisse-toi marcher dessus, battre, violenter.' Un rituel quotidien. 'Et maintenant, défends-le, celui qui te brise. Même s'il a tort. Lève la tête, souris et mens. Dis que c'est juste.' Un théâtre macabre. 'Mais là tu ne mens plus. Tu le crois. Tu mérites cela. Tu te crois.'
Cette farce, sa mère la jouait à la perfection. La défense de Tobias, un crachat au visage de l'amour véritable. 'Finis par te nier toi-même.' Eileen le faisait avec une aisance déconcertante. Pour Severus, voir sa mère ainsi, c'était une trahison. 'Tu te fonds en lui comme il se fond en toi.'
Son père, Tobias, l'avait toujours dégoûté. Une terreur familière, un monstre sous son propre toit. Mais sa mère, elle était différente. Elle aurait dû l'être. Severus l'avait toujours vue comme une victime, une lumière faible mais persistante dans les ténèbres de leur maison.
Mais maintenant, cette lumière s'est éteinte. Elle s'est transformée. De victime à complice. De martyr à actrice. 'Tu es lui'. La voir défendre l'indéfendable, embrasser la brutalité de Tobias, c'était plus qu'il ne pouvait supporter.
Dans sa tête, un tourbillon. L'amour ? Une chaîne. Un piège. Une plaie. Eileen, prisonnière de son propre mariage. Tobias, monstre domestique. Severus croit voir sa mère pour la première fois. Pas seulement victime, mais complice. Complice par son silence, par sa résignation.
Pour Eileen, l'amour est son mensonge. Un voile sur la violence. Un rideau sur la misère. Severus regarde sa mère. Il ne voit plus qu'une ombre. Une ombre qui se complaît dans sa propre tragédie. Et qui la défend.
Il monte se doucher. C'est trop sale par ici. Même pour lui.
La lumière dorée du soleil inonde les ruelles pavées de Pise. James, accompagné de Charlus et Dorea, se fraye un chemin à travers l'effervescence de la ville. Ses yeux pétillent de curiosité et d'enthousiasme.
Devant eux se dresse la célèbre Tour de Pise. Arrivés, James ne peut s'empêcher de s'exclamer : « Regardez ! Elle penche vraiment ! » Son visage est illuminé par un émerveillement enfantin. Même Dorea, d'ordinaire si mesurée et réfléchie, ne peut masquer son admiration, équipée de son précieux Rolleiflex 2.8F. « Placez-vous ici, essayons d'être sérieux, ne serait-ce qu'un instant ! », lance-t-elle avec un sourire malicieux.
Charlus et James, obéissants, prennent place devant la tour, tentant de composer des visages graves. Mais la tentation est trop forte ; Charlus fait mine de soutenir la tour avec ses mains, entraînant James dans son jeu. Dorea laisse échapper un soupir. « Avec vous deux, c'est peine perdue ! », dit-elle en riant. Elle mitraille alors leurs espiègleries, se disant qu'une fois l'énergie dissipée, elle obtiendra la photo parfaite.
Mais après plusieurs tentatives, la photo sérieuse reste hors de portée. Dorea, résignée, met ses lunettes de soleil et décide de les ignorer. Charlus finit par se lancer dans une conversation animée avec des touristes ouest-allemands, tandis que James, fidèle à son ombre, reste collé à ses côtés.
Dorea trouve finalement plus drôle de prendre une photo de Charlus essayant de se faire comprendre par deux montagnes bavaroises en parlant avec les mains, James accroché à son bras limitant ses mouvements.
Isobel, cloîtrée dans l'antre de sa chambre à cause de la dragoncelle, est en proie à une frustration bouillonnante. Malgré la disparition de ses symptômes, elle demeure une source de contagion et se voit contrainte à une solitude forcée. Ses journées s'écoulent lentement, rythmées par les lettres qu'elle échange avec Sirius, lui-même isolé.
Récemment, Sirius a éveillé sa curiosité pour Simon et Garfunkel, un duo dont elle ignore tout. Fervente admiratrice de Cat Stevens, elle déblatère dans deux lettres consécutives sur la supériorité indéniable et incontestable de "Lady D'Arbanville", un chef-d'œuvre à ses yeux. Sa passion récente pour la folk moldue frôle la névrose selon Sirius.
Ce matin-là, Alienor, sa mère, lui fait une surprise touchante en lui offrant le vinyle de "Sound of Silence" de Simon et Garfunkel, déniché dans une boutique de disques du Londres moldu.
Isobel place délicatement le vinyle sur son tourne-disque, espérant, par cette musique, exprimer à ses parents l'étendue de son désarroi.
Plus tard, lorsque Wilfried rentre du travail, Isobel vient tout juste d'enclencher la chanson pour la 19e fois. Dans le secret de son cœur, elle espère que cette chanson éveillera chez lui un sentiment de culpabilité, lui faisant prendre conscience de la douleur qu'elle endure dans cette retraite forcée.
Cependant, la réaction de Wilfried n'est pas celle escomptée. S'arrêtant derrière la porte de la chambre de sa fille, il laisse échapper un rire amusé. « Plus que six jours », dit-il avec légèreté.
Isobel soupire, déçue que son plan n'ait pas fonctionné et dégoûtée de rester une semaine de plus dans cette situation. Alors elle augmente le son.
À peine le jeune Serpentard a-t-il quitté la cuisine Snape que la tranquillité se fracture sous le poids de Tobias. Ses pas, lourds, résonnent avec assurance dans le salon, chaque enjambée réverbérant comme un coup de gong dans cet espace jusqu'alors paisible. La vision des affaires de Severus, abandonnées près de la porte, allume en lui une étincelle de colère mêlée à une frustration sourde.
Son regard balaie la pièce, s'arrête sur Eileen. Assise, détachée, elle se perd dans son journal, une cigarette se consumant entre ses doigts. Sa présence semble flotter au-dessus du tumulte ambiant. Tobias la fixe, les sourcils froncés, irradiant une irritation palpable. Eileen, en réponse, reste de marbre, son attention rivée sur les pages du journal, son indifférence à son mari aussi épaisse que la fumée qu'elle expire.
Un grognement bas et rauque s'échappe de Tobias, un mélange d'impatience et de mécontentement. Tobias grogne, un grondement sourd, inarticulé. Mécontentement pur. Il se dirige vers les escaliers. Sa démarche, une quête. Chercher Severus ? Exhaler sa colère ? Souvent, les deux.
L'eau de la douche s'écoule, un ruissellement clair et persistant qui résonne jusqu'aux oreilles de Tobias. Il monte, atteint la porte de la salle de bain, fermée. Sans prévenir, sans un bruit autre que le grincement discret de la poignée, Tobias ouvre la porte.
Cinq minutes s'écoulent.
Silence.
Dix minutes passent.
Pour Eileen, c'est une paix étrange, presque irréelle. Pas un son. Pas un cris.
Soudain, un bruit sec, brutal : une porte qui claque. Puis, un autre, celui de l'eau qui tombe, mais pas celle de la douche. Ce sont les larmes de Severus.
30e jour de Juillet 1972
Cher Sirius,
J'espère que cette lettre te trouve en bonne santé, même si je sais que tu es coincé dans ta chambre. Je suis vraiment désolé de ne pas avoir écrit plus tôt. L'Italie était incroyable, mais entre les visites avec Charlus et Dorea, et le fait de ne pas toujours avoir leur hibou à portée de main, je n'ai pas eu beaucoup de temps pour écrire.
Tu aurais adoré l'Italie, Sirius ! Florence est pleine de magie, pas seulement dans les rues sorcières, mais aussi chez les moldus (surtout dans les glaces moldues). Nous avons même vu des fantômes de sorciers romains ! Je te raconterai tout en détail quand on se verra.
Je suis rentré à Godric's Hollow il y a quelques jours. C'est calme ici, trop calme après l'Italie. Quand Dorea aura fait développer les photos, je te les montrerai. J'ai hâte de retourner à Poudlard. Il y a la journée porte ouverte au ministère. Tu penses que tu pourras t'échapper de chez toi pour y aller ? Mon père y sera, avec le département de la santé magique, et il paraît qu'il y aura plein de trucs intéressants à voir.
Esther y sera aussi. Elle m'a dit qu'elle avait hâte d'y aller, probablement pour fouiller le bureau de son père. Et Isobel, sa famille travaille pour le Département de la coopération magique internationale, donc elle sera là aussi.
Et devine quoi ? Remus vient aussi. Son père travaille avec le Département de contrôle et de régulation des créatures magiques. Peut-être qu'on pourra tous se voir là-bas, ça serait génial, non ? Bon, il m'a dit que le père de McNair était le collègue de son père. Donc peut-être qu'on devra se coltiner cet abruti.
Je te promets de t'écrire plus souvent maintenant que je suis de retour. Tiens le coup, Sirius. Gryffondor n'a pas encore fini de montrer à Serpentard de quoi on est capables.
Ton ami,
James
5e jour d'Aout 1972
Esther est assise dans le bureau de son père, situé au département de la Justice. Il a un bureau ici parce qu'il fait partie des avocats assermentés au ministère. Son bureau n'est pas le même que celui dans son cabinet à la maison. Autour d'elle, les murs sont ornés de vrais diplômes et d'un faux qu'Esther lui a fait quand elle avait 7 ans, où il est écrit « diplômé de l'école des pires cuisiniers ». Esther ne se souvient pas de l'avoir fait, mais il y a son nom dessus, et son père a ajouté la date à la plume à côté. Sur le bureau, un amas de parchemins et de dossiers s'empile, semblant ne jamais diminuer, peu importe le nombre d'heures que son père y consacre.
C'est la journée "Travail avec ton père" au ministère, une initiative destinée à encourager les enfants à suivre les traces de leurs parents dans leurs carrières au sein du ministère. Pour Esther, cela signifie surtout assister à des réunions interminables, où les discussions techniques et les débats juridiques s'enchaînent sans fin. Cela l'avait d'abord captivée, mais l'attrait de la nouveauté avait rapidement cédé la place à l'ennui.
La pause déjeuner avait été un léger soulagement. Ils avaient mangé à la buvette du Magenmagot. C'était bon, mais un peu trop cuit. James et Fleamont Potter les avaient rejoints à leur table. Fleamont, avec ses lunettes rondes et son air toujours un peu distrait, avait partagé quelques anecdotes amusantes sur ses dernières recherches, ce qui avait eu au moins le mérite de détendre l'atmosphère.
Mais Isobel, la meilleure amie d'Esther, n'avait pas pu les rejoindre. Elle était enfermée dans le bureau de son père, au sein du Département de la coopération magique internationale, absorbée par des travaux que son père jugeait trop importants pour être interrompus, même pour un déjeuner. Esther ressentait un vide sans Isobel à ses côtés. Elle n'avait pas vu son amie depuis un mois, séparées par une maladie contagieuse qui avait contraint Isobel à l'isolement. La complicité et l'enthousiasme d'Isobel lui manquaient terriblement.
Esther regarde par la fenêtre, observant le va-et-vient des sorciers dans les couloirs du ministère. Elle soupire, se demandant ce que cela ferait d'être libre de courir dehors, de jouer autour de la fontaine avec Isobel, James et Remus.
Pourtant, Esther sait que cette journée est importante pour son père. Maximilien, avec sa stature imposante et son regard perçant, est un homme de principes et d'autorité. Il considère cette journée comme une opportunité précieuse pour Esther de comprendre l'importance de leur héritage familial et le rôle qu'ils jouent dans le maintien de l'ordre dans la société magique. Pour lui, il n'est pas question de laisser Esther s'égarer dans des distractions enfantines, même si, au fond, elle n'a que douze ans. Et puis, avoir une progéniture qui se tient bien dans un bureau et ne court pas partout aide à bien se faire voir au ministère.
Lassée de la monotonie de la journée, Esther laisse le livre qu'elle tient sans intérêt retomber sur ses genoux. Ses yeux parcourent le bureau, s'arrêtant sur les dossiers rangés soigneusement dans le placard. Une étincelle de curiosité l'anime maintenant, remplaçant l'ennui qui l'avait envahie quelques instants auparavant.
Se levant, elle s'approche du placard et ouvre doucement ses portes. À l'intérieur, une multitude de dossiers et de documents sont classés avec une précision méticuleuse, témoignant de la rigueur et de l'organisation de son père. Esther commence à fouiller parmi eux, ses doigts effleurant les étiquettes et les cachets de cire. Elle trouve plusieurs lettres de remerciement adressées à son père, provenant de clients satisfaits ou de collègues reconnaissants. Elle parcourt aussi des affaires classées, des dossiers de cas résolus, mais rien qui ne capte vraiment son attention.
Déçue, Esther se tourne vers le bureau de son père. Elle ouvre prudemment le premier tiroir, consciente de la confiance que son père place en elle en lui permettant d'être seule dans son bureau. Mais elle s'ennuie. À l'intérieur, elle découvre un dossier qui se distingue des autres, portant une étiquette manuscrite : "Fawlkes contre Greyback". Intriguée par l'inconnu de ces noms, elle le prend délicatement et l'ouvre.
Le dossier est épais, rempli de documents juridiques, de témoignages et de rapports. Esther parcourt rapidement les premières pages, cherchant à comprendre l'affaire. Elle apprend que le jugement a été reporté, une situation qui semble frustrer son père, à en juger par les notes écrites de sa main dans les marges.
L'histoire racontée dans ces pages est sombre et complexe. Greyback, décrit comme un monstre, semble être au cœur d'une affaire sordide. Esther ressent une répulsion instinctive en lisant les détails de ses méfaits. Quant à la mère de la victime, son comportement et ses décisions semblent défier toute logique. "Quelle idiote", pense-t-elle. Cependant, Esther ne peut s'empêcher de reconnaître que, malgré ses apparentes lacunes, cette femme a eu l'intelligence de faire appel aux services de son père.
Continuant sa lecture, Esther parcourt le casier judiciaire de Greyback. Elle s'arrête net en tombant sur un nom qui lui est familier : Remus Lupin, cinq ans en 1965. Ce détail la frappe comme un coup de tonnerre. Elle connaît un Remus Lupin, mais est-ce le même ? Les pièces du puzzle commencent à s'assembler dans son esprit. Les absences répétées de Remus, les secrets qu'il semble cacher, tout prend soudainement un sens nouveau et troublant.
Esther referme le dossier avec précaution, s'assurant de ne laisser aucune trace de sa découverte. Elle le replace dans le tiroir, son esprit en ébullition. De retour dans le fauteuil, elle reste immobile, absorbée par ses pensées. Elle vient de découvrir un secret qui pourrait changer la façon dont elle voit l'un de ses amis proches. Que doit-elle faire de cette information ?
Après avoir refermé le dossier, Esther se dépêche de retourner à son fauteuil, le cœur battant et l'esprit tourmenté par ce qu'elle vient de découvrir. Elle ne peut s'empêcher de repenser aux multiples fois où Remus a été absent, à ses explications parfois évasives, aux étranges blessures dont James lui a parlé. Tout s'aligne désormais avec une clarté troublante. La véritable nature de Remus, si longtemps dissimulée, semble évidente. La sensation de trahison l'envahit, mêlée à une confusion profonde. Comment a-t-elle pu être laissée dans l'ignorance ? Comment son ami a-t-il pu lui cacher une vérité si importante ?
Perdue dans ses pensées, elle ne remarque pas immédiatement la présence de son père, qui est revenu dans le bureau. Maximilien Walsh, avec son regard pénétrant et sa stature imposante, observe sa fille un moment avant de commenter d'une voix teintée d'amusement : "Tu as l'air bien dans la lune aujourd'hui, Esther. Tout va bien ? »
Esther se met à rire, mais le son qui s'échappe de ses lèvres sonne faux, même à ses propres oreilles. "La lune", pense-t-elle amèrement. Oui, elle est dans la lune, perdue, mais apparemment, elle n'est pas la seule.
Plus tard dans la journée, alors qu'elle erre dans les couloirs du ministère, Esther aperçoit James et Remus au loin. Ils la saluent avec enthousiasme, mais Esther ne peut réprimer un regard sombre en direction de Remus. Sa colère bouillonne à l'intérieur d'elle. La trahison qu'elle ressent est viscérale, peu importe les raisons de Remus pour garder son secret. Elle se sent écartée, laissée de côté dans une affaire qui, elle en est convaincue, aurait dû lui être confiée.
8e jour d'Aout 1972
Lily Evans, les yeux verts brillants, s'assied seule sur un banc du parc, son regard fixé sur l'entrée où l'espoir diminue à chaque minute qui s'écoule. Cet endroit, où elle retrouve habituellement Severus, résonne aujourd'hui d'une symphonie de silence et d'absence.
L'air d'été caresse la journée, les rayons du soleil jouent à travers les feuilles, créant un kaléidoscope de lumière et d'ombre sur le sol. Autour d'elle, le parc vibre de la vie des autres enfants, mais Lily reste immergée dans ses pensées, isolée dans sa bulle de doute et d'inquiétude.
Elle repense à la dernière lettre de Severus, un message venu d'avant son départ de chez Esther, et depuis lors, aucune nouvelle. Lily a relu leurs échanges précédents, cherchant en vain un indice, une phrase, qui pourrait expliquer son silence. Leurs discussions tournaient autour de Poudlard, de l'été, des nouvelles du monde magique, rien qui ne devrait briser leur correspondance habituelle.
Revenant sur leurs derniers moments ensemble avant la fin de l'année scolaire, Lily analyse chaque mot, chaque regard échangé, se demandant si elle a manqué un signe important de son malaise ou de son mécontentement. Elle, toujours attentive aux besoins des autres, s'inquiète à l'idée d'avoir pu blesser Severus sans le savoir. Pourtant, au plus profond d'elle-même, Lily refuse d'accepter que leur amitié puisse être fragilisée si facilement.
15e jour d'Aout 1972
Seule dans sa chambre, Esther fixe les flammes. La lumière douce se mêle à ses pensées contradictoires. Remus, loup-garou. Ce secret la percute, ébranle la confiance. Trahison, oui, mais ironie aussi. Esther cache un secret à son tour : fiancée à Sirius.
Elle bondit, saisit un coussin. La frustration monte. Esther marche, touche ses objets familiers, cherche un répit éphémère.
Les pensées se bousculent dans son esprit. Comment Remus, son ami, peut-il lui cacher une part si essentielle de lui-même ? Comment peut-il laisser leur amitié s'épanouir sur un mensonge par omission ? Mais alors qu'elle s'apprête à condamner Remus pour son silence, Esther est rattrapée par la réalité de sa propre dissimulation. Pourquoi ce silence ? Mais Esther se voit dans le miroir de sa propre dissimulation. Ses fiançailles avec Sirius, un mur de non-dits.
Devant le miroir, son visage trahit colère, confusion, tristesse. Vérité et mensonge s'entrelacent, brouillant toute clarté. La culpabilité s'ajoute à la colère.
Dans un geste brusque, elle jette le coussin. Il atterrit, muet témoin de sa colère impuissante. Elle soupire. Face à ces révélations, à ses propres secrets, Esther se sent petite, désemparée, tourmentée, jongle avec ses dilemmes. Elle veut confier à Severus sa découverte sur Remus, mais se retient. Comment juger Remus alors qu'elle cache ses propres fiançailles ? Une hypocrisie qui la ronge.
Penser à Sirius la frustre, ces fiançailles non désirées assombrissent sa vue. Parler de Sirius, c'est raviver une plaie. Elle préfère le silence.
Avec Remus, c'est différent. Sa lycanthropie, étrangère à sa propre vie, fissure pourtant leur amitié. Pourquoi Remus a-t-il gardé ce secret ? La trahison qu'elle ressent, même si Remus ne lui doit rien, la blesse profondément.
Esther, dans un combat futile avec elle-même, s'acharne contre l'absurdité de sa propre irritation. Éviter Remus lors de ses transformations, ce n'est rien ! Mais elle, esclave de sa curiosité insatiable, se trouve consumée par un besoin pressant de tout savoir. Un jour d'ignorance ? Une éternité pour elle. Son esprit, incapable de se contenter d'une simple trêve de connaissances, préfère se tourmenter dans la quête effrénée de vérités cachées.
Elle se moque de la situation, tournant en rond dans ses pensées, comme si résoudre le mystère de Remus était la clé de tous ses maux. Esther, avec sa soif de savoir, semble oublier que certaines vérités sont mieux laissées dans l'ombre. Ironique, n'est-ce pas ? Elle, qui cache son propre secret, se débat avec l'idée d'un Remus silencieux. La potiche dans une pièce de théâtre, agitée par des fils invisibles de désir de savoir et d'hypocrisie personnelle.
Des heures de réflexion, pour quoi ? Esther décide de se murer dans le silence avec Severus. Comme si comprendre Remus était un casse-tête trop complexe pour elle, et encore moins pour Severus.
Après des heures de réflexion, Esther décide de garder le silence avec Severus. Si elle-même peine à accepter et comprendre, comment pourrait-elle attendre de Severus qu'il comprenne ? De plus, son silence à sa dernière lettre ajoute à ses craintes. Peut-être est-il simplement occupé ?
16e jour d'Aout 1972
Severus, assis sur son lit, fixe l'endroit où la porte devrait être. Un vide béant, souvenir de la fureur de son père. Sa chambre dépouillée, baignée dans une lumière lunaire timide, devient une cellule. L'air est lourd, pas à cause de l'été à Manchester.
Le silence règne, mais Severus sait. Son père est là, dans le salon, la télévision bourdonnant comme un insecte gênant. Sa mère, Eileen, s'est éclipsée, épuisée, usée par une journée de tensions incessantes. Elle n'a rien fait pour le protéger. Elle a laissé faire, en sachant tout.
Severus se sent emprisonné, non seulement physiquement, mais aussi émotionnellement. Toutes ses cachettes habituelles, le grenier, la cave, les petits recoins où il trouvait refuge et solitude, sont désormais inaccessibles, verrouillées ou barricadées. Son monde, déjà restreint, semble se rétrécir davantage chaque jour. Il est à la fois enfermé et en même temps la chose qu'il veut en ce moment, c'est sa porte. Il la veut plus que tout. À part s'enfuir d'ici bien sûr. Mais il veut quand même sa porte. Dans cette maison, il est enfermé sans porte. Il veut son intimité. Il veut que son père parte travailler, mais il a été licencié. Il veut de la solitude, son père est partout. Et sa porte nulle part.
Pas de solitude, pas de porte, juste l'omniprésence de Tobias.
Il reste éveillé, guettant le moment où son père ira se coucher. Ces heures tardives sont son seul répit, son unique liberté. Lire, écrire, respirer sans craindre une irruption.
Dans le silence de sa chambre, Severus pense aux lettres non répondues, à Esther, à Lily. La culpabilité le ronge. L'été, une éternité sans voir Lily. Son esprit s'évade brièvement vers Poudlard, vers des pensées plus douces, mais Rosier et Rowle s'infiltrent même dans ses rêveries.
La réalité le frappe de nouveau. Le bruit d'une bouteille, un avertissement que son père est toujours là. La tranquillité de la nuit était trompeuse. Elle était presque pire que le jour. L'escalier craque, chaque pas un avertissement. Severus ne voit pas venir son père, il l'entend. Il ne sait jamais quand Tobias envahit son espace. Sans porte, où commence l'intrusion ? Où finit son peu d'intimité ? Elle est morte depuis que Tobias rentre dans la salle de bain à chaque fois qu'il s'y trouve.
20e jour d'aout 1972
Assises confortablement dans les branches d'un vieux chêne dans le jardin d'Esther à Plymouth, Esther et Isobel se retrouvent après un été qui leur semble interminable. Le soleil d'été filtre à travers le feuillage, créant des jeux de lumière et d'ombre sur leurs visages. Une brise légère anime les feuilles, apportant une mélodie apaisante à leur réunion.
Isobel, enfin sortie de sa chambre après un été monotone, partage ses sentiments, mêlant frustration et soulagement. La dragoncelle l'a confinée dans sa demeure, la forçant à observer le monde extérieur comme un oiseau en cage. Ses journées, rythmées par de rares visites familiales, sont empreintes d'une monotonie étouffante.
« Je déteste avoir été bloquée à la maison tout l'été », se lamente-t-elle, exprimant une frustration palpable. Elle décrit une saison de solitude et d'enfermement, privée de la liberté de sortir et des plaisirs simples des journées ensoleillées.
Et comme pour prolonger son épreuve, dès sa convalescence, elle a été envoyée chez sa grand-mère en Irlande. Un changement de décor, mais une continuité dans l'isolement. « Je me suis sentie tellement seule », confie-t-elle, ressentant un éloignement accru dans cet autre pays.
Esther, brûlant d'envie de parler de Remus, retient ses mots, sachant que ce n'est pas son histoire à partager. Isobel, absorbée par ses propres révélations, mérite toute son attention.
« Tu sais, il y a quelque chose que je dois te dire aussi », débute Isobel, une gravité nouvelle dans sa voix. « Sigismund est vraiment très malade. »
Esther acquiesce, consciente d'une partie de la situation. « Oui, je sais, c'est pour cela qu'il ne va pas à Poudlard. »
Mais Isobel insiste, « Non, écoute-moi, il est gravement malade. Maman veut que j'aille le voir plusieurs fois cette semaine, au cas où. »
Écoutant Isobel, Esther est envahie par une vague de tristesse. Elle reste silencieuse, puis demande doucement, « Les Moldus ne peuvent vraiment rien faire ? »
« Les Moldus ne savent même pas soigner Alzheimer, alors une maladie sorcière... » répond Isobel, marquant la différence entre les mondes moldu et sorcier et leur impuissance face à certaines maladies.
Esther, cherchant à saisir les sentiments d'Isobel, demande doucement, « Tu es triste ? »
Isobel répond d'une voix lointaine, « Ettie, je ne sais pas. Je le connais depuis longtemps, mais il n'a jamais été comme Sirius, James ou toi pour moi. Il est différent, pas vraiment un des nôtres. C'est un ado dans un lit d'hôpital. Qui ne parle pas beaucoup, et ne joue jamais. »
« Tu t'es imaginée un jour mariée à lui ? Ça ne t'affecte pas plus ? » insiste Esther.
Isobel secoue la tête, un mélange complexe de sentiments dans ses yeux. « Je suis triste, oui, parce qu'il a seulement 14 ans et qu'il n'est pas sorti d'un lit d'hôpital depuis ses 7 ans. Mais je ne suis pas triste pour mon fiancé. C'est comme si je suivais l'agonie d'un inconnu, sans pouvoir aider ou m'attacher. Je n'y arrive pas. Je n'ai jamais vraiment vu Sigismund comme un ami ou un fiancé, ni même comme un enfant. »
Dans cette confidence, Esther l'écoute, mettant de côté son propre dilemme avec Remus.
« Tu veux que je demande à ma mère si je peux t'accompagner ? » propose Esther, offrant son soutien.
Isobel secoue la tête, « Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. »
28 Aout 1972
Esther, fatiguée d'un nouvel affrontement avec Sirius, s'échappe dans la bibliothèque ombragée de la demeure des Black, au Square Grimmaurd. Elle, chargée de divertir Sirius, trouve leur relation si électrique, si crispée, qu'elle opte pour la fuite. James, de toute façon, est là pour s'occuper de lui. La bibliothèque, havre de paix dans cette maison de tensions, devient son sanctuaire.
Dans la pénombre, Esther remarque Regulus, plongé dans une partie d'échecs solitaire. Il manœuvre les deux camps avec une concentration acharnée. Elle connaît peu le garçon, toujours vu à l'ombre de Bartemius Jr., sous lequel il semble gagner en assurance.
Intriguée, elle s'approche, silencieuse, et s'installe en face de lui. Sa présence, une intrusion délicate dans son monde de stratégies et de pions.
« Je peux jouer ? », demande-t-elle, espérant peut-être trouver dans ce jeu un répit aux tensions de la maison. Regulus, un peu surpris, hoche la tête, un demi-sourire énigmatique sur les lèvres. Les pièces d'échec, attendant leurs nouveaux commandements, semblent suspendre le temps.
Un nouveau jeu commence. Esther, attentive, découvre une facette inattendue de Regulus : sous ses dehors réservés, une intelligence vive et stratégique se révèle. Leurs coups s'échangent, mêlant réflexion et intuition. Esther, habituellement embourbée dans ses émotions, trouve une certaine clarté dans ce duel silencieux. Mais Esther n'est pas d'un naturel silencieux.
Le regard fixe sur le plateau d'échecs, elle rompt le silence avec une pointe de frustration mêlée d'ironie : « Ton grand frère est un con. »
Regulus, concentré sur ses pions, laisse échapper un sourire en coin, sans lever les yeux. « Grande nouvelle, je ne le savais pas depuis dix ans », réplique-t-il, sa voix teintée d'un sarcasme évident.
Cherchant à dévier le cours de la conversation, Esther demande d'une voix plus douce : « Isma n'est pas là ? » Isma, la fiancée de Regulus, est une énigme pour Esther, aperçue seulement à quelques occasions.
« Non, toujours en vacances », répond Regulus, ses doigts effleurant un cavalier avec une précision méthodique.
« Tu t'entends bien avec elle ? » Esther pose la question, observant comment Regulus manipule ses pièces, un geste après l'autre, dans une chorégraphie silencieuse.
« Tais-toi et joue, tu perds », coupe Regulus, un sourcil levé en direction d'Esther, indiquant un mouvement qu'elle avait manqué.
Elle ignore son conseil et lance, dans une tentative de légèreté : « Je vais te présenter quelqu'un à Poudlard, tu t'entendras bien avec lui. »
Regulus, la curiosité piquée, se penche légèrement vers Esther. « Il a des amis à part Bouffie et Bouffon ? », interroge-t-il, un sourire en coin. « Sirius n'est pas le centre de mon univers, contrairement à ce qu'il pense. »
« Qui est-ce que tu appelles Bouffie et Bouffon ? » demande Esther, un rictus amusé sur les lèvres.
« Bonffon, c'est Potter, et Bouffie, je ne connais pas son nom. Sur la photo de sa table de chevet. Petit, trapu, un regard de merlan frit.
— Ah, Peter ! Il est bien moins stupide qu'il n'y paraît. Il joue de son image.
— Bien, Bouffie a un cerveau, alors.
— Severus va t'adorer.
— Désolé, je suis déjà fiancé, navré. »
Leur conversation est interrompue par l'entrée imposante d'Orion dans la bibliothèque.
Note :
*Faute volontaire, vient de l'expression « café bouillu café foutu »
** Je sais que cette chanson est sorti en Aout 1972 et non en juillet mais j'aimais l'idée de Tobias avec un autre sens au « Burning »
*** Pourquoi Remus ne pourrait pas être pote avec Ken Follett ?
