Avertissement : automutilation (mention très brève, rien de graphique)
Alphard savait pertinemment qu'il ne comptait pas aux yeux de ses parents. Seuls son frère et sa sœur semblaient être parvenus à s'être fait une place dans leurs cœurs de pierre. Peu importe les efforts qu'il faisait pour qu'ils le remarquent, il était destiné à être le petit mouton noir : celui qu'on osait sortir sous aucun pretexte, de peur qu'il ne fasse honte à leur famille.
Mais ce jour-là, c'était différent. Aujourd'hui c'était l'anniversaire de sa sœur, Walburga. Une fête avait été organisée en son honneur au manoir et ses parents comptaient annoncer publiquement ses fiançailles. Bien que heureux de pouvoir assister à un événement mondain, le jeune sorcier avait décidé de s'isoler des regards de pitié et de mépris qu'il recevait depuis le début de la soirée.
C'était la poitrine serrée et d'une démarche peu gracieuse qu'il s'était précipité au seul endroit où il ne se sentait pas étouffer : le grenier. Aussi bizarre que cela puisse paraître, leur grenier était pourvu d'un piano à queue inutilisé depuis des générations. Personne dans sa famille ne savait en jouer. Personne, à part lui. Ses parents n'avaient pas sauté de joie lorsqu'ils avaient appris où il disparaissait à chaque fois, ni ce qu'il y faisait. Même s'ils étaient contre, ils l'ignorèrent, croyant que leur fils cesserait d'avoir cette obsession ridicule pour la musique de son propre chef. Merlin, qu'ils avaient torts. Sa passion pour la musique n'avait fait que grandir.
Lorsque l'instrument apparut finalement dans son champ de vision, toute la tension accumulée dans ses épaules disparut, laissant place à l'espoir. Enfin, pendant un moment, aussi éphémère soit-il, il pourrait goûter une nouvelle fois à ce sentiment de liberté qui lui avait tant manqué.
D'une main hésitante, il posa ses doigts sur les touches froides du piano, et aussitôt, des notes familières retentirent, résonnant dans la pièce. Il ne prit pas le temps de s'asseoir et continua à déplacer ses mains avec une certaine dextérité, toute timidité envolée. Ses doigts survolaient les touches, les notes se succédaient et se confondaient avec harmonie, dans un rythme de plus en plus saccadé.
Alors que Alphard était de plus en plus transporté par la mélodie jouée, des larmes vinrent progressivement perturber sa vision, jusqu'à ce qu'elles se transforment en sanglots et ne l'empêchent de continuer sur sa lancée. D'un geste rageur, il claqua le couvercle du piano et se laissa glisser le long du mur.
Il voulait hurler son désespoir, faire partir ce creux qu'il ressentait à chaque fois qu'il voyait les membres de sa famille. Était-ce si difficile de l'accepter tel qu'il était ? Était-ce si difficile pour des parents d'aimer leur propre enfant ?
Personne n'entendit ses cris, son chagrin, ni son agonie. Personne ne vit ses yeux gonflés par les pleurs, ses mains abîmées à force de les avoir serrées et encore moins le sang qui s'écoulait sous une de ses manches. Pourtant, une heure plus tard, alors qu'il remontait les escaliers pour se rendre dans sa chambre, tous pointèrent du doigt ses imperfections.
