La vache, j'étais tellement HS que j'avais mal lu mon alerte et j'ai donc oublié de poster hier orz

J'ai écrit un premier jet où Link était plus timide et effrayé, mais j'étais moi-même peu convaincue, alors j'ai recommencé, en reprenant des morceaux du jet initial. Il se peut que ça fasse un peu patchwork malgré mes efforts, navrée !

Bonne lecture !


La musique un peu jazzy jouait en fond, accentuant l'ambiance cosy, ponctuée des conversations des clients.

Un mardi en début d'après-midi, la clientèle du salon de thé était principalement constituée d'habitués, des commandes faciles à servir et à assurer, raison pour laquelle l'équipe était réduite au strict minimum : un unique serveur et, parfois, un commis en cuisine pour satisfaire les commandes de pâtisseries.

D'ordinaire, c'était le quart de travail de Kiko mais celui-ci se noyait actuellement dans les révisions et avait échangé avec Link pour se concentrer dessus.

Ça n'avait rien d'extraordinaire, et vu ses cernes, il lui aurait pris bien plus s'il l'avait pu, mais il y avait des lois.

Par contre, qui disait échanger ses heures, voulait aussi dire bousculer les habitudes des clients. Si la plupart exprimèrent simplement leurs surprises, ce ne fut pas le cas de tous.

- Oh, ce n'est pas Kiko aujourd'hui ?

La voix plaintive appartenait à une jeune fille, provenant sans doute du lycée d'à côté, accompagnée par sa petite cour derrière elle.

- Navré, ce sont bientôt les partiels, mon collègue a préféré se concentrer sur ses cours… mais il reviendra dès que possible ! Déclara-t-il avec son meilleur sourire commercial.

Et sa petite amie est d'une jalousie maladive et pourrait t'arracher tes rajouts, juste pour cette question, ajouta-t-il, in petto.

- Je vous installe ?

Elle poussa un soupir dramatique avant d'accepter, lui emboîtant le pas en relevant le menton, fièrement.

Définitivement son genre préféré de clients.

Une fois leur commande notée, il se réfugia derrière le comptoir et profita de quelques secondes entre deux manipulations afin de réclamer des comptes auprès de Kiko, mais celui-ci n'envoya qu'un méli-mélo de lettres dans un ordre incompréhensible.

Amusé malgré lui, Link secoua la tête alors qu'il chargeait son plateau de service.

Hylia, que tout ça ne lui manquait pas !

Le dédain qui l'accueillit faillit lui coûter son sourire. Et peut-être quelques années de prison.

Mais ce n'allait pas être cinq adolescentes mal embouchées qui allaient le mettre à l'épreuve !

Il avait abandonné ses études trois années auparavant au profit de cet emploi de serveur à temps plein, il avait ainsi fait face à plus d'une situation difficile ainsi que de clients compliqués (mais bien souvent la première syllabe seule suffisait). Il savait y faire.

Enfin, la plupart du temps…


Directeur artistique, Ghirahim devait bien être le seul à ne pas fonctionner à la caféine dès l'aube, au sein de son équipe. Et, comme toute minorité, il était allégrement oublié par les décisions des grands pontes. C'était donc à lui de prendre des dispositions pour satisfaire ses besoins.

S'il n'avait été qu'un plébéien, nul doute qu'il aurait pu se contenter du jus immonde servi par le distributeur et avec le sourire, ou encore, noyer un pathétique sachet de mauvaises feuilles de qualité industrielles dans de l'eau au goût de produit vaisselle, mille fois réchauffées.

Mais Ghirahim était un esthète, un homme de goût. Au lieu de ces options, il avait pris l'habitude d'envoyer les stagiaires ou les nouvelles recrues lui obtenir sa sacro-sainte boisson pendant que lui réalisait des choses importantes. Mais non seulement la RH l'avait sermonné à ce sujet, mais plus encore, personne n'était disponible, le forçant à se charger lui-même de la tâche.

Il avait donc dû s'y rendre par lui-même, décolérant à peine sur le trajet, ses talons claquant furieusement à chaque pas et sa mèche virevoltant, manquant presque de dévoiler le côté gauche de son visage.

La vue lointaine de l'enseigne l'apaisa à peine.


Un violent frisson parcourut l'échine de Link, manquant presque de jeter le pot de crème au sol. Il ne fut sauvé que grâce aux réflexes fulgurants de Célestin qui lui adressa un regard inquiet et interrogateur, mais il n'obtint aucune réponse, juste un remerciement bafoué.

- Tu veux que j'enfile mon tablier ? Je suis sûr que la manager comprendrait…

- Mais non, tout va bien, je te dis. Qu'est-ce que tu fais là, d'ailleurs, au lieu de profiter de ton jour de repos ?

- J'ai un entretien dans le coin, couina-t-il.

Jouant avec sa tasse, il baissa le nez, l'angoisse exsudant de lui par vagues.

Compatissant, Link lui tapota le poignet et le guida jusqu'à une table disponible où il lui tint compagnie jusqu'à l'arrivée de nouveaux venus qu'il accueillit.

Quelle avait été cette étrange réaction viscérale ?

Ce n'était pas vraiment dans ses habitudes, surtout sans raison, mais ce n'était pas non plus une découverte.

Et maintenant qu'il y réfléchissait, ça faisait bien deux ans que ça ne lui était pas arrivé…

Il fouilla sa mémoire alors qu'il versait avec application le thé glacé à la pèche dans les verres et garnissait les assiettes de pâtisseries, mais le souvenir lui échappait.

En tout cas, jusqu'à ce que la cloche ne retentisse une fois de plus alors que la porte était violemment poussée sous l'action d'un client qu'il ne reconnaissait que trop bien.

Le souvenir s'était incarné.

Et merde, pas lui…


Et merde, pas lui…

Aucunement embarrassé par son entrée plus fracassante que le chaland lambda, Ghirahim marqua une pause dans son avancée, scannant l'intérieur du commerce avec dédain, ses longs doigts alignant ses bagues.

- Toujours aussi miteux ici, renifla-t-il avant de rejoindre le comptoir où il pianota de ses ongles manucurés.

Il aurait fallu être aveugle pour ignorer les regards courroucés pesant sur lui, mais l'avis de la plèbe ne méritait pas son attention. Alors, au lieu de baisser la tête ou de faire le dos rond, il perfectionna sa mise déjà impeccable et se redressa plus encore.

Il adorait être le centre de l'attention.


Link retint tant bien que mal son envie de rouler les yeux à l'attitude de diva du nouvel arrivant et se recentra sur son service, s'arrêtant auprès de Célestin pour l'empêcher de se lever, appuyant sur son épaule.

Il était celui en charge actuellement, il composera avec tous les désagréments du jour.

Même les désagréments d'un mètre quatre-vingt-seize, vêtus de luxueux habits de marque et de talons de douze centimètres.

- Oh, mais qui voilà ? J'ai bien failli ne pas te voir derrière le comptoir ! Se moqua l'indésirable. À défaut d'être promu, ils pourraient te financer un marche-pieds, au moins !

- Bon retour, nous ne vous avons pas vu depuis un moment, récita-t-il en prenant soin d'user de son ton le plus monocorde possible. Comme d'habitude ?

- Comme si un minable comme toi pouvait s'en souvenir !

Malgré le geste méprisant de sa main, Ghirahim ne le corrigea pas, se contentant d'appuyer ses coudes contre le meuble, scrutant le décor.

Il n'avait pas remis les pieds dans l'établissement depuis deux bonnes années, chargeant ses larbins de la pénible corvée, donc ses souvenirs n'étaient pas les plus sûrs, mais rien ne semblait avoir bougé, à l'exception de la décoration rappelant l'automne sans pour autant pencher vers le mauvais goût d'Halloween.

Soudain ses oreilles captèrent le bruit caractéristique de l'ouverture d'un réfrigérateur et l'agitation d'un liquide contre une paroi en verre. Ni une ni deux, il se pencha par-dessus le comptoir, avisant une partie du corps du serveur.

- Hé là ! Même pas en rêve ! Lâche tout de suite ce bocal !

Le temps d'une seconde, Link hésita à lui obéir littéralement, mais l'image de sa manager le toisant lui apparut tout aussi vite et il écarta cette initiative, reposant plutôt le coupable sur le marbre.

- Ne me dis pas que tu veux du frais ?

C'était plus fort que lui, le ton plaintif avait quitté ses lèvres avant qu'il ne puisse le corriger, alors il se contenta de fixer le pointilleux intransigeant dont il voyait le haut du corps à côté de la caisse, presque allongé sur le pass, sa longue mèche impeccablement lissée pendant loin de son visage, permettant d'entrapercevoir vaguement son deuxième œil.

- Je ne le dis pas, je l'exige !

Un geignement de fin du monde retentit de derrière la porte d'un placard.

- Je croyais que tu étais pressé ! Je vais en avoir pour pratiquement une demi-heure !

- Si tu avait commencé tout de suite, tu serais déjà à la troisième étape.

La porte du frigo fut claquée avec un peu trop de force avant que le bruissement ordinaire du matériel reprenait, signe qu'il obtempérait.

- Tu vois, c'est pour ça que tu n'aurais jamais pu devenir digital planer, renifla-t-il. Il faut toujours tout t'expliquer, tu es incapable de la moindre initiative…

- Termine ta phrase et je prends l'initiative de remplacer le gingembre par de la mort aux rats.

- Comme si tu en étais capable.

Pourtant, il se recula sagement, reprenant sa pose de tantôt, lissant sa mèche afin qu'elle couvre impeccablement la moitié gauche de son visage, comme à l'accoutumée, et s'absorba dans la lecture de ses mails, ses bracelets s'agitant quand il pianotait vigoureusement ses réponses.

Il réagit à peine quand sa boisson fut déposée à côté de lui, se contentant de l'attraper à tâtons et d'en savourer la première gorgée.

- Quel dommage que ton seul talent réside dans la réalisation des Chaï latte, soupira-t-il dramatiquement. Et encore, ils sont franchement passables…

- Je ne peux qu'être d'accord avec toi, je ne suis même pas capable de choisir correctement un petit ami.

Link eut beaucoup de mal à ne pas croiser le regard de Ghirahim qu'il savait hautement courroucé, ne se fatigant plus à réprimer son sourire narquois. Par contre, il ne fut pas difficile de rencontrer celui de son collègue qui le fixait comme s'il s'était changé en Kikwi. Lui et une partie conséquente des habitués.

Et merde, ils avaient un public…

Se chamailler avec son ex était tellement automatique que Link n'avait pas prêté attention à la situation actuelle, oubliant qu'il était sur son lieu de travail et en plein quart.

Que Farore le damne, si jamais une plainte remontait aux oreilles d'Impa… Elle le rôtirait vivant.

L'embarras colora son visage alors qu'il tentait de le cacher dans sa main, ne l'en retirant qu'au contact de la carte plastifiées poussée contre l'autre, l'observant.

- Je n'ai pas le souvenir qu'on se soit quitté en assez bons termes pour que tu m'offres un verre.

Tapant sur l'écran plastifié de la caisse, Link glissa la carte dans le terminal.

- Oh, tu sais, ça va faire bientôt deux ans. Je pense que je peux faire ça.

- Déjà ?

Ghirahim n'avait pas décollé les yeux de son portable, en-dehors des moments où il l'avait échangé au profit de sa carte bancaire, buvant à petites gorgées son thé brûlant.

- Ouaip. Deux ans, dans un mois, que tu m'as foutu dehors parce que, je cite, « tu ne pouvais pas t'encombrer d'un petit serveur raté sur ta voie de succès ».

Il lui tendit ticket et carte, nettoyant vaguement le pass à l'aide d'un chiffon.

Aucun des deux ne regardait l'autre, aucun des deux ne semblait vraiment affecté par leurs propos, et l'ambiance était plus lourde encore que s'ils avaient élevé la voix.

Incommodés, les clients quittèrent les lieux, saluant sous leur souffle le serveur qui leur offrit son habituel sourire rayonnant, paraissant ignorer le malaise évident. Et sa source. Surtout sa source.

- Je vais y aller, Link, couina Célestin. Merci pour le smoothie. On se revoit jeudi ?

- Haut-les-cœurs mon pote ! Tu vas l'emporter !

Il répondit faiblement à son encouragement et s'enfuit pratiquement par la porte.

- Nous voilà bien seuls… contacta Ghirahim.

- C'est mardi, releva Link. D'ailleurs, tu n'as pas un boulot auquel retourner ?

- Ils peuvent bien se passer de moi encore quelques instants…

- Tiens, je te croyais indispensable et irremplaçable ? En tout cas, c'est ce que tu racontais quand tu faisais des heures supplémentaires.

Après s'être essuyé les paumes sur son tablier, il entreprit de ramasser la vaisselle sale, passant de table en table.

- Je l'étais ! Et je le suis toujours. Mais il est parfois bon aussi de le leur rappeler. Prépare-moi un autre verre, mais à emporter cette fois.

Il claqua sans ménagement celui qu'il venait de vider sur le comptoir, son unique œil visible le suivant dans ses déplacements, un sourire suffisant apparaissant sur ses lèvres quand le jeune hylien passa à côté de lui.

Au moins pouvait-il se contenter de réchauffer légèrement la partie Chaï, réduisant le temps de préparation.

- Et je prendrai autre chose… retentit la voix pensive de son unique client.

- La porte ? Suggéra-t-il avec espoir.

De là où il se tenait, il lui était impossible d'apercevoir son expression, mais rien qu'au soupir qu'il poussa, Link la devina : les yeux levés au ciel et roulant dans ses orbites, à deux doigts de se masser les tempes si ça ne ruinerait pas son fond de teint.

- Quel est déjà le nom de cette horreur dont tu te gavais à longueur de temps ? Tu en consommais des quantités industrielles au point que je t'ai viré de la chambre.

- Pumpkin spice latte. Et tu m'as viré de la chambre parce que je ronflais. Ou, du moins, c'est ce que tu avais argué. Un autre mensonge ?

- Oublie ton infâme boisson et mon élan de générosité, grogna-t-il.

- Ouh, quel prince ! Je me permets de rappeler au seigneur Ghirahim que je travaille ici. Non seulement je peux réaliser mon propre Pumpkin spice latte, mais j'ai aussi droit à la réduction du personnel.

- Mais rien de tout cela n'est disponible en présence d'un très beau démon comme moi… C'est une offre pour laquelle beaucoup tuerait.

- Je m'assurerai de le préciser quand mon témoignage sera réclamé en cour.

Il poussa la tasse du bout des doigts, dans sa direction.

- Accompagne-moi, Link.

- J'ai été à tes côtés toutes ces années sans que tu ne me regardes. Je ne ferai pas deux fois la même erreur.

- Ce n'est qu'un verre. Pas une demande en mariage.

- Que ce soit l'un ou l'autre, je te répondrai « oui ». Donc non.

Leurs yeux se croisèrent enfin.

Il n'y avait rien là-dedans. Ni attente, ni déception. Juste de la résignation.

- Link. Nous savons tous les deux que je ne m'excuserai jamais.

- Nous savons aussi tous les deux que je n'attends pas d'excuse.

Mécaniquement, il s'étaient tous les deux penchés au-dessus du comptoir, Ghirahim tenant sa commande, Link appuyant sa joue contre sa main.

- Je finis dans trois heures, déclara ce dernier en se reculant soudainement.

Il tendit la main afin d'obtenir la carte une seconde fois, l'encaissant rapidement.

- J'en suis ravi pour toi.

L'ironie ne fut pas relevée.

- Si tu tiens tant que ça à me payer ma boisson préférée, tu sais ce qui te reste à faire…

Un cillement appuyé fut la seule preuve que sa suggestion avait été prise en compte. Ou, du moins, écoutée.

Il l'observa faire demi-tour et rejoindre la porte, ses talons claquant plus doucement qu'à son arrivée. Moins présomptueux.

Ghirahim était sur le trottoir, hésitant à héler un taxi bien que la distance le séparant du building était dérisoire, quand on l'appela dans son dos, le faisant se retourner.

Les cheveux ébouriffés, l'uniforme de travers, le tablier froissé, Link n'avait jamais été capable de tenir une image professionnelle. Mais tout cela n'avait aucune importance pour le fashionista quand il reconnut ce sourire.

- Tant que j'y pense… je ne travaille pas demain. Ni jeudi matin. Des fois que ça pourrait t'intéresser.

Ghirahim n'était jamais en retard à un rendez-vous, mais pour celui-là, il le sera encore moins.

Resté seul, Link sourit en l'observant s'éloigner… puis alla hurler son embarras dans un placard.


"Je te méprise complètement mais il se trouve que tu es le seul serveur en ce moment et si je ne bois pas un Chaï Latte tout de suite, je vais poignarder quelqu'un. Je suppose que je n'ai pas le choix."

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