Chapitre 12

Lucius devait l'avouer, être "convoqué" ainsi par son petit-fils dans un lieu public l'étonnait grandement. Que devait-il leur dire de si important que cela ne pouvait pas tenir sur une lettre? Oh, il n'était pas mécontent : voir Scorpius était toujours le meilleur moment dans une journée! Assis avec lui et avec Narcissa chez Madame Rosemerta, il voyait la nervosité de son descendant, ses doigts avec lesquels il jouait.

-Merci d'être venus, Grand-Père, Grand-Mère.

-On est toujours heureux de pouvoir te voir, Scorpius. Dit Narcissa, le sourire aux lèvres

Son époux lui laissait volontiers la conversation, elle était plus douée que lui.

-Je dois vous dire quelque chose... Commença l'adolescent. Et le dire par courrier, je ne peux pas, c'est trop important. Vous êtes trop importants. Ce ne serait pas correct.

L'esprit de l'ancien Mangemort essayait de comprendre ce qu'il se passait. Quel secret si terrible habitait l'enfant? Voulait-il leur annoncer qu'il désirait devenir professeur d'études des moldus une fois adulte? Cela serait surprenant, certes. Mais l'ironie serait belle : après plusieurs générations à prôner un eugénisme particulier et deux générations à soutenir un tyran qui envisageait un génocide, une séparation des classes, la plus jeune protégerait la tolérance et l'entente.

-Je fréquente quelqu'un.

Voilà pourquoi il laissait toujours la conversation à Narcissa! Son cerveau réfléchissait toujours trop! Il sourit à l'étudiant.

-Déjà? Tu ne perds pas de temps, un vrai Malefoy! Plaisanta le patriarche

-De qui s'agit-il, Trésor? Reprit sa femme. La connaissons-nous?

-Oui... Sauf que ce n'est pas elle... C'est il...

Les époux échangèrent un regard après un instant de choc.

-Il, mon chéri?

-Albus...

Le fils Potter. Evidemment. En vrai, maintenant qu'ils le savaient, ils auraient dû s'en douter.

-Et tu n'aimes que les hommes? Tu n'aimes pas un peu les femmes?

-Lucius!

Narcissa semblait prête à l'étriper.

-Je demande juste, Narcissa.

-Je ne sais pas, Grand-Père. Avoua Scorpius. Je trouve les filles jolies. J'ai eu envie parfois de proposer à l'une d'elles de sortir. Je n'ai jamais trouvé de garçon beau. C'est juste que...

-Que c'est Albus.

Oh oui, il comprenait cela. Le fait d'aimer la personne, son âme, au-delà de son apparence.

-Il te traite bien, le fils Potter?

-Oui, Grand-Père. Et je suis heureux avec lui.

-Alors, c'est tout ce qu'il me faut.

Dans les yeux de sa femme, un éclat de fierté.

-Vrai... Vraiment? Balbutia leur petit-fils. J'avais peur que vous ne le preniez mal... Je suis, après tout, après Père et vous deux, le dernier Malefoy...

-Etre avec un homme ne t'empêchera pas d'avoir des enfants.

-Peut-être pas des enfants de sang.

-L'Histoire ne retient pas le sang, uniquement le nom.

Oh oui, comme il avait changé!

-Et quand bien même tu n'aurais pas d'enfants : je ne pourrais pas être plus fier de toi. Notre dynastie s'éteindrait, certes. Mais elle s'éteindrait avec l'un des meilleurs Malefoy que la Terre ait porté.

Une larme roula sur la joue de Scorpius.

-Merci, Grand-Père, Grand-Mère.

-Les parents d'Albus le savent? Demanda la sorcière

-Oui, ils le savent. Monsieur Potter dit qu'il le savait déjà. Qu'il s'en doutait. Mais qu'il est heureux pour nous.

Deux hommes jadis ennemis qui devenaient potentiellement unis via leurs fils respectifs. La vie aimait ce genre d'ironie délicieuse.


-Un Earl Grey?

-Si tu m'ajoutes un peu d'alcool dedans, pourquoi pas...

Dans la salle des professeurs, Hermione et Drago essayaient de poursuivre la notation des épreuves de BUSES et d'ASPIC. Ils tenaient à en faire un peu tous les jours pour ne pas être submergés mais ils étaient éreintés. Ils le faisaient ensemble, trouvant cela plus motivant que de travailler seul dans son coin. La jeune femme leva le nez de ses copies, à force elle ne voyait plus clair.

-Tu as pu te décider pour l'an prochain? Demanda son collègue tout en terminant la notation d'un élève de cinquième année, un Serpentard.

Il lui mit un Effort Exceptionnel : toute l'année, il avait été entre le Piètre et l'Acceptable, non pas par manque de travail ou de volonté mais par réelle difficulté dans la matière. Et là, l'enseignant sentait tous les efforts qu'il avait déployés. C'était mérité.

-Oui, j'ai pu enfin me décider.

Drago posa sa plume et lui accorda toute son attention.

-Je rempile.

Le sourire éclatant de l'homme lui fit chaud au coeur : c'était comme s'il était un enfant le jour de Noël.

-Je garde aussi mon travail au Ministère. Je ne saurai pas faire autrement, je suis un bourreau de travail.

-Je ne changerai ça pour rien au monde.

Elle sourit.

-Mais j'ai demandé à ce que l'on forme une ou deux personnes de mon cabinet pour les affaires courantes. Pour les représentations où ma présence, si elle serait évidemment appréciée, n'est pas indispensable. Miss Watson est ma candidate idéale : elle est intelligente et volontaire. Bien sûr, je garde mes obligations et je tiens à effectuer certaines choses. Mais au moins, je serai soulagée de ce côté-là.

-Je suis fier de toi, Hermione.

-J'avais pensé à arrêter Poudlard... mais au-delà de mon amour pour ma profession, une chose m'a arrêtée.

-Oh?

Elle osa le regarder droit dans les yeux.

-L'idée de ne plus être à tes côtés, ou plus aussi souvent, m'était insupportable.

Elle enchaîna.

-Ecoute... Je le dis parce que je sens que je dois te le dire. Mais cela n'implique rien. On avance à nos rythmes, notre relation est très bien comme elle est et...

-Je t'aime aussi. La coupa-t-il

Estomaquée, Hermione ne put que lui demander de répéter. Il s'approcha d'elle, caressa sa joue.

-Je t'aime, Hermione Granger. Et comme tu viens de le dire, juste parce qu'on le dit, on n'a pas à accélérer quoi que ce soit. Je sais qu'une part de moi sera toujours dévouée à Astoria. Et je sais que toi, même si c'est terminé et que vous êtes amis, il y aura toujours une part de toi dévouée à Ron. C'est normal. Mais je t'aime. Je t'aime vraiment.

Il l'embrassa avec toute la tendresse du monde.

Cependant, malgré l'allégresse du moment, arriva une question fatidique :

Comment l'annoncer aux enfants?