Le paysage défilait devant ses yeux comme une litanie perpétuelle, admirant la plaine magnolienne sous le soleil bleu de ce début d'été. Elle ne saurait dire combien de fois elle avait pris ce chemin pour rentrer chez elle, dans cette ville qui lui était si chère à son cœur. Pour autant, elle était toujours prise par ce sentiment de bien-être qui s'emparait d'elle, chérissant à chaque fois ce retour parmi les siens. Tout l'apaisait : ce paysage qui restait fidèle à lui-même mais qui s'embellissait au gré des saisons, ce bruit de train continu qui l'assommait et l'emportait parfois dans un profond sommeil, … Assise sur la banquette, Lucy se laissa absorber par ce sentiment bienfaisant, les jambes croisées, la tête collée contre la fenêtre du wagon. Tout semblait aligner pour lui permettre d'aborder cette nouvelle journée avec flegme et béatitude.
Un individu se présenta alors à eux, s'inclinant respectueusement devant Lucy avant de défroisser nerveusement son uniforme de personnel des chemins de fer.
Contrôleur du train – Dame Lucy, j'ai l'honneur de vous informer que nous sommes bientôt arrivés en gare de Magnolia. Toute la compagnie vous assure ses meilleurs sentiments dans votre voyage.
Cette politesse qu'on exposait à son égard faisait également partie de cette routine qui l'accompagnait désormais dans sa vie. Lucy n'approuvait pas plus que cela ces mondanités, étant particulièrement affectée par ce genre de chose au cours de sa vie passée en tant qu'héritière de l'entreprise Heartfillia. Cependant, cette démonstration quotidienne de respect et bienveillance qui lui était accordés faisaient maintenant partie intégrante de sa vie, partie qu'elle acceptait bien plus facilement que son statut de riche héritière, puisque cette voie, celle d'être une rédemptrice, était choisie et non imposée. En cela, elle appréciait cet usage qui jalonnait sa vie.
Lucy – Je vous remercie. Le voyage fut très agréable.
Par gentillesse, Lucy lui adressa un sourire bienveillant, tandis que l'homme en question s'inclina devant elle respectueusement, avant de quitter le wagon qui avait été privatisé pour accueillir la rédemptrice.
Grey – Magnolia… Un mot qui fait plaisir à entendre. Franchement, c'est pas trop tôt. Ce voyage n'en finissait plus, dit-il en s'étirant longuement.
Même si la présence de ses compagnons ne faisait pas partie de cette fameuse routine, Lucy était prête à s'ouvrir vers d'autres nouveaux horizons. A côté d'elle, Grey avait passé son temps à somnoler lors de ce voyage, avec entre eux, Happy, qui s'était imposé en les suppliant de jouer avec lui.
Lucy – Juste pour info, il m'arrive parfois d'effectuer des missions au-delà des frontières du pays, déclara-t-elle. Alors dans le genre longue mission, il y a eu pire.
Natsu – Burps…
Sur la banquette en face d'elle se trouvait ses deux autres compagnons. A moitié dans les vapes, Natsu se retrouvait une nouvelle fois dans le mal, la tête posée sur les genoux d'Erza qui l'avait encore une fois assommé en début de voyage au nom de son bien-être. Cela aussi, était une habitude auquel Lucy reprenait goût de bon cœur.
Erza – On sait Natsu, le train ce n'est pas ton truc.
La remarque d'Erza fit doucement sourire Lucy. Elle observait le mage de feu qui se décomposait au fil des minutes, proportionnellement au temps qu'il passait dans le train. Il était tout de même sujet à un mal qu'elle trouvait bien handicapant, surtout pour un mage qui peut être amené à faire des missions à travers tout le pays.
Elle sentit alors un regard se poser sur elle. Lucy releva les yeux et découvrit Grey qui l'observait. Elle devina qu'il avait quelque chose à lui demander alors elle l'invita à parler, arquant des sourcils.
Grey – T'en as pas marre qu'on te fasse la courbette comme ça ?
Manifestement, ce dernier avait toujours du mal avec ce qu'impliquait son rôle de rédemptrice.
Lucy – C'est sûr que c'était gênant au début mais je m'y suis habituée. Plus les années passaient et plus ce code lié aux rédemptrices s'implantait dans les mœurs. J'ai eu beau leur dire que cela n'était pas nécessaire, les gens ont continué sans me demander mon avis. Malheureusement, je crois que cela ne va pas s'arranger maintenant que tout le monde sait que nous avons croisé Zeref, ajouta-t-elle légèrement déprimée.
Happy – La célébrité à quand même du bon parfois. Regarde ! On a eu le droit à un repas dans le train tout frais payé par la compagnie des chemins de fer, c'est génial !
Pour illustrer ses propos, l'exceed lâcha un rot majestueux, se complaisant pleinement dans les privilèges que pouvaient recevoir une rédemptrice.
Lucy – Oh mais Happy ! Tu es dégoutant, tu ne pouvais pas attendre et aller plus loin pour lâcher ça !
Happy – Non… Le bonheur, ça se partage, dit-il en frottant son ventre repu de satisfaction. Le poisson servit dans ce train était délicieux ! Si seulement Charuru avait pu le goûter… Adèle aussi l'aurait dévoré tout cru.
En entendant le nom de l'exceed blanche, la constellationniste détourna rapidement le regard de ses compagnons, reportant innocemment son attention sur le paysage. Elle avait dû garder tout son aplomb pour leur présenter les raisons de leurs absences. Elle s'était heurtée à l'agacement de Natsu qui visiblement comptait sur Wendy et Charuru pour garder un œil sur elle, mais elle temporisa son emportement, lui indiquant qu'elle n'avait pas été seule bien longtemps. En voyant la réaction de Natsu, elle avait bien évidemment gardé pour elle le fait qu'elle avait quitté l'auberge pour rejoindre le salon de thé du bout de la rue.
Après le départ des filles, Lucy s'était retrouvée à nouveau seule et l'idée de rejoindre une nouvelle fois sa chambre la rebutait, de sorte qu'une dizaine de minutes plus tard, Lucy s'était retrouvée à flâner de çà et là en ville, en attendant le retour de ses camarades. Puis fatiguée et résignée à se faire une raison, elle était rentrée, exténuée par les péripéties du jour. La nuit étant tombée, elle rentra juste une quinzaine de minutes avant le retour de ses compagnons qui ne remarquèrent donc pas son absence de l'auberge.
Bien évidemment questionné sur l'absence de Wendy et Charuru, Lucy leur avait expliqué que ces dernières ne rentreraient pas avec eux à Magnolia. Après y avoir réfléchit pendant toute la fin de journée, la mage blonde leurs avait révélé qu'elles avaient été invité par Yukino pour leur proposer une visite plus approfondie de la ville et cela notamment à la demande d'Adèle qui avait choisi de finalement rester vivre à Crocus. Pour appuyer ses dires, Lucy leurs avait tendu un mot d'Adèle les remerciant pour leur chaleureux accueil, insistant prestement auprès de Grey afin qu'il revienne la voir dans son futur orphelinat. Par chance, un messager royal lui avait remis cette lettre dans le courant de la fin de journée. Ce dernier l'avait attendu sur le pas de porte de l'auberge, attendant impatiemment son retour afin de pouvoir enfin rentrer chez lui. Cette missive avait été son sauf conduit pour Lucy, une véritable aubaine qui appuierait son récit, surtout qu'Erza avait sérieusement tiqué lorsque Lucy lui avait annoncé cela.
La mage aux armures trouva cela étrange que Wendy et Charuru n'aient pas pris la peine d'attendre leur retour, sans venir le leur dire en personne, sur quoi, Lucy avait simplement répondu qu'elles devaient être pressées. Même si Wendy l'avait encouragé à tous leurs révéler, Lucy en était restée là. Elle n'avait pas eu le courage de tout leur avouer, les émotions du jour ayant eu raison d'elle. Aussi, la blonde préféra se garder quelques instants de répits supplémentaires avant le dernier acte.
A dire vrai, elle ne savait pas du tout où Wendy et Charuru se trouvaient et il allait sans dire que cela l'inquiétait. Elle regrettait de ne pas les avoir empêchés de partir, craignant sincèrement pour leurs vies. Arpenter les routes de Fiore était devenu dangereux, que ce soit par la menace des spectres ou bien encore par l'accroissement de la délinquance rural. Aussi, Lucy ne considérait pas judicieux d'informer ses compagnons des vraies raisons de leurs départs, cette dernière se réconfortant en se disant qu'elle n'était plus à un mensonge près. Lucy espérait sincèrement avoir rapidement de leurs nouvelles.
Afin de masquer son inquiétude, Lucy profita de cet échange pour changer de sujet.
Lucy – En tout cas, j'en connais une qui va être folle de jalousie en rentrant.
Erza – De qui tu parles ?
D'un petit air taquin, Lucy montra un petit mot qu'elle agita en l'air, puis le relit en affichant un grand sourire mesquin :
Lucy – « PS : embrasser Monsieur Grey de ma part », signée Adèle !
Happy – Elle l'aimmmmeeeee ! ajouta-t-il en exagérant consciemment la prononciation.
Erza – Je crois effectivement qu'il va pleuvoir pendant quelques jours à Magnolia.
Le concerné ronchonna et fit la moue, trouvant que l'humour dont faisait preuve ses trois camarades n'était pas vraiment de meilleur goût. Il était impatient de rentrer, trouvant que ce fut la mission la plus éprouvante qu'il ait jamais faite. Toutefois, il ne pouvait s'empêcher d'avoir une petite boule au ventre en songeant à ce qui l'attendait à la guilde, ce petit stress qui le suivait depuis qu'il avait posé son pied dans le train : Juvia. Les filles n'avaient pas tort. Si la mage d'eau tombait sur ce mot, elle allait traverser le pays pour tordre le coup à Adèle, gamine ou pas… Sauf si Juvia lui tirait encore la gueule, ce qui était aussi un point qui le chiffonnait. Il désirait autant la voir que de la fuir.
Pénétrant dans la gare de Magnolia, personne ne cacha son soulagement d'être enfin rentré dans leur fief. A l'arrêt du train, chacun des mages de Fairy Tail se levèrent pour prendre leurs bagages respectifs et rejoindre le quai.
Erza – C'est dommage qu'Adèle ne soit pas venue avec nous. Magnolia aurait été un changement moins radical que Crocus. Tahori n'est pas un très grand village, il va falloir qu'elle s'adapte aux règles de la ville. En plus, le Maître se faisait une joie de l'accueillir.
Lucy – Macao ? Il aurait lorgné dessus avec sa jolie bouille...
Erza – Mais non, je parlais de Maître Makaroff.
Lucy – Ah oui bien sûr, dit-elle en s'excusant. C'est vrai qu'avec tout ce qu'il s'est passé et la rapidité des évènements, j'ai un peu tendance à oublier que vous n'êtes pas rentrés depuis si longtemps que ça…. Toutefois, ma remarque est aussi valable pour Maître Makaroff. Il aurait lui aussi bavé sur Adèle en grandissant…
Erza – En tout cas, ta remarque est un très bon signe. Ça veut dire que tu t'es habituée à notre présence et c'est une excellente chose. On va pouvoir repartir ensemble de nouveau, c'est parfait ! Allez, direction la guilde !
Sans attendre, Erza, Grey et Happy avancèrent sans se soucier des protestations de Lucy qui s'était faite avoir comme une bleue par la mage aux armures.
Lucy – Mais attendez, je n'ai pas voulu dire ça non plus ! Arrêtez de me faite dire des choses que je n'ai pas dites !
Happy – Heu...sans vouloir vous déranger, Natsu est encore en train de comater dans le train.
Se retrouvant seule dans le wagon, Lucy s'agaça et posa ses mains sur les hanches, se désolant d'être encore celle qui devait s'occuper de Natsu.
Lucy – Et c'est pour qui encore la besogne ? râla-t-elle. C'est pour Lucy évidemment... Il va falloir arrêter de me prendre pour une bonne poire !
Bien évidemment, les autres ne s'arrêtèrent pas à sa remarque, feintant ouvertement de ne pas l'avoir entendu. Lucy pesta et secoua la tête de dépit, avant de rejoindre le mage de feu.
Lucy – Allez Natsu, je te conseille de vite te bouger de là avant que je n'arrive. Lorsque mon seul désir est de prendre un bain et que je me retrouve à perdre mon temps avec ce genre de choses, je perds très vite patience !
Arrivant à la hauteur de la banquette ou siégeait le mage de feu afin de le sortir de là, elle s'étonna de tomber sur ce dernier, assis et tout sourire, visiblement content de voir la constellationniste.
Natsu – Hey hey, tu ne m'auras pas Lucy !
Revigoré par l'arrêt du train, le mage de feu se leva tout fringuant, courant à toutes jambes rejoindre ses amis à l'extérieur tout en narguant Lucy. Elle soupira, mais resta amusée par la situation. La bonne humeur de ses camarades lui faisait un bien fou. Si elle devait analyser cette mission, Lucy n'aurait pas su quoi en dire. Avoir été soutenu, sauvée par ses amis, lui avait fait tellement de bien mais aussi si mal… L'intensité de la mission avait abouti à des sentiments complétement paradoxaux.
A bien des égards, cette mission était un échec, que ce soit par sa défaite contre Zeref, la perte de Plue, sa lutte contre l'invasion de ses amis dans sa vie ou encore sa relation laborieuse avec Natsu. Toutefois, d'une certaine manière, elle se sentait étrangement revivre. Était-ce le poids de s'être soulagée de son fardeau auprès de Wendy et Charuru ? Toujours était-il que leur départ était une chance qu'elle savourait pleinement, lui permettant de jouer les prolongations pour la préservation de son secret. Elle bénéficiait encore d'un peu de temps avant de faire souffrir l'ensemble de la guilde et cela était une chance. Elle apprécia à sa juste valeur ce nouveau répit et elle avait décidé de profiter de chaque instant parmi eux, avant que tout ne bascule. Malheureusement, elle ne pouvait reporter l'inévitable et obliger de constater qu'elle se retrouverait un jour ou l'autre face à un mur, elle avait dû prendre une décision : après le tournoi magique, elle révélerait enfin à ses compagnons toute la vérité.
Attrapant son bagage, elle prit la direction de la sortie et posa un pied sur la marche du train afin de descendre sur le quai mais ce qu'elle vit la bouleversa. Habituellement, la gare de magnolia n'était pas une de ses gares bondées, il y avait toujours quelques passants, l'affluence des personnes augmentant évidemment lors des départs et arrivées en gare mais ce qu'elle pouvait voir aujourd'hui n'était pas normal. De part et d'autre de la gare, de nombreux petits groupes de personnes jonchaient le sol. Les vêtements sales et déchirés, ainsi que la fatigue et l'inquiétude qui se lisaient sur leurs visages permettait à Lucy de deviner de quoi, ou plutôt de qui ils s'agissaient. Elle rejoignit ses amis qui observait également le hall de gare qu'ils ne reconnaissaient pas, devenue en leur absence un lieu d'accueil pour réfugiés.
Grey – Qu'est-ce qu'il s'est passé ici ?
Happy – Ce sont des gens de Magnolia ? demanda-t-il avec tristesse.
Erza – Non. Regarde, ils ont la peau plus mate que nous. Il y a de grande chance qu'ils ne viennent pas de Fiore.
Grey – D'où viennent-ils alors ?
Lucy – De Bosco, répondit-elle avec une profonde empathie.
Au même moment, le contrôleur descendit également sur le quai et, sollicité par Grey, il accepta de répondre à ses interrogations.
Contrôleur – Depuis la disparition de la rédemptrice de Bosco, ils en arrivent chaque nuit un peu plus sur Magnolia. Les postes frontières du royaume sont dépassés. Le maire de Magnolia a offert son aide à la population de Bosco mais il n'avait pas mesuré l'étendu de ce flux migratoire et du nombre de réfugiés qui allaient se présenter ici. Aussi, les réfugiés sont désormais installés à la gare, la capacité d'accueil de la cathédrale Kaldia ayant atteint sa limite.
Lucy – Les flux migratoires n'évoluent plus en fonction des richesses des pays ou de leur politique, compléta-t-elle. La dernière rédemptrice de Bosco n'étant plus, les bosconiens sont venus trouver refuge dans un pays qui bénéficie encore d'une protection. Nous sommes limitrophes avec le pays de Bosco, il est naturel qu'il se rapproche du pays voisin. Voilà les conséquences sociales des actions de Zeref.
Alerte sur ce genre de phénomène, Erza se mit en garde, observant chacun des réfugiés : des hommes, des femmes, des familles... Elle n'avait bien évidemment rien contre eux, bien au contraire, mais lorsque l'être humain se retrouvait tenailler par la peur et la misère, il pouvait s'avérer compliqué d'anticiper sa réaction. Lucy détenait la seule chose capable de protéger ses personnes : le Belladone, son sceptre qui lui servait pour officier lors des cérémonies. Qui pouvait dire ce dont ces hommes et ces femmes étaient capables pour assurer la survie des siens ? Malgré le peu de latence dans sa propre réaction, la mage aux armures n'eut pas le temps de faire marche arrière qu'un homme qui se trouvait dans un recoin sur le fond gauche de la gare, accolé contre un distributeur de boisson, les regardait d'ores et déjà avec insistance, puis il s'enquérait auprès de son voisin, puis un autre. Il ne fallut pas longtemps pour que des rumeurs remontent, remontant en résonnance dans le hall de gare. Aussitôt, Erza se retourna et plaça Lucy derrière elle en l'attrapant par les épaules, souhaitant capter toute son attention.
Erza – Lucy, tu vas passer par l'arrière de la gare. Je crains pour ta sécurité si nous devons traverser cette partie de la gare. Nous on va rester un peu ici avant de retourner à la guilde. J'ai peur que ta venue crée un mouvement de foule qui dégénère.
Dans la foulée, le contrôleur qui n'avait pas quitté son poste se permit d'intervenir dans la conversation, lui-même inquiet par la situation.
Contrôleur – Si vous le souhaitez Dame Lucy, je peux vous escorter et vous faire sortir de la gare par les voies d'accès réservées aux personnels ferroviaires. Ce serait un honneur d'assurer votre escorte.
L'appréhension d'Erza inquiéta à son tour la constellationniste qui jeta un rapide coup d'œil par-dessus l'épaule de son amie. Remarquant également l'agitation qui grandissait, elle comprit ce dont Erza craignait. Sa survie après sa dernière bataille contre Zeref n'avait fait qu'accroître sa popularité, il était aisé d'imaginer que cela vire à de l'adulation ou à de la convoitise pour des personnes qui ont tout perdues.
La blonde capitula de suite. A nouveau, elle jeta un autre regard sur ce hall de gare bondée et sans étonnement, elle vit cette fois-ci plusieurs personnes se lever et prendre leur direction.
Lucy – Entendu, je vous rejoins à la guilde. Je vais en profiter pour me changer... La tenue de Virgo ne me convient pas vraiment et j'ai encore des traces de bave de Natsu un peu partout, dit-elle afin d'apaiser la tension croissante avec une pointe d'humour.
Percevant lui aussi l'agitation qui s'amorçait dans la gare, Natsu se retourna vers les deux femmes afin d'agrémenter la discussion de son point de vue et bien faire comprendre sa position sur le sujet. Que ce soit par rapport à la menace persistante du mage noir qui pesait toujours sur Lucy ou encore celle des réfugiés, l'idée de laisser la constellationniste rentrer seule ne l'enchantait pas. Prêt à contredire ce qu'il avait entendu, il ouvrit la bouche, bien décidé à contester les ordres de la mage aux armures lorsqu'il sentit la main d'Erza se poser fermement sur son épaule, lui faisant comprendre qu'elle savait pertinemment ce qu'il en pensait mais qu'elle avait les choses en mains.
Erza – Tu nous rejoins à la guilde, c'est sûr ? Je ne voudrais pas que tu restes seule trop longtemps. J'ai bien compris que l'intérieur de Magnolia ne subissait pas cette immigration mais mieux vaut ne pas prendre trop de risque. Sans compter Zeref. Je n'aime pas te savoir seule en ville mais on risque d'avoir besoin de bras ici si ça dégénère. Et puis, la guilde doit être inquiète à ton sujet. Ils seront rassurés de te voir.
Comme toujours, la sagesse dont faisait preuve la mage aux armures soulageait la constellationniste. Lucy observa ses compagnons qui avaient tous les yeux poser sur elle, inquiet de son sort. Alors, elle les remercia chaleureusement d'un beau sourire.
Lucy – Ne vous inquiétez pas. Même si Zeref était au courant de ma survie, il n'a jamais attaqué une rédemptrice à son domicile, alors ça devrait aller... D'autant qu'il a vu que je n'avais pas de réponse à ses questions. Et surtout, j'ai quand même besoin de retrouver un peu ma solitude, on ne peut pas tout changer d'un coup, hein ?
Natsu – Mais…
Erza – Tu as raison Lucy, chaque chose en son temps, mais ne traîne pas.
Lucy – Promis.
Natsu – Mais …
Erza – Viens Natsu.
Natsu – Mais…
Tandis que Lucy partait en direction opposée, suivant précautionneusement le contrôleur de train, Erza tira vivement le mage de feu en avant pour le forcer à continuer sa route malgré ses protestations. Les réfugiés s'étaient désormais regroupés devant eux, scandant haut et fort le nom de la rédemptrice, leur sauveuse et bienfaitrice. Anxieux face à la ferveur qui agitait la foule, Natsu voulut faire demi-tour et rattraper Lucy, mais c'était sans compter sur Erza qui le retint une nouvelle fois.
Erza – Natsu, j'ai besoin de toi ici et maintenant. Reste concentré s'il te plaît. On ne doit pas les laisser s'approcher de Lucy.
Grey – T'es sûr de toi Erza ? Je veux dire, je ne suis pas convaincue de la laisser seule en ville avec tous ses farfelues.
Erza – Ecoutez-moi tous les deux, dit-elle en attrapant un homme qui tentait de forcer le passage pour rejoindre Lucy. Le contrôleur a indiqué que les réfugiés ne zonaient pas dans la ville. Je connais le Maire, il est avenant mais il ne laissera pas la situation se dégrader dans sa ville. Je suis certaine que le chemin sera sûr. D'autant plus qu'on ne va pas pouvoir vivre 24h sur 24 tous ensemble. D'une part, on risque de tous mourir étrangler par Lucy, et de deux, vous risquez de tous mourir de mes mains aussi.
Un frisson d'effroi remonta l'échine du mage de glace qui fit front avec Erza en essayant de calmer une femme qui suppliait d'obtenir la bénédiction de la rédemptrice, mais ce ne fut pas suffisant pour le mage de feu.
Natsu – Il y a trop de danger, expliqua-t-il. Moi, je retourne avec elle.
Erza – Natsu, regarde-moi ! Il y a des moments où on a besoin d'être seule. Je pense que Lucy, avec tout ce qu'elle a vécu ses derniers jours, à besoin de se poser. Elle a dit qu'elle allait juste se changer. Si on voit que ça traîne trop, j'irai personnellement la rappeler à l'ordre. Pour l'instant, on doit contenir ce mouvement de foule.
Happy – C'est compliqué d'être un gardien...
Natsu – Aye…
Le mage de feu fit mine de capituler puis il fit quelques pas en arrière et discrètement, il fit un signe à Happy de suivre leur coéquipière. Même s'il entendait le sens des propos de son amie à la chevelure écarlate, il préférait tout de même prendre des précautions. Il avait envie d'y aller lui-même mais la remarque d'Erza avait fait mouche : le souvenir de sa dispute avec Lucy qu'il avait eu juste avant l'arrivée des sbires de Zeref à Tahori le tourmentait encore, d'autant qu'Erza ne le laisserait pas partir comme ça. Pour rien au monde il n'avait envie de revivre ce genre de querelle avec Lucy. En envoyant Happy, qui pourrait certainement s'esquiver bien plus discrètement que lui, il espérait que sa démarche passerait inaperçu aux yeux de la Reine des fées.
Saisissant le message, Happy profita de l'agitation pour s'éloigner subtilement. L'attention d'Erza s'étant focalisée sur les réfugiés, il réussit à s'extirper et parti à toute hâte retrouver Lucy.
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La traversée de la ville fut tout aussi conventionnel qu'à l'habitude pour Lucy : salutations, formule de politesse, mise en garde par le canotier de ne pas tomber dans l'eau… et en un rien de temps, elle se retrouva devant son logement. L'absence de migrant dans la ville détonait avec ce qu'elle avait pu voir précédemment à la gare. La situation était désolante, atteignant un point qui atterrait la jeune femme. Toutefois, Lucy savait faire la part des choses, sachant pertinemment qu'elle ne pouvait rien y faire.
Bien que cela puisse paraître égoïste, elle avait appris à ne pas interférer à chaque difficulté qu'elle rencontrait au cours de ses voyages. La politique, et en l'espèce, la politique migratoire n'était pas son domaine. Il était impératif pour elle de laisser ce type de problématique à ceux qui en avaient les compétences et le temps. Ce travail sur elle-même n'avait pas été facile, elle avait dû se résigner et accepter l'idée qu'elle ne pouvait pas se battre sur tous les fronts. A sa façon, elle luttait elle aussi contre tout cela en menant à bien ses missions de rédemptrices. Néanmoins, la présence de ses réfugiés à Magnolia aujourd'hui était la démonstration de l'insuffisance de ses actions.
En franchissant le palier de sa porte, Lucy fut heureuse de retrouver l'odeur de son bon vieil appartement. Mon dieu ce qu'elle savourait ce retour aux sources : une chose immuable qui illuminait sa vie chaotique. Prenant soin de bien refermer la porte derrière elle et de déposer son sceptre et sa besace à l'entrée, elle se jeta par la suite sur son lit, appréciant le doux moelleux de son matelas. Etalée de tout son long, elle resta quelques minutes sans bouger, se complaisant dans ce brin de confort. Heureuse d'être là, vivante, elle contempla le plafond de sa chambre avec intérêt. Elle avait l'impression d'être parti depuis des mois, se délectant d'être enfin chez soi.
Contente certes, même si Lucy se rendit rapidement compte qu'elle éprouvait une envie irrépressible de rentrer à la guilde, chose qui ne lui était pas arrivée depuis longtemps. Habituellement, retourner à la guilde était devenu une contrainte pour elle, non pas qu'elle n'appréciait pas de revoir ses amis, bien au contraire, mais à chacun de ses passages elle se retrouvait confrontée à la lourdeur de son secret qui lui imposait en permanence de faire bonne figure même auprès de ses proches. Aujourd'hui, elle se sentait différente : elle ne revenait pas d'une cérémonie, avait globalement eu le temps de récupérer de ses séquelles physiques, tout du moins celles en lien avec sa foutue maladie, ce qui lui permettrait de pleinement profiter de cette journée avec tous les membres de la guilde. Un sourire illumina son visage en pensant à ceux qu'elle allait pouvoir retrouver : Mirajane, Levy, même si elle serait certainement encore fâchée contre elle après son plan séduction qu'elle avait amorcé avec Gajeel, Macao, Roméo, Max, Laki, Lisanna... Son sourire se fana en repensant à la cadette des Strauss, sans qu'elle ne puisse empêcher cette vilaine image de cadavre en décomposition de la jeune femme lui torturer l'esprit.
De peur de replonger dans une nouvelle crise d'angoisse comme la veille à Crocus, elle sauta aussitôt sur ses jambes en prenant fissa la direction de sa salle de bain. Le meilleur moyen de faire passer cette affreuse image était d'aller à la guilde pour s'assurer que tout le monde allait bien et se changer les idées autour d'une bonne discussion entre copains. Après tout, elle avait promis à Erza de revenir vite : une constellationniste ne revenait jamais sur sa parole. Mais avant cela, une douche s'imposait.
S'enfermant dans la salle de bain, elle retira sa robe qu'elle laissa tomber négligemment sur le carrelage froid. Malgré ses a priori, Lucy avait finalement apprécié de porter cette robe issue du monde des esprits. La qualité du tissu était remarquable, lui laissant à peine sentir le vêtement sur sa peau. Toutefois, la praticité du vêtement était loin de satisfaire la jeune femme, étant désormais habituée à s'apprêter au plus simple d'un short et d'un t-shirt ou débardeur, affaires qu'elle sortirait une fois la douche serait terminée. L'envie d'un bain se ressentait également mais celle de rejoindre ses amis l'était encore plus, ce en quoi elle opta pour une douche rapide et efficace. Elle attacha ses cheveux en chignon afin de ne pas les mouiller, puis elle entra dans sa douche, faisant couler abondamment l'eau chaude sur sa peau. Saisissant son savon, elle frotta son corps parsemé encore de quelques ecchymoses. Lorsqu'elle passa son gant sur son genou, l'image de loups féroces l'a frappa, puis le regard noir d'Aquarius lui revint à l'esprit. Elle frissonna et décida d'augmenter la température de l'eau, espérant chasser les images qui semblaient vouloir encore une fois jouer avec elle. Ce fut au tour de l'image de Wendy portée par Natsu qui entra dans son champ de vision, puis, des souvenirs de son combat contre Zeref qui l'a pris au dépourvu. Son cœur s'accéléra au fur et à mesure que les souvenirs remontaient en elle, ne pouvant empêcher leur affluence.
Une peur incontrôlable l'a saisi, à l'instar de celle qu'elle avait eu à l'auberge de Crocus. Elle réalisa tout à coup qu'elle se retrouvait à nouveau seule, cette fois-ci dans son appartement et malgré tous ses efforts pour ne pas y prêter attention, elle se sentit empoignée par une nouvelle bouffée d'angoisse. A la va vite, elle termina sa douche et sortit en trombe de celle-ci, arrachant une serviette qu'elle enroula autour de son corps et sortit précipitamment de sa salle de bain en ouvrant avec force la porte de celle-ci.
Cherchant un moyen de se calmer et de ne pas céder à cette panique irrationnelle, elle essaya de faire le point autour d'elle, cherchant à distinguer le vrai du faux entre les flashs qu'elle subissait et la réalité. Au fil des minutes, elle se sentit de plus en plus oppressée, ayant subitement du mal à respirer, se retrouvant incapable de maîtriser ce flot d'émotion. L'image de cette fameuse porte qu'elle avait vu dans sa vision refit à nouveau surface avant d'avoir la désagréable impression que quelque chose allait sortir de sa salle de bain. Méfiante, elle fit face à sa salle de bains et à reculons, s'éloigna jusqu'à sentir les abords de son lit.
La sensation de se sentir emprisonnée chez elle était terrible, jusqu'au moment où tout à coup, elle sentit quelque chose lui toucher le mollet. En proie à une nouvelle réminiscence de son illusion, l'image d'un cadavre l'a terrorisa et par réflexe, elle hurla et donna un subite coup de pied dans ce qui se trouva être finalement un petit exceed bleu, qui s'écrasa sur un mur de l'appartement de la jeune femme.
Sonné, ce dernier se retrouva à mi-chemin entre le coma et la mort, regrettant péniblement de ne pas être resté caché plus longtemps sous le lit de la constellationniste. Tandis que Lucy était en train de prendre sa douche, il avait réussi à s'infiltrer dans l'appartement de la blonde et avait décidé de faire profil bas, se cachant pour ne pas risquer de se faire envoyer paitre par la jeune femme. Mais lorsqu'il avait vu l'attitude étrange de la jeune femme à sa sortie, Happy avait renoncé à sa cachette, inquiet, afin de s'enquérir de l'état de son amie.
Réalisant ce qu'elle venait de faire, Lucy se reprocha aussitôt sa stupidité et accouru auprès de Happy et le décolla du mur enfoncé, s'interrogeant pendant quelques secondes de ce qu'elle allait bien pouvoir dire à la propriétaire pour justifier ce trou singulier.
Lucy – Happy, tu vas bien ?
L'inquiétude sincère s'entendait au son de la voix de la jeune femme, redonnant force et courage au chat bleu pour affronter cette dernière.
Happy – Aye… Lucy, va falloir que tu arrêtes de me prendre pour un punchingball, dit-il en plaisantant.
Il frotta sa tête, encore un peu sonné, puis il sentit la jeune femme l'enlacer avec tendresse. Loin de s'attendre à ce genre de réaction, Happy se laissa faire, appréciant le geste pour ce qu'il était avant de tout de même se risquer à lancer une pique à son amie.
Happy – Lucy, va falloir que tu ailles consulter un psy. Faut vraiment pas être net de martyriser quelqu'un puis après de lui faire des câlins.
Elle ne put s'empêcher de rigoler à cette remarque qui était certainement la phrase la plus sensée de la journée.
Lucy – Peut-être, mais que dois-je dire de celui qui se cache pour espionner une femme nue ?
Happy – Je suis un chat. Je ne m'intéresse pas aux femmes, dit-il sans concéder à l'étrangeté de la situation.
Elle secoua la tête en souriant, ce chat étant indéniablement irrécupérable.
Happy – Je suis désolée de t'avoir fait peur… Mais tu avais vraiment l'air… terrorisée, alors j'ai voulu te rassurer, dit-il hésitant. Il faut croire que ce n'était pas la bonne façon de faire.
Face à cette bienveillance, son sourire se dissipa aussitôt, constatant qu'encore une fois, elle causait bien des soucis à ses compagnons.
Lucy – Merci Happy, répondit-elle sincèrement. Tu as bien fait.
Happy – Dit, ça t'arrive souvent ?
Lucy – Depuis Tahori, avoua-t-elle. Je crois que j'ai été impacté psychologiquement un peu plus que ce que je voulais bien admettre.
Encore une fois, ce fut grâce à ses amis qu'elle avait pu sortir de cette crise d'angoisse. Oubliant même le fait que Happy l'avait suivi jusqu'à chez elle sans demander son autorisation, Lucy laissa place au soulagement dans son cœur, heureuse de voir Happy ici avec elle. Il y a peu, elle n'aurait jamais avoué cette faiblesse mais la constellationniste n'avait désormais plus envie de se mentir.
Happy – Il faudrait que tu en parles à Wendy à son retour, ou à Polyussica. Une visite chez cette dernière vaut mille séances de psychanalyse, ça pourrait peut-être t'aider.
Une fois encore, la remarque était juste mais la mention du nom de Wendy l'a troubla, lui rappelant que l'heure des vérités approchaient à grand pas. Lucy comptait encore préserver son secret concernant sa maladie. Bénéficiant encore d'un peu de temps d'ici la fin du tournoi, il s'agirait du seul mensonge dont elle ferait l'effort de garder pour elle. La guilde n'avait pas besoin de rajouter aux émotions des derniers jours ce genre de nouvelle.
Lucy – J'ai juste besoin de temps, dit-elle pour ne pas alarmer plus que davantage l'exceed. Bon maintenant, laisse-moi me préparer pour aller à la guilde, dit-elle en changeant de sujet. Les autres vont nous attendre. Puisque tu es un chat qui ne se soucie pas des femmes, tu ne verras pas d'inconvénient à ce que je m'habille devant toi ?
Sur ces mots, elle posa l'exceed sur son lit et dans la seconde suivante elle retira sa serviette. Nue dans son appartement, elle nargua Happy avant de se diriger vers sa penderie afin de s'apprêter.
Happy – Ouai, enfin… Tu n'es pas obligé de faire subir ce spectacle disgracieux, dit-il moqueur.
Pour toute réponse, elle lui tira la langue avant de reprendre sa recherche vestimentaire. Avec Happy à ses côtés, ses pensées morbides s'étaient envolées, lui laissant le cœur et l'esprit léger. Egayée par cette perspective de revoir ses amis à la guilde, elle s'empressa de se choisir une tenue en commençant par sa lingerie : de la jolie dentelle de couleur rouge mais d'un confort inégalable.
Happy – Je vais faire des jaloux quand je vais raconter ce que j'ai vu.
Elle le regarda, ce dernier arborant fièrement un sourire plein de malice. La guilde regorgeait de pervers, il n'était pas difficile de penser que ce genre de ragot plairait à un grand nombre.
Lucy – Je te déconseille de raconter quoique ce soit à la guilde. Ma gentillesse à ses limites, dit-elle d'air innocemment menaçante.
Happy – Oh mais je ne comptais pas raconter à toute la guilde. Juste à une personne.
Intriguée, Lucy sonda l'exceed. S'agissant de lui, il n'y avait pas besoin d'être voyante pour savoir de qui il parlait.
Lucy – Je ne vois pas en quoi cela l'intéressera. Il ne voit pas plus loin que ses boissons de feu et des bastons.
Happy – Ça, c'est toi qui le dis.
Ne croyant absolument pas le petit chat bleu, elle termina d'enfiler sa lingerie, puis Lucy reporta son attention sur sa penderie. Examinant avec attention sa garde-robe, elle reporta son choix sur un pantacourt vert pâle et un t-shirt légèrement décolleté de couleur rouge. Elle adorait cette couleur et l'envie de se sentir bien et belle pour ses amis l'a démangeait.
Une fois habillée, la blonde se dirigea vers sa coiffeuse et découvrit avec consternation la tête de déterrée qu'elle affichait. Bien qu'elle en ait toujours eu ses dernières années à cause de la fatigue, de monstrueuses cernes soulignaient son regard, accentuant encore plus son teint pâle. Fort heureusement, sa blessure à la tête restait tout de même camouflée par ses cheveux, ce qui faisait ça de moins à s'occuper. Elle avait à cœur de ne pas montrer les cicatrices de son combat à ses compagnons qui l'attendaient à la guilde, d'où finalement le choix d'un pantacourt lui permettant de dissimuler l'hématome qui était encore présent sur son genou. Avec soin, elle appliqua de l'anticerne sous les yeux. C'était un des seuls rituels maquillages qu'elle avait conservé au cours de ses dernières années, le temps et l'énergie lui manquant, mais aujourd'hui elle s'appliqua et pour la première fois depuis longtemps, Lucy eut envie d'être belle. Elle tira son tiroir et farfouilla dedans. Avec une certaine nostalgie, elle ressortie ses boucles d'oreilles en forme de cœur qu'elle hésita à accrocher à ses oreilles, avant de se raviser pour laisser les boucles d'oreilles discrètes qu'elle avait déjà. Puis, elle saisit un de ses gloss, puis un autre, jusqu'à opter pour un rose légèrement brillant et naturel. Elle finalisa l'application avec son doigt, puis pinça ses lèvres, satisfaite du résultat discret qu'elle avait obtenu. Si Cana avait été là, sûr qu'elle aurait jasé et prétexter l'existence d'un garçon.
Elle défit son chignon et se recoiffa d'une couette haute. Fin prête, elle se tourna vers Happy, leva ses pouces vers le haut, donnant enfin le top départ.
Ensemble, ils traversèrent Magnolia en direction de Fairy Tail. Tous deux ressentaient une joie intense de pouvoir enfin retrouver les leurs. Lucy avait hâte de pénétrer dans l'enceinte de la guilde, au cœur de cette grande famille qu'était Fairy Tail. Ne doutant pas de leurs inquiétudes à son égard, elle se soupçonnait que le reste de la journée allait être des plus festives, prêt à célébrer le retour de toute l'équipe, baignant dans la folie de l'amitié, des bagarres et de l'alcool. Depuis sa résolution à tout leur révéler, elle avait réussi à prendre du recul, décidée à profiter pleinement de tous les instants et Lucy comptait bien passer une merveilleuse après-midi en compagnie de ses amis.
En moins de temps qu'il n'en aurait fallu, Happy et Lucy arrivèrent devant les portes de la guilde. Chacun d'eux s'étonnèrent du relatif calme qui semblait émaner de la guilde. A dire vrai, Lucy était même un tant soit peu déçu de ne pas déjà entendre le rire de ses amis résonner en écho dans le bâtiment, sauf si Grey, Erza et Natsu n'étaient en réalité pas encore rentrés, auquel cas la guilde était sans doute affairée à autre chose. Aussi, elle poussa discrètement la porte de la guilde de quelques centimètres, curieuse de savoir ce que ses compagnons étaient en train de faire. Surprise, elle repéra près du bar une personne inattendue, quelqu'un de chère à son cœur qui aurait dû être à des lieux d'ici. Cette merveilleuse surprise illumina son visage d'une joie indéfinissable en détaillant cette personne aux cheveux de couleur châtains, vêtu comme à son habitude d'un de ses nombreux maillots de bains, mais son emballement se dissipa en quelques secondes en entendant le sujet de conversation et le ton dramatique de celle-ci…
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Après l'arrivée rapide des vigiles de la compagnie ferroviaire venus prêter mains fortes à l'équipe de Fairy Tail pour maîtriser le mouvement de foule, Erza, Grey et Natsu avaient pu enfin reprendre la route afin de rejoindre leur foyer. Malgré cet incident à la gare, l'ambiance restait conviviale au sein du petit groupe qui était heureux de rentrer enfin de leur mission éprouvante. L'humeur était à la chamaillerie et ils avaient tous hâte de revoir leurs camarades et de les rassurer. Lorsqu'ils avaient quitté la guilde tous ensemble, malgré l'inquiétude qui remplissait les cœurs et le contexte assez morose malgré le retour de l'équipe Tenro. Depuis leur mission à Tahori, les journaux de Crocus avait relayé dans tout le royaume l'information concernant la rencontre entre la rédemptrice de Fairy Tail et du grand mage noir Zeref. Il était donc évident que si Crocus était au courant de cette rencontre fortuite, Fairy Tail l'était tout autant. Il ne restait plus qu'à raconter leurs aventures et épargner à Lucy le fait devoir raconter une énième fois la perte de Plue.
Évidemment, afin de parfaitement marquer leur entrée et signaler correctement leur retour, le dragon slayer de feu prit un malin plaisir à enfoncer la porte de la guilde avec bruit et fracas :
Natsu – Yosh tout le monde ! On est rentrés !
Comme ils s'y étaient attendu, un grand bruit de soulagement collectif se fit entendre dans toute la guilde. Presque tout le monde était là, à croire que personne n'avait osé partir en mission le temps de leur quête. De même que la jolie Cana qui était sans surprise et comme à son habitude accoudée au bar auprès de Mirajane et de Kinana.
Mirajane – Enfin ! s'exclama-t-elle sans cacher son soulagement. Bon retour à la maison ! Quel fait plaisir de tous vous revoir. On a eu vent de vos exploits.
Macao – Vous faites même la une des journaux, dit-il en levant un exemplaire du Weekly Sorcerer.
Kinana – Alors comme ça, vous êtes des gardiens ? ajouta-t-elle curieuse.
Natsu – Ouai ! On a déposé brevet ! répondit-il très fier de cette idée.
Elfman – Excellent, vous être des vrais hommes.
Erza – Fais gaffe à ce que tu dis Elfmann, dit-elle arborant pendant quelques secondes une aura menaçante.
Evergreen – Ne l'écoute pas, la Reine des fées est au-dessus de tout ça.
Grey – Hey, vous entendez, on est des stars, ajouta-t-il légèrement narquois.
Cana – Rectification : Lucy est une star.
La voix de la mage aux cartes était froide, un ton que Grey n'avait encore jamais entendu provenant d'elle. En regardant de plus près, il s'aperçu que cette dernière, bien qu'assise sur un tabouret, tanguait vivement, ne laissant aucun doute sur l'état d'ébriété avancé de Cana. Avec difficulté, cette dernière se redressa en s'extirpant maladroitement du bar et inspecta des yeux les nouveaux arrivants et insatisfaite, les questionna aussitôt sur l'objet de ses pensées :
Cana – Elle est où ?
Ressentant une légère angoisse au son de sa voix, Erza prit la relève et se chargea de répondre à la mage aux cartes.
Erza – Elle est juste rentrée chez elle se changer. Elle ne devrait pas tarder maintenant. Elle va bien, ajouta-t-elle afin de tranquilliser Cana.
De toute évidence, Cana semblait être là depuis longtemps. L'impatience se ressentait chez elle, cette dernière trépignant des pieds tandis que les trois compagnons se rapprochaient du bar. La mage aux armures se questionna sur l'attitude étrange de Cana qui était visiblement terriblement inquiète. Cana n'aurait pas dû se trouver ici. Erza le savait. Visiblement, la situation de Lucy avait contraint Cana de revenir ici et à renoncer à sa toute première mission qu'elle effectuait avec son père. L'amitié qui liait Lucy et Cana était extraordinaire, chose qu'Erza salua. Pour autant, elle décida de ne pas s'attarder sur Cana pour l'instant, se disant que l'arrivée de Lucy suffirait probablement à apaiser son amie. Erza reporta alors son attention sur la guilde. Le parfum enivrant du bois de chêne et des odeurs familière de ses amis l'a transportaient de bonheur, et ce fut ainsi qu'elle remarqua seulement maintenant le désordre qui régnait au sein de la guilde. Dans certains recoins, des monticules de cartons se dressaient et malgré qu'ils aient momentanément interrompu leurs tâches à leurs arrivées, tous semblaient très affairés.
Erza – Qu'est-ce donc tout ça ?
Kinana – On a mis en place une aide humanitaire en ville pour les réfugiés de Bosco., expliqua-t-elle.
Mirajane – Nous avons diffusé une annonce par la radio. Chaque habitant de Magnolia à la possibilité de venir déposer à la guilde vêtements, nourriture, affaires de premières nécessités. On récupère, on tri puis on amène dans les centres de réfugiés. C'est la moindre des choses qu'on puisse faire pour ses pauvres gens. Et puis, on s'est dit que Lucy ne verrait pas d'inconvénient à ce que l'argent reçu par la guilde pour ses missions de rédemptrices, qui n'était jusqu'alors pas utilisé, puisse servir à cela.
Macao – Et puis, on doit dire que ça nous a bien occupé l'esprit avec ce que vous nous avez fait subir. Dire qu'on était mort d'inquiétude est un euphémisme. Pitié, plus jamais ça, se lamenta-t-il. L'île Tenro, ça nous a suffi.
Wakaba – Parle pour toi le mollasson, moi je savais qu'ils reviendraient sains et saufs.
Macao – Espèce de bâtard ! Tu pleurais comme une fillette pas plus tard qu'avant-hier !
Wakaba – Toi je vais te…
La mage aux armures afficha un beau sourire, fière de ses camarades si généreux et heureuse de les voir aussi solidaire. Il était évident pour Erza que la situation n'avait pas dû être facile à vivre pour eux.
A l'approche du bar, Grey chercha du regard une personne en particulier qu'il aperçut rapidement auprès d'un stand de ravitaillement en compagnie de Gajeel et de Levy. La mage d'eau avait détaché ses cheveux, tenant une pile de vêtement dans ses bras, son regard fixant le mage de glace. Croisant le regard du brun ténébreux, Juvia détourna aussitôt les yeux en reprenant son activité, espérant secrètement ne pas avoir à lui adresser la parole. Elle n'était pas sûre d'avoir la force de lui parler, Juvia était brisée par le comportement du mage de glace, à tel point qu'il avait plu régulièrement sur Magnolia durant son absence, exaspérant au plus haut point le dragon slayer d'acier qui avait bien compris l'origine du problème. Elle ne souhaitait qu'une chose : qu'il ne s'approche pas d'elle, non pas parce qu'elle était en colère mais paradoxalement parce qu'elle était incapable de lui en vouloir. Elle s'en voulait à elle-même d'avoir été aussi naïve, l'a renvoyant directement dans les sévices qu'elle avait vécu durant toute son enfance et adolescence. Se voir rejetée, mal-aimée, être marginalisée, … Une vilaine impression de déjà-vu qui l'a torturait jours et nuit. Malheureusement pour elle, Grey en avait décidé autrement et s'était rapproché d'eux toujours avec sa nonchalance habituelle, les mains dans les poches de son pantalon.
Grey – Bonjour Juvia, dit-il simplement.
Juvia – Bonjour Grey-sama.
Et puis rien, à part un silence, un silence qui s'accompagnait du regard glacial de Gajeel. Grey ne comprenait pas cette attitude véhémente à son égard et il n'appréciait pas vraiment le comportement de ce dernier mais il était plus inquiet par l'absence de réaction de Juvia quant à son arrivé que par l'évidente mauvaise humeur de Gajeel.
Malgré la main apaisante de Levy sur son épaule pour le calmer, Gajeel avait beaucoup de mal à maîtriser ses nerfs. En voyant Juvia déprimer en permanence, il était allé la voir et l'avait forcé à cracher le morceau. Il avait pourtant averti le mage de glace qu'il allait avoir affaire à lui s'il se moquait de Juvia et pourtant, Grey avait persisté dans sa manœuvre avec Juvia et il était clair pour Gajeel qu'il ne laisserait pas passer ça.
Le silence de Juvia brisa en lui quelque chose. Grey se retrouvait directement confronté à ce que lui-même avait créé et cela ne lui plaisait pas. Habituellement, Juvia lui aurait déjà sauté au cou et pleuré toutes les larmes de son corps sur le fait qu'il l'avait laissé seule ici alors qu'ils affrontaient les grands méchants… Mais la jeune femme restait impassible malgré un visage marqué par une infinie tristesse.
Grey – Ça n'a pas l'air d'aller Juvia, ça ne va pas ?
Gajeel – Si j'étais toi, je ne resterais pas dans les parages, ne put-il s'empêcher de répondre. Ça vaut mieux pour ta petite frimousse, rajouta-t-il d'un air menaçant.
Juvia – Arrête Gajeel-san, c'est bon, dit-elle sans conviction.
Appréciant encore moins la menace du dragon slayer de fer, Grey arqua un sourcil interrogateur avant de répondre sur le même ton que celui dont se permettait son interlocuteur.
Grey – Ça tombe bien, je ne suis pas toi, répondit-il avec dérision.
Gajeell – Fais gaffe à ce que tu dis le glaçon !
Grey – Qu'est-ce que tu me veux tas de ferraille. C'est pas à toi que je cause.
Gajeel – C'est tout comme. Tu vas...
Juvia – Gajeel, j'insiste ! dit-elle avec cette fois-ci plus de force. Laisse tomber.
Gajeel – Hum...
Il grogna, mécontent de ne pas pouvoir dire, ou plutôt faire comprendre les quatre vérités au mage de glace mais il ne voulait pas non plus embarrassée Juvia devant toute la guilde. Les comptes, il les réglerait plus tard, lorsqu'il croiserait son chemin à l'extérieur de la guilde. Comme pour appuyer sa pensée, Panther Lilly se rapprocha de lui et posa une main sur son bras, lui indiquant implicitement qu'il avait fait le bon choix.
Juvia – Grey-sama, je crois que Erza-san et Natsu-san vous attendent au bar pour raconter votre mission.
Le regard insistant et sans vie de Juvia lui fit froid dans le dos. Juvia abandonnait ? C'était quelque chose auquel il ne s'attendait vraiment pas. C'était même quelque chose d'étrange. Alors qu'il s'attendait à être satisfait d'avoir enfin échappé à son emprise, il était au final complétement perdue. Un de ses repères venait de s'effondrer et il réalisa qu'il n'était pas du tout prêt à accepter cela.
Sans insister, il fit demi-tour, espérant pouvoir ultérieurement mettre à plat cette situation inconfortable. Avant son départ pour Tahori, Grey n'avait pas pu revoir Juvia et s'expliquer sur son comportement de la soirée, il ne pensait pas que cela allait autant affecter la mage d'eau. Rejoignant ses camarades de missions, le mage de glace resta confus. Il semblait avoir gagné sa guerre, mais il n'était pas satisfait du résultat, ou peut-être y avait-il autre chose. Il fallait qu'il en ait le cœur net.
Après de multiples accolades avec leurs camarades, soulagés de les voir en bonne santé, Natsu et Erza rejoignirent le bar, bien décidé eux aussi à profiter de cette journée de repos. Sans rien demander, Mirajane prépara pour Erza une part de fraisier qu'elle s'empressa de déposer de suite sur le comptoir à sa disposition, puis, apporta une boisson de feu qu'elle avait rapidement préparée en voyant Natsu arriver. Le sourire jusqu'au dent en voyant sa boisson préférée, il s'apprêtait à attraper son verre lorsque la personne sur sa gauche le tira brusquement par l'écharpe, ce dernier manquant de peu de renverser son verre.
Cana – Comment elle-va ?!
Subitement maintenu par Cana qui le tenait fermement par le bout de tissu, le mage de feu se retrouva contraint de reporter sa délectation. Empestant l'alcool, Natsu eut du mal à ne pas repousser la mage aux cartes, l'odeur le répugnant affreusement. Les yeux de Cana luisaient, reflétant la quantité d'alcool qui imprégnait son corps. A cela s'ajoutait dans ses yeux quelque chose qui étonna le mage de feu, surpris d'y distinguer une certaine panique qu'il ne saisissait pas, contrairement à Erza.
Natsu – Qui ? demanda-t-il naïvement.
De suite il comprit que sa réponse n'était pas celle à laquelle Cana s'attendait quand elle le secoua de façon virulente, le rendant presque malade.
Cana – J'te parle de Lucy, triple idiot ! lui cria-t-elle dessus tout en se levant. J'vais pas te demander comment va la Reine d'Angleterre !
Désorienté par sa remarque, Natsu essaya de se défaire de son emprise mais Cana s'agrippait solidement à lui avec une telle poigne qu'il eut peur que son écharpe fétiche ne se déchire.
Natsu – Bah, bien à ce que je sache.
Cana – Alors elle est où bordel ?! s'emporta-t-elle en le secouant encore.
Erza – Elle est juste partie se changer, intervint la rousse. Je te l'ai dit. Elle va bien, je t'assure.
Cana – Et vous l'avez laissé toute seule ?! Après une attaque de Zeref, vous êtes en train de me dire que l'avez laissé toute seule se balader en ville ?!
Natsu – Elle n'est pas seule. Happy est avec elle.
Erza resta silencieuse, ne préférant pas rebondir sur le non-respect de ses ordres. Sur le chemin du retour vers la guilde, elle avait bien remarqué l'absence de l'exceed mais étant trop tard pour intervenir, elle avait décidé de passer l'éponge en songeant à la crise de colère que Lucy allait lui passer lorsqu'elle découvrirait que happy l'avait suivi.
Cana – Ah bah oui, évidemment ! dit-elle non sans ironie. C'est bien connu qu'un chat peut tout à fait se défendre contre un mage noir !
Natsu – J'te permets pas de critiquer Happy ! Il a défendu Lucy contre Zeref au péril de sa vie !
Cana – Comment ? Et t'étais où toi alors ?! cracha-t-elle avec méchanceté. T'as laissé Lucy seule avec pour seul défense un chat volant, c'est ça ce que tu es en train de me dire ?!
Souhaitant temporiser la nervosité exacerbée de la mage aux cartes, Erza décida d'intercéder dans ce dialogue de sourd, craignant que les phrases parfois un peu trop simpliste du mage de feu ne mette encore un peu plus le feu au poudre.
Erza – Ce qu'il veut dire c'est que par un concours de circonstances, notamment du fait que ton amie était assez récalcitrante à notre présence, la situation à tourner à notre désavantage même si nous avons finalement réussi à nous en sortir.
Malgré les efforts d'Erza, Cana ignora sa réponse et reprit encore plus vivement son interrogatoire. Elle avait soif de plus de détails. Après avoir écourté sa mission avec son père, elle était revenue à la guilde au plus vite en apprenant que Zeref était revenu sur le continent de Fiore. Et lorsqu'elle avait appris que Lucy se trouvait dans la même région que lui, elle avait paniqué, désirant tout d'abord la rejoindre et lui apporter son soutien physique et moral. Bien évidemment, la guilde l'avait retenue car tous savaient que la meilleure chose à faire était d'avoir confiance en leurs camarades. Le temps de les rejoindre, il était certain que le combat aurait déjà été terminé depuis longtemps. Impuissante, elle s'était ensuite plongée dans les affres de l'alcool et ce bien plus qu'à l'accoutumée. C'était quelque chose de commun chez elle et au début, personne n'y avait prêté attention. Toutefois, ils remarquèrent trop tard que son penchant pour la boisson avait pris des proportions bien trop déraisonnable. Une fois Cana enlisée dans l'ébriété, il était toujours impossible de la raisonner.
Cana – C'est pas ça que je veux dire ! Ecoute à la fin ! rajouta-t-elle sans remarquer sa propre incohérence dans ses propos. Elle va com-ment ? dit-elle en insistant bien sur ses syllabes tout en secouant Natsu.
Natsu – Je viens de te le dire ! Bien ! répondit-il agacé d'être pris pour une poupée.
Cana – Nooooonnn ! C'est pas ça ! s'énerva-t-elle. Elle est comment ? Elle est blessée ? Elle a utilisé sa magie ? Comment elle va quoi !
Natsus – Merde, tu me soules ! Je comprends rien à ce que tu demandes Cana.
Décidant que c'était trop, Erza s'interposa calmement, l'état d'ébriété évident de son amie l'invitant à tenter de la calmer au plus vite avant qu'elle celle-ci ne dérape. Elle plaça son bras entre Cana et Natsu, et de l'autre, défit délicatement l'emprise de Cana sur l'écharpe du mage de feu qui recula aussitôt, retrouvant avec plaisir sa liberté.
Erza – Laisse nous raconter comment s'est passée la mission. Peux être que cela répondra à tes questions.
Pour toute réponse, Cana tangua sur le côté, reniflant bruyamment. Avec douceur, Erza l'attrapa par les épaules, l'asseyant lentement sur un tabouret du bar.
Erza – Bien.
Tout en s'assurant que Cana reste bien en place, Erza prit quelques secondes pour réfléchir avant de narrer leur aventure. Vu l'état de Cana, il n'était pas utile de s'attarder trop longtemps sur certaines parties de leurs péripéties.
Erza – On a effectivement eu un contretemps en rencontrant Zeref. Lucy a tout d'abord pu effectuer sa cérémonie à Tahori et …
Cana – Elle a durée combien de temps ?
Erza – Heu, un petit moment, répondit-elle vaguement sans comprendre la raison de cette question.
Aussitôt, Erza vit le visage de Cana se renfermer, comme si sa réponse venait de l'anéantir.
Mirajane – On a appris que le village avait été complétement décimé, expliqua-t-elle avec une profonde tristesse.
Macao – Malheureusement, c'est toujours terrible de voir ce genre de chose.
Grey – Ouai… On a… On a essayé de faire en sorte qu'ils aient une fin digne.
Ce souvenir qu'ils avaient tous refoulé chamboula les trois mages qui avaient participé à cette mission, resongeant aux multiples corps qu'ils avaient brulés lors de cette terrible nuit. Mal à l'aise en repensant à cela, Erza décida de poursuivre son récit.
Erza – Puis le lendemain, en repartant, nous sommes malheureusement tombés sur des agents de Zeref. On a été obligé de se séparer. Les exceeds sont partis en emmenant une rescapée de Tahori ainsi que Lucy, pendant que nous on combattait sur un autre front. Cependant, Lucy s'est tout de même retrouver confronter à Zeref malgré notre vigilance. Puis, elle s'est retrouvée piégée dans une sorte de monde parallèle, une illusion que lui a infligé un mage aux ordres de Zeref où malheureusement, il y a eu un incident. La clef de Plue s'est brisée. On ne sait pas vraiment comment ni pourquoi, toutefois, le constat est là.
Tous savaient à quel point Lucy tenait à ses esprits. Ils étaient presque des membres à part entière de la guilde, bien qu'ils ne les voyaient plus aussi régulièrement qu'avant. Que ce soit le Rainjustsu ou les autres membres de la guilde, ils compatissaient à la douleur qu'avait dû ressentir leur camarade, se désolant d'apprendre cette terrible nouvelle.
Erza – Malgré cela, dit-elle pour redonner un peu de baume au cœur à ses amis, tout va bien. A priori, Plue est toujours vivant dans le monde des esprits, attendant la création de sa nouvelle clef et nous sommes rentrés. C'est tout ce qui compte.
Chacun retrouva petit à petit le sourire grâce aux paroles de la Reine des fées, prêt à prendre sur eux pour avancer ensemble dans cette épreuve. Leurs amis étaient revenus sains et saufs et c'était inespéré. Pour autant, Cana n'arrivait pas à se défaire de cette angoisse qui l'habitait. Imaginer Lucy en train de se battre contre Zeref lui fichait la chair de poule. Oui, elle s'en était sortie, mais à quel prix ? Lucy lui avait toujours dit que si un combat s'engageait entre elle et lui, elle ne reviendrait pas vivante de ce combat, que ce soit par sa consommation excessive de magie ou par la mort que lui donnerait le mage noir. Elle devrait être heureuse de la savoir en vie et pourtant, elle ne pouvait empêcher cette peur irascible remonter en elle. Pour s'en sortir, Cana savait que Lucy avait dû faire un usage excessif de sa magie. Sans compter qu'elle avait dû effectuer la cérémonie spectrale d'un village entier, avant de lutter contre le plus grand mage noir de tous les temps, comment son amie pouvait-elle s'en sortir indemne ? Cana craignait pour sa santé et elle voulait la voir… Non, elle avait besoin de la voir, de se rassurer en la prenant hâtivement dans ses bras.
Macao – Alors... il parait que vous êtes des gardiens maintenant ? Content de votre nouveau job ?
Grey – C'est une idée de la guimauve.
Natsu – Yosh ! Et Lucy n'a rien dit contre ça !
Trouvant cela ironique, Cana leva ses bras en l'air littéralement dépitée par ce qu'elle entendait et dans une grande maladresse, elle frappa dans ses mains, applaudissant lourdement l'assemblée.
Cana – En tout cas, je vous adresse un grand bravo et un grand houuuuraaaa pour avoir réussi à amadouer la terrible rédemptrice ! Yaaah ! Oups.
En voulant applaudir encore elle trébucha de sa chaise, manquant à deux doigts de tomber par terre. Macao secoua la tête, désolé par ce spectacle affligeant.
Macao – Elle a picolé toute la journée…expliqua-t-il en se grattant machinalement la barbe.
Wakaba – Tu plaisantes ? Elle picole depuis qu'elle est rentrée.
Mirajane – Depuis son retour, elle n'a pas bougé de sa chaise.
Cana – Le temps passe plus vite avec de l'alcool dans le sang, se justifia-t-elle en attrapant sa chope de bière qu'elle secoua, déçu de la voir aussi vide.
Erza – En pleine forme à ce que je vois Cana.
Cana – Et oui, comme toujours ! répondit-elle en se penchant au-dessus du comptoir pour repérer son baril de bière, sans succès.
Grey – Tu ne devais pas faire une mission avec Gildartz ?
Cana – Gildartz ?... Ah oui, le père… Oui bah il attendra, hein ! J'ai attendu 25 ans, il peut attendre quelques mois.
Peinée par ce sujet sensible, elle renifla une nouvelle fois bruyamment et attrapa le verre de Wakaba et sans lui demander la permission, la mage aux cartes le bu d'une traite sous le regard blasé de son propriétaire.
Cana – Allez, tournée générale en attendant l'arrivée de notre star !
Des cris de joies s'élevèrent au sein de la guilde, accueillant comme il se devait la petite équipe. Cana regarda sa guilde qui semblait enfin heureuse. Certes il y avait encore des zones d'ombres quant à leur avenir, mais tous ensemble, peut-être arriverait-il à s'en sortir. Lorsqu'elle avait eu vent de la présence de Zeref, elle avait rappliqué aussitôt à la guilde, abandonnant son père dans sa mission sous son regard compréhensif et paternel : « Fait ce que tu as à faire, avait dit Gildartz. Nous avons tout l'avenir devant nous ». Cette phrase qui avait allégé sa culpabilité lui avait permis de rebrousser chemin jusqu'à la guilde. La phrase de Gildartz l'avait définitivement convaincu dans son choix car la vérité était que son amie, elle, n'avait pas toute la vie devant elle.
Cependant, l'attente fut effroyablement longue pour Cana et elle s'enivra encore et encore, accoudée à ce même comptoir jour et nuit, désespérant de la voir enfin franchir la porte de la guilde. Oui, elle était impatiente, impatiente de la voir en vie, se rassurer qu'elle n'eût pas commis de trop grandes bêtises, que les conséquences n'auront pas été aussi dévastatrice que ce qu'elle pouvait imaginer. Elle s'en voulait terriblement de l'avoir laissé partir seule et elle de son côté. Même si à son départ Cana n'avait pas eu connaissance de la présence de l'ancienne équipe la plus forte de Fairy Tail aux côtés de Lucy, elle s'en voulait de l'avoir laissé partir avec eux. Oui, ils l'avaient protégé mais elle connaissait sa petite Lucy. Elle avait peur qu'à cause de ce secret qu'elle portait, Lucy ne tempérerait pas assez ses actions, se donnant à fond afin d'épater la galerie et bien plus que la découverte de son secret, elle craignait pour sa vie. Si elle était venue avec elle, elle aurait pu la protéger, combattre à sa place. Ce n'était pas la première fois qu'elle angoissait lors d'un départ en mission de Lucy, mais avec les derniers évènements, la donne avait changé.
Dans l'ambiance festive, Cana enchainait verre après verre, se languissant de voir Lucy. Les choppes s'entrechoquaient de bonheur, les voix s'élevèrent en comptant chacun leurs propres aventures. Toutefois, cette attente que subissait Cana laissa place petit à petit à une forme de souffrance et une pointe d'irritation. Elle se retrouvait forcée d'entendre et d'écouter en continue le mage de feu déblatérer leurs exploits avec contentement sans se rendre compte du danger qu'il les avait menacés, ou plutôt qu'il l'avait menacé elle. Autant elle fut incontestablement soulagée que Zeref ne soit pas parvenu à ses fins, autant elle appréhendait grandement d'entendre le récit de ce combat par Lucy et de sa mission. Dans quel état allait-elle retrouver son amie ?
Mirajane – Tu as cautérisé ta plaie ? Comment as-tu fait ?
Natsu – Ouai, j'étais littéralement en feu !
Grey – Ouai, et le manoir aussi.
Ne s'étonnant pas du résultat, tout le monde rigola de bon cœur à cette remarque.
Macao – C'est bien toi ça ! Tu en as toujours trop fait, Natsu.
Mirajane – Moi je trouve cela romantique. Se surpasser pour aller sauver sa dulcinée ! s'extasia-t-elle amoureusement.
Natsu – Sa quoi ? demanda-t-il incrédule.
Max – Laisse tomber Natsu...
Lisanna – Tout de même, combattre des mages qui se téléportent, ça n'a pas dû être simple.
Natsu – Alors que moi, j'ai fait tout ça les doigts dans le nez !
Grey – Mais qu'est-ce qu'il faut pas entendre…. On a pas besoin de se faire trouer le bide quand s'est censé être facile.
Natsu – Je t'ai pas causé le congélo !
Erza – Il faut dire que la remarque n'est pas totalement fausse, dit-elle en plantant délicatement sa cuillère dans son fraisier.
Le mage de feu grogna, mécontent que l'on préfère se ranger du côté de son rival plutôt que lui.
Wakaba – Et Happy ?
Natsu – Il s'est retrouvé seul avec Lucy pour la défendre face à Zeref. De ce qu'il m'a dit, Lucy a bien combattu, mais il a décidé d'intervenir et il lui a foncé dessus le faisant tomber au sol. Il lui a mis une droite, puis une gauche, un Happy kick, suivi d'un puissant coup de tête, puis il l'a ensuite frappé avec son poisson qu'il aurait sorti de son sac à dos et…
Max – C'est marrant mais je ne vois pas Zeref se prendre un poisson dans la figure.
Un rire franc emporta l'assemblée devant cette image ridicule, tous ayant hâte d'entendre cette histoire directement de la voix de Happy.
Erza – On ne peut pas lui enlever son courage.
Mirajane – Happy va être heureux de savoir que tu l'as défendu.
Natsu – Bien sûr que je le défends ! Maintenant qu'on a combattu cet enfoiré une première fois, c'est nous qui avons l'avantage, reprit-il avec énergie. On va pouvoir bientôt reprendre la vie normale et continuer nos missions avec Lucy. On va botter le cul à Zeref rapidement, on enchaîne sur l'élimination des spectres et la vie sera à nous ! Une fois fait, on repart tous en mission ! Ça va être génial !
Le mage de feu croisa les bras, satisfait et convaincu par son propre argumentaire et souriant à pleines dents. Il avait hâte de démarrer cette dernière étape, de retrouver leurs libertés, délier Lucy de ses chaînes de rédemptrice pour enfin redevenir d'authentiques mages de Fairy Tail.
Ne supportant pas cet excès de zèle, Cana posa violemment son verre sur le comptoir, pas du tout séduite par ce discours illusoire.
Cana – Tu crois que c'est aussi simple que ça Natsu ?!
Natsu – Oui c'est aussi simple que ça. On a réussi à s'en sortir une fois et la prochaine, ce sera la bonne. Et après, Lucy sera libre. Elle n'aura plus à faire cette stupide cérémonie.
Cana – Mais c'était de la chance ! s'égosilla-t-elle en lui jetant un regard noir. Tu ne comprends pas ! Vous avez réussi à sauver Lucy mais aucunement à le vaincre. Et après ? Tant qu'il sera là, les spectres seront là, et Lucy fera sa cérémonie jusqu'à... enfin… elle…
La mage aux cartes serra les poings, ne voulant pas penser à ce que pouvait réserver cet avenir mais sa voix tremblotante trahissait sa soudaine sensibilité. Elle s'arrêta là, de peur de devenir maladroite dans ses propos.
Mirajane – Qu'est-ce que tu as Cana ? demanda-t-elle, sincèrement inquiète.
En effet, l'instabilité émotionnelle de son amie troubla Mirajane, remarquant les yeux non plus brillants d'alcool mais larmoyants de Cana. La barmaid l'avait déjà vu dans tous ses états et elle connaissait parfaitement la mage aux cartes ses défauts comme ses atouts. Celle-ci avait toujours été, dans le jardon des alcooliques, quelqu'un de bon vivant, même lors de très très grosse consommation d'alcool, au pire un peu violente à engager un combat ou deux avec ses camarades mais rien d'affolant quand on connaissait Fairy Tail. En aucun cas elle ne l'avait vu avoir cet « alcool triste » que pouvait développer certaine personne. Cela rendait Mirajane assez anxieuse, se retrouvant confrontée à une personnalité de Cana qu'elle n'avait encore jamais rencontrée, pressentant que tout cela pouvait mal finir.
Cana, elle, était bouleversée par les paroles du dragon slayer. Exténuer, elle ne se sentait pas capable d'encaisser ce genre d'âneries. Elle en avait marre de l'entendre vociférer que tout allait bien, qu'ils allaient arranger les choses et reprendre une vie normale. Elle savait que cela n'était pas possible, que si la vie reprenait son court, ce serait sans Lucy et ça elle ne pouvait pas l'accepter, et l'alcool ne l'aidait vraiment pas à se faire à cette idée. Cela faisait plusieurs heures qu'elle ruminait sur l'état de santé de son amie et l'idée qu'elle puisse allez faire n'importe quoi avec Natsu la mettait hors d'elle.
Cana – Rien, c'est juste qu'il m'énerve à dire des conneries. Tout ça c'est inutile.
De son côté, le mage de feu n'arrivait pas à comprendre la réaction de Cana. A force de subir ses remarques et ses réprimandes, la colère avait commencé à grandir en lui et il n'était pas du genre à savoir se contrôler. Tout cela était complétement injustifié. Rien, il n'avait strictement rien fait de mal à part avoir réussie à être rentrer de cette foutue mission. Alors oui il y avait eu des pertes, de la souffrance mais ils s'en étaient sortis, tous ensemble. C'était un moment de joie, de retrouvaille heureuse, et Cana venait constamment entacher ce tableau avec son air morose. Vraiment, l'alcool faisait avoir des réactions étranges et il préféra alors ignorer Cana, sans prendre en considération son état qui influençait certainement son attitude désobligeante. Lucy était en vie, d'autant qu'il s'était « presque » rabiboché avec elle. Alors qu'ils se raréfiaient, il ne comptait maintenant plus les échanges sympathiques qu'ils y avaient eu tout au long du retour de la mission : des sourires, des regards complices… Non, Natsu ne les avait pas inventés et juste pour ça, il était heureux et ils comptaient bien le faire comprendre à Cana.
Natsu – Depuis notre retour, tu as été désagréable avec nous, comme Lucy. Mais tu vois, avec le temps, même Lucy s'est calmée. Malgré cette mission pourrie, où pleins de gens ont perdu la vie et bah moi je suis quand même content car Lucy a changé. Elle a arrêté de se braquer en permanence et ça, c'est génial. Alors je ne te laisserai pas dire que tout a n'a servi à rien.
Cana – Ce ne sont pas vos actions qui sont inutiles, seulement ton comportement et tes illusions.
Natsu – Je ne vois pas pourquoi l'espoir est inutile. Sinon, on n'avancerait jamais… et c'est pour ça que quand tout sera fini, on repartira en mission comme avant.
Tout à coup, Cana se leva et s'approcha de Natsu en l'attrapant à nouveau violemment mais cette fois-ci par son gilet, s'adressant à lui d'un air menaçant. Le ton feutré dans la guilde laissait percevoir la tension qui s'était tout à coup installée.
Cana – Arrête ça tout de suite Natsu.
Natsu – Non je n'arrêterais pas ! s'écria-t-il en lui retirant sèchement ses mains de son vêtement. Je ne vois pas ce qu'il y a de mal à espérer que tout redevienne normal, qu'il n'y ait plus de spectre et qu'on se contente d'aller tabasser les affreux brigands du village d'à côté, en prenant le moins de train possible... et on ira, avec Lucy et Happy et qui bon voudra venir avec nous !
Cana – Je t'en supplie Natsu arrête ça, … Je vais finir par t'en mettre une, répondit-elle avec aigreur, les yeux se chargeant de haine.
Natsu – Et avec ses nouveaux pouvoirs, on fera mission sur mission, poursuivit-il sans l'écouter. Et même des rangs S, ce sera super !
Cana – Non ce ne sera pas super Natsu, tu n'iras pas avec Lucy ! insista-t-telle.
Natsu – On a même parler d'une quête de cent ans tiens !
Cana – La ferme ! hurla-t-elle. Tu ne te rends même pas compte de ce que tu dis !
Natsu – Et toi tu ne te rends même pas compte que tu nous fais chier ! Tu devrais être heureuse de savoir qu'on est revenue en vie, comme tout le monde !
Cana – T'es vraiment qu'un...
Erza – Ça suffit tous les deux ! S'interposa la mage aux armures. Pas besoin de vous battre pour ça.
Ignorant Erza, Natsu retourna la situation en poussant la rousse de côté et attrapa Cana par les épaules, définitivement excédé par son attitude négative. Cana lui gâchait la fête et il n'y avait aucune raison valable pour faire cela. Il ne supportait pas cette injustice qu'il lui faisait subir, sans pour autant faire attention aux états d'âmes de la brune.
Natsu – Lucy a le droit à sa liberté, comme tout le monde. Elle a le droit de rêver et de pouvoir croire en l'avenir. Même si la situation n'est pas des plus simples, elle est comme tout le monde.
Cana – Tu crois que je ne le sais pas ? Tu ne la connais pas aussi bien que ce que tu ne le penses !
Natsu – Changer d'air lui ferait du bien. Oui on a besoin de rédemptrice, mais on a aussi besoin de Lucy. Elle a dit qu'elle n'était pas contre repartir en mission, alors pourquoi pas.
Canba – Ça m'étonnerait qu'elle t'ait dit ça.
Natsu – Et moi je te dis que si !
Cana – Arrêt d'insister NATSU ! hurla-t-elle.
Ne supportant plus cette pression, Cana s'était laissé emporter par sa peur sans pouvoir contrôler sa réaction. Elle prit sa tête entre ses mains, ayant l'impression qu'elle pouvait exploser à tout moment devant la soudaine migraine qui lui retournait le cerveau. Elle était fatiguée et n'arrivait plus à retenir les larmes qui l'opprimaient depuis quelques minutes déjà. Inquiète, Mirajane, se reprocha de son amie manifestement touchée par une grande détresse.
Mirajane – Cana, pourquoi tu te mets dans des états comme ça ? Tu es sûr que ça va ?
Cana – Non ça ne va pas ! s'écria-t-elle. J'en peux plus de l'entendre répéter ses chansonnettes pleines d'espoirs.
Sa tête bourdonnait affreusement et une douleur lancinante s'implanta dans sa tête. Rien que d'imaginer revoir son amie partir à l'aventure la mettait hors d'elle. Cana avait vécu ces deux jours d'absences comme un véritable calvaire, comment pourrait-elle supporter de voir Lucy détruire sa vie à petit feu sans qu'elle ne puisse intervenir ? Elle sentit ses forces l'abandonner et la mage aux cartes tomba à genou en sanglot. Les larmes dévalaient sur ses joues rosies par l'alcool tandis qu'elle essayait d'affronter cette prochaine réalité. A peine audible, elle ne sut retenir ses quelques mots qu'elle murmura sans vraiment s'en rendre compte.
Cana – Elle ne pourra pas…
Se rendant compte immédiatement de son erreur, elle ferma les yeux, se maudissant d'avoir laissé ces petits mots s'échapper de sa bouche. Elle resta figée, espérant sincèrement que personne ne relève cette phrase. Malheureusement pour elle, être un dragon slayer se révélait bien utile dans certaine situation et notamment celle-ci, ce dernier n'étant qu'à quelques mètres de l'ivrogne de Fairy Tail.
Cette voix atone avec laquelle Cana avait prononcé cette phrase crispa aussitôt le mage de feu. L'attitude de Cana le laissait dubitatif. A son tour, Natsu réalisa que jamais il n'avait vu Cana Alberonna aussi ivre de toute sa vie, et surtout, aussi triste. Pourtant, c'était la plus grande buveuse de Magnolia et même certainement de Fiore, l'alcool ne l'avait jamais mise dans un état pareil. Mirajane avait raison, pourquoi pleurait-elle autant ? Par réflexe, ses sens de dragon s'éveillèrent comme à chaque fois qu'il pressentait un danger et un mauvais pressentiment s'éveilla en lui. Il devait savoir pourquoi, pourquoi Cana réagissait comme cela.
Natsu – Cana, de quoi tu parles ? Elle ne pourra pas quoi ?
Les pleures de Cana se stoppèrent subitement, déconcertée d'entendre le mage de feu s'adresser à elle. Le regard écarquillé et terrifié de cette dernière confirma un peu plus l'intuition du dragon slayer, le poussant à en savoir plus. Quelque chose clochait chez Cana, il en était désormais persuadé.
Se désolant de voir la mage aux cartes ainsi, Macao se rapprocha de Natsu en apposant amicalement une main sur son épaule tandis que Wakaba se rapprocha de Cana afin de la sortir de ce pétrin.
Macao – Natsu, laisse là tranquille, dit-il avec beaucoup d'empathie. Tu vois bien qu'elle est complétement soûle.
Wakaba – Viens Cana, tu vas te reposer à l'infirmerie. Ça va te faire du bien.
Un frisson désagréable remonta l'échine de Natsu, pas du tout convaincu par l'argumentaire de l'alcool. Son mauvais pressentiment se renforçait de seconde en seconde face à la léthargie de Cana qui prenait maintenant soin de dissimuler son visage. Ne pouvant pas en rester là, il donna un coup d'épaule à Macao afin de l'éloigner, non sans une exclamation de reproche, puis stoppa Wakaba dans son approche d'un geste vif. Inquiet, le mage de feu s'accroupit auprès de Cana et l'attrapa par les épaules, la secouant sans pouvoir maîtriser la pointe de panique qui guidait ses gestes. Face à elle, il put lire toute la terreur qui habitait les yeux inhibés d'alcool de la jeune femme :
Natsu – Ohé, Cana ! Qu'est-ce qu'elle ne pourra pas faire Lucy ?! l'invectiva le dragon slayer. Réponds-moi !
Malgré la voix portante du mage de feu et son ton autoritaire, la mage aux cartes serra les dents, restant silencieuse et tremblante, incapable d'affronter le regard perçant de Natsu.
Lucy – Je ne pourrais pas être là Natsu.
Cette voix résonna au sein de la guilde, plombant le cœur de Cana. Tout le monde se retourna et vit Lucy dans l'entrebâillement de la porte de la guilde. Elle était arrivée juste un peu plus tôt, au moment au Cana et Natsu avaient amorcé leur dispute à son sujet. Paralysée par ce qu'elle entendait, Lucy n'avait pas su comment réagir malgré Happy qui essayait lui aussi de comprendre ce qu'il se passait. C'était une querelle sans aucun sens, l'un comme l'autre voulant l'a protéger chacun à leur manière et il n'y avait rien de plus terrible que de voir des amis se déchirer à cause de vous.
Voyant celle qui avait nourri ses larmes à l'autre bout de la guilde, Cana s'effondra sous le poids de la culpabilité.
Cana – Lucy…
Face à la détresse de son amie, Lucy accouru vers elle tout en passant devant Natsu, qui s'était relevé et écarté de Cana au moment même où il avait entendu la voix de Lucy. Il resta planté à côté d'elles, immobile, regardant passivement les deux jeunes femmes aller l'une vers l'autre. A sa rencontre, Cana se leva aussitôt et se jeta dans les bras de Lucy, l'enlaçant aussi fort qu'elle le pouvait. Elle avait besoin de la sentir tout contre elle, de savoir qu'elle était bien là avec eux, mais de suite, Cana s'écarta et attrapa Lucy la plaçant face à elle, prête à l'examiner sous toute les coutures :
Cana – Mon dieu, tu vas bien ? Comment tu te sens ? Qu'est-ce qu'il t'a fait cette ordure de mage noir ?!
L'affolement et le soulagement se lisaient dans ses gestes, la constellationniste ne pouvant s'empêcher de ressentir de la peine pour son amie.
Lucy – Tout va bien, ne t'inquiète pas.
Cana – Ne pas m'inquiétez ? Tu rigoles ou quoi ? Ne me refais plus jamais une peur pareille. J'ai bien cru que…
Elle ne put terminer sa phrase et pour sceller cette discussion, elles s'enlacèrent avec tendresse, l'une comme l'autre appréciant au combien ce contact. Cana n'aurait pour rien au monde sacrifier cette amitié profonde qui les liait, ce lien unique qui était peut-être sur le point de se briser.
Cana – Je suis désolée, souffla-t-elle la tête dans la nuque de la blonde. Je ne voulais pas... Je... J'ai...
Afin d'apaiser les tourments de son amie, Lucy lui caressa doucement sa chevelure, puis l'invita à la regarder dans les yeux en lui relevant son visage, prenant délicatement son menton entre ses doigts. D'un geste doux, elle posa son autre main sur sa joue, caressant de son pouce avec une infinie douceur, espérant ainsi lui apporter un tant soit peu de réconfort à son amie qui pleurait désormais à chaude larmes.
Lucy – C'est moi qui m'excuse Cana, je t'ai laissé porter ce fardeau depuis trop longtemps. Tu as dû avoir tellement peur pour moi.
Le silence régnait dans la guilde, tous observant avec compassion mais aussi inquiétude ce qui se déroulait devant eux. Incapable de détacher ses yeux de Lucy, le mage de feu resta pétrifié par les paroles insensées qu'il entendait. Comme si son corps avait refoulé une vérité profonde, il se retrouva à ressasser des souvenirs, des mots qui lui transperçaient le cœur comme une lame tranchante : il revit le visage fatigué de Lucy lors de leur retour de Tenro, son teint blafard qu'elle arborait à Tahori quand ils étaient près du monolithe, l'éternelle tristesse qui habitait son regard, ce corps tremblant qu'il avait recouvert d'une couverture…
Des conversations auxquelles il aurait dû faire attention :
« – Et quand on rentrera, on repartira en mission, juste toi Happy et moi !
– Ce serait chouette…"
« J'ai dû choper une bonne vieille grippe, c'est tout »
« Et je vais t'apprendre quelque chose : on ne peut pas sauver tout le monde. C'est impossible ! Moi y-compris !»
« Tiens, mange. T'as une sale mine. »
« – Ils sont sacrément long tes cheveux maintenant.
– C'est vrai. Je ne les ai pas coupés depuis… Ça doit faire trois ans. »
« Tu ne la connais pas aussi bien que ce que tu ne le penses ! »
« Mourir aujourd'hui ou dans un an, qu'est-ce que ça change »
Du plus profond de lui-même, une boule remonta du fond de ses tripes jusqu'à sa gorge, accompagnée d'une désagréable remontée acide. Des bribes de phrases, des moments qui jaillissaient en lui, tout une série de choses qui remontait dans son cerveau, l'injuriant qu'il était un idiot, qu'il aurait dû sentir que quelque chose n'allait pas, que si Lucy était différente, c'était peut-être parce qu'il existait une raison tout autre que la simple rancœur d'être parti sans revenir … Le sang affluait dans ses veines, faisant tambouriner son cœur si fort qu'il lui assourdissait les oreilles. Quoique ce soit, il n'avait rien voulu savoir… et il ne le souhaitait toujours pas, terrorisé par ce qui pourrait arriver dans les minutes à venir.
Dans une démarche incertaine, Erza fit quelques pas et interrompit ce moment de complicité intense entre les deux jeunes femmes.
Erza – Lucy, on ne comprend pas très bien. Qu'est-ce qu'il se passe ?
Happy – Lucy ?
Avec lenteur, elle posa ses yeux sur ses camarades : Happy, Erza, Macao… en sachant que le moment était venu. Les choses s'étaient subitement précipitées sans qu'elle ne puisse rien y faire. Elle ne s'était pas attendue à le faire ainsi, à cet instant où son seul désir avait été de passer du bon temps avec ses amis. Elle devait aujourd'hui se rendre à l'évidence, que cette fois-ci elle ne pourrait trouver aucun subterfuge ni excuse pour s'échapper. Il y a encore à peine quelques minutes, elle avait rêvé de ce moment où elle pourrait jouir du bonheur d'être entouré des siens, mais son rêve était parti en fumée en quelques secondes. Même si elle n'avait jamais vraiment étudié comment elle allait aborder la question, elle avait toujours su que l'heure des révélations se ferait ici, à la guilde, dans cet antre familial où l'odeur de la bière de ses compagnons lui revigoraient les narines. Là était sa place, cet endroit qui devait entendre les cœurs blessés et où chacun trouverait refuge. Maintenant que tout était clair et limpide pour elle, la question pour elle était la suivante : comment allaient-ils lui pardonner autant d'année de mensonge ?
Puisant au fond d'elle tout le courage dont elle allait avoir besoin, elle s'écarta un peu de Cana tout en lui attrapant la main, cette dernière la serrant en retour. Lucy chercha dans ce contact la force nécessaire pour affronter cet instant, y trouver ce dont elle avait besoin pour trouver les mots justes.
Lucy – Tout le monde, je m'excuse de ne vous avoir rien dit mais...
Hésitante sur la formulation des mots, elle expira un grand coup, se rendant compte qu'il n'y avait pas mille façons d'annoncer les choses. Il n'était pas non plus opportun de prendre trop de gant, la vérité, aussi dure soit elle, était la meilleure réponse à leur donner.
Lucy – Je suis malade... Gravement malade, précisa-telle.
La constellationniste ne fut pas surprise de voir les regards perdus et terrifiés de ses camarades : Kinana, Laki, Roméo, Max, la stupeur de Grey, Levy qui s'était agrippée instinctivement au bras de Gajeel, le regard stoïque de Luxus... Tous bouleversés, agrémentés de murmures de désespoirs qui alimentaient l'ouïe fine du dragon slayer de feu.
Natsu ne pouvait quitter des yeux cette femme qui était en train de chambouler son existence.
Macao – Malade, hein ? Bon ok, ça marche. C'est pas grave Lucy, c'est pas comme si t'allais mourir hein ? dit-il en riant nerveusement
L'observant tout en restant muet, Natsu vit Lucy baisser légèrement le regard et se mordre la lèvre inférieure, comme une enfant qui était prise sur le fait.
« Bien sûr que non ».
Il la vit serrer un peu plus fort la main de la mage aux cartes. Avec douceur, Lucy replaça affectueusement une mèche de cheveux décoiffée de Cana derrière son oreille, sans que celle-ci ne réponde à son geste, à part celle de voir ses larmes s'écouler un peu plus.
« Dis-lui. »
Des secondes, des minutes, une éternité qui lacérait le cœur du mage de feu.
« Allez Lucy, dis-lui à Macao que ce qu'il dit c'est n'importe quoi. Allez Lucy, dis quelque chose ! »
Les mots restèrent coincés au fond de sa gorge. Natsu avait envie de lui hurler dessus, de la secouer, l'obliger à réagir mais son corps restait figé, transi par l'horreur de l'instant.
C'est alors que Lucy croisa son regard. Il était stoïque, comme un être inanimé, avec un regard indescriptible, était-ce de la peur qu'elle lisait dans ses yeux ? Gênée par les révélations qu'elle s'apprêtait à dire, elle préféra détourner les yeux de ceux du mage de feu, la vérité étant bien difficile à lui révéler.
Lucy – Ce n'est pas vraiment le genre de chose que vous vouliez entendre à mon retour, n'est-ce pas ? dit-elle embrassée par cette ultime confession. Je vais tout vous expliquer, je...
Soudain, Natsu se retourna, renversant une chaise et bousculant certains camarades, se précipitant vers la sortie de la guilde sans dire un mot, sans prendre le temps non plus de refermer la porte de la guilde derrière lui. Un courant d'air froid vint caresser la joue de la constellationniste. Le comportement du mage de feu l'a brisait en silence. Péniblement, elle resta concentrée sur sa tâche et ne pas se laisser distraire avec ce départ. Elle devait tout d'abord donner toutes les explications aux autres membres de la guilde.
