Chapitre 15
Le soir venu, alors que toute la tribu savoure un festin en l'honneur de ses guerriers, Pocahontas vint se poser aux côtés de Kocoum, au bord de la rivière, le regard perdu dans le vague. Machinalement, le jeune homme produit des formes qui bondissent hors de l'eau, avec lesquelles les enfants s'amusent. Il attend patiemment qu'elle entame la discussion.
-Tu t'es déjà demandé pourquoi Mère Nature t'a doté d'un tel pouvoir?
-Plein de fois. Et chaque fois que je lui aie demandé, elle m'incitait à la patience. Je lui fais confiance. Alors, je patiente.
-Tu parviens donc à communiquer directement avec elle?
-Tout le monde le peut, Pocahontas. Je pensais que tu le saurais mieux que personne, sachant comme tu es en phase avec ses Esprits.
-Comment s'adresse-t-elle à toi?
-Cela peut dépendre de la circonstance. Soit elle se connecte à mes pensées, soit elle m'adresse un signe qui peut être extérieur, dans la nature, ou intérieur, comme un rêve.
-Les rêves sont donc bien des messages de Mère Nature!
-Raconte-moi donc ce rêve. l'incite-t-il.
-Qui te dit que j'ai...
Elle s'interrompit en voyant l'air malicieux de Kocoum. C'est un aspect de lui qu'il dévoile rarement en dehors des membres de sa famille.
Et dire qu'il peine à exprimer ses émotions, je n'ose pas imaginer la dureté de l'entraînement que Grand-père lui a donné. songe la jeune femme, le cœur peiné.
-Oh, d'accord! cède-t-elle. Depuis de nombreuses nuits, je fais chaque soir le même rêve étrange. Je crois qu'il signifie que quelque chose va m'arriver. Une chose fantastique, mais je ne parviens pas à comprendre quoi.
-Et tu espérais que je pourrais te l'expliquer?
-Tu es béni par Mère Nature.
-Cela ne signifie pour autant pas que je dispose de toutes les réponses. Je ne suis pas Ketaka. Mais je connais quelqu'un qui pourra peut-être t'apporter les réponses que tu cherches. Viens avec moi!
Il s'élance alors vers le rivage et mit un canot à la mer. Pocahontas s'empresse de le suivre, curieuse. Grâce au don de Koucoum, ils parviennent très rapidement à un Saule Pleureur très familier.
-Mais c'est Grand-mère Feuillage!
-Oui. sourit Kocoum. Un pur Esprit de la Terre. Elle m'a aidé à comprendre et maîtriser mon don. C'est également une très bonne amie de Mère Nature.
-Elle ne m'en a jamais rien dit.
-Voyons, il faut bien préserver une part de mystère. Tu ne voudrais tout de même pas qu'elle dévoile tous ses secrets.
Ils accostent sur les racines de Grand-mère Feuillage, qui forment un petit îlot au bord de l'eau, grimpant sur la petite plateforme formée par le tronc.
-Serait-ce donc les jeunes Kocoum et Pocahontas?
-Bonsoir Grand-Mère feuillage. la salue la jeune femme.
Kocoum choisit de rester en retrait.
-J'aimerais te poser une question. reprend la plus jeune.
Le visage de l'Esprit se forma sur l'écorce de l'arbre.
-Bienvenue mes enfants et bon retour Kocoum. J'espérais que vous me rendriez visite aujourd'hui. Oh, mais que vois-je! Le collier de ta mère! s'exclame-t-elle en remarquant le pendentif autour du cou de la jeune femme.
-C'est un peu à ce sujet, qu'il faut que je te parle. Mon père m'a expliqué qu'il symbolisait un peu mon passage à l'âge adulte, que je pouvais désormais prendre mes propres décisions, établir mon propre chemin. Mais je ne suis pas sûre de ce qu'il pourrait être.
-Si tu as une incertitude, au lieu d'une ignorance, c'est que tu as une piste.
-En effet. Il y a ce rêve que je fais chaque nuit. C'est toujours le même!
-Raconte-le-moi donc! Je veux tout savoir!
Cette demande excita les animaux autour d'elle qui se mettent à couiner. Grand-mère Feuillage eut du mal à ramener le calme et Kocoum, riant sous cape derrière, n'aidait pas.
-Tu disais, mon enfant? finit-elle par reprendre.
-Eh bien, je me promène dans les bois. Soudain, j'aperçois à mes pieds quelque chose qui tourne. Et ensuite, je vois que ce n'est qu'une flèche.
-Une flèche, qui tourne? Voilà, qui est curieux.
-Oui! Et cette flèche va de plus en plus vite. Elle tourne, elle tourne et soudain, elle s'immobilise.
-Hum. Eh bien, il me semble que cette flèche qui tourne ne fait que t'indiquer le droit chemin. répond mystérieusement Grand-mère Feuillage.
-Mais Grand-mère Feuillage, quel est le droit chemin? Et comment savoir où il se trouve?
-Ah ah! Kocoum et ta mère m'ont posé exactement la même question à un moment ou à un autre.
Elle adresse un sourire malicieux et complice au jeune homme, qui se frotte le bras, gêné.
-C'est vrai? Qu'est-ce que tu leur as répondu?
-Que nous devons écouter. Mère Nature, par le biais de tous ses Esprits dans le monde, veille sur nous. Ils vivent dans la terre, l'eau, le ciel et si tu les écoutes, elle te guidera. Ferme donc les yeux, écoute et ressent.
Pocahontas suivit ses instructions et fronce les sourcils.
-Ne te concentre pas. Ne cherche pas. murmure Kocoum. Détends-toi. Laisse-les venir à toi.
Prenant une profonde inspiration et sur l'expiration, Pocahontas décrispe tous ses membres. Au bout de quelques secondes, elle sent un souffle dans sa nuque et perçoit un murmure.
-J'entends le vent.
-Oui! Mais qu'est-ce qu'il te dit?
-Je ne le comprends pas.
-N'écoute pas avec tes oreilles. Utilise ton cœur.
-Il dit qu'il va bientôt y avoir…
-D'étrange nuages? chuchotent les deux jeunes gens intrigués.
Ils partagèrent un regard, et après avoir obtenu l'aval de Grand-mère Feuillage, ils l'escaladent jusqu'à sa cime. Au-dessus des branches, à l'horizon, ils ont alors la plus étrange des visions: des éclats blancs, secoués par le vent, semblant reliés à divers morceaux de bois.
-Que voyez-vous? demande Grand-mère Feuillage, intriguée par leur silence stupéfait.
-Vent a raison!
-Il y a d'étranges nuages…
✵Le voilà!✵ entendent-ils la voix de Mère Nature.
Pocahontas, surprise de l'entendre pour la première fois, perdit sa prise, retombant de quelques branches. Kocoum, pour sa part, ne perdit pas un instant le Nord.
-Vite, nous devons retourner au village prévenir Wakunsunacock et envoyer des éclaireurs. Je veux savoir ce que c'est!
C'est ce qu'ils font.
