Un sourire effleura les lèvres de Luna. Il avait accepté. Au moment où elle était persuadée qu'il allait faire demi-tour, il avait accepté.

– Normalement, mes prestation sont payantes. Mais pour cette fois, et uniquement pour cette fois, ce sera gratuit pour toi. Une séance d'initiation et de découverte. Avant tout, nous allons nous mettre d'accord sur certains points. Tout d'abord, sache que je ne pratiquerais sur toi aucun Sortilège Impardonnable. Ensuite, si tu as un fantasme inavouable, c'est le moment de me le dire. Qu'est-ce qui t'excites, Drago ?

Les yeux de Drago s'arrondirent. Peu habitué à aborder ce genre de questions de manière si directe, il bégaya :

– Les... les choses classiques.

Pour Luna, ces mots ne signifiaient rien.

– Est-ce qu'il y a des choses que tu refuses de faire ou de subir ?

– Je ne sais pas.

– Des choses qui te font peur ?

– Euh... sans doute. Mais je ne sais pas lesquels.

– En fait, tu n'as pas le moindre idée de ce qui t'attends, constata Luna avec détachement.

Drago préféra ne rien répondre.

– Et bien, dans ce cas, on verra au fur et à mesure. Je ferai en sorte que tu puisses toujours parler. À tout moment, si tu veux arrêter, dis-le moi.

Drago hocha la tête, toujours muet. Bâillonner ou non, Luna commençait à se dire que ça ne ferait pas une grande différence.

– Voilà comment les choses vont se passer, Drago. Tu vas prendre une douche et tu reviendras ensuite ici. Pas besoin de te rhabiller. Si tu n'es pas à l'aise avec ton corps, tu peux porter un peignoir. Je ne suis pas sûre que ça soit utile, car je te demanderais de l'enlever peu de temps après. Mais c'est toi qui vois. Donc, après cette douche, je te demanderai de me confier ta baguette.

Drago retrouva sa langue.

– Hors de question.

– Ce n'est pas négociable. Alors, que me répondras-tu quand je te dirais de me donner ta baguette ?

– Non.

– Perdue, dit-elle d'un ton enfantin. La bonne réponse est « Oui, dame Hécate ». Drago, reprit-elle plus sérieusement, il faut que tu comprennes que la confiance est essentielle pour que le moment que nous allons partager se passe bien. Et comment puis-je croire que tu me fais confiance, totalement confiance, si tu refuses de te séparer de ta baguette ?

Renfrogné, les bras croisés contre sa poitrine, Drago ne répondit rien. Mais Luna nota que son front était plissé. Il réfléchissait.

– Nous passerons ensuite à la séance proprement dite. Elle s'arrêtera quand je le déciderais ou que tu seras à bout. À ce moment-là, je te redonnerai ta baguette. Et nous pourrons boire un thé. Ou une infusion de ravegourde. À moins que tu ne préfères un verre de liqueur de Cerise-à-Bond. On m'a offert une bouteille récemment et je ne l'ai pas encore ouverte.

Entre l'afflux d'informations et les digressions de Luna, Drago se sentait un peu confus.

– Une infusion sera très bien. J'imagine.

– Comme tu veux. Mais d'ici là, je compte sur ton obéissance.

– Oui, dame Hécate.

Drago ricana. Ces mots lui faisaient l'effet d'une blague. Luna ne s'offusqua pas. Les choses sérieuses n'avaient pas encore commencé.

Les yeux de la jeune sorcière se perdirent dans le vide et elle se mit à énumérer ce qu'elle comptait lui faire.

– Je pense inclure des contraintes. Pas trop de douleur. Beaucoup de paroles. Et... Que penses-tu des contacts corporels ?

– Je n'ai pas besoin d'être câliné, Lovegood. Et encore moins tripoté, indiqua Drago avec hostilité.

– Ah, enfin une indication précise, s'enthousiasma Luna. Pas de caresse intime, donc. J'éviterais aussi les contacts physiques tout court. Sauf en cas de nécessité. Est-ce que tu as des questions ?

– Non.

– Dans ce cas, tu peux te lever et choisir la porte que tu veux prendre. La deuxième à gauche, c'est la salle de bain. En face, c'est la sortie.

Il se rendit brutalement compte qu'il n'envisageait plus de partir depuis déjà plusieurs minutes. Le départ n'était plus une option dans son esprit.

Il était prêt à la suivre.

Prêt à mettre ses pas dans ceux de son père ? Il mit cette question de côté. Vivre l'expérience dont avait parlé Luna lui permettrait de trancher la question de la venue de son père ici, il en était persuadé.

.

Il se doucha et revint en peignoir. Luna l'attendait, vêtue d'un long manteau violet. Elle était différente. D'une manière subtile, indéfinissable, sa présence n'était plus la même.

– Très bien. Maintenant, donne-moi ta baguette.

– Voilà, fit-il en la lui tendant d'une main et en détournant la tête pour ne pas la regarder.

– Regarde moi quand tu m'obéis, Drago. Et n'oublie pas quelle est la bonne réponse, la seule que je tolère à partir de maintenant et jusqu'à la fin de notre entrevue.

C'était dit d'un ton léger, mais parfaitement définitif.

En soupirant, il se tourna vers elle. Et fut frappé par son regard, ses yeux de lune plantés droit dans les siens. Il avait l'impression qu'elle le regardait pour la première fois. À moins que ce ne soit l'inverse. Pendant un instant, il ne trouva plus sa demande ridicule et gênante.

– Oui, dame Hécate.

Un nouveau sourire naquit sur les lèvres de la sorcière. Drago jouait le jeu. La partie pouvait commencer.

À deux mains, les paumes tournées vers le haut, Drago lui tendit sa baguette de chêne rouge. Elle la prit avec désinvolture, comme si c'était un objet sans valeur et la fit même tournoyer entre ses doigts.

Au moment même où l'objet quitta ses mains, Drago se sentit affreusement nu. Sans défense.

À la merci de Luna et de son sourire nébuleux.

Il resserra les pans de son peignoir, comme si cela pouvait le protéger de quoi que ce soit.

Luna le sentit frémir, vulnérable. Elle se délectait de la situation.

Elle déposa le précieux bout de bois sur un présentoir accrocher au mur.

Et d'un coup de baguette, Luna enferma celle de Drago sous un dôme de verre incassable.

– Suis-moi, ordonna-t-elle.

Elle l'emmena dans la salle où se déroulait ses séances, le cœur de son temple. Drago découvrit une salle spacieuse et claire, aux murs recouverts d'objets divers. En faisant omission du lit, il aurait pu se croire dans une annexe épurée de chez Cythère et Fille.

– Tu peux fermer la porte et accrocher ton peignoir au portemanteau se trouvant derrière.

Drago s'exécuta, en lui tournant le dos. Il ne voulait pas savoir si elle le regardait ou non.

Alors qu'il était nu, et elle habillée.

Et elle le regardait. Elle scrutait avec curiosité et délice son corps pâle, imparfait, peu entretenu.

Et elle le regardait, en détail. Le renflement de ses fesses, le creux de son dos, la raideur de sa nuque. Le tatouage sur bras.

Son corps entier, sien pour une poignée de minutes.

Luna le fit asseoir sur une chaise, faisant en sorte qu'il la voit bien.

– Pour l'heure à venir, Drago, tu m'appartiens.

Elle leva sa baguette. Un éclair d'inquiétude passa dans les yeux de Drago.

Petrificus !

Les mains de Drago se joignirent dans son dos, comme menottés, et ses chevilles s'attachèrent aux pieds de la chaise. Il lâcha un cri de surprise. Comme promis, Luna ne lui avait pas bloqué la mâchoire, lui laissant la possibilité de parler.

Une fois Drago immobilisé, Luna enleva sa veste, dévoilant les vêtements qu'elle avait choisi de porter pour lui. Pendant que le jeune homme se douchait, elle s'était préparée de son côté. Son choix de tenue s'était porté sur un pantalon de tailleur et un chemisier de soie. Elle espérait le désarçonner en arborant des habits purement moldus.

Luna regarda le garçon dont les joues pâles se marbraient de rose.

Il était à sa merci.

Elle pouvait lui faire subir ce qu'elle voulait. Ce qu'elle avait envie. Elle aurait pu se venger aveuglément. De ce qu'elle avait subi à Poudlard. De ce qu'elle avait subi dans le manoir Malefoy.

Mais elle ne le désirait pas. La colère et l'esprit de revanche l'habitaient rarement et ne demeuraient jamais.

Et il était bien plus drôle de jouer avec lui. Ne pas le détruire, mais construire. Construire une relation dont il ne fixait pas les règles. Dont il ne détenait pas les clés.

Qu'il se souvienne pour toujours qu'au moment où elle le dominait si complètement, elle avait fait preuve de clémence et n'avais pas abusé de son pouvoir. Ce que lui-même n'avait fait qu'une fois, en épargnant la vie de Dumbledore.

Elle tourna autour de Drago, le faisant mariner tout en lui laissant l'opportunité d'admirer sa tenue. Après tout, il devait rarement avoir l'occasion de voir des pantalons de si près. Là où les tenues de sorcier camouflaient le bas du corps de ceux qui les portaient, la sienne offraient une toute autre vision.

Luna décida de commencer en douceur. Elle ne voulait pas le brusquer. Après tout, ses limites lui étaient inconnues.

Elle l'enroba de vents. Certains violents comme des gifles, d'autres doux comme des baisers. Certains chauds comme le souffle d'un dragon, d'autre froids comme une tempête de glace.

Sous ses cheveux ébouriffés et ses yeux mouillés, le visage du jeune homme restait de marbre. Sa peau, elle, réagissait. Agitée de frissons, zébrée de rose, rougissante de chaleur : chaque courant d'air la marquait de sa morsure.

L'esprit de Drago luttait pour ne pas se faire submerger par les sensations dont son corps l'assaillait. Luna le remarqua. Elle dégrafa le premier bouton de son chemisier et se pencha vers Drago, lui offrant une vue plongeante sur sa poitrine. Le souffle de Drago s'accéléra, tandis que celui de Luna lui effleurait le cou et l'oreille.

– Dans ton monde, il y a ceux qui donnent des ordres et ceux qui obéissent. Toi, tu m'obéis. Abandonne, Drago. Cesse d'essayer de tout contrôler. Cesse de combattre. Admets-le, tu n'es pas en position de faire quoi que ce soit. Si tu luttes contre moi, tu vas te faire mal quand je vais te faire mal. Alors que si tu acceptes...

Un long frisson à l'origine obscure parcourut l'échine de Drago, de sa nuque jusqu'à son bassin. Une part de lui qu'il ne connaissait pas s'éveilla, lui intimant de s'abandonner à ce qu'il était en train de vivre. Il la fit taire. Une lueur de défi s'alluma dans son regard.

– Tu penses que ton esprit est ton allié, se désola Luna. Qu'il est trop fort pour te permettre de capituler. Moi, je pense qu'il va te trahir. Noctus oculus.

Un voile noir impénétrable se déposa sur les yeux de Drago, le plongeant dans l'obscurité.

– Maintenant Drago, il n'y a plus que ma voix et tes pensées. Une bataille esprit contre esprit à l'intérieur de ta tête. Et je vais gagner.

– C'est ce que nous allons voir, dame Hécate, dit-il d'un ton teinté d'ironie.

Un silence s'installa. Une appréhension naquit en Drago. Avait-il été trop railleur ? Un instant auparavant, elle avait parlé de lui faire du mal.

Peut-être aurait-il mieux fait de se taire.