Bonne lecture !
Chapitre 4
Depuis toujours, Sherlock était « Poussin » pour ses parents. Ce n'était pas glorieux pour un adolescent de presque dix-huit ans, mais c'était toujours mieux que le « Canard » dont avait hérité Mycroft, et qui persistait alors, alors même qu'il avait fêté ses vingt-quatre ans en juin dernier. John, quand il était entré dans la famille, était devenu « Chéri », « mon chéri » ou « John-chéri », dans la bouche de Violet aussi bien que de Sieger, même si ce dernier était moins démonstratif.
Mais ce n'était ça qui venait de le frapper. C'était la manière de le désigner, avec Sherlock. Lui et Sherlock,, c'était toujours « les garçons ». Mais quand Violet lui parlait de Sherlock, elle ne disait pas « ton frère ». Quand elle parlait de Sieger, elle disait « ton père » à Sherlock, mais pas « votre père » si elle leur parlait à tous les deux. Elle dirait plutôt son prénom. Quand elle parlait de Mycroft, en revanche, elle utilisait bien « votre frère ».
Ça faisait carburer le cerveau de John. Il savait pourquoi Violet et Sieger ne s'appelaient pas « ses parents ». Ils respectaient le fait que des parents, il en avait eus, et il y aurait sans doute toujours une part de lui qui souffrirait de leur absence, partis trop tôt. C'était ce qu'ils avaient convenu, plus de quatre ans plus tôt.
Si les Holmes avaient eu une fille, il était probable qu'on ne l'aurait pas appelé la sœur de John, pour respecter la mémoire de Harry.
Mais Sherlock et Mycroft ? Ils étaient ses frères, sur le papier. Sauf que dans la bouche de Violet, il y avait un traitement particulier. Mycroft était son frère. Pas Sherlock.
En y réfléchissant, John réalisant que Violet ne lui disait jamais « va chercher ton frère, on mange », quand Sherlock se faisait désirer alors que le repas était prêt, mais plutôt « va chercher Sherlock, on mange ».
Il avait beau avoir tous ces éléments en tête, il ne savait pas quoi en conclure.
— Violet ? appela-t-il soudain, n'ayant rien écouté de la fausse dispute entre la mère et le fils. Ça t'embête que je ne t'appelle pas Maman ?
Dans le silence de la cuisine, Sherlock lâcha la cuillère de service qu'il tenait et s'apprêtait à mettre dans les saladiers d'endives. Sur le carrelage, le tintement résonna avec un immense fracas.
Complètement interrompu dans son geste, Sherlock avait l'air ridicule, les yeux écarquillés, la bouche ouverte. John fronça les sourcils. Il connaissait son meilleur ami par cœur, et jusqu'à aujourd'hui, il ne lui connaissait pas de défaut de fonctionnement. Il avait l'impression d'avoir cassé Sherlock.
— Chéri, pourquoi me demandes-tu ça ? demanda Violet, l'air soucieux. Tu as un problème ? Tu... le veux ? Tu voudrais nous appeler... ainsi, Sieger et moi ?
John haussa les épaules, détournant le regard. La journée se déroulait bien pourtant, il avait décoré la maison avec Sherlock, pourquoi fallait-il qu'il gâche tout à quelques minutes de dîner ? C'était le pari stupide avec Mary, ça lui retournait inutilement le cerveau.
— Non, pas vraiment. Non, en fait, pas du tout. Ce n'est pas...
Il s'interrompit dans sa phrase, conscient qu'il n'arrivait pas à rassembler ses pensées, et qu'il risquait de dire quelque chose d'extrêmement blessant pour les gens qui l'avaient recueilli, aimé, soutenu, protégé, s'étaient battus pour lui depuis le premier jour.
— Explique moi, chéri, l'invita doucement Violet en se rapprochant.
Sherlock était toujours figé au milieu de la pièce, la cuillère gisant à ses pieds. Il avait refermé la bouche et ses yeux ne paraissaient plus disproportionnées au milieu de son visage, mais il avait le faciès soucieux, presque blessé. John détestait lui faire ça. Il haïssait l'idée que Sherlock souffre, d'une quelconque manière, dans l'existence. Mais savoir qu'en plus, il était celui qui provoquait la souffrance de Sherlock, c'était presque insoutenable.
John avait conscience que ce n'était pas entièrement sain. Il avait dix-neuf ans, il n'aurait pas dû être si impliqué dans la souffrance d'autrui. Il aurait dû être un ado injuste, un brin égoïste, incompris et boudeur. Mais il ne pouvait pas. Il avait perdu ses parents, et il était irrémédiablement amoureux de son frère adoptif. Ça l'avait sans doute plus changé que bien des gens de son âge.
— C'est juste que... Quand tu parles de Sherlock et moi, tu dis « les garçons », tenta-t-il de s'expliquer.
— Eh bien... oui ? répondit VIolet, incertaine d'où il voulait en venir.
Il y avait deux génies dans cette pièce, et aucun des deux ne comprenait John. C'était bien la preuve qu'il avait un problème.
— Tu nous appelais déjà comme ça, avant. Quand on était petits, poursuivit John.
— Je sais... Vous n'avez pas tellement changé, faut dire. À part la taille. Y'en a un qui en a plus profité que l'autre, ajouta-t-elle en tentant de détendre l'atmosphère. Mais vous êtes toujours tous les deux fourrés ensemble, unis comme les deux doigts de la main.
Elle avait entièrement raison. La relation entre John et Sherlock n'avait pas évolué — sinon naturellement car ils grandissaient — depuis tout ce temps. La relation entre John et Mycroft, quand il était officiellement devenu son frère, avait mué. La relation, pourtant très sincère et douce, qu'il avait avec Sieger et Violet avait aussi muté quand il était devenu leur fils.
Mais pas celle avec Sherlock. Sherlock était resté son meilleur ami, son compagnon de jeu, son génie, sa moitié d'âme et de corps. Ils vivaient juste sous le même toit, désormais.
— Oui mais... Mycroft, tu l'appelles mon frère, reprit vaillamment John.
— C'est ton frère. Par adoption.
— Oui, mais Sherlock... Sherlock et moi c'est les garçons. Sherlock, c'est pas mon frère.
Il y eut un long silence qui s'abattit sur la pièce, et John frissonna, plongeant son regard sur les carreaux. Un carreau gris. Un carreau blanc. Un carreau gris. Un carreau blanc. Combien y avait-il de carreaux dans la cuisine ? Combien de gris ? Combien de blanc ? Sherlock l'aurait su. John l'ignorait.
— Tu ne veux pas que Sherlock soit ton frère ? demanda Violet après un instant.
John s'obligea, malgré ses joues en feu et ses yeux un peu trop humides, à relever le regard. Ce fut une très mauvaise idée. Violet, devant lui, avait l'air soucieuse, pleine d'empathie et de compassion pour lui, prête à tous les efforts du monde pour qu'il aille mieux. John remarqua absurdement, pour la première fois, que des fins cheveux blancs commençaient à strier ses cheveux auburn — comme Mycroft. Sherlock tenait ses cheveux noirs de jais de son père. John était l'anomalie, avec sa blondeur comme les blés, preuve, s'il en fallait une, qu'il n'appartenait pas réellement à cette famille.
Et juste derrière Violet, dans son champ de vision, il y avait Sherlock, et il avait l'air... détruit. Complètement ravagé. John ne trouvait pas d'autres termes pour le détruire, et un immense poignard lacéra sa poitrine de haut en bas.
— Si, enfin non, mais oui, mais... enfin Sherlock, c'est mon meilleur ami. Depuis toujours, pour toujours, bafouilla-t-il.
Il ne savait pas mentir. Il ne pouvait pas affirmer haut et fort qu'il adorait que Sherlock fût son frère, car c'était un mensonge éhonté. Il adorait vivre avec lui. Il adorait être proche de lui. Il adorait l'idée de rentrer chez eux et de le retrouver et de sentir les papillons de son estomac qui s'envolaient quand il lui souriait.
Mais il détestait qu'il soit son frère. Qu'ils soient administrativement liés. Qu'il n'ait pas le droit de l'aimer comme il l'aimait, parce que ça portait un nom qui envoyait droit en prison.
— On sera pour toujours ensemble, et je l'aimerai toujours, comme depuis que j'ai six ans, et qu'on a tout fait ensemble et que ça s'arrêtera jamais. Et j'ai pas besoin qu'il soit mon frère pour ça, poursuivit John.
Violet avait l'air mélancolique, ou triste et contente à la fois, et John ne savait pas quoi en penser. Quant à Sherlock, son air de profonde douleur s'était mué en quelque chose d'indéchiffrable.
— Tout va bien ? les interrompit soudain la voix de Sieger, à l'entrée de la cuisine.
Ils sursautèrent tous. Sherlock bougea de nouveau, et il ramassa la cuillère au sol. Violet recula. John s'essuya les yeux. Et ils firent tous comme si tout allait très bien et que cet instant aberrant ne s'était jamais produit.
John frappa à la porte ouverte de Sherlock, leur code secret. Ce n'était même pas vraiment secret, à vrai dire. C'était juste un moyen de se reconnaître. Une combinaison de coups frappés au battant qui voulait dire « je suis là, c'est moi, je vais entrer ». Si l'autre ne voulait pas, il lui suffisait de dire NON et l'invité n'entrait pas. Sinon, ils avaient établi qu'ils avaient un droit de résidence mutuelle dans la chambre de l'autre, qui étaient côte à côte.
Dans toute leur histoire, il n'y avait eu que quelques NON d'interdiction à entrer. Une fois ou deux où John s'habillait, ou bien surfait sur des sites pas franchement recommandables, en navigation privée, et il ne voulait surtout pas que Sherlock entre à ce moment précis. Pour sa défense, il était orphelin, en plein proie au chagrin et à la crise d'adolescence et aux hormones, et il essayait de déterminer ce qu'il ressentait pour son frère adoptif flambant neuf. Sherlock n'avait jamais empêché de rentrer John dans sa chambre.
Cette fois-là ne fit pas exception, et John entra sans hésiter.
Après dîner, ils s'étaient retirés sans débarrasser la table pour réviser l'examen de bio de John du lendemain, et Sherlock l'avait fait bosser dans la bibliothèque (la leur, celle de l'étage, pas la plus grande, celle du rez-de-chaussée). Puis ils s'étaient séparés pour vaquer à leurs occupations, prendre une douche, procéder à leurs ablutions vespérales. Ils auraient depuis dû être couchés, mais Sherlock ne dormait jamais beaucoup, et John ne parvenait pas à dormir.
Sherlock était dans son lit quand il y entra. Seule sa lampe de chevet était allumée, et il lisait un des douze livres qui traînait dans son lit, à moins que ce fut une thèse de chimie comme il les affectionnait. John avait pour coutume de blaguer en disant qu'il était capable de lire plusieurs livres totalement simultanément, et que c'était pour ça que son lit ressemblait à une bibliothèque ambulante. C'était drôle de voir combien Sherlock considérait les livres papiers comme mille fois plus fiables que toutes les informations internet dont il disposait à portée de smartphone. Il avait appris toute l'immense bibliothèque familiale par cœur, alors que John remerciait le Dieu Wikipedia régulièrement.
— Hey, salua-t-il.
Sans hésiter, il vint rejoindre Sherlock dans le lit, et s'allongea à côté de lui, se roulant en position fœtale, sa tête sur son oreiller (Sherlock dormait de l'autre côté, et cet oreiller était devenu le sien, par la force des choses). Malgré sa robe de chambre, il frissonnait et Sherlock, sans même le regarder, l'œil toujours rivé sur la thèse qu'il consultait, lui tendit un plaid, que John drapa sur lui. Il n'osait pas encore se glisser sous les draps. Cela faisait très longtemps qu'ils n'avaient plus dormi ensemble.
— Merci pour les révisions tout à l'heure.
Sherlock ne réagit pas spécialement, se contentant de hocher la tête. Ça aurait pu être parce qu'il agréait à ce qu'il lisait, mais John savait que ça lui était adressé. Sherlock était multitâches. Il pouvait écouter John et tenir toute une conversation avec lui tout en lisant la thèse qu'il tenait. Ça semblait gêner la plupart des gens, qui ne se sentaient pas assez considérés, mais pas John. Il avait parfaitement conscience que Sherlock l'écouterait avec plus d'intérêt que bien des gens, même en faisant autre chose à la fois. Il avait un cerveau suffisamment grand pour ça.
— J'peux dormir ici ce soir ?
La thèse tomba des mains de Sherlock, tandis qu'il se retournait brusquement vers John, dardant sur lui son regard clair. Avec seulement la lumière chaude de l'ampoule de sa lampe de chevet, ses yeux prenant une teinte particulière.
— Ça ne va pas ? demanda Sherlock sans répondre à sa question.
Son attention était entièrement dirigée vers John, tout comme ses yeux et tout son corps. C'était quelque chose d'incroyablement grisant que de se sentir ainsi. John en faisait les frais depuis des années, et il ne s'était jamais habitué. Sherlock n'accordait jamais plus de cinquante ou soixante-dix pour cent de son attention à la même chose. Une partie de son cerveau était toujours en train de tourner sur une toile de fond et quelque chose de tout à fait différent.
Sauf en de rares occasions, où il regardait John et ce dernier pouvait dire avec certitude qu'il avait 100% de Sherlock, jusqu'au moindre orteil, l'intégralité de tout son ADN, jusqu'à la moindre parcelle de ses cheveux. Et c'était un sentiment puissant, euphorisant, presque terrifiant et excitant tout à la fois. Ça le fit frissonner, et son cœur s'accéléra subitement. Sherlock était si près de lui, alors même que le lit était grand.
— Je vais bien, répondit-il, la voix à moitié étouffée dans le coussin.
— C'est faux. Tu ne dors pas ici quand tu vas bien, asséna Sherlock.
Il repoussa d'un large mouvement de main ce qui traînait sur son matelas. Une partie des livres furent ainsi repoussés plus loin. D'autres chutèrent au sol. La liasse de feuilles qui constituaient la thèse qu'il compulsait atterrit par terre aussi. Sherlock ne fit aucun geste pour les arranger, se contentant de s'allonger sous la couette, sur le flanc, pour faire face à John.
— Si tu sais mieux que moi comment je vais, pourquoi tu demandes ?
— Une certaine personne m'a appris que c'était plus poli de demander.
— Cette même personne t'a aussi appris à ne pas dénier ce que ressentent les gens, ne pas en présumer à leur place, et même quand tu es persuadé d'avoir raison, ne pas le dire à voix haute parce qu'il peut y avoir une très bonne raison à vouloir dire que tout va bien.
Sherlock haussa les épaules.
— Argument parfaitement inopérant au cas d'espèce. Je veux bien appliquer tes conseils tout le reste du temps, mais jamais quand ça te concerne. Premièrement, parce que tu me pardonneras toujours d'être un connard insensible. Deuxièmement, parce que tu es la seule personne dont je suis sincèrement soucieux de ton état de santé physique et mental. Troisièmement, parce que tu m'as demandé si tu pouvais dormir ici, ce que tu n'aurais pas fait si tu avais envie de prétendre que tout allait bien.
John soupira, fermant brièvement les yeux. Sherlock avait raison.
— Ne prends pas trop la grosse tête non plus, hein. Je te pardonnerai pas toujours d'être un connard. Un jour j'arrêterai, si t'arrêtes de faire des efforts.
— Mais je fais des efforts, et tu le sais. J'apprends toutes tes leçons. Mais tu détournes la conversation, là. Parle-moi.
Il avait une manière de dire ça qui n'invitait pas du tout à la douceur ou aux confidences. C'était un ordre.
Mais dans le même temps, il sortit sa main de sous la couette, et la tendit vers John, comme une offrande. Il effleura sa joue, lentement, avant que John ne sorte la sienne en retour de sous le plaid dans lequel il était pelotonné et attrape celle de Sherlock. Leurs deux mains liées reposaient sur le matelas. C'était pour ce genre de moments que le pari avec Mary allait vraiment être difficile à tenir. À part lui hurler dessus « je t'aime et je te veux, imbécile », John ne voyait pas vraiment d'option pour le faire comprendre à son ami. Avec n'importe qui d'autre, John aurait utilisé le toucher, les contacts physiques plus appuyés, les regards prolongés pour se faire comprendre, tout ce qui avait trait au langage du corps. Mais d'une, Sherlock semblait totalement aveugle au non-verbal de John (et de John uniquement, le reste du monde, il maîtrisait totalement). De deux, ils étaient déjà tellement tactiles que ça ne ferait aucune différence.
— J'voulais qu'on parle de tout à l'heure, à vrai dire, murmura John. J'suis désolé pour ce qu'il s'est passé. Je t'ai blessé ?
Sherlock cligna des yeux, prenant la tête que John appelait « la chouette réveillée en plein jour ». Il aimait cette tête parce qu'elle était assez drôle à voir, mais il savait qu'elle exprimait la gêne, ce qui n'était pas forcément une bonne nouvelle.
— De quoi tu parles ? finit par demander le jeune génie après un instant.
— Sherlock, arrête.
John lui lança son regard noir, le spécial « pas à moi, abruti ». C'était fou qu'ils puissent autant communiquer par des mimiques, des regards, des grimaces et des levers de sourcils, et que Sherlock soit à ce point incapable de voir le pouls affolé de John à chaque fois qu'ils étaient un peu trop proches.
— Prdon, marmonna Sherlock. D'accord, je sais de quel moment tu parles. Mais non, tu ne m'as pas blessé, et il n'y a pas lieu d'en reparler. Tu as le droit d'avoir ton opinion.
Il n'avait pas repris sa main, mais sa voix était neutre, presque froide, prouvant la distance qu'il tentait de mettre. Et que John refusait. Du pouce, il entama de caresser le dos de la main de Sherlock.
— Ce n'est pas une opinion, Sherlock. Une opinion nécessite de prendre une décision consciente sur la base de faits, c'est toi qui me l'as appris. Ici, on parle de ressentis. De sentiments.
Sherlock grimaça.
— Ce n'est pas mon domaine de compétence préféré, reconnut-il.
— Je sais, et ça n'empêche pas d'en parler. Tu peux essayer ?
— Je peux essayer, acquiesça Sherlock de mauvaise grâce.
John inspira profondément.
— Ok. Allons-y. Je suis devenu ton frère par hasard, Sherlock. Tu le sais ?
— Évidemment. Tu n'as pas assassiné tes parents ou saboté leur voiture dans l'espoir que mes parents t'adoptent. Ça aurait été un plan risqué et assez ambitieux, à vrai dire.
John retint un sourire. Il n'y avait que Sherlock pour parvenir à être aussi cynique et morbide sur la mort de ses parents et quand même le faire rire. À vrai dire, il n'y avait que Sherlock qui pouvait parler de l'accident sans lui donner envie de chialer.
— Je ne parlais même pas de ça. L'adoption, c'est venu par hasard. Juste parce que je voulais pas partir à l'autre bout du pays, et loin de toi. Tes parents ne se sont pas dit, quand je suis devenu orphelin, « oh, adoptons John Watson ». Ils l'ont fait pour moi, pour contrer cette horrible assistante sociale...
— Le plan pour se venger d'elle est toujours en cours de création, indiqua Sherlock. Je peaufine les détails, mais sa réalisation devra attendre que j'ai dix-huit ans.
Nouveau sourire réprimé difficilement. Quand John était revenu à Musgrave, épuisés par deux mois de séparation, et encore rudement éprouvés par l'épreuve que John vivait, les deux adolescents avaient juré de se venger de l'assistante sociale qui n'avait eu aucune considération pour John, avant que Charlotte ne récupère son dossier.
Sherlock avait promis de mûrir un plan, et il le faisait avec constance. Aléatoirement, il informait John de son avancée. C'était stupide et ils ne réaliseraient peut-être jamais, mais ça leur faisait du bien à imaginer.
— Je suis reconnaissant à tes parents, Sherlock. Et à toi, et même à Mycroft, pour m'avoir accueilli ici, pour avoir tout fait pour moi depuis. L'adoption était la solution la plus rapide et facile, mais ça n'a jamais été une finalité en soi. Je n'ai jamais cherché à être ton frère. Parce que je savais que je n'aurais pas besoin de ça pour passer toute ma vie avec toi. Tu le sais, ça ?
Son cœur battait à tout rompre. Il n'arrivait pas à croire que son ami ne s'en rende pas compte. Leurs mains étaient toujours jointes, les doigts se mêlant et se démêlant, se caressant. Le pouls de John pulsait contre la peau fine se son poignet. C'était la main qui ne portait pas sa montre, donc la pulsation était évidente, et non cachée par le bracelet.
— Je le sais, John, murmura Sherlock. Et je n'ai pas besoin que tu sois mon frère non plus. Je suis heureux que tu le sois, cependant.
John eut un sourire tordu, sans répondre. Il ne pouvait pas dire « moi aussi ». Il n'était pas heureux d'être son frère, pas quand ça le privait de ce qu'il voulait réellement.
— Je resterai toujours à tes côtés, Sherlock. Je te l'ai promis. C'est gravé, dans le plancher de la cabane. Tu te souviens ?
Au rang de leurs conneries les plus monumentales, il y avait les douze ans de John. Sherlock en avait alors dix. Ils étaient dans cet entre-deux assez particuliers : encore des enfants, pas tout à fait des ados, mais ils sentaient les changements arriver, et ils ne voulaient plus être traités comme des bébés. C'était le moment où ils entraient au collège, où John commençait à se poser des questions sur les filles et les garçons, où ils avaient appris comment on faisait les bébés, où ils envisageaient leur avenir et ce qu'ils voulaient devenir, où ils réalisaient que rester ensemble pour toujours n'allait pas dépendre que d'eux. La vie, l'argent disponible pour l'un et l'autre, les études, les rencontres, tout cela risquait de leur mettre des bâtons dans les roues.
Alors ils avaient fait une promesse. Avec du sang.
Ils étaient encore assez stupides pour croire à ces fantaisies de l'enfance. Ou plus exactement, John était encore assez stupide, et pour un génie autoproclamé, Sherlock était sacrément prompt à suivre John dans toutes ses conneries.
Nourris aux séries télé du moment, ils avaient donc volé un couteau à la cuisine, écrit un pacte à la plume, l'avait signé de leurs sangs mélangés en se piquant le bout du doigt, puis ils avaient brûlé le papier, et gravé leurs initiales sur le sol de la cabane. Dans un cœur. Façon JW + SH =
Et si ça ce n'était pas l'idée la plus débile du siècle, John ne savait pas ce que c'était. Comment pouvait-il faire comprendre à Sherlock qu'il l'aimait alors qu'ils avaient déjà gravé leurs initiales dans un cœur dans le bois d'un arbre (ou, au cas d'espèce, le plancher de leur cabane, mais il était fait en bois). Il avait déjà confessé son amour, mais à l'époque il pensait que c'était celui d'un ami, et désormais Sherlock pensait que c'était celui d'un frère. Il n'y avait absolument aucune chance que ça évolue.
— Bien sûr que je m'en souviens, sourit Sherlock. Pas notre idée la plus maligne, hein ?
John sourit à son tour. Ils s'étaient faits mal, manqué de se brûler avec le papier, et d'emporter avec eux la cabane et la moitié de la forêt, et la blessure au bout de leurs doigts avait mis dix jours à parfaitement cicatriser. Dix jours à avoir mal à chaque fois qu'ils touchaient quelque chose.
— Assurément pas, ricana John. Mais heureusement, j'avais un génie avec moi, ça m'a évité de me trancher les veines pour récolter trois gouttes de sang.
Ils pouffèrent doucement. John n'aurait pas été si idiot pour se couper les poignets, mais il n'avait pas envisagé de se piquer le bout de l'index avant que Sherlock ne le suggère. Or il s'était avéré que c'était l'un des doigts les plus utiles, et que c'était donc une idée particulièrement débile.
— On aura même pas gardé de cicatrices, releva Sherlock. C'est quand même un comble.
— On en a d'autres ! se défendit John.
Ils n'étaient pas bardés de cicatrices, mais leur propension à se faire mal ne datait pas d'hier. Les pansements que l'enfant John transportait au fond de ses poches avaient souvent servi. Et comme tous les enfants du monde, ils grattaient les croûtes de leurs écorchures au menton, au genou ou au coude, ils avaient tous les deux des petites cicatrices blanchâtres, témoins de leur enfance.
— Nos blessures de guerre, sourit Sherlock.
Il tendit la main vers l'épaule de John pour appuyer sur la sienne, lâchant son ami au passage. La plus grosse cicatrice de John était son épaule gauche, salement écorchée et déboitée en tombant du haut d'un arbre. Celle de Sherlock était sur son poignet gauche, suite à une expérience sacrément dangereuse qui l'avait brûlé profondément. Elles ne remontaient pas à la même époque, n'étaient pas situées au même endroit, et pourtant John aimait à penser qu'elles les reliaient.
— Je les pensais, tu sais. Les mots du pacte. Je le pense toujours, d'ailleurs, dit soudain John.
— Je sais. Moi aussi. Tu es bien plus que mon frère, John.
Et c'était ces mots qui brisaient le cœur de John. Ça lui générait tellement d'espoir en vain que ça faisait mal.
— J'peux rester dormir, alors ?
Sherlock acquiesça. John ne dit rien de plus en se glissant sous les couvertures, de son côté du lit, pelotonné au chaud.
— T'es pas obligé de dormir, hein. Moi j'ai cours demain. Mais tu peux lire si tu veux, autorisa-t-il Sherlock.
Son ami avait toujours beaucoup moins dormi que lui, depuis leur plus jeune enfance, même quand leurs deux ans d'écart était assez marqué physiquement.
Avec reconnaissance, Sherlock hocha la tête et se redressa contre la tête de lit pour reprendre la lecture de sa thèse. John ferma les yeux, nullement dérangé par la lumière de la lampe de chevet. Après l'accident, et surtout au foyer, il avait été incapable de dormir dans le noir complet, refaisant des violents cauchemars comme un enfant et se retrouvant obligé d'avoir une veilleuse.
Et puis la chaleur du lit de Sherlock, son odeur partout autour de lui, et le doux bruissement des pages qu'on tournait, tout cela sonnait pour lui comme la plus pure des berceuses. Il s'endormit sans aucune difficulté.
— Alors ?
John leva un sourcil sceptique face à la question de Mary. Il faisait moins froid aujourd'hui, et ils s'étaient à peine vus de la matinée. Logiquement, dès leur repas fini, son amie l'avait attiré dans leur coin de cours favori, où ils étaient tranquilles avant de reprendre les cours.
— Alors mon exam de bio s'est super bien passé, merci de demander, répondit-il ironiquement.
Maru leva les yeux au ciel.
— Idiot. Je te parle de Sherlock.
— Alors quoi ? Tu croyais vraiment qu'une soirée allait tout régler ? Que j'allais te dire que j'ai passé la nuit dans son lit ? ajouta-t-il avec ironie.
— Il te suffit de dix secondes pour tout changer, juste en lui disant « Sherlock, je suis fou amoureux de toi », alors oui, évidemment qu'une soirée pouvait tout régler et... Attends.
Elle fronça les sourcils, plissa les yeux, observant son ami au laser.
— Tu te fous de moi en fait là hein ? Parce que tu es parfaitement sérieux quand tu dis que tu as passé la nuit dans son lit ?
— Mortellement sérieux, confirma John. Mais je ne saurais pas dire si lui y a dormi. Il lisait une thèse quand je me suis endormi, et n'était plus là quand je me suis réveillé.
— Mortellement ennuyeux, commenta Mary d'un ton plat.
John haussa les épaules.
— C'est Sherlock.
— Je parle pas du fait qu'il soit insomniaque ou lise des thèses au lit, ce qui soit dit en passant semble être l'antithèse de la sexytitude.
— Il est très sexy quand il lit des thèses de chimie, corrigea John, pour la véracité de leur conversation.
Mary leva les yeux au ciel de nouveau.
— Par pitié, John, ne sois pas stupide. Il est parfaitement sexy en toute circonstance, ton Sherlock, on le sait tous et toutes, depuis qu'il a fini sa puberté, qu'il a pris du muscle et qu'il a appris à coiffer ses cheveux, y'a pas à hésiter qu'il est sexy comme l'enfer et qu'il a un très beau visage, et une magnifique bouche. Son problème principal, c'est qu'à un moment donné, cette bouche finit par parler.
John se sentait rougir, parce que tout ce que disait Mary, il l'avait pensé aussi. Accompagné généralement d'une bonne dose de culpabilité parce qu'on n'est pas censés penser que son frère a une bouche sexy.
— Je dois m'inquiéter de t'avoir comme concurrente ? préféra-t-il demander pour masquer son embarras. C'est de mon frère dont tu parles, hein.
— Ne confonds pas tout. Premièrement, c'est ton frère adoptif par un concours de circonstances aléatoires. Deuxièmement, mon type à moi, c'est les joueurs de rugby blonds aux yeux bleus, plutôt petits et râblés, pas les grands bruns ténébreux. Malheureusement, il semblerait que le type de mon type, ça soit les grands bruns ténébreux.
Cette fois John était écarlate de gêne. Mary avait moins de problèmes que lui pour évoquer leur relation.
— Mais tu sais très bien qu'en terme de fille, tu es 100% mon type, mais... bafouilla-t-il.
— Du calme. Je blague. Je t'aime bien, John, mais je pense sincèrement plus sain pour tout le monde qu'on ne soit pas ensemble. Mais pour en revenir aux nuits que tu passes dans son lit, ce qui est mortellement ennuyeux, c'est que rien ne s'y passe et que vous trouviez ça parfaitement normal de faire des pyjamas party tranquillou comme ça.
— Il ne s'est jamais rien passé. Il ne se passera jamais rien. On a l'habitude. Enfin, ça faisait un moment que j'avais pas dormi avec lui, mais ce n'était pas non plus anormal.
— En fait le problème c'est que vous êtes déjà en couple. Un vieux couple.
— On a décoré la maison pour Noël hier. Ce soit on décore l'extérieur et nos sapins. Et demain on fera des cookies de Noël.
Mary soupira profondément.
— Exactement ce que je disais. Un vieux couple mortellement ennuyeux.
Peut-être que Mary avait raison et qu'ils se comportaient comme un vieux couple. Mais John aimait ça. Il aimait rentrer le soir, s'habiller le plus chaudement possible, sortir les cartons des guirlandes électriques, les rallonges et les échelles, et aller installer toutes les guirlandes lumineuses sur les façades extérieures de la maison. Ça conférait à Musgrave, perdue loin de tout, après le bois, un aspect presque mythique de chalet de montagne.
Il aimait le moment où ils prenaient les deux cartons spécifiques pour la décoration de « leur » sapin du dehors. Cette année, il décora celui de Sherlock et Sherlock décora le sien, et ils étaient bêtement euphoriques après avoir fini. Sherlock détestait les photos, mais John parvenait quand même à en prendre avec son téléphone, toujours volées. Avec les lumières colorées, le visage souriant de Sherlock avait quelque chose de magnifique.
Il aimait les samedis paresseux, à ne rien faire et pourtant le faire ensemble. Écouter Sherlock jouer du violon, faire des expériences, réviser ses examens, bouquiner, aider Violet en cuisine, débattre longuement avec Sieger, s'engager dans une partie d'échec où il fallait l'intelligence réunie de Sieger et John pour espérer battre Sherlock, aller étendre le linge comme demandé, rajouter sur la liste de courses de prendre des piles pour les décos de Noël qui marchaient à pile, faire des sablés de Noël, et passer des heures à les décorer, très scientifiquement. Tout était toujours très scientifique, avec Sherlock.
Et ça lui allait, cette domesticité parfaite. Ils étaient encore des gamins, par bien des aspects, surtout considérant qu'ils vivaient chez leurs parents, mais John savait exactement comment vivait Sherlock, et ça lui plaisait. De partager cette vie, ce quotidien, cette banalité. Il n'avait pas besoin d'aventures ou d'exaltation.
Il avait Sherlock.
Et Sherlock, lui, avait besoin de stimulation intellectuelle.
C'est pourquoi, quand Mary sonna à la porte en fin de journée, il grimaça.
— Arrête de faire cette tête, lui ordonna John. Elle vient pour toi.
— Je ne vois pas dans quel univers cela pourrait être possible.
— Si tu cessais d'être jaloux et obtus dix secondes, tu le saurais. On a besoin de ton cerveau.
— Je ne suis pas obtus, se hérissa Sherlock.
John nota, l'air de rien, qu'il ne niait pas être jaloux. Mais il ne savait absolument pas quoi en conclure.
— Et si c'est pour réviser, Mary est bien assez intelligente sans avoir besoin de moi, poursuivit Sherlock.
John préféra ne pas relever que cela sous entendait que John, qui aimait beaucoup réviser avec son meilleur ami, n'était pas assez intelligent pour se passer pour son aide.
— Rien à voir, abruti. On va t'expliquer. Laisse-moi aller l'accueillir, maintenant.
Sherlock maugréa, grommela, mais finit par céder. De toute manière, Sieger, excédé par les coups de sonnette et voyant que les deux adolescents, perdus dans leur débat, ne se donnaient pas la peine d'aller ouvrir, était allé accueillir la jeune femme. Ils connaissaient Mary depuis qu'elle avait brièvement fréquenté John, et ils l'appréciaient beaucoup, au grand dam de Sherlock.
Sherlock, en descendant l'escalier à la suite de John, rappela juste qu'ils n'avaient pas encore fait leurs sablés de Noël, histoire que John n'oublie pas cette activité particulière qui leur appartenait à tous les deux. John lui promit qu'il s'en souvenait parfaitement.
— Hey ! les salua Mary à mi-chemin de l'escalier. Sieger m'a ouvert, il a dit que vous étiez en haut et que je n'avais qu'à vous rejoindre. Salut Sherlock ! Ça va ?
On ne pouvait pas reprocher à Mary d'être toujours poli et conciliante avec Sherlock, même quand ce dernier était fermé et grognon.
Il marmonna un truc qui pouvait vaguement passer pour un salut, et John leva les yeux au ciel.
— Arrête de bouder, Sherlock. Viens, on va s'installer dans ma chambre, indiqua-t-il à Mary. Et non, tu ne peux pas t'échapper avec nous, c'est non négociable, ajouta-t-il à l'intention de Sherlock.
L'avantage des parents Holmes, c'était qu'ils avaient une telle confiance en Sherlock-et-John qu'ils n'avaient jamais établi de règles du genre « interdiction de fermer la porte quand vous êtes dans votre chambre avec une fille ». John put donc, en toute tranquillité, verrouiller sa porte derrière eux. Mary s'installa sur la méridienne près de la fenêtre de la pièce, tandis que John s'installait par terre à côté. Boudant et maugréant, Sherlock suivit le mouvement.
— John t'a expliqué de quoi il s'agissait ? interrogea Mary.
— Absolument pas, grogna Sherlock.
— J'ai un mystère à résoudre pour toi.
Sherlock releva la tête, vaguement intéressé. Il aimait se servir de son cerveau.
— C'est à dire ?
— Moi, répondit Mary.
Quand John lui avait suggéré, pour tenir sa part du marché, de mettre le goût pour la logique et les enquêtes de Sherlock au service du mystère de Mary, elle avait été réticente, surtout à l'idée de lui en parler en détail. John avait promis qu'il l'obligerait à faire preuve de tact, et elle avait cédé. Il connaissait déjà les grandes lignes, de toute manière, et John savait que ça l'intéressait.
— C'est à dire ? répéta Sherlock.
C'était subtil pour quiconque ne le connaissait pas, mais John pouvait dire que sa curiosité était sacrément titillée. Il s'autorisa à se détendre, et relâchant ses muscles, sa posture vint lui permettre de toucher Sherlock, assis à côté de lui. Aucun des deux garçons ne bougea pour autant.
— Tu sais que je suis orpheline ? demanda Mary.
— Bien sûr, répondit Sherlock. C'est évident.
Personne ne lui demanda d'expliciter. Il allait de soi que tous les camarades de classe de Mary (et Sherlock, s'il avait deux ans de mois, avait un an d'avance en classe par-dessus le marché) ne savaient pas qu'elle n'avait pas de parents. Sherlock, lui le savait, parce qu'il estimait que c'était évident, mais comme personne n'avait envie qu'il se laisse dans une comparaison entre la situation de John et celle de Mary, il valait mieux ne rien demander.
— Alors voilà le mystère : je veux savoir qui sont mes parents biologiques.
Mary n'était pas John. Elle n'avait pas eu la chance d'être adoptée. Actuellement, elle vivait en famille d'accueil après plusieurs foyers. Ça ne se passait pas spécialement mal, mais ce n'était pas l'idéal non plus.
— Je ne vois pas en quoi c'est un mystère. Demande ton dossier à l'aide sociale à l'enfance.
Ayant connu tous les rouages de situation de John, Sherlock connaissait tous les termes et tous les organismes aussi bien que les deux orphelins de la pièce.
— J'ai pas de dossier, répliqua Mary. Père inconnu, mère inconnue. Récupérée dans une église. Aucun mot, aucune note.
Sherlock fronça les sourcils. Il aimait les mystères, pas la fiction. Sans le moindre indice, tout son génie ne pourrait rien faire.
— On a quand même quelque chose, reprit Mary. Un, la couverture dans laquelle j'étais bordée, et qui était brodée de mon prénom.
Sherlock se redressa un peu plus, ses pupilles commençant à briller.
— Deux, il existe un autre être humain portant mon nom en Angleterre. Et une seule autre, à vrai dire. Elle repose dans un cimetière d'Écosse, elle avait cinq ans au jour de son décès, et vu les dates et l'âge potentiel que j'avais quand on m'a trouvé, elle peut être morte le jour où je suis née.
Cette fois Sherlock était vraiment exalté et il se penchait en avant, avide de mettre ses neurones au service de cette enquête.
— Tu as toujours la couverture ? demanda-t-il.
Mary hocha la tête, et attrapa le sac à dos qu'elle avait posé par terre pour l'ouvrir et en sortir le tissu bleu. Depuis le temps, il était élimé, sale et presque puant, mais on voyait encore la qualité du tissu, la couleur bleu intense et le monogramme du prénom Mary Rosamund Morstan.
— Tu as déjà recensé tous les Morstan d'Angleterre ? demanda Sherlock en commençant déjà à examiner sous toutes les coutures la couverture.
Mary ne perdit pas son temps à lui répondre. Sherlock était déjà tout entier dédié à sa tâche. John le regarda faire avec cet émerveillement particulier qu'il réservait à un Sherlock en plein dans son élément. Il observa à la loupe la couverture, attrapa l'ordinateur de John — le sien était dans sa chambre, c'était trop loin —, son téléphone, et entama des recherches.
Reviews; si le coeur vous en dit ? :)
