Notes: For Nana, Mattow.
Avertissement : Je tiens à avertir les lecteurs que ce chapitre aborde des thèmes délicats qui pourraient heurter certaines sensibilités. Si vous vous sentez mal à l'aise, n'hésitez pas à faire une pause ou à sauter cette section. Je recommande aux lecteurs de prendre connaissance des avertissements pour une lecture éclairée et en toute conscience.
Votre avis compte pour moi. Je vous invite à laisser des commentaires, que ce soit pour partager des critiques positives ou négatives. Les critiques sont essentielles, pour s'améliorer. Allez-y franco, je suis intéressée.
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—With a Little Help from My Friends—
Le 13e jour de décembre 1969 :
À l'aube, alors que les premiers chuchotements du monde se réveillent et se déroulent comme une symphonie muette, la demeure victorienne du 12, Square Grimmaurd, exhale une présence qui semble émerger d'un sommeil prolongé. C'est comme si les pierres mêmes s'étirent, exhibant leurs veines, réveillant les murmures d'un passé que la nuit avait placé en veille. Sirius Black, âgé de dix ans, s'extirpe de son lit dans le silence d'une maison encore endormie, savourant la solitude que ces premiers instants du jour offrent.
À côté, la porte de la chambre de Regulus, son cadet de deux ans, reste légèrement ouverte, une invitation tacite à jeter un œil sur la vulnérabilité de l'enfance. Regulus dors encore, un bras suspendu dans l'air, comme s'il essayait d'atteindre des mondes éthérés qui se dissolvent déjà dans l'air du matin. Il y a une innocence dans cette scène qui retient Sirius à l'entrée de la porte, un soupçon d'envie dans son regard, comme s'il assistait à un rêve qu'il ne peut plus atteindre.
Les murs de la maison se dressent autour d'eux, tapissés des histoires et des secrets qui ont défilé au fil des nombreuses années de sa présence séculaire. Des portraits sombres aux yeux étincelants peuplent chaque coin, des ancêtres aux visages griffonnés par le temps, leurs expressions sévères surgissant des cadres dorés, des spectres veillant sur leurs descendants. Le plancher grince sous le poids des pas de Sirius, comme s'il renfermait en lui les souvenirs des nombreux pieds qui l'avaient jadis foulé.
Partout autour, la maison respire l'histoire, l'antiquité s'infiltre dans chaque recoin, chaque objet, comme une mélodie triste et inachevée. La demeure, tel un écho du passé, semble retenir son souffle en observant l'enfant qui se fraye un chemin à travers son cœur.
La maison des Black est un dédale de couloirs sombres et d'escaliers qui grincent, hanté par les portraits de leurs ancêtres aux regards sévères et réprobateurs. Sirius erre dans ce fouillis d'antiquités et de secrets, chaque pas plus lourd que le précédent. Ses yeux, d'un gris d'orage, reflètent un mélange de résignation et de fatigue d'un sommeil qui ne l'a pas encore tout à fait quitté.
Il y avait une âme dans cette maison, il en était persuadé. Il ne s'agissait pas d'une simple entité matérialiste mais plutôt d'une présence intangible, un spectre d'un lointain qui persistait dans le présent. Chaque meuble, chaque tapis usé, chaque porte grinçante lui parlait d'une existence antérieure, les murs eux-mêmes avaient été témoins d'une époque révolue. L'air lourd, saturé de la magie sombre qui imprègne chaque pierre, chaque plancher. Même la poussière qui danse dans les rayons du soleil matinal semble infusée d'un sortilège ancien. Sirius le ressent, dans chaque fibre de son être, comme une mélodie dissonante qui vibre en lui.
Dans le silence presque sacré de la cuisine victorienne, Kreattur s'affaire déjà à préparer le petit-déjeuner. Sirius observe ses gestes rapides et précis, sa dévotion inébranlable à la famille Black, une dévotion qu'il est supposé partager, mais qu'il a du mal à ressentir. Il est un Black. Que cela signifie-t-il vraiment ?
Etre un Black, pour Sirius, c'est vivre dans un monde où chaque meuble peut raconter une histoire, chaque porte mène à un secret enfoui, chaque mur résonne des échos de son lignage. Le 12, Square Grimmaurd est un livre ouvert aux pages fanées, un livre qu'il est forcé d'apprendre chaque ligne, chaque mot, chaque point et chaque virgule.
Mais que signifie véritablement être un Black ? Sirius s'interroge. Il se surprend parfois à fixer son reflet dans le miroir du hall, cherchant dans les contours de son visage, les signes indélébiles de cette appartenance. Il scrute son regard gris, son nez fin, ses cheveux de jais, des caractéristiques qui, lui dit-on, font de lui un véritable Black.
Pourtant, à l'intérieur, il se sent étrangement différent, comme un voyageur égaré dans un paysage familier mais discordant. La note fausse du clavier. Il s'interroge sur le murmure incessant des portraits de famille, sur les regards froids et scrutateurs de ses ancêtres figés dans le temps, sur l'existence d'une chambre hantée dans sa propre demeure, la sienne. Tout cela n'a de sens que dans le contexte obscur d'être un Black.
Au fond de lui, Sirius se demande si être un Black signifie être à jamais lié à cette maison sombre et hantée, à cette vie pleine d'attentes et de traditions inaltérables. Il y est né, il y mourra. Comme Sirius Black I. Comme Sirius Black II. Comme tous les Black. Il se demande si, comme la maison, il est lui-même hanté, s'il porte en lui les spectres de son passé familial, s'il est condamné à marcher sur les pas de ses ancêtres sans jamais pouvoir échapper à leur emprise.
Dans la solitude des couloirs, alors que les ombres s'étirent sur les murs, Sirius repense à ces questions. Il regarde par la fenêtre, où la lune dessine des ombres mouvantes sur le pavé, et il se demande. Il se demande si être un Black signifie vraiment être prisonnier de cette maison, de ce nom, de cet héritage. Et alors, dans le silence de la nuit, il sent en lui quelque chose qui refuse de se soumettre, quelque chose qui aspire à plus que les murs sombres du 12, plus que l'héritage d'être un Black.
Et alors qu'il déambule dans cette maison qui est censée être la sienne, mais où il se sent si étranger, Sirius ne peut s'empêcher de se demander ce que l'avenir lui réserve. Cette journée, comme toutes celles qui l'ont précédée et celles qui suivront, est pour lui un nouveau chapitre d'une histoire qui lui échappe, un livre dont il ne peut tourner les pages. Il a dix ans bordel.
Et tandis que les premiers rayons de soleil viennent illuminer la façade sombre de la maison, Sirius Black, âgé de dix ans, se prépare à affronter une nouvelle journée au 12 Square Grimmaurd, portant sur ses épaules un poids fantôme pèse.
Le 11e jour de janvier 1970 :
Au cœur même du Lincolnshire, à Stamford, surgit une maison imposante, un titan de pierres endurcies par l'assaut des saisons, des pluies torrentielles et des tempêtes féroces. Des lianes vivaces l'étreignent, en un ballet sauvage où la nature cherche à se réapproprier ce que l'homme a bâti. Cette demeure, parangon d'une ferme bourgeoise anglaise, semble vibrer d'une vie secrète.
Les fenêtres sont des yeux énigmatiques qui s'illuminent par intermittence de la douce clarté intérieure, révélant un cœur qui bat en rythme sous les parois de pierre. Le contraste entre le réconfort qu'elle offre en son sein et l'hostilité pluvieuse de son extérieur en accentue le charme.
Le salon est un sanctuaire chaleureux, un refuge bienveillant contre l'agression du temps capricieux. Les tapis épais émoussent chaque son, chaque écho, et transforment les pas en un bruit qui fait mmmfmmmf. Les canapés de cuir patiné, invitent à la quiétude, tandis que la cheminée projette un ballet de lumières apaisantes qui dansent sur les boiseries des murs, en une sarabande intemporelle.
Les étagères, débordent de livres, fruits mûrs prêts à être cueillis. Les photographies encadrées peuplent les murs, des spectres de moments passés. Au cœur de ce lieu, trône une table, en bois de chêne, marquée par le temps et par les conneries d'Isobel.
Dans le sanctuaire de ce salon, loin de la pluie qui assiège les vitres en un rythme incessant, quatre enfants jouent. Les parents d'Isobel, perdus dans un dîner dans la pièce adjacente, abandonnent leurs rejetons à leur propre univers, un théâtre miniature de la vie adulte. James Potter, a déposé un Monopoly sur la table basse, l'autel de leur jeu.
Sirius Black, son visage figé en un masque renfrogné et sa fortune en chute libre, est pris dans un tourbillon orchestré par les deux filles. Isobel, avec son sourire espiègle et ses doigts qui se meuvent avec la grâce d'un escroc, règne en maîtresse du plateau, possédant les domaines les plus luxuriants. Esther, en retrait mais non moins redoutable, mène sa partie avec une stratégie discutable mais efficace. On lui a confié la banque. Erreur. Un rôle qu'elle assume avec une ferveur incontestée et, semble-t-il, incontestable. Concussionnaire. Car dans ce théâtre d'enfants, personne n'a encore décelé son tour de passe-passe qui se trame sous leurs yeux : la main d'Esther qui s'aventure en douce dans la réserve commune.
Isobel, cependant, n'est pas dupe. Elle discerne clairement les subterfuges d'Esther, mais choisit le silence. Esther, complice de ce pacte non-dit, glisse à Isobel des billets sous la table, achetant sa complicité. C'est une alliance silencieuse, qui tourne la roue de la fortune en leur faveur.
James, malgré le jeu de pouvoir, se maintient à flot. Sa fortune ne rivalise pas avec celle d'Isobel et Esther, mais il parvient ne pas tomber dans l'indigence totale. Il jette des regards vers Sirius, de temps à autre, une étincelle d'empathie allumant ses yeux.
L'indignation de Sirius est un courant électrique. Il peine à voiler son agacement alors qu'il voit sa fortune s'étioler tour après tour. Les moqueries muettes d'Esther jettent de l'huile sur le feu de sa frustration. Il rumine, impuissant et piégé dans ce coin de salon, irrité par sa déchéance et l'absence d'échappatoire pour renverser le sort. La table de jeu, autrefois une promesse de distraction, se transforme en un terrain de bataille où les stratégies et les alliances sont aussi implacables et impitoyables que la pluie qui martèle les vitres à l'extérieur.
La danse du jeu se poursuit, chaque participant lançant les dés à son tour, faisant avancer son pion sur le plateau. Le martèlement incessant de la pluie sur les vitres et la mélopée chuchotée des flammes dans l'âtre sont les seules voix qui viennent perturber le silence tendu du salon. Le jeu, qui avait éclos comme un passe-temps innocent, est maintenant teinté d'une rivalité à peine voilée.
Sirius, ses doigts enlacés autour d'un faisceau de billets de Monopoly aussi fins que les ailes d'une libellule, lance à Esther un regard chargé d'accusation. Sereinement assise sur son siège, son sourire sarcastique à son visage, elle semble être la souveraine silencieuse et insaisissable de ce microcosme passager. Ses yeux brillent de malice, défiant Sirius d'oser dire quoi que ce soit.
Alors que le destin tourne à nouveau en faveur d'Esther, Sirius observe quelques billets apparaître miraculeusement dans sa pille. Un frisson de colère parcourt son dos et il bondit presque de son siège.
« Tricheuse ! » l'accuse-t-il, un doigt tempétueux pointé vers Esther. Son visage, normalement joyeux, est déformé par une tempête de colère et d'indignation. « Je t'ai vue piquer dans la banque ! »
Esther, mime une surprise, plaçant une main sur son cœur comme si elle était touchée par l'accusation. « Moi ? Tricher ? Sirius, tu ne peux vraiment pas accepter de perdre, n'est-ce pas ? » répond-elle, son ton doucereux est comme une gifle pour le garçon.
Isobel et James, pris dans les reflets inquiets d'un miroir brisé, échangent des regards lourds. Leurs sourires ont disparu devant le tumulte croissant. Isobel, dans une vaine tentative de rétablir l'équilibre, pose une main apaisante sur le bras de Sirius.
« Tu es sur de ce que tu affirmes, avant de l'accuser ? » commence-t-elle, mais le garçon, la fait taire.
« Non ! Je l'ai vu et en plus, elle se moque de moi ! » Il se tourne vers James, cherchant de l'aide. « Tu as bien vu, n'est-ce pas ? »
James, pris comme un cerf dans les phares d'une voiture, marmonne une réponse confuse, ses yeux naviguant d'un Sirius à une Esther imperturbable.
L'air dans le salon se densifie, s'engorge d'une tension à peine contenue.
« La probabilité qu'Esther puisse piquer dans la caisse est… Heu… Probable, » avance James, sa voix se voulant un phare de raison dans le brouillard conflictuel. Mais c'est raté.
L'arrogance est peinte sur le visage d'Esther. Assise sur son trône imaginaire, le regard pétillant de malice et de triomphe. « Si vous n'avez pas confiance en moi, pourquoi m'avoir laissé gérer la banque ? »
James hausse les épaules, désarmé. « Bah on avait la flemme de compter… »
« A ce moment-là, il ne faut pas être offusqué si je pique dans la caisse. » réplique Esther se complaisant dans cette victoire sournoise.
« T'es pas censée piquer dedans. Tu nous as lu les règles il y a deux heures. » Sirius fait irruption, brandissant le livre de règles du Monopoly comme un totem de vérité.
Et puis, Esther, imperturbable, manipule avec insouciance un billet vert qu'elle a volé un peu plus tôt. « Il n'est écrit nulle part que je n'ai pas le droit de le faire. »
James intervient. « Il n'y a pas écrit ; que tu ne peux pas essayer de tuer Sirius en lui faisant avaler les jetons, mais pour autant, il ne faut pas le faire. »
Esther, rétorque : « Je ne vais pas mettre toute mes cartes dans la première partie, attends la suivante. » Une menace ou une farce ? La frontière est décidément bien fine.
« Mais donc, j'avais raison, tu as bien volé dans la caisse ? » Sirius, en quête de validation, son regard rivé sur Esther, intense comme le feu dans la cheminée.
« Évidemment, que j'ai piqué dans la caisse, tu t'attendais à quoi ? » Esther, tout en désinvolture, lâche sa réponse comme on jette un os à un chien affamé.
« On ne peut jamais te faire confiance pour être réglo, t'es chiante ! » Sirius, réduit à la fronde, ses petits poings d'enfant pressés contre la table.
« Je me rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes, » assène Esther avec nonchalance.
« Oh, ta gueule… » marmonne Sirius, les mots d'Esther lui causant une migraine plus imaginaire que réelle.
« Siri a raison. Ce serait pas mal qu'on puisse jouer en te faisant confiance. On joue pour s'amuser, je n'ai pas envie de passer mon temps à me méfier de toi. » James intervient, sérieux comme un juge, son regard pesant sur Esther.
Isobel, la pseudo sage entre les sages, prend la parole. « C'est comme ça les gars, il faut vous habituer à jouer. Techniquement, elle a été réglo, il n'est nulle part écrit qu'elle ne pouvait pas le faire. Dans la vie, les gens ne se plient pas au fair-play pour vos beaux yeux. »
« Oh, toi, tais-toi ! Je suis sûr qu'elle t'a filé du fric. J'ai raison ? » Sirius, l'accusateur, son regard transperçant Isobel.
« Évidemment, tu t'attendais à quoi ? » répond Isobel, reprenant les mots d'Esther, son sourire complice rencontrant celui de la voleuse.
Le 10e jour de mars 1970 :
Le dixième anniversaire de Remus s'imprègne d'une chaleur familiale singulière. À l'aube, une lumière douce et orangée, timide encore, se faufile à travers la fenêtre de sa chambre. Un prélude à une journée prometteuse. Tremblant d'excitation, il se dérobe aux bras de Morphée, ses pieds nus quittant la chaleur des draps pour rencontrer le bois grinçant, légèrement gondolé par le temps, du plancher de leur maison campagnarde. Les premières notes d'une symphonie d'anniversaire jouées par le grincement familier du plancher sous ses petons.
Dans la cuisine au parfum d'épices et de douceur matinale, les parents de Remus sont déjà lancés dans un ballet familial bien rodé. Lyall, son père, un homme solide aux traits sévères adoucis par l'amour paternel, est déjà à l'œuvre. Ce roc de la maison, un grand homme avec une stature digne et solide, est déjà à l'œuvre dans la cuisine. Ses mains, qui passent d'ordinaire leur temps à tordre et manipuler les parchemins magiques, manient aujourd'hui la spatule avec habileté, retournant des crêpes d'une dorure parfaite. Monsieur Lupin n'aspire pas à la gloire ou au prestige, bien que brillant et renommé expert mondial en Apparitions Spectrales d'Origine Non Humaine, il préfère la discrétion. Mais dans le cadre de la vie familiale, il est un pilier qui couve son unique fils avec une affection silencieuse.
À l'autre bout de la cuisine, sa mère, Hope, offre un contraste frappant avec son mari. Petite et lumineuse, elle a cette chaleur enveloppante qui n'est rien de moins que l'incarnation de l'amour maternel. Malgré ses origines moldues, elle a su trouver sa place dans cette maison enchantée, infusant chaque recoin de la demeure de sa présence réconfortante. Elle s'approche de lui, l'embrasse doucement sur le front et lui murmure : "Joyeux anniversaire, mon loup."
Remus grimace légèrement à ce surnom, mais ne dit rien. Il sait que pour sa mère, ce surnom est synonyme d'amour, même s'il évoque chez lui des sentiments plus complexes. Mais aujourd'hui est un jour de joie, et il ne laissera rien gâcher cette précieuse matinée. L'ironie de son surnom lui échappe tandis qu'il est entraîné dans l'étreinte chaleureuse.
Remus Lupin, du haut de ses dix ans, navigue dans une vie quotidienne trompeusement ordinaire. En dépit de l'extraordinaire qui l'habite, il réussit à se fondre dans le moule de l'école publique moldue de Cardiff, ville dans laquelle il réside au Pays de Galles. L'innocence de l'enfance se mêle ici à une réalité plus sombre, plus complexe, créant un équilibre précaire mais nécessaire pour le jeune loup-garou.
Les écoliers qui partagent les bancs de l'école avec Remus, tout comme les enseignants qui lui dispensent un enseignement fondamental, ignorent la véritable nature de ce garçon aux cheveux châtain et au regard doux. Et c'est ainsi que cela doit être. Car dans la cour de récréation où résonnent rires et chahuts, parmi les leçons de calcul et les lectures en groupe, Remus Lupin n'est qu'un enfant parmi d'autres.
C'est une vérité qu'il s'évertue à maintenir, et ce, en dépit des signes révélateurs qui pourraient trahir sa vraie nature. Des traits tirés après une nuit de pleine lune, une certaine réserve lors des jeux plus physiques de peur de se blesser, des absences justifiées par des "maladies" récurrentes : des particularités qui pourraient attirer l'attention, mais qui restent discrètes à l'ombre de sa vie d'écolier.
Ainsi, dans le microcosme de cette école publique de Cardiff, Remus Lupin, loup-garou, se fond dans la masse des écoliers innocents. C'est une réalité qu'il s'est créée et qu'il protège farouchement, cherchant à vivre une enfance aussi normale que possible, malgré le poids de l'extraordinaire qui le distingue des autres.
Une fois que les restes du petit-déjeuner d'anniversaire joyeusement célébré ont été rangés, Remus se prépare pour une autre journée d'école. Son sac à dos est chargé de livres d'occasion et de cahiers usagés, un signe discret de la précarité financière de sa famille. Les vêtements qu'il porte sont également simples et fonctionnels, des pièces durables conçues pour résister aux jeux effrénés de la cour de récréation et aux longues journées d'apprentissage. Habillé d'un uniforme légèrement usé, mais propre, sa chemise légèrement rapiécée et un pull-over élimé qui a vu des jours meilleurs. Ses chaussures, bien qu'elles soient polies jusqu'à briller, montrent des signes évidents d'usure.
Le chemin vers l'école est un trajet familier, parsemé de maisons aux jardins soignés et de parterres de fleurs aux couleurs vives. Et puis, au bout de la route, surgit le bâtiment massif de l'école publique, un édifice de briques rouges qui domine le paysage résidentiel de Cardiff. Pour Remus, cet imposant bâtiment est à la fois un lieu de refuge et une source constante d'anxiété.
La situation financière de la famille Lupin est tendue. Ses parents, travaillent sans relâche pour assurer un avenir à leur fils. Lyall, avec son emploi au Ministère de la Magie, plus précisément au Département de contrôle et de régulation des créatures magiques, et Hope, une Moldue, en jonglant entre divers petits boulots pour compléter leur revenu. Leurs salaires qu'ils reçoivent sont modeste et suffisent à peine à couvrir les dépenses nécessaires pour assurer une vie décente à la famille. Cette modicité s'avère encore plus évidente lorsqu'il faut considérer les coûts supplémentaires liés à la condition de loup-garou de Remus. Les potions qu'il doit ingérer chaque nuit de pleine lune sont particulièrement coûteuses.
La décision d'envoyer Remus dans une école publique moldue n'a pas été prise à la légère. Malgré les risques et la peur de révéler leur secret, ils ont dû faire face à la réalité de leur situation financière. L'envoyer à une école de sorciers, aussi sûre et appropriée qu'elle aurait pu être pour leur fils, était un luxe qu'ils ne pouvaient tout simplement pas se permettre.
Malgré tout, chaque jour, il puise en lui la force de sourire, de partager des éclats de rire avec ses camarades, d'embrasser cette enfance en apparence ordinaire, mais qui, sous la surface, est tissée de circonstances extraordinaires. Il se mêle à ses pairs, son sac à dos rempli de livres et de cahiers usagés, et une boîte à lunch préparée avec amour par sa mère - car, même le coût du déjeuner à la cantine est une dépense que la famille Lupin préfère éviter.
Tout au long de la journée scolaire, Remus est une présence dévouée et appliquée. Le curriculum de son école est un assortiment classique d'enseignements - langues, littérature, sciences, histoire - les piliers de l'éducation primaire moldue. Mais parmi toutes ces matières, une se détache du lot pour Remus : les mathématiques.
Les mathématiques pour lui sont comme un refuge stable dans un monde chaotique. Il trouve une sorte de confort dans la logique indéniable des chiffres, dans le fait que deux et deux feront toujours quatre, peu importe les circonstances. Les mathématiques sont une énigme, une série de problèmes à résoudre, un défi qui peut être relevé avec rien de plus que la logique et la pensée rationnelle.
Exceller dans ses études est aussi, pour Remus, une manière de compenser. Compenser pour les jours d'école manqués à cause de sa condition, pour les périodes d'épuisement après une pleine lune, pour les heures passées à se remettre de ses transformations. Il travaille dur, mettant tout en œuvre pour rester au niveau de ses camarades, pour ne pas laisser son secret prendre le dessus sur sa vie.
C'est un équilibre précaire qu'il tente de maintenir, une danse délicate entre les contraintes de sa condition de loup-garou et son désir de mener une vie aussi normale que possible. C'est ce qu'attendent ses parents de lui.
Les cours de sport sont sans conteste le talon d'Achille de Remus. L'idée de se blesser et de révéler son inquiétant secret le terrifie. Il aborde chaque leçon de sport avec une appréhension croissante, une anxiété sous-jacente que sa condition de loup-garou pourrait se dévoiler à cause d'un simple accident.
La récréation, ce moment d'évasion pour la plupart des enfants, est un autre instant délicat pour Remus. Il regarde souvent ses camarades jouer à la marelle ou au football, leurs rires innocents résonnant dans la cour de l'école. Il se joint à eux de temps à autre pour une partie de football ou une petite course, mais la majorité du temps, il se tient à l'écart. Il se réfugie dans ses livres, préférant les mondes qu'il trouve entre les pages à l'énergie tumultueuse de la cour de récréation.
Une fois la journée scolaire terminée, Remus retourne à la chaleur de son foyer. Là, il se plonge dans ses devoirs avant de partager un dîner simple mais aimant avec ses parents. Il participe aux tâches ménagères, aidant sa mère à nettoyer la vaisselle et à préparer le repas du lendemain, trouvant du réconfort dans la routine.
Dans cette existence entre deux mondes, cette vie oscillante entre le monde magique et le monde moldu, Remus Lupin fait tout ce qu'il peut pour maintenir une apparence d'ordinaire. Chaque jour, il cherche à être juste un autre écolier, à dissimuler la bête qui sommeille en lui et à afficher la simplicité d'un enfant ordinaire. Sa vie est un numéro d'équilibriste constant, un jeu d'ombre et de lumière où il s'efforce de faire briller le normal malgré la noirceur qui l'habite.
Le 30e jour d'avril 1970 :
Les mardis d'Esther Walsh ont une saveur particulière. Certes, elle apprécie le principe d'apprendre, d'amasser, de gober des connaissances comme un moineau gobe les miettes, mais les mardis sont sans fin, car consacrés à l'étude des langues mortes. Une discipline fastidieuse à ses yeux, mais inévitable pour un sang-pur de son espèce. C'est une traversée du désert inévitable sur la route poussiéreuse vers la sagesse magique. Runes, latin, grec, voilà le menu du mardi. Le mercredi, c'est le jour du bazar linguistique : russe, gaélique, français et un soupçon d'italien depuis quelques mois. Tout cela s'inscrit dans une tradition qui traverse les générations de sa famille. Bon, elle pense sérieusement abandonner l'italien, si elle a commencé, c'était pour faire plaisir à sa mère.
Esther assise sur sa chaise de travail, les cheveux tirés en arrière par des tresses qui font le tours de sa tête comme deux gros serpents qui s'enchevêtrent, ses sourcils agglutinés en une grimace concentrée. Ses doigts sont noircis par l'encre, des signes indélébiles de l'effort qu'elle a consacré à son étude du latin toute la matinée. Sa table croule sous le poids d'une myriade de parchemins en désordre, de plumes ébouriffées et de livres aux allures de vieux combattants, dont les pages craquelantes sont striées de caractères gribouillés.
Elle contemple les runes, ces marques mystérieuses qui contiennent un monde de significations. Elles sont une clé, un passe-partout qui ouvre les portes de la compréhension, mais elles sont aussi un défi, une énigme qu'elle doit résoudre. Esther aime l'idée de déchiffrer les runes, d'en dénouer les secrets, mais l'acte d'apprentissage lui-même est une corvée. Sa concentration est une bête rebelle, refusant de se fixer sur les détails minuscules et les nuances insaisissables qui sont la clef de leur déchiffrage.
Esther envie Isobel, qui semble avoir un talent naturel pour l'étude des runes. Elle déchiffre les symboles avec une facilité déconcertante, comme si elle avait une affinité innée avec eux. À l'inverse, Esther se sent souvent frustrée, piégée dans un labyrinthe de signes indéchiffrables. Elle sait que l'importance des langues anciennes dans le monde magique est immense. Elles sont le fondement de la magie, le code sous-jacent qui donne forme et substance aux sortilèges. Pourtant, elle ne peut s'empêcher de soupirer en pensant aux autres matières qu'elle préférerait éviter, comme la métamorphose ou les sortilèges domestiques, des disciplines qui lui semblent ennuyeuses et sans intérêt.
Mais, il reste une exception dans son marathon linguistique : le grec. Le grec, avec son alphabet unique et ses mythes fascinants, est une source d'amusement pour elle. Elle aime l'intonation mélodieuse de la langue. Esther jette un coup d'œil à l'horloge accrochée au mur. Encore cinq heures avant que son père ne rentre et qu'ils puissent jouer aux échecs, un moment de répit qu'elle attend avec impatience. Mais avant cela, dans vingt minutes, elle devra réciter ce qu'elle a appris à sa mère. Une dernière épreuve avant de pouvoir se libérer de la contrainte des études pour la journée.
L'éducation des sorciers de sang pur avant leur entrée à Poudlard est un processus rigoureux et traditionnel qui peut sembler ardu à l'extérieur. Les membres de ces anciennes familles magiques sont élevés dans une atmosphère saturée de connaissances ancestrales et de coutumes séculaires, formant une base solide pour leur futur apprentissage Poudlard.
L'étude des langues anciennes, comme le latin, le grec et les runes, en est un exemple. Ces langues, bien qu'apparemment archaïques et obsolètes pour le monde moldu, sont au cœur de l'héritage magique. Elles forment le substrat de nombreux sortilèges et enchantements, et leur compréhension aide à dévoiler les secrets de la magie de manière plus profonde. Ces jeunes sorciers reçoivent également une instruction approfondie dans des domaines plus pratiques, tels que les potions et la défense contre les forces du mal. Mais pour Esther, ce sont là des mots sur le papier, des leçons théoriques. Puisque le laboratoire que son père utilise se trouve, appartient et dépend du département des Mystères. Autant vous dire qu'une jeune fille de 10 ans n'y fout pas souvent les pieds. Cependant, contrairement à une scolarité typique avant Poudlard, l'enseignement préparatoire des sang pur inclut également des éléments de la vie quotidienne magique. L'étude des sortilèges domestiques, par exemple, est considérée comme essentielle. Alors que certaines disciplines peuvent sembler moins glamour ou passionnantes, comme la métamorphose ou les sorts ménagers, elles jouent un rôle crucial dans l'acquisition d'une connaissance pratique et fonctionnelle de la magie.
Les familles de sang pur ont souvent leurs propres traditions et coutumes d'enseignement. Ces traditions sont généralement transmises de génération en génération, et offrent une connaissance approfondie et intime de la magie qui dépasse souvent le cadre scolaire. Cela peut comprendre des aspects tels que la généalogie, la diplomatie magique, l'étiquette et les codes de conduite au sein de la société magique. Les familles peuvent également avoir leurs propres secrets et traditions magiques, comme des sorts spécifiques, des rituels, ou des recettes de potions qui ont été gardés dans la famille pendant des siècles. Dans le cas d'Esther, sa mère lui fait cours le lundi, qui suit un programme tout à fait classique en plus de devoir apprendre le gaélique. Foutues racines irlandaises.
L'éducation des sang pur vise également à inculquer un sens de la tradition et de l'honneur. L'importance de la lignée, du statut social et de l'héritage familial sont des thèmes récurrents, tout comme la nécessité de maintenir la pureté du sang. Cette éducation renforce l'idée que chaque famille de sang pur a un rôle à jouer dans la préservation et la progression du monde magique.
Dans la famille Black, la tradition d'enseignement du sang pur revêt une importance primordiale. Cette famille, profondément attachée à la pureté de sa lignée, fait preuve d'une intransigeance presque rituelle pour préserver et transmettre leurs connaissances et coutumes ancestrales. L'arbre généalogique des Black se présente comme une étape obligatoire de leur éducation. Combien de fois les oreilles d'Esther ont-elles été assaillies par les récits de Sirius sur les leçons interminables de Walburga, sur les dates de naissances et de mort de leurs ancêtres ? Un véritable calvaire généalogique qui revient inlassablement, comme une chanson à la mélodie grinçante. Selon madame Black, né Black, apprendre à connaître et à respecter ses ancêtres, à comprendre la place qu'il occupe dans cette lignée est une leçon d'humilité, de respect, mais également de responsabilité. "Toujours pur". Dans la maison du 12 Square Grimmaurd, l'enseignement de la magie est omniprésent. De la diplomatie magique aux coutumes et rituels familiaux en passant par les enchantements, chaque facette de la vie quotidienne est imprégnée de magie. Pour un jeune garçon comme Sirius, cette immersion constante dans le monde magique est étouffante. La lignée Black ne se limite pas à une simple succession de noms illustres, elle cache en son sein une trop vaste collection de secrets, de sortilèges et rituels, uniquement dévoilés à ceux qui portent son nom. Sirius, en tant qu'aîné, est supposé se familiariser avec ces traditions, les apprendre, les maîtriser, chaque incantation, chaque grigris. Orion, en serait atterré s'il savait combien son héritier se contrefiche de tout cela. Sirius, la tête brûlée, l'indomptable, esquive les responsabilités, néglige les secrets ancestraux, qu'il enterre. C'est la chute de la dynastie.
L'éducation chez les Potter est une toute autre affaire, surtout lorsqu'elle est comparée à celle des Black. Dans la famille Potter, les préceptes stricts et les traditions rigides sont laissés de côté, au profit d'une approche plus détendue, presque bohème de l'apprentissage. Chez les Potter, la maison bourdonne d'une énergie créative et ludique, les murs sont tapissés de cartes de sorcier célébre et de posters de quidditch, et les soirées sont souvent animées par des jeux magiques ou des histoires fantastiques racontées par les parents. Cette atmosphère libre et sans contraintes donne à James Potter un espace pour explorer et comprendre le monde magique à sa propre manière. L'apprentissage formel, bien que présent, est loin d'être rigide ou structuré. Le jeune James sait lire et compter, des compétences acquises par l'entremise de ses parents, mais également de ses propres explorations dans la bibliothèque familiale. Il est possible de voir se balader James avec un livre sous le bras, toujours plus pratique que théorique, mais ca reste un livre avec des pages. Bon des livres de Quidditch. Mais c'est un début. Les bases de l'histoire de la magie ont également été enseignées à James, mais pas sous la forme d'une leçon magistrale ou d'une série de faits à retenir. Au lieu de cela, ses parents lui racontent l'histoire comme une série d'histoires passionnantes, de légendes et d'aventures, stimulant son imagination tout en lui transmettant les connaissances importantes. La même méthode est utilisée pour l'initier aux rudiments des potions, des sortilèges et des enchantements. Ces leçons sont souvent dispensées de manière ludique, à travers des jeux, des devinettes et des expériences pratiques. L'objectif n'est pas tant de remplir la tête de James de faits et de chiffres, mais de lui donner une compréhension instinctive de la magie et de ses applications. La magie chez les Potter n'est pas tant une discipline rigide à maîtriser qu'un compagnon de vie à apprivoiser et à comprendre. Cette éducation libre et intuitive, bien qu'atypique, a formé le fondement de la personnalité de James Potter - curieuse, aventureuse et résolument optimiste.
Il y a une chose que James Potter, avec toute sa curiosité enfantine et son amour pour la liberté, ne peut absolument pas supporter : c'est l'histoire de la magie. Pour lui, l'histoire de la magie représente tout ce qui est contraire à sa nature - c'est rigide, c'est factuel, c'est dépourvu de toute spontanéité et c'est, surtout, ennuyeux à mourir. Là où il voit la magie comme une force vibrante et vivante, comme une compagne de tous les jours qui pimente la vie, l'histoire de la magie la réduit à des dates, à des noms et à des faits figés dans le temps. C'est une antithèse à son approche de la vie, qui est tout sauf linéaire et prévisible. Chaque fois qu'il ouvre un livre d'histoire de la magie, James a l'impression que la magie elle-même devient terne et sans vie. Les histoires de sorcières brûlées et de guerres magiques, au lieu d'évoquer l'émotion et le drame, semblent dénuées de toute substance. Ce sont des histoires d'un autre temps, qui n'ont aucune résonance avec son présent. James préfère de loin vivre l'histoire plutôt que de l'apprendre. Il veut être celui qui crée des histoires, pas celui qui les mémorise. Pour lui, la magie est une force à expérimenter, pas quelque chose à étudier à travers les livres poussiéreux d'histoire. Et c'est pourquoi, chaque fois qu'il doit ouvrir son livre d'histoire de la magie, James Potter ne peut s'empêcher de soupirer de désespoir. C'est l'heure qu'il redoute le plus dans sa semaine, l'heure où il doit s'asseoir et endurer ce qu'il considère comme le plus grand tue-l'amusement de tous les temps : l'histoire de la magie.
Ce n'est pas la même rengaine pour Esther qui se tient droite, son dos trace une ligne parfaite avec les étagères chargées de livres de la bibliothèque familiale. Son regard brille d'une passion indomptable alors qu'elle scrute les vieux ouvrages alignés comme de fidèles sentinelles. Elle effleure du bout des doigts les reliures patinées par le temps, sentant une connexion tangible, une sorte de pont invisible qui la lie à ces sorciers et sorcières des siècles passés. Pour Esther, l'histoire n'est pas un simple amas de connaissances à ingurgiter, c'est un être vivant, un conteur qui murmure à son oreille des récits de bravoure, de trahison, d'amour et de tragédie.
« Tu sais James, pour la plupart, l'histoire de la magie n'est qu'un inventaire ennuyeux de faits et de dates. Mais pour moi, c'est bien plus que ça, » avoue-t-elle un jour à son camarade, alors qu'ils sont installés tous les deux au milieu de cette bibliothèque gigantesque. « C'est un miroir qui montre non seulement notre passé, mais aussi notre potentiel futur. Les gens ont cette fâcheuse habitude de répéter leurs erreurs, c'est comme ça. Et si tu comprends cela, tu comprends tes adversaires. S'ils ont trébuché une fois, attends-toi à ce qu'ils trébuchent à nouveau. Si tu connais les erreurs de ton ennemis, attends toi à ce qu'il puisse les refaire. »
Ce n'est pas seulement le respect académique qu'elle accorde aux leçons du passé, non. Son engagement est viscéral. Coincée entre les quatre murs de sa vie monotone, elle se lasse de la routine incessante. Les livres d'histoire, lui offrent un échappatoire, une chance de vivre par procuration à travers des histoires palpitantes de batailles, de trahisons et d'amour. Chaque duel qui a déchiré le tissu de la réalité, chaque incantation lancée dans l'ombre ou la lumière, chaque cœur brisé dans la tourmente, tout cela devient pour elle des fragments d'expérience. Pas simplement des récits, mais des éclats de vécu réel qui ont laissé leurs traces dans le monde. Ces histoires ne sont pas de simples pages d'un livre, elles sont un miroir reflétant la vérité de la condition humaine.
La réalité de ces récits ajoute du drame au drame, rendant le tout plus tangible, plus poignant. C'est son histoire, l'héritage de sa lignée, une partie essentielle de son identité. De là à dire qu'Esther se fait chier et s'amuse des morts passés… À vous de juger.
Le 8e jour de mai 1970 :
Lily Evans, du haut de ses dix ans, vit à Tamworth, ville pittoresque non loin de Birmingham dans les Midlands de l'Angleterre. Cette cité historique, jadis berceau des rois anglo-saxons, est un mélange enchanteur d'ancien et de nouveau. Les ruines du château de Tamworth, jadis fortifié par dame Æthelflæd, dominent la ville de leur stature médiévale, côtoyant les rues animées, remplies de commerces et d'échoppes, où le passé et le présent se rencontrent en un tableau vivant de l'Angleterre traditionnelle.
Ici, Lily a grandi, partageant une existence humble et heureuse avec sa famille. Son père, un homme de labeur qui porte avec fierté les marques de son travail, rentrait chaque soir avec des histoires pleines de rire et de chaleur. Sa mère, une femme au cœur tendre et aux mains fortes, infusait leur foyer d'un amour inconditionnel, élevant Lily et sa sœur dans un environnement où le bonheur et la simplicité étaient les pierres angulaires de leur vie.
À Tamworth, parmi les rues pavées, les maisons à colombages et les parcs verdoyants, Lily a fait ses premiers pas dans la vie.
Avec sa chevelure rouge feu et ses yeux émeraude, elle était un rayon de soleil dans leur vie. Vivace, courageuse, curieuse, elle s'avançait dans la vie avec une énergie et une joie qui illuminaient leur foyer. Ses rires résonnaient dans la maison, ses questions incessantes égayaient les soirées familiales, tandis qu'elle cherchait à comprendre le monde qui l'entourait.
Un jour, saturée du petit parc commun de Tamworth, Lily décide qu'elle souhaite explorer l'étendue du plan d'eau. Il se trouve pourtant à la lisière de Carbonne-les-Mines, une commune voisine d'une réputation moins attrayante. Sa mère s'oppose fermement à cette idée. « Carbonne-les-Mines ? Hors de question. » clame-t-elle avec un air de consternation. « C'est un endroit peu fréquentable, ma chérie. Tu es bien trop jeune pour y aller. »
Pourtant, l'interdit attise la curiosité de la jeune Lily. Elle ne voit pas les dangers potentiels de Carbonne-les-Mines, elle voit une nouvelle aventure à vivre. Dans son esprit de fillette de dix ans, elle rêve des vastes étendues d'eau et de la liberté qu'elle pourrait y trouver. C'est un défi, une intrigue, une énigme à résoudre.
Peu importe les avertissements de sa mère, Lily est résolue. Elle veut voir ce plan d'eau, elle veut traverser cette limite invisible qui sépare sa petite ville de la commune voisine. Elle veut découvrir par elle-même ce qui se cache dans l'ombre de Carbonne-les-Mines. Après avoir réussi à convaincre sa sœur Petunia, les deux fillettes se rendent dans le parc de l'autre côté de la ville. Un lieu dont leurs parents leur interdisent de visiter, craignant sa réputation de quartier mal famé.
Carbonne-les-Mines, un petit coin de l'Angleterre où les bâtiments industriels s'alignent comme des soldats de plomb le long des rues bordées de maisons modestes. C'est une ville où l'odeur du charbon et de la suie imprègne l'air, où les mines et les usines sont les piliers de l'économie locale et où les travailleurs, avec leurs mains salies par la poussière de charbon, sont les parents de tous les enfants du coin.
« Comment cela peut-il être si terrible ? » se demande Lily. Après tout, Carbonne-les-Mines n'est qu'à trois pâtés de maisons de chez elle. La frontière invisible entre les deux villes semble presque absurde à ses yeux innocents. La même voie de chemin de fer qui passe près de leur maison continue jusqu'à Carbonne-les-Mines. Les mêmes rues, étroites et densément bâties qui forment son quartier s'étendent également jusqu'à cette ville voisine.
Carbonne-les-Mines, avec son histoire minière et industrielle, n'est pas si différente de Tamworth. Les mêmes maisons ouvrières en brique rouge, les mêmes rues pavées, les mêmes visages familiers. Tout cela est juste plus sale du côté de Carbonne-les-Mines. Et pourtant, dans l'esprit de sa mère, c'est un monde à part, un endroit à éviter.
Pour Lily, cependant, la vision du parc est d'une beauté captivante, presque ensorcelante. Les arbres de Tamworth, si familiers et confortables, n'ont pas l'audace des imposantes silhouettes qui bordent le parc de Carbonne-les-Mines. Là-bas, les troncs se dressent fièrement vers le ciel, les branches s'étendant dans une éternelle danse avec le vent. Elle imagine le bruissement de leurs feuilles, un murmure doux et constant qui raconte des histoires d'innombrables saisons passées.
Et puis, il y a l'herbe, d'un vert éclatant qui rivalise avec le plus beau des émeraudes. Elle a entendu dire que l'herbe est toujours plus verte ailleurs, mais jamais elle n'aurait cru que ce serait à quelques pâtés de maisons de sa propre maison. Cette herbe, elle en est certaine, doit être plus douce, plus accueillante pour un pique-nique improvisé ou une sieste à l'ombre.
Ce n'est pas un lac, pas vraiment, mais pour Lily, c'est bien plus que ça. C'est un miroir géant, une surface limpide qui capture le ciel et le livre à quiconque se penche pour l'observer. Elle rêve de s'asseoir sur la rive, de laisser ses doigts effleurer l'eau fraîche, de regarder les nuages se dessiner sur la surface étincelante.
La réalité de leur situation frappe Petunia soudainement. Elles sont à Carbonne-les-Mines, dans le parc qu'elles n'ont pas le droit de fréquenter.
« Nous devons partir, Lily » déclare-t-elle d'un ton brusque, récupérant rapidement de son état de stupeur. Sa voix s'est élevée dans une octave plus haute, trahissant son inquiétude.
« Mais, Tunie… » Lily commence à protester, la surprise dessinée sur son visage. Mais Petunia la coupe brusquement.
« Non, Lily. Maman a dit non. Elle ne veut pas que nous venions ici. » Les yeux de Petunia balayent le parc avec appréhension, cherchant un signe de danger, réel ou imaginé.
Lily baisse les yeux, son excitation se dissipant devant la peur de sa sœur.
« Et maintenant regarde, Tunie. Regarde ce que j'arrive à faire. »
Puis, elle tend la main vers une marguerite à proximité, ses doigts effleurant à peine les pétales blancs.
Avec une concentration intense qui crée un silence quasi religieux autour d'elles, la fleur commence à bouger. Les pétales se replient puis se déploient à nouveau, comme dans une danse silencieuse et hypnotique. La tige de la marguerite se tord et se courbe à sa volonté, chaque mouvement accompagné par le battement régulier du cœur de Lily.
La fleur tourne sur elle-même, se balance d'avant en arrière, dans un mouvement rythmique qui ressemble à la danse des vagues sur l'océan. C'est un spectacle à couper le souffle, un tableau vivant d'une beauté pure et d'un mystère qui fait briller les yeux de Lily d'un éclat presque surnaturel.
Petunia observe, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte. C'est magique, incroyable... et c'est effrayant aussi. Pour la première fois, elle réalise que sa sœur, sa petite Lily, est différente. Pas seulement spéciale, mais autre, étrange, et merveilleusement terrifiante.
Petunia, frappée de stupeur, regarde sa sœur avec une expression d'ébahissement total. Ses yeux bleus sont écarquillés et sa bouche s'ouvre et se ferme plusieurs fois avant qu'elle ne parvienne à articuler une réponse.
« Arrête ! » balbutie-t-elle, reculant instinctivement, comme si Lily avait soudainement changé de forme sous ses yeux. Le regard de Petunia vacille entre Lily et la fleur qui danse, cherchant une explication logique à ce qu'elle vient de voir.
Lily, pour sa part, n'est pas offensée par la réaction de sa sœur. Elle comprend. Ce qu'elle peut faire est au-delà de l'ordinaire, c'est extraordinaire. C'est un pouvoir qui lui a été donné, un don qu'elle ne comprend pas entièrement elle-même.
Lily, le visage illuminé par une patience sereine, regarde sa sœur. « Ça ne te fera aucun mal, Tunie » murmure-t-elle avec une douceur inébranlable.
« C'est... ce n'est pas normal, Lily » balbutie Petunia, une pointe d'anxiété transperçant sa voix. « C'est de la... de la magie. » Les derniers mots tombent de ses lèvres comme une sentence, porteurs d'un fardeau invisible.
Lily acquiesce, un sourire serein toujours peint sur son visage. « Je peux t'apprendre, si tu veux. On pourrait faire ça ensemble. »
L'expression de Petunia se durcit, son regard se perdant dans le vide. « Non. Je n'en veux pas, Lily. Ce n'est pas... ce n'est pas bien. Ils disent que la magie... c'est l'œuvre du diable. »
Le sourire de Lily vacille mais ne s'éteint pas. « Tunie, il n'y a pas de diable. Je suis ta sœur, comme toujours » elle essaie d'apaiser, tendant une main en signe de paix.
Mais Petunia recule, une expression de peur inscrite clairement sur son visage. Son cœur bat
si fort qu'elle a l'impression qu'il pourrait sortir de sa poitrine à tout moment. « Tu es un monstre, Lily! » s'exclame-t-elle finalement, ses mots tranchant l'air comme une lame aiguisée. Sa peur viscérale de ce qu'elle ne comprend pas se métamorphose en une colère froide et amère.
Ses mots résonnent comme un coup de tonnerre dans le silence du parc, faisant fuir les oiseaux nichés dans les arbres. Elle tourne les talons brusquement, ses cheveux blonds formant un halo autour de sa tête alors qu'elle s'enfuit en courant, laissant une Lily désemparée et blessée dans son sillage. Lily regarde sa sœur partir, une douleur sourde pulsant dans sa poitrine. Les mots de Petunia résonnent dans son esprit, chaque syllabe lui infligeant une blessure plus profonde que la précédente. Les larmes montent aux coins de ses yeux verts, mais elle les retient, les transformant en une douleur silencieuse qui s'infiltre dans chaque recoin de son être.
La joie qu'elle ressentait précédemment en montrant sa magie à sa sœur s'évapore, laissant place à une tristesse profonde. Un sentiment d'isolement s'empare d'elle, assombrissant le parc autrefois joyeux. Sa magie, qui lui semblait auparavant si merveilleuse, semble maintenant un fardeau lourd à porter.
C'est à cet instant précis que Lily ressent une présence. Un frisson parcourt son échine, comme un vent d'hiver qui souffle à travers le parc et chuchote à son oreille des murmures inaudibles. Son regard est attiré, comme par une force inexpliquée, vers un arbre mort et creux, une carcasse solitaire à quelques mètres de là. De l'ombre opaque et énigmatique que l'arbre projette, une silhouette s'ébauche lentement, esquissant une forme presque irréelle.
C'est un garçon, ou du moins, ce qui semble être un garçon. Il émerge de l'obscurité comme un spectre, à la fois là et pourtant à peine tangible. Son aspect étrange, presque surnaturel, est accentué par les reflets sombres et changeants de l'ombre qui danse autour de lui. Les contours de sa silhouette sont mouvants, indéfinis, se fondant dans l'obscurité de l'arbre puis se redessinant avec une précision étrange lorsque la lumière change. Le spectacle a quelque chose de surnaturel, de spectral, comme s'il était un personnage échappé d'une histoire gothique, venu hanter les pages de la réalité. De l'ombre noire que l'arbre projette, la silhouette dégingandée sort lentement de l'ombre projetée par le tronc creux, s'affichant entièrement au grand jour , celle d'un garçon à l'apparence étrange. Les cheveux aussi noirs que la nuit encadrent un visage pâle, et deux yeux d'une noirceur abyssale la fixent, en contraste saisissant avec la verdure environnante. Pour une seconde, Lily ressent une vague de peur, comme si un spectre s'était matérialisé devant elle. Lui ne sourit pas, son visage reste figé, presque vide, ni triste ni heureux. Il est là, simplement, se tenant droit comme un piquet.
Ses vêtements sont usés : un pull à la laine rêche et décolorée, un pantalon trop court qui laisse voir ses chevilles décharnées. Les cheveux noirs qui encadrent son visage accentuent encore plus l'obscurité profonde de ses yeux. Ces yeux qui fixent Lily avec une intensité déconcertante, une curiosité quasi palpable.
Dans ce moment suspendu, Lily ne perçoit pas le garçon comme un être humain. Il ressemble davantage à une apparition, une ombre sortie de nulle part pour l'observer. Le silence s'épaissit autour d'eux, seulement brisé par le léger souffle du vent qui fait frissonner les feuilles des arbres autour.
Le 24e jour de Juillet 1970 :
Sous la bienveillance timide d'un soleil complice, à Godric's Hollow, dans le comté de Suffolk. C'est là que s'étale, sans la moindre hésitation, un havre de paix et de sérénité. Imaginez-vous, entouré de chênes vénérables, dont les ombres caressent avec délicatesse le luxuriant tapis de verdure qui s'étend à perte de vue.
Dans cet écrin de nature, il règne une atmosphère si paisible que le temps semble suspendre sa course effrénée. Le doux murmure du vent dans les feuilles, les chants discrets des oiseaux et le chuchotement du ruisseau voisin contribuent à créer un charme parmi ce village tout moche.
Mais ne vous y trompez pas, cette après-midi n'est qu'une répétition des précédentes, une répétition d'hier et un avant-goût de ce qui attend les garçons dans trois jours. Comme une vieille chanson bien-aimée mais trop jouée, la routine s'installe : les enfants se retrouvent, ils courent, volent, jouent, puis s'épuisent.
Sirius, se retrouve dans un état léthargique une fois de retour chez lui, incapable de trouver la force pour se rebeller. Pour Walburga, c'est une bénédiction. Après tout, malgré la trahison des Potter envers la pureté du sang, ils demeurent une famille influente. Dorea, sa propre tante, est bien mariée au grand frère de Fleamont, et leur fils Arcturus représente ce qu'un Potter peut être de plus serpentard. Dans cette perspective, le petit James pourrait contribuer à discipliner Sirius et à le rendre plus docile. Pour Walburga, ces quelques heures de liberté valent bien cet arrangement. Il y a quelque chose d'étonnamment humain à troquer la tranquillité pour des principes, n'est-ce pas ?
Ah, à l'aube de l'adolescence, voilà nos deux intrépides protagonistes, James Potter et Sirius Black, jouant au-dessus de la pelouse des Potter. Leurs cheveux en bataille témoignent de leur énergie juvénile, semblant défier toute tentative de discipline capillaire.
Le souafle, usé par d'innombrables parties, vole dans les airs, et Sirius, légèrement plus grand que son ami, l'attrape d'un geste sûr.
« Alors Potter, prêt à mordre la poussière? » Sirius brandit le souafle comme un trophée, son sourire plein de défi.
James répond par un rire franc. Il s'accroupit pour ramasser son balai. « C'est ce qu'on verra, Black! »
Son sourire effronté répond au rire franc.
Le jeu se poursuit, et c'est une symphonie de rires et de taquineries qui remplit l'air. Le Souafle voyage d'un joueur à l'autre dans une danse enjouée. Mais au-delà de cette rivalité de façade, l'amitié et la complicité profondes qui unissent ces deux jeunes garçons sont palpables.
Leurs balais virevoltent et glissent dans les airs, leurs pieds frôlant le sol avec grâce et une pointe d'audace.
Alors qu'ils continuent de tournoyer et de s'esquiver, Euphémia Potter les interrompt soudainement, leur ordonne de descendre boire de peur qu'ils attrapent une insolation.
Sous le regard amusé de la mère, James et Sirius descendent de leurs balais, le visage radieux malgré l'interruption.
Le 1er jour d'aout 1970 :
Le jardin de la maison d'Esther, ah, quel émerveillement pour les enfants ! Cachée des Moldus au cœur de la forêt de Brocéliande, elle n'est pas bien grande. Trois chambres, un grenier qui sert de dortoir et de dépotoir, une petite cuisine et un salon, ainsi qu'une mare où barbotte Esther et les têtards pendant l'été. « Les têtards » ne sont pas les noms des amis d'Esther.
C'est là, au creux de cet Éden, qu'elle passe ses vacances ; la maison de Plymouth, dans le Devon, est trop humide pour Odette l'été. Dans cet univers en suspension, le temps semble s'écouler à un rythme différent, guidé par la symphonie des feuillages et le chuchotement du ruisseau de Branhagot qui coule de l'autre côté des protections.
James, Esther et Isobel, ces rejetons de la liberté, se déchaînent sans vergogne de l'autre côté des barrières magiques du jardin d'Esther. Ils s'abandonnent à une danse enfantine, riant comme des damnés et galopant avec un plaisir obscène parmi les fleurs sauvages qui poussent sans retenue, et les arbres qui les observent avec une résignation stoïque.
Leurs chaussures ? Pitié, ces entraves de la civilisation ont été jetées à la porte du jardin, comme un mauvais souvenir de leur vie policée. Pieds nus, nos mômes sauvages préfèrent se délecter de la caresse impudique de l'herbe douce contre leur peau, de la sensation de la terre humide qui s'infiltre entre leurs orteils. C'est un bacchanal sans vin, une fête sans fin, une débauche de liberté sous le regard bienveillant du soleil. Ah non nous sommes en Bretagne, le ciel est gris.
Dans un moment de calme, alors que la course frénétique a cédé la place à une langueur d'été, les trois enfants se retrouvent allongés dans l'herbe, humant l'arôme d'herbe fraîchement coupée et de fleurs sauvages. Leurs corps sont dispersés au hasard, formant une constellation enfantine sur le tapis naturel. Leur respiration est rythmée par le frémissement de la brise à travers les feuilles, une symphonie d'été qui accompagne le ballet incessant des nuages.
Le ciel, d'un bleu gris, s'étend au-dessus d'eux comme un vieux plafond défraîchi, ponctué par des nuages plus gros que d'autres. Les enfants, la tête renversée en arrière, contemplent les nues.
James se redresse légèrement, appuyé sur un coude. Il tourne son regard, d'habitude vif et plein d'enthousiasme, vers Esther. Les traits de son visage enfantin sont légèrement ombragés par une préoccupation, rompant momentanément le tableau de l'innocence.
« Pourquoi Sirius n'est pas venu ? » demande-t-il, sa voix brisant le silence. Son ton est dépourvu de toute accusation, simplement rempli d'une curiosité sincère et d'une pointe de déception.
Esther se pousse sur ses mains, ses petits bras enfantins se cambrant contre l'herbe épaisse et trempée, fronçant ses sourcils comme une vieille dame mécontente. « Ils l'ont puni, le bougre. » déclare-t-elle, sa voix grondant de la façon la plus sévère qu'une fillette de dix ans puisse gérer.
« Pour quel nouveau prétexte l'ont-ils puni cette fois-ci ? » réplique James, ses yeux brillant d'une lueur malicieuse.
« Un prétexte ? Je te rappelle que la dernière fois, il a failli foutre le feu à la tunique de Kreattur… »
« C'était une tentative héroïque de forcer ses parents à lui offrir une tenue décente, » proteste James, levant un doigt comme un petit avocat en herbe.
« Certes, mais il a littéralement enflammé l'elfe, James ! Il a mis le feu. Même si son intention était louable. Je serais d'accord avec toi, si Kreattur n'avait pas porté la guenille pendant qu'il y mettait le feu. » intervient Isobel, son ton sage trahissant son amusement face à la discussion.
« Peut-être... Mais alors, qu'est-ce qu'il a fait cette fois ? » James rétorque, tournant son regard brillant vers Esther.
Esther, avec un haussement d'épaules de pure indifférence enfantine, tire une moue sur son visage. « Qui sait ? Peut-être a-t-il encore joué un tour à son frère... ou peut-être a-t-il été surpris en train de fouiner. » Ses mots tombent dans l'air estival, ponctuant leur conversation d'un mélange de reproche et de tendresse pour leur ami absent.
Le 38e jour d'octobre 1970 :
Severus Snape, du haut de ses dix ans, réside dans le cratère fumant qu'est Carbonnes-les-Mines, fleuron industriel si on aime le genre charbonneux, accroché à la lisière des intestins de Birmingham. Les habitations, ces alignements monotones de boîtes de conserves à deux étages, se serrent l'une contre l'autre, comme pour se réchauffer dans le froid social de l'économie charbonnière.
Au cœur de cette mosaïque tristounette, le repaire des Snape, un chenil de briques à peine déguisé en maisonnette. Un spécimen pitoyable, agressé par le temps et l'indifférence, dont les briques sont tellement noircies par la suie qu'on pourrait croire à un hommage à l'industrie locale. Le toit, ce pauvre bougre, tente de tenir bon malgré son âge avancé et ses tuiles manquantes. Une symphonie de décrépitude qui jouerait du violon dans le vent, si seulement elle avait encore de quoi payer le musicien.
Tobias Snape, le père, est une caricature d'homme des mines, taillé à la serpe dans la roche la plus dure et la plus amère. Ses journées, il les passe à limer ses poumons dans le ventre minéral de la terre, et ses soirées, à limer son foie dans l'étreinte douteuse de l'alcool.
Et une fois la nuit tombée, alors que les étoiles peinent à percer la couche de suie qui recouvre Carbonnes-les-Mines, Tobias trouve refuge dans le seul endroit qui semble lui offrir un semblant de chaleur - le pub du coin. Là, entre les murs jaunis par la nicotine et sous le regard vitreux de ses compatriotes tout aussi abîmés par la vie, il noie son amertume dans l'alcool.
À chaque paie, sa bourse s'allège plus rapidement que son humeur ne s'adoucit. Les pièces de monnaie, gagnées à la sueur de son front et au prix de sa santé, s'évaporent aussi vite qu'elles sont venues, se transformant en rondelles de verre vides qui s'empilent sur le comptoir du bar. Ces moments de quiétude, aussi artificiels et éphémères soient-ils, sont aussi rares que l'or dans le charbon qu'il extrait, et ils ne perdurent jamais bien longtemps.
Tobias porte dans son regard toute la noirceur de son quotidien, un froid de mine de charbon qui durcit encore plus ses traits déjà marqués par une vie de labeur. Son visage, creusé par des années de fatigue et d'abus d'alcool, est comme un paysage lunaire, stérile et inhospitalier. Et cet homme, modelé par les ténèbres souterraines et l'ivresse, n'a de tendresse pour son fils que celle d'un coup de pied bien placé.
Et Severus, son unique progéniture, fait de son mieux pour esquiver les coups, tel un danseur dans un ballet macabre. Il encaisse, il survit, silencieux et résistant comme les murs de leur misérable demeure qui ont entendu trop de cris, trop de larmes, et trop de secrets inavouables.
Eileen Snape, la mère de Severus, n'est que l'ombre épuisée d'une femme. Elle est une silhouette fanée, dépossédée de toute trace de l'enthousiasme de la jeunesse, traînant dans la demeure maussade comme un fantôme désabusé. Usée jusqu'à l'os par une vie de soumission et de renoncements, elle flotte comme une âme perdue dans leur demeure miteuse, un fantôme que la vie a oublié de prendre. Son visage est creusé par la faim, marqué par la défaite et, surtout, par la peur - une peur latente, rampante, qui suinte de ses yeux comme une plaie purulente. Ses yeux, autrefois vivants et pleins d'espoir, sont maintenant voilés par une résignation profonde et glaciale. Mais ces yeux-là, Severus ne les a jamais vus.
Eileen a abandonné depuis longtemps tout espoir d'une existence meilleure, se contentant d'exister au jour le jour, survivant à peine dans l'ombre de son mari tyrannique. L'argent qu'il ramène à la maison, fructueux les jours de paie, se voit souvent dilapidé dans les bars, dépensé en alcool, laissant derrière lui une traînée de dettes et de désolation.
Quant à sa protection maternelle, elle est aussi absente que le sourire sur ses lèvres. Elle assiste, impuissante ou indifférente, aux déchaînements de violence de son mari envers leur fils. Elle ne fait rien pour arrêter les coups, pour apaiser la colère ou pour consoler le chagrin. Severus, laissé à la merci d'un père irascible et d'une mère absente, se demande parfois si elle a seulement conscience de son existence. Mais l'alcool rend son Tobias imprévisible, violent, et chaque altercation a le potentiel de se transformer en tempête. Eileen, souvent l'objet de sa colère après que Severus se soit réfugié en sécurité, a appris à éviter la tempête autant que possible.
Les marques sur son corps, dissimulées sous des vêtements usés, sont un témoignage silencieux de ses souffrances. Elles sont le prix de sa survie, une taxe amère qu'elle paye pour la sécurité relative de son fils.
Et Severus, dans sa jeunesse désorientée, ne peut que regarder, impuissant, la tragédie de sa mère se dérouler jour après jour, se demandant sans cesse pourquoi elle endure un tel traitement, pourquoi elle ne se bat pas, pourquoi elle n'arrête pas son père. Les interrogations sont nombreuses, mais les réponses sont tragiquement rares.
La triste vérité est que, dans leur petite maison décrépite de Carbonnes-les-Mines, Eileen est à peine plus qu'une victime, un fantôme qui lutte chaque jour pour survivre à la prochaine tempête. Et au milieu de tout cela, Severus reste seul, coincé entre un père tyrannique et une mère incapable de lui offrir la protection dont il a tant besoin.
Est-ce que c'est ça l'amour maternel ? La négligence, l'indifférence, l'abandon ? Eileen Snape est une mère en titre uniquement, une figure parentale qui n'a de maternel que le nom. L'amour qu'elle porte à son fils est un sentiment mort-né, un amour qui n'a jamais trouvé sa voie hors de son cœur brisé.
Et Severus, toujours seul, regarde sa mère avec des yeux d'enfant perdu, cherchant en vain une lueur d'affection dans le regard éteint de cette femme qui lui a donné la vie, mais qui semble incapable de lui donner de l'amour.
Severus, sur le papier, est bien inscrit dans l'école locale. En pratique, c'est une tout autre histoire. Son absentéisme est une constante - parfois il est retenue en otage par l'imprévisibilité de son père, enfermé dans un grenier obscur pour une faute quelconque ou un caprice de Tobias. C'est une cellule de fortune, mais Severus y a découvert un trésor insoupçonné - une malle délaissée, un reliquat de la vie d'Eileen avant le mariage, remplie de vieux livres, mangés par le temps.
D'autres fois, c'est lui qui choisit de fuir l'école, préférant vagabonder dans les rues crasseuses de Carbonnes-les-Mines, plutôt que de subir les moqueries de ses camarades de classe. Là-bas, il n'est pas Severus, l'enfant intelligent avec un intérêt pour les livres et une aptitude à comprendre des choses que les autres ne peuvent pas. Non, il est simplement le fils de "ce fou de Tobias", une étiquette qui lui colle à la peau comme une tache indélébile.
Entre les railleries de ses camarades et l'indifférence de ses professeurs, l'école est loin d'être un refuge pour lui. Et même s'il y a des jours où la solitude est une compagne aussi amère que le vent froid de l'hiver, il trouve une étrange tranquillité dans ses errances solitaires, loin des contraintes de la société, des insultes de ses camarades et des coups de son père.
Le drame d'Aberfan en 1966, une petite ville minière située à moins de 150 kilomètres de Carbonnes-les-Mines, a profondément marqué les esprits des mineurs locaux. Les terribles images de l'effondrement d'un terril qui a coûté la vie à 116 enfants et 28 adultes sont encore vives dans leur mémoire. Cette tragédie a semé une graine de peur et de tristesse parmi les travailleurs, ajoutant une couche supplémentaire de désespoir à un quotidien déjà difficile.
Dans les tavernes sordides, l'amertume de la bière tiède se mêle à celle des conversations. Les visages burinés par la poussière de charbon portent les stigmates de l'inquiétude, et les yeux perdus dans le vague trahissent l'angoisse latente. Ils connaissent tous trop bien le danger qui rôde à chaque descente dans les entrailles de la terre, une réalité qu'ils portent comme un lourd fardeau.
La famille Snape n'est pas épargnée par cette atmosphère chargée de peur. La tension engendrée par l'incertitude et le souvenir d'Aberfan se traduit par une augmentation des violences domestiques. Tobias Snape, déjà noyant ses frustrations dans l'alcool, sombre davantage dans la dépendance. Ses excès deviennent plus fréquents, ses coups plus violents.
Eileen, sa femme, est prise entre la crainte constante pour la vie de son mari et la terreur sourde qui résonne dans leur foyer. Sa passivité, confinant à la résignation, est un triste témoignage du calvaire qu'elle endure. Severus, témoin de ce déchaînement de brutalité et de désespoir, se terre dans la solitude de ses livres et se perd dans les ruelles décrépites de Carbonnes-les-Mines, cherchant un échappatoire à la sombre réalité de sa vie.
Dans cet univers désolé et triste, un éclat d'espoir persiste : Lily. Cette fillette aux cheveux d'un rouge flamboyant habite dans la commune voisine. Fréquemment, le week-end, elle se rend jusqu'à lui, au bord de l'étang de Carbonnes-les-Mines. Elle est comme une comète qui traverse sa vie obscurcie, un souffle d'air pur dans l'atmosphère suffocante de sa demeure. Elle est sa seule pause, son unique lueur d'espoir vers un avenir plus clément.
Elle est une échappatoire, un fragment de lumière dans la constante grisaille de Carbonnes-les-Mines. Une chaleur qui vient ensoleiller le perpétuel hiver de sa vie, même si c'est juste pour quelques heures le week-end. La vivacité de ses cheveux roux, le rire joyeux qu'elle porte avec elle, apportent un réconfort éphémère à Severus.
Et pourtant, Lily n'est pas suffisante, Severus ne peut s'empêcher de se demander pourquoi Carbonnes-les-Mines reste prisonnière d'un hiver sans fin, comme si la ville entière était condamnée à une agonie glaciale et interminable.
Le 3e jour de novembre 1970 :
—Acte de Fiançailles—
En cette journée du troisième jour du mois de novembre, en l'année de grâce de mille neuf cent soixante-dix, nous, les soussignés, devant la magie et les hommes, établissent cet acte de fiançailles.
Ledit acte unit par une promesse solennelle les personnes suivantes:
Monsieur Sirius Orion Black III, né le troisième jour de novembre en l'année mil neuf cent cinquante neuf. Monsieur Sirius est le fils légitime de Monsieur Orion Cygnus Black et de son épouse Walburga Ursula Black, née Black.
Et,
Mademoiselle Esther Circe Walsh, née le quatrième jour de février en l'année mil neuf cent soixante. Mademoiselle Esther est la fille légitime de Monsieur Maximilien Esus Walsh et de son épouse Odette Augusta Walsh né Kennedy.
Il est convenu que les épousailles ne seront célébrées qu'à partir du moment où Monsieur Sirius Orion Black III et Demoiselle Esther Proserpine Walsh atteindront l'âge légal de majorité, et auront achevé leur scolarité à Poudlard. La date choisie est le treizième jours de juillet en l'an de grâce de mille neuf cent soixante-dix huit.
Les fiancés, représentés par leurs parents respectifs, sont unis par la promesse mutuelle de se marier dans le futur, exprimant leurs consentements et intentions de maintenir leurs engagements jusqu'à ce que le mariage soit célébré.
Cet acte de fiançailles est signé et validé par les parents des fiancés, signant en leur nom.
Pour Sirius Orion Black III, Orion Cygnus Black
Pour Esther Circe Walsh, Maximilien Esus Walsh
En foi de quoi, nous avons dressé le présent acte de fiançailles que nous avons signé.
Fait à Londres, le troisième jour du mois de novembre de l'année mil neuf cent soixante dix.
