Titre : Le fil rouge du Destin

Auteur : Lysanea

Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient sauf les membres de l'orphelinat.

Pairing et personnages pour ce chapitre : Saga x Aioros.

Rating : T

Note : Bonjour à tous ! Après une très longue convalescence qui a duré plusieurs mois, je suis enfin de retour pour reprendre cette histoire qui me tient à cœur. Je suis désolée pour l'attente et le silence, je n'avais pas la possibilité de vous prévenir… J'espère que vous êtes au rendez-vous malgré le temps passé et que la suite vous plaira. Plusieurs chapitres sont d'ores et déjà écrits, je n'ai qu'à les retravailler un peu et les poster, donc si ma santé me le permet, il ne devrait pas y a avoir trop de temps entre deux posts !

Merci pour votre soutien !
Bonne lecture !

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Le fil rouge du Destin

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Chapitre Cinq
Nous méritons toutes nos rencontres, car elles sont accordées à notre Destinée.
(François Mauriac)

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Orphelinat de Bergheim,
Autriche

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Installés dans le grand bureau du Directeur Joseph Mayer, Saga et Aioros l'écoutaient décrire la situation qui l'avait poussé à faire appel à eux.

- Nous avons d'abord pensé que Simon parlait à un ami imaginaire, comme beaucoup d'enfants, expliquait-il. Mais après l'avoir observé plus attentivement, nous avons pu constater qu'il semble réellement voir certaines choses qui existent, mais qui ne sont pas perceptibles… pour tout le monde, dirons-nous.

L'ouverture d'esprit du Directeur n'étonnait ni Saga, ni Aioros.

Ayant la Fondation Graad pour mécène depuis plus de dix ans, il avait quelques fois dû faire appel à son fondateur et directeur, Matsumasa Kido. Celui-ci lui avait expressément demandé de signaler tous comportements particuliers chez les orphelins.

Saori, en tant qu'héritière, avait renouvelé sa demande. La Guerre Sainte était certes terminée, mais d'autres futurs Chevaliers avaient pu apparaître bien avant son issue, pour préparer un prochain affrontement, au cas où. La Princesse Athéna devait prendre soin d'eux, au même titre que ses Chevaliers déjà confirmés. Elle continuait donc d'œuvrer auprès des orphelinats de par le monde.

Cependant, c'était la première fois, depuis un an, qu'il avait à signaler un enfant. Et cette fois-ci, il avait été mis en contact directement avec le Directeur d'une branche de la Fondation Graad, appelée Le Sanctuaire. C'était ainsi que les choses lui avaient été expliqué. On l'avait ensuite averti que deux employés allaient venir étudier la question sur place, là où, auparavant, l'enfant était envoyé au Japon, au siège-même de la Fondation.

- Nous étions résolus à poursuivre notre observation quelques temps encore, avant d'en avertir Mademoiselle Kido, seulement, la situation a brusquement évolué et pris une tournure plus… problématique.

Quelqu'un frappa alors à la porte.
A l'invitation du Directeur, une femme entra, portant un plateau avec café, tasses et petits biscuits.

- Merci, Frida. Vous tombez bien, asseyez-vous. J'étais en train d'évoquer le changement de situation avec Simon. Vous le décrirez sûrement mieux que moi.

- Très bien, accepta la dénommée Frida en s'installant sur la banquette en cuir.

- Frida est l'une de nos institutrices et éducatrices. Elle gère également notre bibliothèque. Allez-y, Frida, racontez-leur, pendant que je nous sers le café.

- Monsieur le Directeur vous a donc déjà expliqué que le petit Simon voit des choses que les autres ne perçoivent pas.

- Oui, acquiesça Aioros. Apparemment, des problèmes seraient survenus ?

- Il s'est avéré que Simon pouvait non seulement voir, mais aussi contrôler ces… choses invisibles.

Les deux Chevaliers échangèrent un rapide regard.

- C'est-à-dire ? demanda Saga.

La jeune femme baissa les yeux sur ses mains, qui trituraient le bas de son gilet.
Puis, elle releva le visage vers eux.

- Il ne lui sera fait aucun mal ?

- Voyons, Frida ! s'indigna le Directeur.

- Paul a été envoyé au Japon, il y a huit ans, et nous n'avons plus jamais eu de nouvelles, jusqu'à ce qu'on apprenne sa mort… Il n'avait pas encore six ans… Je ne veux pas que cela se reproduise !

- Un destin funeste attendait Paul, c'est regrettable, mais la Fondation Graad n'est pas responsable. Liam et Hannah y ont aussi été envoyés, ils vont très bien, aujourd'hui.

- Nous sommes désolés pour cet enfant que vous avez perdu, Mlle Frida, intervint Aioros avec douceur. Nous sommes ici pour aider Simon, c'est plus qu'une mission, c'est un devoir.

- Nous voulons le protéger du mal qu'il pourrait se faire, ainsi qu'aux autres, ajouta Saga. Racontez-nous ce qui s'est passé, s'il vous plaît.

Frida les observa encore un moment en silence, sous le regard insistant du Directeur, puis elle finit par se décider.

- C'est arrivé il y a quelques jours. Un des camarades de Simon s'est moqué de lui et d'un autre enfant, durant un jeu collectif. Simon lui a dit que s'il ne s'excusait pas, il allait faire des cauchemars horribles toute la nuit. Willy n'a pas cédé, bien sûr, et s'est encore plus moqué. Il n'a pas arrêté de s'acharner sur eux tout le reste de la journée, malgré nos punitions. Et l'avertissement de Simon s'est transformé en réalité, la nuit suivante. Willy était tellement terrifié qu'il en a fait pipi au lit. Il a 12 ans. Ça a été très traumatisant pour lui.

- Je vois. Merci, Mlle Frida.

- Je vous en prie.

- Ce n'est peut-être rien d'autre qu'une coïncidence, mais je préférai le signaler, au cas-où, reprit le Directeur entre deux gorgées de café. Entre-temps, Jared, un autre enfant du même âge que Willy a aussi fait des cauchemars terribles après avoir été méchant avec un autre plus jeune. Et il a également souillé ses draps.

- Vous avez bien fait, assura Saga en reposant sa tasse. Cela mérite une vérification et nous sommes là pour cela. Peut-on le voir dès à présent ?

- Oui, je vais le faire appeler. Cela vous permettra de boire tranquillement votre café.

- C'est gentil, mais il serait cependant préférable que ce soit nous qui allions à lui, fit valoir Saga.

- Il sera plus rassuré s'il est dans un endroit où il se sent bien et où il a ses habitudes, précisa Aioros.

Le Directeur se tourna vers Frida.

- Où est Simon, à votre avis ?

- La classe est finie depuis une demie-heure, répondit-elle après avoir consulté sa montre. Il doit être dans l'arrière-cour, près du puits. C'est là qu'il est le plus tranquille.

- Bien, nous allons vous y conduire, dans ce cas.

- Inutile de vous déranger, Monsieur le Directeur, refusa Saga en levant la main. Vous devez avoir beaucoup de choses à faire. Nous pouvons le trouver seuls, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

- Ce sera plus facile de l'aborder sans trop de monde avec nous, ajouta Aioros. Une seule personne avec qui il a un bon rapport sera parfait.

- Ils ont raison, Monsieur le Directeur, intervint Frida à son tour. Et si les autres enfants vous voient aller lui parler, cela va encore provoquer de l'agitation. Je veux bien les accompagner, si vous en êtes d'accord.

- J'avoue que j'aurais bien voulu assister à cet échange, mais je comprends tout à fait pourquoi je me dois de rester en retrait, en effet, soupira le Directeur Mayer en se rasseyant. Je compte sur vous, Frida et je m'en remets à vous, Messieurs de la Fondation.

- Merci pour votre confiance, lui répondirent-ils. Et pour le café.

- Je vais envoyer Elisabeth débarrasser au passage, prévint Frida en se levant.

Le Directeur hocha la tête et les raccompagna jusqu'à la porte.

Après que Frida ait prévenu sa collègue, elle mena les deux Chevaliers jusqu'à l'arrière-cour.

Un petit groupe d'enfants jouait ensemble avec une balle, sur le carré de pelouse qui occupait un tiers de l'espace. A son opposé, il y avait un puits en pierre grillagé et sécurisé pour éviter tout incident. Deux bancs également en pierre l'encadraient.

Et sur l'un d'eux, à moitié caché par le puits, un tout jeune garçon était assis, le regard lointain.

- Simon, l'appela doucement Frida, ces Messieurs voudraient te parler.

- Bonjour Simon. Je m'appelle Aioros et voici mon ami, Saga.

- Bonjour, Simon.

- Bonjour, répondit l'enfant en les regardant tour à tour.

Brun, il avait de très jolis yeux bleus, qui, malheureusement, reflétaient une certaine tristesse, malgré le sourire poli qu'il leur avait adressé.

- Est-ce qu'on ne vous dérange pas, toi et tes amis ? demanda Aioros en s'asseyant en tailleur à même le sol, devant lui.

- Mes amis ?

- Ces petites lumières avec lesquelles tu joues, précisa Saga en s'accroupissant à son tour devant le petit Simon.

Celui-ci haussa les sourcils d'étonnement.

- Vous les voyez ?

- Oui.

- Il y en a cinq.

- Dont une qui semble particulièrement apprécier ton oreille gauche, ajouta Saga en touchant sa propre oreille.

- C'est vrai, elle reste là depuis tout à l'heure ! soupira-t-il en secouant légèrement la tête. Et… vous les entendez, aussi ?

- Elles te parlent ? l'interrogea Aioros.

- Elles chantent. Y a des filles et des garçons, y a des grands et des petits comme moi, ou comme Léo et Vanîa.

- Ce sont nos plus jeunes enfants, intervint Frida. Ils ont cinq ans.

- D'accord. Ce sont toujours les mêmes ? voulut savoir Saga.

L'enfant secoua la tête de droite à gauche, cette fois-ci.

- Ça change. Ce qui est toujours pareil, c'est que tout le monde est triste. Toujours. Moi, je joue avec elles, mais ça suffit pas, je crois. Elles disparaissent d'un coup, des fois. Mais après, d'autres viennent.

- Comment tu sais que ce ne sont pas les mêmes ?

Le petit Simon lança un regard qui voulait clairement dire « t'es bête ou quoi ? »

- Bah, elles ont pas les mêmes voix !

- Oui, c'est logique ! sourit Aioros. Excuse-moi, ce n'était pas une question très intelligente.

- C'est pas grave, le rassura-t-il avec un sourire. Les adultes aussi, ça peut être bête !

- Simon !

- Laissez, Mlle Frida, il a bien raison ! rit Aioros, nullement vexé.

*Ca ne te rappelle pas quelque chose ? lui demanda Saga en pensées.

Tu parles de la fois où Mu, qui avait six ans je crois, t'a dit qu'il ne voulait pas grandir parce que plus on devenait grand, et plus on devenait bête ?

Je ne me rappelle même plus ce que je lui ai répondu.

Rien, il t'avait cloué le bec, avant de retourner jouer avec les rochers, s'amusa Aioros.

Ah oui, c'est vrai…*

Aioros se reconcentra sur le petit garçon.

- Est-ce que tu leur parles, ou tu leur demandes des choses, toi ?

L'enfant détourna le regard et baissa ses mains, qui n'avaient pas cessé de dessiner des arabesques autour des lumières, depuis le début de leur conversation.

- Nous ne sommes pas là pour te punir ou te gronder, le rassura Aioros avec douceur. On veut juste comprendre pour pouvoir t'aider au mieux.

- On est venu de loin exprès pour ça, ajouta Saga.

Simon les regarda l'un après l'autre.

Ces grands messieurs étaient impressionnants, mais ils avaient l'air tellement gentils !
Il faisait chaud et doux, tout près d'eux. Il se sentait bien.

- Quand quelqu'un est très méchant avec moi ou un copain, et qu'on arrive pas trop à se défendre… je leur demande de rentrer dans leur tête quand ils vont dormir. Ça fait qu'ils font plein de cauchemars. C'est pas très gentil, je sais. Mais c'est pour que les méchants arrêtent d'embêter tout le monde !

- Il y a peut-être d'autres solutions, non ? proposa Saga, toujours avec une grande douceur.

Le regard aussi bleu qu'un ciel d'été se leva vers la jeune femme, légèrement en retrait, qui lui sourit avec bienveillance. Alors, il le reporta sur les deux hommes qui s'étaient installés face à lui pour lui parler.

A sa hauteur d'enfant.

- Je sais que c'est les grandes personnes et le Directeur qui doivent les punir et pas nous. Et ils sont souvent punis, parce qu'ils sont souvent méchants et ils font plein de bêtises. Mais ils s'en ils recommencent. Mais depuis qu'il y en a qui ont fait pipi au lit, à cause des cauchemars, ils ont arrêté. Ils ont tellement honte qu'ils disent plus rien. Tant pis si je suis puni pour ça ! C'est pour une bonne raison. Il faut toujours défendre les plus petits et les plus faibles. Ça sert à rien d'être fort ou de savoir faire des trucs, sinon.

- C'est vrai, acquiesça Aioros.

- Et est-ce qu'ils s'en prennent à toi, parfois, ces petits points lumineux ? poursuivit Saga.

Le petit Simon se remit à jouer avec eux, ses mains dansant dans le vide pour le commun des mortels, mais jonglant presque avec les lumières, visibles pour quiconque pourvu d'un minimum de cosmos.

- Non, jamais. Ça arrive juste qu'ils chantent plus fort, ou qu'ils s'agitent et ça m'embête.

- Et ça fait combien de temps que tu les voies et les entends ? le questionna alors le Sagittaire.

- Je sais pas trop… réfléchit Simon, le nez en l'air. Je crois que ça a commencé quand on était en vacances. On a visité un petit village avec un grand cimetière. J'y suis allé après le dîner parce que j'entendais des chants bizarres. Il faisait pas encore nuit et on pouvait jouer un peu dehors.

- Vous ne deviez pas quitter la place centrale du village, rappela Frida.

- J'ai pas fait exprès ! se défendit le petit garçon. J'ai suivi les voix et je me suis retrouvé au cimetière. Il y avait plein de petites lumières, j'ai cru que c'était des lucioles. Y en a qui m'ont suivi, quand je suis rentré, mais j'ai bien vu que personne les voyait, à part moi. Alors j'ai rien dit aux autres, juste à Mlle Frida et à Mr Igor. Et depuis, y en a toujours avec moi, soupira-t-il.

Les deux Chevaliers échangèrent un regard entendu.

- On ne peut pas les faire disparaître complètement, mais si tu veux, au moins pour quelques heures. Tu pourrais être tranquille.

- Vous pouvez faire ça ?

Saga hocha la tête.

- Tu veux ?

- Mais ils vont revenir, après ? Ça me ferait bizarre de plus les avoir du tout autour de moi, j'hésite un peu… Depuis que tout le monde a compris que c'était a cause de moi les cauchemars, je crois que je fais un peu peur.. Sauf à Elrik, c'est mon meilleur ami pour toujours ! Alors je me sens moins seul avec lui et les lumières.

- D'autres vont sûrement revenir, tu sais. C'est juste un petit moment de répit pour toi.

Simon fixa Saga un long moment.
Le puissant Chevalier d'or pu lire dans ce regard une infinité de possibilités.

- Je veux bien essayer, alors. Je me suis habitué à ce que ça chante tout le temps dans mes oreilles, je sais même plus c'est quoi le silence dans ma tête, soupira-t-il. Ce serait bien que tout redevienne comme avant, même si c'est pour pas longtemps.

Aioros et Saga hochèrent la tête de concert.

Le Gémeau gonfla doucement et très légèrement son cosmos.

*Angelo ? appela-t-il à travers les dimensions. C'est urgent, réponds, s'il te plaît.

Bordel, tu veux quoi ? résonna rapidement la voix agacée du Cancer.

Toujours aussi aimable... Désolé si je te dérange, mais je vais t'envoyer des âmes égarées, tu peux t'en occuper de suite ?

T'es sérieux, là ? Ça sort d'où, ça ? Et t'es où, d'abord ? J'te croyais en lune de miel en Autriche ?

Nous sommes en mission, c'est sérieux. Je t'expliquerai tout à mon retour. Prends soin de ces âmes, je te remercie.*

Et il referma la connexion mentale sur un dernier juron agacé du Cancer.

Il redirigea ensuite son cosmos et invoqua la distorsion spatiale pour envoyer les âmes au Quatrième Temple.

C'était une forme dérivée de l'Another Dimension qui connectait les dimensions entre elles et lui permettait de faire passer des personnes ou des objets d'un endroit à l'autre. Cela ne fonctionnait pas comme la télékinésie ou la téléportation que pratiquaient les Chevaliers du Bélier, Angelo ou même Shaka, mais le résultat était proche.

Tout cet échange ne dura que quelques secondes, durant lesquelles les petites lumières s'agitèrent, avant de s'envoler au loin.

- Waouw, c'était trop beau ! s'exclama le garçon, les yeux brillants et avec un incroyable sourire. C'était comme dans le livre de Hans, il y avait plein d'étoiles et de planètes autour de vous et à l'intérieur, aussi !

Il n'y avait à présent plus aucun doute pour les deux Chevaliers d'Athéna.

- Tu as aussi cet univers en toi, lui révéla Saga, étrangement ému. C'est pour ça que tu peux voir et entendre ces petites lumières.

Le sourire de l'enfant disparut et l'inquiétude noya ses beaux yeux bleus.

- Est-ce que je suis malade ?

- Non, pas du tout, le rassura Aioros en tapotant son genou affectueusement. Chaque personne au monde peut avoir des dons, des choses qu'elle peut faire, d'autres qu'elle ne peut pas. Chaque être est unique.

- Gretchen et Soïzic sont pareilles, c'est des jumelles ! objecta-t-il en fronçant les sourcils.

- Moi aussi, j'ai un frère jumeau qui me ressemble beaucoup, répondit Saga en sortant une photo de son portefeuille pour lui montrer. Mais je suis Saga et lui, il est Kanon. Tout comme tes deux amies sont différentes, malgré leur ressemblance.

- Gretchen partage toujours son goûter, mais Soïzic ne veut jamais, révéla le petit garçon, après avoir regardé la photo de Saga et Kanon enfants.

La seule qui existait.

- Par exemple, sourit Saga en rangeant le précieux cliché.

*Je ne savais pas que tu avais ça sur toi. Kanon est au courant ?

Il n'a pas besoin de le savoir.

Tu es adorable, Saga des Géniaux. Et est-ce que tu en as aussi une de moi ?

Tu connais déjà la réponse, grommela-t-il.

Vraiment trop adorable…*

- Mais pourquoi je suis tout seul à pouvoir les voir ? demanda soudain Simon, interrompant leur échange mental. Pourquoi y en a pas d'autres, ici ? Vous, vous êtes deux !

La détresse dans sa voix ramena les deux amoureux qui s'égaraient un peu à leur priorité.

- Il y a d'autres personnes qui en sont capables, mais pas ici, malheureusement, répondit Aioros. Mais il existe un endroit où tu pourras rencontrer ces personnes, vivre avec elles et où tu pourras apprendre à contrôler tout ça.

- Contrôler ?

- Oui, tu pourras décider de les voir et de les entendre ou non, tu pourras les renvoyer là où ils doivent aller. Parce qu'ils ne sont pas censés rester ici.

- C'est où ?

- Tu pourras l'apprendre dans cet endroit, éluda Saga. En plus de te faire de nouveaux amis.

Le petit garçon réfléchit, regarda tour à tour les trois adultes, puis ses mains, et à nouveau les adultes.

- Je suis obligé d'y aller ?

- Pour le moment, non, et personne ne te forcera, le rassura Aioros. Mais tu risques d'être de plus en plus embêté, en grandissant. Il pourrait y en avoir beaucoup plus, aussi, qui viennent te voir.

- Au fil des jours, tu pourrais avoir du mal à te concentrer, n'entendre plus que leur chant, ajouta Saga. Il se peut aussi que les autres te trouvent bizarre, parce que tu feras des choses sans t'en rendre compte et qu'ils ne comprendront pas.

- Il y en a déjà qui disent que je suis trop bizarre et que je fais peur. C'est pire qu'avant, depuis que j'ai dit à Willy et à Jared qu'ils allaient faire des cauchemars s'ils continuaient à se moquer de nous, et que c'est arrivé. D'abord avec Willy, et après avec Jared, ça a recommencé. Les grands ont dit que ça avait pas de rapport, mais c'est plus pareil qu'avant.

- Ce n'est pas vrai que tu es bizarre, lui dit Aioros en tapotant son genou une nouvelle fois. Ils disent ça parce qu'ils ne comprennent pas ce qui se passe et qui tu es.

- « Qui je suis » ?

- Oui. C'est pour ça que ce serait vraiment mieux pour toi de rejoindre ce lieu. Il t'apportera tout ce dont tu as besoin, tu sais, tu t'y sentiras bien. Il y a des enfants de tous les âges, comme ici. Tu auras un professeur particulier qui connaît bien les petites lueurs, il t'apprendra tout ce qu'il faut savoir sur elles. Tu pourras tout lui demander, aussi.

- Il est gentil ?

Les deux hommes sourirent, le Gémeau de manière légèrement plus crispée que le Sagittaire, toujours optimiste et confiant.

Angelo était-il gentil ?
Ce n'était décidément pas le premier mot auquel on l'associait…

Deathmask du Cancer ne l'était assurément pas son nom était associé à la violence, la cruauté, le sadisme le plus total…

Mais cet homme n'existait plus, dorénavant, et Angelo était quelqu'un de bien, dans le fonds.
Il était brusque et grossier, souvent, certes, mais il ne fonctionnait plus sous le principe de suivre le plus fort en ignorant tout le reste.

Sa loyauté envers Athéna n'était plus à prouver.
Sa capacité à aimer profondément quelqu'un non plus.

Bien sûr, il était extrêmement attaché à Shura et Aphrodite, depuis l'enfance.

Mais il se montrait aussi de plus en plus capable de tisser d'autres liens dénués d'intérêt envers ses compagnons d'armes.
Même si Angelo continuait de jouer le méchant, parfois, et malgré quelques piques bien senties, il ne l'était plus vraiment.

D'ailleurs, l'évolution de ses pouvoirs le démontrait : autrefois tourmenteur des âmes, qu'il arrachait à leurs incarnations pour les envoyer vers le Puits des Morts, lieu de souffrance et de damnation éternelle, il en était aujourd'hui devenu le protecteur des âmes. Il récupérait les âmes égarées qu'il libérait de ce qui les retenait sur Terre, pour les envoyer aux Enfers pour leur Jugement. Et au terme de celui-ci, les âmes justes pouvaient reposer en paix, enfin libérées.

Shion avait souvent évoqué le cas de l'ancien Cancer, son ami de jadis avec qui il avait combattu lors de la précédente Guerre Sainte : Manigoldo. Un homme extraordinaire, selon lui, et ce, malgré son fort caractère. Un Chevalier exemplaire qui avait pris soin des âmes comme jamais personne avant lui, si ce n'était son ancien maître, lui-même ancien gardien du Quatrième temple.

Cependant, malgré cette progression chez Angelo, ni Aioros, ni Saga n'avaient la moindre idée de la manière dont le Cancer allait accueillir la charge d'un jeune garçon de 8 ans...

*Tu ne le sais peut-être pas, mais Angelo a déjà eu une apprentie, révéla Saga. Et ça ne s'est pas très bien passé, malheureusement pour elle.

Je n'étais pas au courant, non. Mais il n'est plus Deathmask, ce sera sûrement différent.

Je veux y croire.*

Oui, ils s'avançaient peut-être un peu avec Simon, mais il fallait le rassurer et le convaincre.
Simon devait rejoindre le Sanctuaire.

Et puis, si Angelo refusait de le prendre sous son aile, il y aurait bien quelqu'un, parmi les Ors, qui accepterait de le guider, à commencer par eux-mêmes.

Au moins, le temps que le Cancer, certainement par le biais de Shura et Aphrodite, voire Athéna Elle-même, n'accepta le lien évident entre eux et surtout, soit prêt à l'entraîner.

- Il peut faire un peu peur, au début, répondit honnêtement Aioros. Mais c'est une très bonne personne et il est très fort. Il a beaucoup de choses à t'apprendre.

- D'accord… Et c'est loin d'ici ?

- Oui, un peu. C'est en Grèce, tu connais ?

- Oui, c'est là où ils font de grandes statues de garçons tout nus qui font des choses bizarres.

Les deux Chevaliers ne purent retenir un rire.

- Simon ! le rabroua Frida, toujours présente et discrète à leurs côtés.

- C'est vrai ! se défendit-il en se levant. Y en a un qui jetait un truc qui ressemblait à une assiette, et un autre qui grattait son pied… Et y avait même un garçon qui avait des cornes et des pattes de chèvre, il était tout poilu ! Et puis, y avait un soldat tout nu avec un casque qui frappait un monsieur qui avait des pattes de cheval ! C'était trop bizarre !

- Oh, tu as vu une statue de centaure ! se réjouit Aioros.

- Je sais plus c'est quoi le nom…

- C'était bien un centaure. Il s'agit de la sculpture d'Antonio Canova qui représente le meurtre de Thésée. Nous les avons emmenés au Musée de Vienne, expliqua la jeune femme. Ils ont été très perplexes devant less Antiquités, aussi bien grecques que romaines.

- Tout s'explique. Et il y a des choses qui t'ont plu ? l'interrogea Saga.

Simon se rassit avec un sourire.

- Les statues des guerriers étaient trop bien, ils avaient l'air trop fort ! Et celles des Dieux étaient très belles, même s'ils étaient tous tout nus avec des trucs sur la tête.

Les deux Chevaliers échangèrent un regard amusé.

- Tu te souviens en avoir vu de la Déesse Athéna ?

- C'est la dame avec le casque et la chouette, non ? répondit l'enfant après avoir réfléchi.

- C'est une Déesse, Simon, pas une dame, le reprit Frida. Excusez-le, ajouta-t-elle, gênée.

Évidemment, elle ne savait pas que la Déesse s'était réincarnée en une jeune femme, parmi les mortels. Mais Athéna était la protectrice de la Fondation Graad, un mécène très important pour l'orphelinat. Il se passait des choses étranges et mystérieuses, dans cette Fondation, mais qui n'étaient pas à craindre, d'après le Directeur.

Tout comme les aptitudes que certains orphelins manifestaient, parfois, et qu'elle avait appris à accepter sans poser trop de questions.

- Aucun problème, la rassura Aioros, avant de reporter son attention sur le petit garçon. C'est bien Elle. Mais c'est aussi une dame très gentille, tu sais.

- N'importe quoi, elle existe pas, aujourd'hui, c'était avant !

Saga se pencha vers lui.

- Elle n'existe pas, comme les petites lueurs que tu es le seul à voir, ici… murmura-t-il en posant un doigt en travers de ses lèvres.

Le jeune Simon ouvrit de grands yeux surpris.

- Alors, je pourrais la voir ? demanda-t-il tout bas. Vraiment ?

- Oui.

- Et la chouette aussi ?

- Bien sûr, elle s'appelle Aura.

- C'est trop joli ! Et le beau monsieur euh…Dieu sur son chariot ? s'écria-t-il, cette fois, avec enthousiasme.

- Je crois qu'il fait référence à Apollon sur son char, non ?

- Oui, confirma la jeune femme à Saga. Après la visite au Musée, on leur a donné des coloriages et des feuilles de dessin. Il y en avait un de Lui, justement. Et de plusieurs autres Dieux de l'Antiquité.

- Vous voulez les voir ? proposa Simon. On peut aller dans ma chambre, si Frida veut bien...

- Je ne suis pas contre, mais cela dépend de vous, Messieurs, vous devez être pressés…

- Pas le moins du monde, certifia Saga. Nous sommes là pour toi, Simon, ajouta-t-il en se relevant. Tu peux nous montrer tout ce que tu veux.

- Ça nous ferait très plaisir de voir tes coloriages et tes dessins, confirma Aioros, debout à son tour.

Si ça pouvait lui faire oublier sa question concernant la possibilité de rencontrer d'autres Dieux…

A part Shaka, réincarnation présumée de Bouddha, et éventuellement Radamanthe, fils de Zeus… il n'allait pas avoir vraiment d'occasion d'en voir, même durant sa formation.

Que ce fut au Sanctuaire ou lors de son passage obligé aux Enfers, si leurs soupçons se confirmaient et qu'il héritait, à terme, des techniques du Cancer étroitement liées à la Mort et au Royaume souterrain.

Il aurait peut-être pu croiser Poséidon, même endormi, mais Julian Solo avait considérablement réduit ses visites, depuis que Kanon et Radamanthe s'étaient mis en couple.

Avec enthousiasme, Simon les mena jusqu'au dortoir, puis à sa chambre qu'il partageait avec trois autres garçons.
Deux d'entre eux n'étaient pas là, il restait un enfant d'à peu près le même âge que Simon, qui

lisait un livre.

A leur entrée, il le reposa et se leva pour les saluer poliment.

Il s'appelait Elrik, c'était donc lui le meilleur ami que Simon avait évoqué plus tôt.

Saga fut frappé par son regard, et il perçut le même trouble chez son compagnon, même si aucun des deux ne laissa rien paraître.
Ses yeux étaient d'un vert opaque, sans pupilles, comme s'il était aveugle.

Pourtant, le livre sur le lit semblait être une édition classique, pas de braille ni de gros caractères sur la couverture.

- Ils sont venus voir mes dessins et mes coloriages du musée ! lui expliqua Sinon en gagnant ce qui devait être son bureau. Tu peux montrer les tiens aussi, si tu veux !

- Tu vas partir ? lui demanda abruptement son camarade, sans bouger.

Simon, qui avait sorti un paquet de feuilles de son tiroir, perdit son sourire.

- Je sais pas…

- Vous allez l'adopter ? interrogea-t-il les deux hommes. Elle est où, la maman ?

- Elrik, ça suffit, intervint Frida. Ce sont des histoires de grandes personnes.

Saga n'aimait pas trop qu'on utilise cette excuse pour faire taire les enfants.
Il s'avança vers le petit garçon visiblement inquiet.

De près, son regard était encore plus impressionnant…
Comment pouvait-il être à la fois si vide et si intensément posé sur lui ?

- Nous sommes venus chercher Simon, c'est vrai. Nous aimerions qu'il vienne avec nous dans un endroit plus adapté pour lui.

- Ça veut dire quoi ?

Aioros s'approcha à son tour.

- Simon a des petits problèmes en ce moment, non ?

- Mais il est pas méchant, faut pas le punir pour ça ! le défendit-il vivement. C'est les autres qui faut emmener !

- Elrik, c'est pas pour me punir, expliqua Simon en les rejoignant. C'est juste un endroit où y a des gens comme moi.

- Y a personne comme toi, c'est pas vrai ! Toi, t'es spécial !

La scène était si touchante que les adultes préféraient ne pas intervenir, pour le moment.

- A ce qui paraît, y a un endroit où y a des gens qui peuvent faire des choses comme moi.

- C'est un autre orphelinat ? demanda Elrik en se tournant vers Saga.

- Ça y ressemble, oui, confirma celui-ci.

- Ça veut dire que quelqu'un pourra quand même l'adopter ?

*Qu'est-ce qu'on peut bien répondre à ça ?

Je ne sais vraiment pas, 'Ros. Mais il faut être honnête avec lui.

Je suis d'accord.*

- Ce ne sera peut-être pas possible, avoua Saga. Pas tout de suite, en tous cas.

Il y avait la même tristesse chez les deux enfants, qui se prirent la main.

Frida s'avança à son tour.

- Qu'est-ce que nous vous avons toujours dit, les enfants, au sujet de la famille ?

- Qu'on pouvait vivre et grandir sans être adopté, si on arrivait à être heureux ici avec tous nos frères et sœurs de cœur.

- Exactement.

- Mais je veux pas que Simon me laisse tout seul... protesta le petit Elrik en serrant la main de son ami plus fort. J'étais d'accord que si y avait des gens qui l'adoptaient ! Je veux rester avec lui pour toujours, sinon ! C'est ma famille !

Aioros et Saga eurent le même souvenir qui leur revint en tête, à la vue des deux garçons qui se tenaient si fermement la main celui d'Aphrodite et de Shura qui encadraient Angelo, dont ils ne voulaient pas être séparés, même pour deux jours.

- Ce n'est plus possible, Elrik, se désola Frida.

- Parce que je vois pas les lumières ? C'est pas juste…

- Est-ce que tu vois où tu sens quelque chose d'autre ? l'interrogea Saga en posant sa main sur son épaule.

Euh… non…

*Tu perçois quelque chose ? demanda Aioros.

Rien de transcendant*, répondit Saga en retirant sa main de l'épaule du petit garçon.

- Je suis désolé, Elrik, ajouta-t-il en s'accroupissant devant lui. Nous ne pouvons pas t'emmener avec nous, si Simon accepte de venir. Tu ne seras pas bien, là-bas, crois-moi, et te voir comme ça fera beaucoup de mal à Simon. Tu comprends ?

- Oui… je crois…

- Mais vous pourrez vous écrire…

- Simon aime pas écrire, bouda-t-il.

- Je le ferai quand même ! assura Simon en lui prenant l'autre main. Promis !

- Tu pourras aussi lui envoyer des dessins, lui proposa Frida.

- Et si le Directeur est d'accord pour que tu reçoives des appels, Simon te téléphonera le plus souvent possible, ajouta Saga.

- C'est vrai ?

- Oui.

- Je les embêterai tout le temps, jusqu'à ce qu'on me donne le téléphone, promit Simon.

- Alors, tu vas vraiment partir…

- Je crois que oui, soupira Simon.

- Quand ?

Les deux enfants se tournèrent vers les adultes.

- Nous devons encore en discuter, mais tu pourras nous dire ce que tu préfères, toi aussi.

- Tout de suite ?

- Non, tu as le temps de réfléchir. Nous reviendrons te chercher quand la décision sera prise et que tu seras prêt.

- Tu as le temps encore de nous faire de jolis dessins. Simon dessine très bien, fit alors remarquer Frida.

Saga salua l'intelligence de la jeune femme qui avait habilement orienté la conversation.

- C'est vrai ? Et bien, nous étions venus pour les voir, cela tombe bien !

Simon relâcha Elrik et reprit son paquet de feuilles abandonné sur son bureau, qu'il étala sur son lit.
Effectivement, il avait un bon coup de crayon pour un enfant de huit ans.

Par contre, le coloriage, ce n'était pas encore totalement ça…

- Il te ressemble un peu, dit soudain l'enfant en tendant un dessin d'Apollon à Aioros.

- Oh, c'est très gentil, mais il est bien plus beau que moi !

*Il a l'œil, ce gamin.

N'importe quoi !*

- Elrik, montre tes dessins aussi !

- Ils sont moches.

- Mais non, voyons, le rassura Frida. Va les chercher, cela fera plaisir à ces Messieurs, et à Simon.

Le petit Elrik hésita, puis soupira et alla chercher ses propres dessins.
Simon lui fit de la place pour qu'il puisse les poser sur son lit avec les siens.

Un simple coup d'œil suffisait à garantir qu'ils ne pouvaient se mélanger ni se confondre… Elrik n'avait clairement pas les facilités de son camarade.

- C'est elle, la dame avec la chouette… La Déesse Athéna ? interrogea Simon en montrant un dessin de son ami.

Aioros se crispa pour ne pas rire, et il perçut le même effort chez Saga.

*On dirait plutôt un pigeon, non ?

Oh ! Déesse, me fais pas rire, ça va le vexer ! protesta Aioros en serrant les dents.

Sérieusement… Et ce truc sur la tête, on dirait le chapeau en paille de Dokho.

Par pitié, stop !* supplia le Sagittaire en étouffant son gloussement par une toux discrète.

- Oui, cela lui ressemble, répondit Saga avec une maîtrise incroyable de son envie de rire.

*Qu'Athéna me pardonne...

Je ne dirai rien !*

- Elle a l'air trop forte, sourit Elrik en reprenant son dessin.

C'était la première fois qu'il souriait.

- Oui, c'est une grande Déesse, confirma Aioros, calmé. La Déesse de la Guerre et de la Sagesse.

- C'est là-bas que je vais aller, Elrik. Dans le pays des statues.

- Ah bon ? Alors ils savent peut-être, eux. Tu sais, ce qu'on a dit la dernière fois…

- Ah oui, c'est vrai ! Dites, je peux vous poser une question ? demanda alors Simon en se tournant vers Aioros et Saga.

- Bien sûr.

- Comme vous habitez dans le pays des statues, vous savez peut-être pourquoi, quand on grandit et qu'on devient adulte, le zizi il grandit pas ?

- Simon ! s'offusqua Frida, devenue écarlate.

Les deux Chevaliers, eux, avaient éclaté de rire sans pouvoir se retenir, cette fois-ci.

- Bah quoi ?

- Je suis désolée, s'excusa Frida, confuse. Ils n'ont jamais vu d'adulte nu en vrai…

- Et c'est tant mieux !

- Oui, bien sûr… Quand on grandit avec son père ou son grand frère, cela peut arriver, mais dans un orphelinat, effectivement, ce serait très problématique...

- Bon alors, vous savez pourquoi ? s'impatienta Simon.

- Ne vous inquiétez pas, les garçons, ce sont juste des statues, ce n'est pas comme ça dans la vraie vie. Mais vous le découvrirez vous-mêmes en grandissant.

Les deux enfants échangèrent un regard.

- Ah ? D'accord…

*Heureusement qu'il n'a pas gardé cette question pour Angelo…

Il lui aurait clairement montré la réponse, sans même lui dire un mot. Je le vois déjà avec son sourire tordu.*

Saga retint un frisson.

*Faudra lui rappeler certaines choses, certainement. Mais je sais qu'on peut lui faire confiance, malgré tout. Il n'est pas seul.

Il ne l'a jamais vraiment été. Même si je n'étais pas là, ces dernières années, je vois bien les liens profonds qui les unissent, Aphrodite, Shura et lui. Et du peu que j'ai pu voir, en quelques jours, sa nouvelle relation avec Shura lui fait du bien.

C'est tout à fait exact. Mais on peut parfois avoir beau être entouré, et n'en ressentir pas moins une profonde solitude.

Je sais.*

- Dis, Monsieur…

Saga sourit à Simon qui venait de le sortir de ses pensées en tirant légèrement sur sa manche.

- Tu peux m'appeler Saga. On va beaucoup se voir et se parler, une fois que tu nous auras rejoint.

- D'accord… Dis, Saga, tu veux bien m'aider à finir mon coloriage ? Je dépasse tout le temps et j'arrive pas à colorier dans le même sens, et après le dessin devient tout moche.

- Bien sûr, accepta immédiatement le Gémeau en prenant la feuille tendue.

- Vous n'êtes pas obligé d'accepter, intervint Frida. Simon, ces Messieurs viennent de loin, ils sont occupés…

- Ne vous inquiétez pas, nous avons tout notre temps. Si cela ne vous pose pas de problème, nous pouvons rester encore.

- Non, il n'y a aucun problème. J'en avertirai le Directeur. Pour ma part, je ne peux malheureusement pas rester.

- Nous comprenons, assura Aioros.

- Mais si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à envoyer l'un des enfants. Et lorsque vous serez prêts à partir, ils vous accompagneront au bureau du Directeur. D'accord, Simon, Elrik, vous avez bien compris ?

- Oui ! affirmèrent-ils d'une même voix enthousiaste.

- On sera sage et poli ! affirma Elrik.

- Promis ! ajouta Simon.

- Je compte sur vous. Messieurs, merci. Je viendrai vous saluer à votre départ.

Ils la remercièrent et elle s'en alla, laissant la porte ouverte.

- Je vais chercher d'autres chaises pour les grands !

- Ce n'est pas la peine, Simon. Assieds-toi à ton bureau, je vais me mettre à côté de toi.

- Mais…

- Ne t'en fais pas, le rassura Saga en s'agenouillant à même le sol, à côté du bureau.

- Il y déposa le coloriage que l'enfant lui avait tendu plus tôt et tapota la chaise en lui souriant.

- Installe-toi. Je suis à la bonne hauteur, comme ça.

- Ok ! accepta Simon en prenant place, ravi.

Aioros se tourna vers Elrik.

- Tu veux que je te montre quelques astuces pour bien dessiner certaines choses ? Ou tu préfères reprendre ta lecture, peut-être ?

Le petit garçon réfléchit un court instant, puis il alla chercher quelque chose dans son placard, avant de revenir vers Aioros.

- Tu veux bien lire ce livre avec moi ? Il y a des mots que je comprends pas bien…

- Oui, avec plaisir, accepta Aioros en prenant le livre avec un doux sourire.

Elrik lui sourit en retour, puis gagna son lit et fit signe à Aioros de le rejoindre.
Le Sagittaire s'installa donc à ses côtés et ils se mirent à lire ensemble, le petit Elrik l'arrêtant quand il ne comprenait pas, ou pour tester un mot.

Saga perçut l'émotion de son compagnon.

Cela devait lui rappeler des souvenirs d'un temps révolu qu'il ne pourrait jamais retrouvé, celui de moments similaires partagés avec Aiolia.

*Ne t'inquiète pas, je ne suis pas triste. J'ai eu la chance de pouvoir vivre ce genre de choses avec mon petit frère. Kanon et toi, vous avez malheureusement très vite commencé à vous opposer. Vous n'avez été enfants et frères que très peu de temps.

Par ma faute.

Mon aimé, tout le monde a sa part de responsabilité dans cette histoire. La malédiction qui pesait sur vous, la décision de Shion d'écarter et d'ignorer Kanon, ton obéissance, ta loyauté au-dessus de ton amour fraternel…

Et ma peur, 'Ros. Les ténèbres qui sommeillaient en lui me terrifiaient.

Je sais. J'ai aussi ma part de responsabilité car tu t'es confié à moi, et je n'ai rien su faire.

Détrompe-toi, ta présence et ton soutien m'apaisaient. Mais rien n'aurait pu arrêter la marche du Destin, si ce n'est Athéna elle-même. Je regrette simplement que tu aies dû perdre la vie pour cela.

Ne ressassons plus le passé, c'était notre décision, tu te souviens ?

Oui, tu as raison.

Nous avons une nouvelle vie, qui a réellement commencé, pour ma part, la semaine dernière, quand tu m'as enfin accepté à tes côtés. Chaque seconde tournée vers le passé est une seconde volée à notre présent, amour. Je ne veux plus perdre de temps.

N'en parlons plus, c'est vrai. Et profitons de ce moment de tranquillité. Ces enfants sont vraiment adorables.

Et ils s'adorent. J'aurais voulu qu'on puisse emmener Elrik avec nous, mais je ne vois pas comment ça serait possible.

Il serait complètement perdu au Sanctuaire, reconnut Saga. Il pourrait communiquer sans problème avec les autres, il parle très bien anglais. Mais il serait isolé, la plupart du temps. Même sans être rejeté, il se sentirait sûrement exclu. Simon sera très occupé et aussi triste pour son ami.

Je sais, j'y réfléchis, aussi. Nous pouvons toujours en parler à Shion et à Athéna.

Pour quoi faire ? Le placer dans un orphelinat en Grèce est exclu. Cela lui imposerait d'apprendre la langue, pour le coup. Et puis, il devra s'intégrer, se faire de nouveaux amis… Et il ne pourra pas voir Simon très souvent. Quant à ses chances d'être adopté, elles se verront peut-être réduites, s'il change de pays.

J'en suis arrivé aux mêmes conclusions. La seule chose que nous puissions faire, c'est nous assurer de maintenir le lien entre eux, et que le manque ne soit pas trop éprouvant.

Exactement.*

Les deux Chevaliers d'or passèrent encore une petite heure avec les enfants, avant de leur demander de les mener jusqu'au bureau du Directeur Meyer. Ils seraient bien restés plus longtemps, mais malheureusement, la journée se terminait.

Simon et Elrik furent autorisés à les accompagner au portail d'entrée de l'orphelinat avec le Directeur et Frida, où une voiture avec chauffeur les attendait.

- L'un de nous deux reviendra avec une collègue pour chercher Simon, expliqua Saga. Cela pourra ainsi passer pour une adoption aux yeux des autres enfants.

- C'est préférable, en effet. Je vous en remercie.

- C'est normal, assura Aioros. Nous vous remercions pour votre accueil.

- Il n'y a pas de quoi, répondit le Directeur en leur serrant la main. Les membres de la Fondation Graad seront toujours les bienvenus.

Saga et Aioros se tournèrent vers les enfants.

- Simon, Elrik, commença Saga, je vous remercie pour ce beau moment que nous avons passé ensemble, aujourd'hui. Je te dis à bientôt, Simon. Et Elrik, si ce n'est pas moi qui reviens la prochaine fois, je te souhaite d'être le plus heureux possible, et je te promets que nous veillerons sur ton ami.

Le petit garçon hocha la tête.

- C'était chouette, leur dit-il, avant d'arrêter son regard sur Aioros. Merci d'avoir lu avec moi et de m'avoir expliqué plein de choses !

- C'était un plaisir, Elrik, vraiment. Peut-être à bientôt, alors. Fais attention à toi, et continue de lire, surtout ! Nous t'enverrons d'autres livres, comme promis.

Elrik se mordit la lèvre, les yeux brillants, puis lança soudain ses bras autour des jambes d'Aioros, qu'il serra un court instant, avant de s'enfuir vers l'orphelinat.

Le Sagittaire n'avait même pas eu le temps de réagir.

- Mais attends ! hurla Simon en commençant à le suivre. Au revoir et merci ! leur dit-il encore en se retournant rapidement vers les deux hommes. À bientôt !

Et il courut sans attendre pour rattraper son ami.
Frida s'excusa, salua les deux Chevaliers et s'empressa d'emboîter le pas aux enfants.

Saga et Aioros ne s'attardèrent pas et après un dernier échange avec le Directeur Mayer, ils prirent place dans la voiture.
Celle-ci s'éloigna de l'orphelinat qui ne fut bientôt plus en vue.

Saga sentait Aioros très ému.
Et en effet, le Sagittaire avait été très touché par Elrik.

Saga aurait voulu lui prendre la main, mais ils ne pouvaient pas se le permettre, il n'y avait pas de vitre de séparation entre le chauffeur et eux.
Ils représentaient le Sanctuaire et la Fondation Graad, ils devaient rester discrets.

Alors, les yeux fixés sur le paysage qui défilait autour d'eux, le Gémeau enroula tendrement son cosmos autour de celui du Sagittaire et lui communiqua amour et soutien à travers lui.

Aioros le remercia de la même façon, mais sans quitter non plus la route des yeux.

Ils se contenteraient de cela, en attendant d'arriver à leur hôtel où, enfin, à l'abri dans l'intimité de leur chambre, ils pourront se laisser aller à un réconfort plus complet dans les bras l'un de l'autre.

.

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A suivre

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Merci d'avoir lu ce chapitre et reprit l'aventure avec moi. J'espère que vous resterez à bord pour les prochaines escales § Au programme, la suite du voyage de Saga et Aioros en Autriche, mais pas que...
Je reviendrai également sur les autres couples et persos, notamment Shura et Angelo dont j'avais éclipsé la mise en couple, ce qui avait fait grincer certains d'entre vous.

A bientôt pour l suite, idéalement samedi ou dimanche prochain :

Prenez soin de vous.

Lysanea