Titre : Le fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient sauf Simon.
Pairing et personnages pour ce chapitre : Shion x Dokho, Saga x Aioros, Milo x Camus, Shura x Angelo, Athéna, Shaka, Aphrodite, Kanon, présence de tous les Ors.
Rating : T

Note : Bonjour à tous ! Merci aux fidèles lecteurs et désolée pour le retard !

Un merci particulier à Mini-Chan. Je ne lâche pas cette histoire même si j'ai du mal à tenir les délais que je m'impose. Désolée pour l'attente. Il ne reste que quelques chapitres. Pour ta question oui, les Chevaliers du passé auxquels je fais référence sont ceux de Lost Canvas. Je sais que cette série n'est pas canon, mais je n'aime pas la suite canon qu'est Episode G, alors que j'adore tout de TLC. Cela m'inspire bien plus. J'espère que tu aimeras ce chapitre. Merci pour ton soutien et ta patience.

Merci à ma chère Yuy pour tout.

Bonne lecture à tous.

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Le Fil rouge du Destin
Chapitre Quinze : Je t'aimais, je t'aime et je t'aimerai.
(Francis Cabrel)

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Le Sanctuaire
Douzième et Treizième Temples.
Juin 1989

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Debout à la sortie de son Temple, Aphrodite attendait ses frères d'armes qui terminaient de le traverser.

C'était assez rare, car avec Shura, ils étaient souvent les premiers à se présenter aux convocations du Grand Pope ou d'Athéna.

Ce qu'on lui fit immédiatement remarquer.

- Je vous ai senti arriver en nombre, expliqua-t-il en prenant le chemin du Treizième Temple. C'est assez inhabituel, alors je vous ai attendu.

- On s'est tous croisé ou rejoint dans l'escalier, lui apprit Milo. Cette réunion impromptue aiguise la curiosité et inquiète un peu, personne n'a tardé à y répondre. En plus, Kanon a revêtu sa plus belle tenue d'apparat, t'as vu comment il en impose ?

- Je vois parfaitement, et c'est une vision plus qu'agréable, minauda Aphrodite avec un sourire appréciateur en direction de son aîné. Tu es au courant de quelque chose, Kanon ?

- Non, j'ai simplement répondu à la demande de Dokho.

- Il ne t'a pas donné plus d'explication ?

- Non, et je n'ai pas jugé utile de lui en demander. Nous n'allons pas tarder à avoir le fin mot de l'histoire, sois patient, Aphrodite.

En effet, les douze Chevaliers, sans Dokho mais avec Kanon, étaient entrés dans le Palais du Grand Pope et avaient atteint leur destination rapidement.

Après les avoir salués, les Gardes en faction ouvrirent la lourde Porte Dorée de la Chambre du Pope, rebaptisée Salle du Trône ou Salle d'audience pour plus de clarté, depuis deux ans.

Fait rare, les lourdes tentures derrière l'imposant siège étaient ouvertes sur le passage menant à l'Autel sacré d'Athéna, et la porte qu'il dissimulait également.

Mais la salle était vide...

Enfin non, pas tout à fait : Dokho se tenait devant l'escalier à peine visible, revêtu de l'armure de la Balance qui brillait plus que jamais.

- Vieux Maître, que se passe-t-il ? demanda Saga, en tête du cortège aux côtés d'Aioros.

Cela n'avait pas été calculé, c'était venu naturellement, les plus jeunes avaient suivi leurs aînés, comme toujours.

- Un événement qui a son importance, mais sans gravité, soyez rassurés ! répondit Dokho avec un large sourire. Notre Déesse et notre Grand Pope nous attendent là-haut.

Il avait fait un signe de tête derrière lui, provoquant la surprise chez ses pairs.

- Vous voulez dire… commença Aioros.

- Oui, devant l'Autel sacré, confirma leur aîné en débutant la montée de la dernière volée de marches du Sanctuaire.

Qui conduisait au Saint des Saints, dominé par la statue géante d'Athéna, juste avant le Mont Étoilé auquel il était relié par un sentier escarpé.

Les Chevaliers suivirent leur guide, certains d'entre eux ne pouvant s'empêcher se repenser à la terrible scène d'Athéna se transperçant la gorge sous leurs yeux, à cette même place que, paradoxalement, Elle avait encore plus sanctifié en y versant son sang divin.

Heureusement, la vision que leur Déesse leur offrit, lorsqu'ils atteignirent enfin l'esplanade, chassa absolument tout le reste.

Majestueuse dans sa robe d'un blanc immaculé, son diadème et son sceptre d'ors renvoyant les rayons du soleil, qui eux-mêmes paraient ses longs cheveux châtains de jolis reliefs entre bronze et cuivre, Elle rayonnait de beauté et de bienveillance, leur souriant avec chaleur et douceur.

Shion se tenait à sa droite en habit complet de Grand pope, renouvelé à sa reprise de fonction pour trancher avec le passé tragique : manteau bleu nuit brodé de fil d'or et d'argent, casque d'or – le rouge et les épaulettes à pointes utilisés par le Lémure ayant été détruits – celui-là même légué par son prédécesseur Sage, deux siècles et demi plus tôt, et abandon du masque pour officier à visage découvert en toutes circonstances.

Figure charismatique de l'autorité, son regard profond se posa sur chacun des Chevaliers en une salutation discrète, alors qu'ils s'alignaient dans l'ordre zodiacal aux pieds des quelques marches menant à l'estrade.

Ils mirent tous un genou à terre en rejetant leurs capes en arrière, la tête inclinée et le poing sur le cœur.

- Mes chers Chevaliers, commença Athéna d'une voix douce mais puissante, je vous remercie d'avoir répondu présent à notre appel. Et à l'heure.

De petits rires parcoururent l'assemblée dorée, qui affichait sourires amusés ou contrits.
Certains se savaient visés directement, mais ce n'était qu'une tendre taquinerie de leur Déesse.

Et ils adoraient cela, Elle ne leur en paraissait que plus proche et plus humaine.

- Je vous ai demandé de vous réunir ici, devant mon Autel, ce qui est une première dans l'Histoire de la Chevalerie. Une première pour certains d'entre vous, également.

En effet, l'Autel d'Athéna, dominé par l'immense statue colossale qui avait repris sa place, était l'endroit le plus sacré du Sanctuaire, avec le Mont Étoilé.

Les grands rassemblements se faisaient toujours sur le parvis du Treizième Temple, dans la Salle du Trône ou a l'entrée du Sanctuaire, devant le Grand escalier y conduisant à travers les douze autres, voire dans l'arène.

De fait, rares étaient ceux qui avaient pu fouler le sol de l'Autel sacré.

- Vous connaîtrez la raison de ce choix dans un moment. Mais avant cela, le Grand Pope et moi-même souhaitons vous faire part d'une décision importante. Nous y réfléchissons depuis longtemps, mais nous vous avons réuni au dernier moment pour ne pas focaliser toute votre attention sur les raisons de cette réunion exceptionnelle. Mon cher Shion, je te laisse la parole.

- Je vous remercie, Votre Altesse, Princesse Athéna, répondit ce dernier en s'inclinant respectueusement.

Il se tourna ensuite vers les Chevaliers dans un élégant mouvement de son manteau cérémoniel, s'attardant sur chacun de ces hommes qu'il avait connu enfants et qu'il avait appris à connaître, à aimer et parfois, à supporter, depuis plus d'un an et demi.

Son regard resta fixé sur Dokho un temps légèrement plus long, ainsi que sur Mu, puis, il sourit.

- J'allais commencer en vous appelant « Mes chers enfants », comme j'ai été tenté de le faire à chaque fois que je me suis adressé à vous, depuis notre miraculeux retour à la vie. Mais j'ai été forcé de reconnaître, à chacune de ces occasions, que vous n'en étiez plus. Fidèles et fiers Chevaliers d'Or, l'heure est venue pour moi de rendre mon manteau et surtout, transmettre le casque de Grand Pope, reçu de mon prédécesseur, qui l'avait lui-même reçu du sien. Celle de vous confier la suite, ainsi que l'héritage de mes prédécesseurs. Je sais que ce n'est pas vraiment une surprise, pour vous.

Non, en effet, mais en avoir la confirmation les bouscula quelque peu.
Ils s'étaient habitués à la présence rassurante et à la bienveillante autorité de leur Pope.

La relation que Shion avait construit avec chacun d'eux individuellement, et la cohésion qu'il avait su établir et renforcer dans le groupe, avaient contribué à cette vie paisible et agréable qu'ils vivaient au Sanctuaire.

Respecté et admiré telle la grande autorité qu'il était, il n'en avait pas moins veillé à rester accessible et proche d'eux, abolissant la distance protocolaire autrefois de rigueur. L'abandon du masque rigide et froid qui couvrait auparavant son visage, et le choix de ne porter son casque qu'à des moments très formels, avaient beaucoup aidé à ce rapprochement. Son regard sans âge exprimait une palette d'émotions allant de la douce bienveillance à l'intense désapprobation, passant par la compréhension ou la colère, l'encouragement ou le reproche, et tant d'autres.

A l'instar de la Déesse qu'il représentait, le Grand Pope n'en était que plus proche et humain.

Les Douze Chevaliers avaient donc du mal à imaginer le Sanctuaire sans lui à sa tête.
Sans lui ni Dokho, car ils n'allaient plus l'un sans l'autre, désormais.

Or, le Vieux Maître, comme certains l'appelaient toujours, était aussi une figure importante, pour eux.

Plus proche que ne pouvait se le permettre totalement le Grand Pope, Dokho avait joué le rôle de grand oncle, de guide et de joyeux mentor, depuis leur retour. Avec lui, ils leur arrivaient parfois d'oublier son âge et tout ce qu'il avait enduré.

La Balance était l'exemple même de comment chacun devait accueillir la seconde chance qui leur avait été accordée, et comment la vivre pleinement : en profitant de chaque instant avec enthousiasme, mais sagesse, auprès des êtres chers, sans jamais perdre de vue l'essentiel.

Cela allait leur être difficile de se séparer de leurs deux figures de gardiens et d'inspirateurs.
Même s'ils en avaient un ou deux autres qui pouvaient aisément prétendre à ce rôle et le remplissaient même déjà.

- Je suis un fantôme du passé, reprit Shion après un court silence. Si je dis encore une fois que je n'ai pas ma place dans cette ère, je vais inévitablement me prendre un coup de poing en plein visage. Je vais donc m'abstenir, car je ne souhaite pas déclencher la fureur du tigre ni réveiller les cent dragons de Rozan…

Cette fois, ce furent de véritables éclats de rire qui retentirent, alors que les visages se tournaient brièvement vers Dokho et son sourire en coin.

Peu après leur résurrection, alors que les quatorze Chevaliers d'or ressuscités étaient réunis autour de leur Déesse, Shion avait eu le malheur de dire à la Princesse Athéna qu'Elle n'aurait pas dû demander son retour à la vie, car il appartenait au passé et que sa mission avait été accomplie. Il n'avait donc plus de raison d'être présent.

Furieux d'entendre cela, Dokho lui avait asséné une droite puissante qui avait envoyé l'ancien Bélier au tapis.

J'ai vécu plus de 243 ans séparé de toi, dont 230 avec le seul réconfort de te savoir vivant, quelque part, même écrasé par ta lourde tâche et ta solitude, avec seulement la possibilité de quelques rares contacts télépathiques pour le confirmer ! On se retrouve enfin et tu oses te plaindre et dire que tu n'as rien à faire là, que tu n'as aucune raison de vouloir cette nouvelle vie ? Ose donc répéter cela haut et fort en me regardant droit dans les yeux, pour voir, Shion !

Personne n'avait jamais vu Dokho si furieux.
Ni lu une telle douleur dans son regard.

Son cosmos avait tellement vibré de colère et de tristesse qu'il avait fait dresser les poils et trembler les murs, du sol au plafond.

Ce n'était pas là le caractère du Chevalier de la Balance, ce que leur avait prouvé le temps, depuis cette petite altercation avec Shion.

Celui-ci avait rapidement su se faire pardonner, d'ailleurs, dans un moment qui n'appartenait qu'à eux.

Le Vieux Maître était le plus souvent calme, tout en étant jovial et enthousiaste pour tout, mais aussi patient et serein. Il épaulait Shion dans sa tâche et veillait sur lui depuis leur résurrection, apaisant le stress et l'angoisse qui, parfois, le gagnait.

Pourtant, le Grand Pope avait déjà vécu une situation similaire et même pire : il avait dû reconstruire en totalité un Sanctuaire à la dérive, privé de ses valeureux compagnons, amis et frères d'armes, et avait eu la lourde responsabilité d'enterrer tous ses camarades.

L'ancien Bélier avait aussi dû réparer toutes les armures, tout en gérant son immense pouvoir qui le rendait si sensible à toutes les souffrances qu'elles avaient emmagasinées, et ce, pour ne pas sombrer.

Shion avait connu tant de jours de deuil et de souffrance, de solitude… vu tant de gens naître et mourir, autour de lui…

Et bien que cette fois-ci fût différente, car la reconstruction s'était faite et continuait de se faire ensemble et dans un élan positif, avec des Chevaliers qui apprenaient à se pardonner, se connaître, s'apprécier… Shion s'était encore parfois senti dépassé et comme en décalage.

Avec lucidité, la Déesse Athéna avait anticipé cette possibilité, et ainsi avait-Elle demandé que Shion et Dokho soient ramenés à un âge plus avancé. Ce furent donc les corps qu'ils avaient dans leur trentaine qui furent rappelés pour leur réincarnation.

Cela avait permis d'éviter un sentiment de décalage trop prononcé, et cela les avait bien aidé.

- Mais, il faut faire face à la réalité, poursuivit Shion. J'ai beau avoir un corps de trentenaire, cela ne change rien au fait que mon esprit est vieux de plus de deux siècles et demi, et fatigué de toutes ces vies vécues. Je ne regretterai jamais d'avoir servi Notre Déesse et si je pense que personne ne devrait parler de mérite, quant à cette seconde chance, c'est simplement car nous avons simplement accompli notre devoir. Celui porté par nos âmes et nos armures à travers les siècles, d'incarnation en incarnation, ou parfois en subissant chaque année écoulée. Nous n'avions pas à attendre de récompense pour cela, nous sommes nés dans ce but. Pourtant, on nous a fait don de cette incroyable possibilité de vivre à nouveau, grâce en soit rendue aux Dieux mais surtout, à Notre Déesse. Merci, Princesse Athéna.

- Merci, Princesse Athéna ! clamèrent-ils tous d'une même voix.

- Merci à vous, mes Chevaliers, leur répondit-Elle avec un doux sourire.

Avant de faire signe à Shion, qui reprit son discours.

- Alors aujourd'hui, avec l'accord de la Princesse Athéna, je me décharge de mes fonctions de Grand Pope pour devenir un simple homme et vivre une vie que je n'osais espérer, mais qui s'est peu à peu dessinée comme un projet, au fil des jours. Je resterai toujours un fidèle et loyal Chevalier d'Athéna et je répondrai toujours à Son appel, cela va sans dire.

- Et aux nôtres ? osa s'élever une voix grave au cœur de la Garde dorée.

- Cela dépend de leur fréquence, Milo. Mais bien évidemment, je serai toujours là pour vous, également. Nous ne serons jamais bien loin, ajouta-t-il en tendant la main vers Dokho.

D'une flambée de cosmos, la Balance se défit de son armure d'or, qui reprit sa forme de totem et se rangea sagement sur le côté.

Sous le regard admiratif de tous, car la Balance était le symbole-même de la Justice qu'ils défendaient, au nom d'Athéna, elle représentait l'équilibre qu'ils tentaient de préserver sur Terre.

Et c'était l'une des plus belles armures, il fallait aussi le reconnaitre.

Sans elle, Dokho aurait dû se retrouver torse nu, or, il avait tout prévu, puisqu'il avait mis une tunique élégante avant de la revêtir.

Ainsi décemment vêtu, le Septième gardien gravit les quelques marches le séparant de Shion et se plaça à ses côtés, après s'être incliné devant leur Déesse.

- Dokho est et demeure le Gardien de la Maison de la Balance, jusqu'à ce que la future génération des Ors ait terminé sa formation, précisa Shion. Il n'y aura normalement plus de Guerre sainte, celle-ci devra donc se constituer parmi les Chevaliers déjà nés, présents ou non au Sanctuaire. En ce qui concerne la succession du Septième Gardien, nous connaissons déjà son disciple très prometteur, Shiryu du Dragon, lui-même né sous le signe de la Balance.

- Malgré son très grand potentiel et ses nombreuses victoires, contre ses ennemis, contre lui-même et contre son Destin, il lui reste encore du chemin à parcourir jusqu'au Septième Temple, révéla le Vieux Maître, et il a encore besoin d'être guidé. J'en ai discuté avec Shura, qui a su voir son potentiel très tôt, et qui lui a autrefois légué Excalibur et sa volonté de protéger notre Déesse.

- Shura, je t'en prie, l'appela justement cette dernière.

- Votre Altesse, Princesse Athéna, répondit-il immédiatement en se levant pour s'avancer d'un pas.

Il reposa un genou à terre, le poing sur le cœur, et regarda sa Déesse avec une profonde adoration.

- Acceptes-tu de reprendre le flambeau de Dokho et de guider Shiryu dans son apprentissage de la maîtrise de ses pouvoirs, éveillés au cours de ses nombreux rudes combats ?

- Ce serait un honneur, Votre Altesse, Princesse Athéna. Je tâcherai de me rendre digne et à la hauteur du grand Chevalier de la Balance en suivant son exemple, digne et à la hauteur de la confiance qui m'est témoignée. Je vous en remercie grandement.

- C'est nous qui te remercions, Shura.

- Merci à toi, ajouta Dokho. Tu verras, Shiryu ne te feras pas perdre ton temps.

Le Dixième gardien hocha la tête, puis reprit sa place dans le rang.

- Le Sanctuaire a fonctionné avec plusieurs Maisons vides et en mon absence durant de nombreuses années, alors que les menaces étaient constantes, poursuivit Athéna. Dans un monde en paix, cela ne posera pas plus de difficultés. Même si nous l'espérons durable, la Paix que nous avons instauré au prix de rudes combats, de terribles sacrifices et d'échanges plutôt… musclés avec les autres membres de ma famille, ne doit pas nous faire relâcher notre vigilance. Le Domaine sacré aura toujours besoin de ses Chevaliers. J'aurais toujours besoin de vous, car j'ai fait le choix de demeurer à vos côtés, sur Terre.

- Merci, Princesse Athéna !

- Vous avez été appelés en prévision de la Guerre sainte et nous l'avons gagné. Vous êtes libérés de ce fardeau. Désormais, vous avez le droit et je dirai même, le devoir d'être heureux. Je ne m'opposerai jamais à ce qui pourrait faire votre bonheur. Car je sais que ce sera toujours compatible avec votre âme de Chevalier, j'ai foi en chacun de vous, assura-t-Elle en faisant peser son regard bienveillant sur eux à tour de rôle. C'est pourquoi je vous ai réuni, ici, particulièrement. Je souhaite bénir, en ce lieu saint et en votre présence, l'union de Shion et de Dokho. Mais avant de le faire, poursuivit-Elle rapidement, bloquant l'élan d'enthousiasme qui avait gagné la Garde dorée à ces mots, nous avons une dernière chose à vous apprendre.

Elle fit un signe de tête à Shion, qui refit face à l'assemblée surprise, mais enjouée.

La joie qu'ils éprouvaient pour eux toucha profondément ce dernier, et il ressentit la même chose chez son compagnon.

- Nous vous remercions pour l'accueil fait à cette nouvelle. Mais avant de nous en réjouir, il faut aborder d'autres points importants.

Il marqua une courte pause, durant laquelle il balaya la Garde dorée du regard, la belle et fière Chevalerie d'Athéna, l'élite d'entre elle.

Ils avaient tous eu leurs armures d'or si jeunes…
Des prodiges comme il en existait rarement.

L'ancien Bélier songea à son frère d'armes Regulus du Lion, le génie de son époque.

Il regarda Saga et Kanon, puis Aioros : ils avaient très tôt été reconnus comme les plus puissants de leur génération, Kanon avec un crainte telle qu'elle l'avait conduit au pire choix possible, celui de nier son existence et de le garder cacher, nourrissant ainsi davantage le mal qui le rongeait déjà.

Mais de ce qu'il avait pu constater, les autres Ors n'étaient pas en reste.

Il l'avait pressenti chez Mu et Shaka, tout comme il le percevait aujourd'hui chez Kiki.

Il se posait encore des questions au sujet de Shun, dont l'âme avait combattu et dominé celle d'Hadès sans se déchirer, ni garder de sérieuses séquelles suite à cela.

Son être, qui avait côtoyé le mal, incarné en lui, n'avait rien perdu de sa pureté.

Shion en avait discuté avec Athéna et avec d'autres Chevaliers, dont Aphrodite, qui n'avaient pas tari d'éloges sur le jeune Andromède.

Le Douzième gardien avait affirmé qu'à son sens, Shun était le plus humain et le plus puissant Bronze, surpassant même son frère Ikki, reconnu pourtant comme tel.

Seulement, à cause de sa constellation qui en faisait le Chevalier du sacrifice, Shun, à l'image de ses prédécesseurs, n'utiliserait probablement jamais sa pleine puissance, préférant mourir que de tuer, ayant suffisamment foi en ses pairs pour protéger Athéna, s'il n'était plus.

Malheureusement, il avait été forcé de remporter presque tous ses combats, douloureusement, tout en se plaçant lui-même aux portes de la mort.

Shion songea à la chance qu'il avait eu, dans son malheur, de connaître ou simplement côtoyer tant d'êtres d'exception.

Les prochaines années en verraient-elles d'autres se révéler de part le monde ou s'éveiller parmi ceux déjà présents au Sanctuaire ?

Les Bronze allaient-ils tenir toutes leurs promesses et devenir, de manière constante, cette fois, les grands et puissants Chevaliers qu'ils avaient su être, le temps de leurs combats les plus féroces, car poussés dans leurs retranchements ?

Qu'importaient les réponses, ce n'était déjà plus de son ressort.

- Comme l'a si justement rappelé notre Déesse, reprit-il, nous devons rester vigilants. C'est pourquoi nous continuons de former des apprentis chevaliers. Tous sont déjà nés, il n'y aura pas de nouvelle incarnation, selon la volonté de notre Déesse. L'une de vos responsabilités est de retrouver ces enfants, ces hommes ou ces femmes qui ne sont pas encore au Sanctuaire et de les y ramener. Vous devrez poursuivre cette tâche et rester alertes. Le Sanctuaire continuera d'être gardé et protégé, ainsi et surtout que Notre Déesse, avec les mèmes rigueur et constance, même en ces temps de paix.

- Oui, Votre Éminence !

- C'est pourquoi, vous l'aurez compris, il faudra un nouveau Grand Pope pour me remplacer et seconder notre Déesse. Aujourd'hui, le même choix qu'il y a plus de quinze ans s'offre à nous. Car il est évident qu'Aioros et Saga sont les mieux placés pour me succéder. Ces presque deux dernières années l'ont prouvé, si besoin est.

- Votre Éminence, si je peux me permettre…

- Non, Saga, tu ne peux pas, le coupa Shion avec sa douce autorité. Pour le moment, je ne te demande pas ton avis. Nous voulons connaître l'opinion de tes pairs, avant cela. Je ne dis pas que nous t'avons déjà désigné en tant que successeur. Je veux seulement savoir si tout le monde serait prêt à t'accepter à leur tête, si tu étais notre choix final.

- Nous vous demandons l'honnêteté la plus totale, ajouta Athéna. Sachez également que vous pouvez ne pas répondre ou nous transmettre par télépathie votre décision.

- Il ne s'agit pas de choisir entre Aioros et Saga, précisa Dokho. Il vous est demandé de vous prononcer sur le choix de Saga : l'accepteriez-vous, s'il était celui retenu par notre Princesse Athéna et notre Grand Pope ?

- Vous avez trois options possibles, expliqua Shion. Accepter en avançant d'un pas, refuser en reculant d'autant, rester immobile si vous êtes indécis ou ne souhaitez pas vous exprimer à voix haute. Est-ce clair ?

- Oui, Votre Éminence, répondirent-ils en chœur.

- Très bien, alors levez-vous, et… allez-y, leur demanda-t-il avec un élégant geste de la main.

D'un même mouvement et sans délais, sans se consulter, tous les Ors firent un pas en avant… sauf Aiolia.

Ce qui n'étonna personne.

Mais le Lion avait seulement marqué une hésitation, pour bien signifier qu'il l'accepterait, mais d'un point de vue personnel, difficilement.

Il rejoignit très vite le rang devant lui pour s'aligner à ses camarades, ne laissant à personne le temps de lui faire la moindre réflexion télépathique ou orale.

Saga, lui aussi resté en arrière, fut profondément touché par ce témoignage de confiance si rapide et unanime de ses frères d'armes.

Le pardon qui lui avait été accordé par chacun de ses camarades se matérialisait sous ses yeux de la plus belle façon possible, de manière encore plus concrète et puissante que la relation qu'il avait construit avec eux, individuellement et collectivement.

Ceux-ci ne témoignaient que de sentiments positifs à son égard : respect, amitié, admiration, loyauté, confiance, joie et même, soulagement…

Saga ressentait aussi la fierté de Kanon, si loin de la jalousie qui l'avait rongé, autrefois, et celle d'Aioros, dont le cosmos frôlait tendrement le sien, avec le plus de retenue possible.

Enfin, il percevait la bienveillance et la chaleur de sa Déesse et de son Grand Pope, ainsi que de Dokho, qui souriaient tous trois avec une infinie douceur au fond des yeux.

- Je suis heureux de ce résultat et contrairement à toi, Saga, je ne suis pas surpris, assura Shion. Tu es un excellent guide. Et même si elle a été acquise dans la supercherie, la terreur et le sang, ta douleur et ta culpabilité, et tant de choses que nous ne serons jamais à même de comprendre, tu as l'expérience du Domaine sacré, que tu as géré d'une main de maître.

Saga serra ses poings gantés d'or.

- Ce n'était pas moi, Votre Éminence.

- Mais il s'est servi de tes connaissances et de tes capacités. Et tu étais là, bien que prisonnier. C'est cela qui compte le plus, Saga, car malgré ta situation désespérée et les risques encourus, tu as su les mesurer et tirer partie de toutes les occasions qui t'étaient offertes, tu as fait ton possible pour protéger le Sanctuaire et tes pairs, dès que tu le pouvais. Le peu de fois où tu as pu avoir le contrôle, tu n'as pas agi inconsciemment pour ne pas déstabiliser le Sanctuaire. Tu as toujours fait ce qu'il fallait. Tu as l'intelligence, la sagesse, l'empathie, l'altruisme et la puissance d'un très Grand Pope, Saga des Gémeaux. Et je pèse mes mots.

- Shion a parfaitement résumé notre pensée commune, certifia Athéna.

- Nous n'aurions pu faire mieux, ajouta Dokho.

Très ému et jusqu'aux larmes, qu'il contenait difficilement, Saga ôta son casque, osa se rapprocher de l'estrade même sans y avoir été invité et mit un genou à terre, le poing sur le cœur.

- Je vous remercie infiniment pour vos mots et votre confiance, Votre Altesse, Princesse Athéna, Votre Éminence, Grand Pope Shion, Vieux Maître. Et merci également à chacun d'entre vous, mes frères de cœur et d'armes, ajouta-t-il en tournant son visage de part et d'autre, derrière lui.

Leurs cosmos entrèrent en résonance un court instant.

- Malgré tout, poursuivit-il en reprenant sa position initiale, puisque votre décision n'est pas arrêtée, je voudrais, si vous le permettez, vous faire part de ma pensée.

- Parle, Saga, je t'en prie, autorisa la Princesse Athéna. Nous t'écoutons.

- Je vous remercie, Votre Altesse. Bien que mon objectivité puisse être mise en doute, concernant Aioros, je suis convaincu qu'il est le meilleur choix possible. Vous l'avez souligné, il vous a été d'une aide très précieuse, depuis notre retour à la vie. Il a retrouvé sa place en tant que Chevalier et Gardien de la Maison du Sagittaire, guide, conseiller et même maître et mentor, avec un rôle auprès de chaque génération présente au Sanctuaire : la vôtre, la nôtre, les différentes plus jeunes, après nous. Ceci étant dit, si vous hésitez encore pour des raisons qui vous appartiennent, je pense que votre réflexion devrait se porter sur Shaka, plutôt que sur moi. Il est plus indiqué pour prétendre à votre succession, Votre Éminence.

- Et quelles sont tes arguments ? demanda Shion.

- Shaka est aussi puissant que je le suis, peut-être même plus. Après s'être débarrassé des nombreux Spectres restants, il nous a affronté seul, Camus, Shura et moi, et nous a mis en sérieuse difficulté. Il est également d'une grande sagesse et sa sagacité n'est plus à prouver. C'est lui qui, le premier, s'est éveillé à l'arayashiki, ouvrant et montrant le chemin vers la victoire aux autres Chevaliers. Enfin, c'était « mon » conseiller, il a aussi l'expérience de la gestion du Domaine sacré. Vous avez également pu bénéficier de son avis éclairé, ces vingt derniers mois. Je pourrais encore souligner d'autres points, mais je suis persuadé que ceux déjà évoqués sont suffisamment pertinents.

Shion échangea un regard avec Athéna, puis Dokho, avant de reporter son attention sur les Chevaliers face à lui.

- Shaka, souhaites-tu répondre ? demanda Athéna. Je t'en prie, avance, si c'est le cas, nous t'écoutons.

La Vierge ôta son casque et rejoignit Saga pour se mettre dans la même position que lui.

- Je vous remercie de me le permettre, Votre Altesse, Votre Eminence. Je te remercie pour ta confiance, Saga. Mais je ne partage pas ton opinion. Je n'ai pas ta puissance, notre dernier affrontement n'est pas représentatif. Mon degré de connaissances et de sagesse n'est pas forcément supérieur au tien, il couvre juste des domaines différents, cela ne peut donc être comparé. J'ai trouvé une vérité dans ma précédente vie, mais il en reste beaucoup d'autres à atteindre. Enfin, il me manque une qualité essentielle chez un dirigeant et c'est sûrement ce qui nous différencie le plus : je n'ai pas ton souci des autres et ta considération du prochain. Mes conseils ne sont que le fruit d'une réflexion froide et dénuée d'affect, ou l'intérêt humain n'est qu'une variable. J'apprends à me lier et à apprécier cela, mais je reste encore détaché de ce monde, car je souhaite me préserver de ses vanités.

- Nous vous remercions, Saga, Shaka, d'avoir exprimé vos pensées, affirma Athéna, avant de se tourner vers son Grand Pope. Shion ?

- Je rejoins Shaka dans son analyse, Votre Altesse. Je tiens à apporter des précisions concernant le combat qu'il y a eu entre vous et qui ne prouve rien, selon moi. Shaka est un très puissant Chevalier, je ne le conteste pas, bien évidemment. Mais il faut replacer les faits dans leur contexte. Il n'a pas affronté trois Chevaliers d'or, mais trois Chevaliers ramenés en tant que Spectres par Hadès qui, méfiant et à juste titre, a posé une limite sur vos cosmos. Il a également utilisé la plus puissante et redoutable technique du Gardien de la Maison de la Vierge, Le châtiment du Ciel. C'est une attaque qui peut piéger un adversaire plus fort assez aisément et l'affaiblir rapidement, renversant l'issue du combat. Mais ce n'est pas le plus important, vous savez tous qu'il n'est pas très judicieux de parler d'échelle de puissance entre vous. Il n'y a pas de compétition, vous avez tous la force nécessaire et vos moyens propres à vos constellations et à vos personnalités, pour protéger le Domaine et notre Déesse. C'est la seule chose qui compte.

- Oui, Votre Éminence !

- Chaque affrontement entre Chevaliers d'or est susceptible d'aboutir sur la mort ou un combat de mille jours. A forces égales, à cosmos équivalent, ce sont vos capacités à les développer qui peuvent faire la différence : l'intelligence, la ruse, et d'autres encore. Pour en revenir à tes propos, Shaka, reprit-Il après un silence entendu, le dernier point soulevé est également capital. C'est la raison principale pour laquelle nous ne pouvons t'associer à la charge de Grand Pope. C'est encore trop tôt pour toi.

- Je le pense également, conclut Athéna. Et il serait dommage de freiner ton éveil à l'humanité et à la fraternité, tel que tu l'as amorcé depuis ton retour à la vie. Est-ce que l'un de vous souhaite ajouter quelque chose ? demanda-t-Elle enfin après une courte pause.

- Non, Votre Altesse, soyez remerciée, répondit Shaka le premier.

- Non, Votre Altesse. Je vous remercie, déclara Saga à sa suite.

- Bien. Vous pouvez vous relever.

Les deux hommes s'exécutèrent et reculèrent pour réintégrer le rang.

- Nous avons donc bien deux successeurs potentiels, Saga et Aioros, résuma Shion. Cependant, je ne souhaitais pas choisir lequel de vous deux noms soumettre à Notre Déesse, cela ne me paraissait plus adapté à notre situation. A votre époque, plutôt. Je n'ai pas réussi à reconstruire et relever le Sanctuaire seul, nous l'avons fait tous ensemble, avec et pour Notre Déesse. Je n'étais pas seul à votre tête pour vous guider et seconder la Princesse Athéna, Dokho était à mes côtés. Je pense donc sincèrement que vous devriez tous les deux, Aioros et Saga, partager cette noble tâche et cette lourde responsabilité, comme je l'ai fait, depuis notre retour. A présent que vous êtes enfin unis, tous les deux, partenaires dans la vie, accepteriez-vous de travailler main dans la main pour servir, protéger et représenter Notre Déesse et le Domaine sacré, trouver, former et guider ses Chevaliers ? Bien sûr, je suis conscient de ce qu'il vous est demandé. J'imagine que vous souhaitez sûrement profiter de cette nouvelle vie avec insouciance, et c'est votre droit. Nous vous avons beaucoup demandé en temps et en investissement, jusque-là, mais vous n'avez aucune obligation envers le Sanctuaire. Vous êtes totalement libres. Vous n'avez pas à nous répondre maintenant, par tailleurs, vous avez le temps de réfléchir.

- Ce serait un immense honneur pour moi, ajouta Athéna avec ce doux sourire qui ne quittait pas son visage. Mais je ne vous reprocherai jamais de faire un autre choix. Vous me servirez tout autant en étant heureux et en répandant ce bonheur autour de vous.

- Avancez-vous, Saga des Gémeaux, Aioros du Sagittaire, fiers et valeureux Chevaliers de la Garde Dorée, exigea la Grand Pope d'un ton solennel. Notre Déesse attend votre réponse.

- Qui peut être d'avoir besoin de temps pour y réfléchir, je le souligne à nouveau, précisa encore la divinité.

Casques sous le bras, Saga et Aioros se rejoignirent en s'avançant jusqu'au pied de l'estrade et échangèrent un long regard.

Face à l'hésitation du Gémeau, le Sagittaire lui prit la main et noua fermement ses doigts aux siens.
L'amour et la confiance qui illuminaient son regard imprégnèrent chaque cellule du corps de Saga.

Alors, un sourire naquit enfin sur le visage du Troisième gardien et ils hochèrent tous deux la tête, avant de faire face à leur Déesse, dans un parfait ensemble.

- Nous acceptons, Votre Altesse, Votre Éminence, affirmèrent-ils d'une même voix puissante, en posant chacun un genou à terre, le poing droit sur le cœur gonflé d'amour, de fierté et de reconnaissance mêlés.

Ils étaient tellement heureux !

- Et vous, Chevaliers d'Or, l'acceptez-vous ? demanda solennellement Athéna aux hommes derrière eux, l'émotion faisant vibrer sa voix.

- Oui, Votre Altesse, Princesse Athéna ! répondirent-ils d'une vois forte, dans un parfait ensemble, en imitant le geste de leurs aînés en un fracas métallique presque assourdissant.

Les armures dorées émirent alors toutes une note unique et puissante, qui fit vibrer le Domaine sacré tout entier, et qui reflétait parfaitement l'enthousiasme de leurs porteurs.

- Relevez-vous, mes chers Chevaliers, ordonna Athéna d'une voix émue. Je vous remercie tous.

Saga et Aioros commencèrent à reculer pour reprendre leur place respective dans la rangée parfaite, mais la Déesse intervint.

- Saga, reste, je te prie.

Le Gémeau reprit immédiatement sa position initiale, tandis que le Sagittaire se replaçait prudemment entre Milo et Shura, veillant à ne pas leur donner un coup de ses ailes dorées de belle envergure.

- Kanon, avance-toi, je te prie, poursuivit Athéna.

Surpris, le cadet des Gémeaux s'exécuta, puis mit un genou à terre aux côtés de son ainé.

Il n'avait pas d'armure, mais l'habit de cérémonie blanc brodé d'or et notamment, du signe doré des Gémeaux, lui donnait la même prestance son charisme naturel faisait le reste.

- Votre Altesse, Princesse Athéna.

- Saga, accepterais-tu de confier à Kanon la garde et la protection initiale de la Maison des Gémeaux, l'armure d'or Gemini, ainsi que toutes les responsabilités qui incombent à son Gardien ?

- La décision vous revient et je m'y conformerai, cela va sans dire, répondit-il immédiatement. Je me permets de préciser que mon intention était d'aborder ce sujet-là avec vous, dès lors que vous m'avez jugé digne de vous représenter en tant que Grand Pope, auprès d'Aioros. Kanon est autant que moi le Chevalier d'Or des Gémeaux. Il a bien plus fait honneur à ce titre, à vous, Votre Altesse, et à Gemini en une bataille que moi, depuis que j'ai été désigné comme tel.

- C'est faux, protesta Kanon en tournant la tête vers son frère. Mes excuses, Votre Altesse, Votre Éminence… se reprit-Il de suite en retrouvant sa position.

- Vous avez chacun votre temps de Gardien, trancha Shion. Celui de Saga est bientôt révolu, le tien est proche, Kanon.

- En effet, l'appuya Athéna. Le moment de vous répartir officiellement les tâches est venu. C'est déjà le cas, puisque toi, Kanon, tu épaules Saga dans sa charge au Troisième Temple, qui soutient lui-même notre Grand Pope et Dokho, ainsi que ma propre personne. Nous ne faisons qu'avancer d'un pas et officialiser un état de fait. Tu as été reconnu Chevalier d'Or des Gémeaux par tes pairs, qui t'ont pardonné et accepté, ainsi que par Gemini. Tu mérites amplement ce titre et cette charge. L'acceptes-tu, Kanon, Chevalier des Gémeaux ?

Gemini émit alors une puissante note enjouée, qui surprit tout le monde.
Surtout Saga, qui ne s'attendait pas à briller d'un coup comme un phare en pleine nuit.

- Gemini ! protesta-t-il, sous les rires de ses pairs. Modère ton enthousiasme, je te prie !

- Comment tu t'es fait jeter ! Mais aïe, ça va pas ? Tu veux me décapiter ?

Angelo s'était pris simultanément un coup de coude d'Aiolia dans ses côtes protégées et plus douloureux, un tacle à l'arrière du crâne de la main vigoureuse et aussi large que sa tête d'Aldebaran.

- Angelo… gronda la voix puissante de Shion.

- Mes excuses, Princesse Athéna, Votre Éminence… répondit-il en s'inclinant.

Athéna hocha la tête avec bienveillance, avant de revenir sur les deux frères.

- Nous te remercions d'avoir exprimé ton avis, Gemini. Pourrais-tu, à présent, laisser Kanon nous donner sa propre réponse ?

L'armure, qui avait cessé de clignoter dès l'intervention de son porteur, résonna d'une note claire mais douce, mêlant excuse et approbation.

- Nous t'en remercions, s'amusa la Déesse, avant de reprendre son sérieux. Kanon ?

- Je suis à votre service, Votre Altesse, Princesse Athéna. Ma vie et mon âme que vous avez sauvé et purifié, dans votre immense bonté, vous appartiennent.

- Nous sommes deux à porter cette revendication, rappela la Déesse.

- Tant qu'un souffle de vie m'habitera, je serai vôtre, Princesse Athéna. Et je ne reviendrai pas sur ma décision, je vous serai à jamais fidèle, dans la vie comme dans la mort.

- J'en suis heureuse et je ne doute pas de ton allégeance, Kanon. Ce n'était qu'une tendre taquinerie de ma part.

- Je vous remercie, Votre Altesse. Sachez, cependant, que si ce propos devait devenir sérieux, un jour, si vous me demandez de me séparer de Rhadamanthe pour me consacrer à vous et à mon devoir… je le ferais. Cela me coûtera plus que personne ne pourrait l'imaginer, mais c'est ainsi, car ma vie actuelle vous appartient. Nous en sommes tous conscients. J'attendrai de pouvoir le rejoindre et ne faillirai pas à ma tâche, mais je ne serai alors que l'ombre de moi-même, car je ne peux exister sans lui à mes côtés, désormais.

Ses propos suscitèrent différents degrés d'étonnement.
Tout comme la manière dont il avait prononcé ses mots.

Sa foi en Athéna ne pouvait aucunement être remise en cause, mais malgré tout, devoir dire cela semblait lui avoir coûté. Si les sentiments qu'il partageait avec Rhadamanthe étaient connus de tous, certains n'avaient pas pris conscience que leur amour était aussi absolu.

La transformation de Kanon en Spectre, à sa mort, était un secret bien gardé. Seuls Shion, Dokho, Aioros, Saga, Milo et Aiolia avaient été mis au courant. Athéna n'avait pas jugé nécessaire d'en avertir tout le monde, même si Elle n'aimait pas les secrets.

C'était juste un report de quelques années, espérait-Elle.

- Relevez-vous, tous les deux, ordonna cette dernière justement. Kanon, j'ai déjà approuvé ta relation avec Rhadamanthe, le rassura-t-Elle. Et sois sans crainte, je ne reviens jamais sur ma parole donnée. D'autant plus que je comprends parfaitement ce que tu me décris. Je…

La Déesse s'interrompît soudain et serra son Sceptre avec force, la gorge brusquement nouée et le regard triste, alors qu'Elle n'avait pas cessé de sourire, jusque-là.

- Princesse Athéna ? s'inquiéta Shion en se rapprochant d'Elle en même temps que Dokho. Quelque chose ne va pas ?

- Ce n'est rien, le tranquillisa-t-Elle, de nouveau souriante. Vous ne le savez peut-être pas tous, mais les jeunes femmes en lesquelles je m'incarne et les réincarnations du Chevalier Pégase sont liées, et ce, depuis toujours. Depuis la première fois où j'ai décidé de naître, vivre et mourir parmi les humains. Malheureusement, si pour beaucoup, vivre leur Destin équivaut à vivre leur amour, cela n'est pas le cas pour cette jeune fille et son Chevalier déicide. Ils sont condamnés à accomplir leur Destin sans jamais pouvoir vivre leur amour. Parce que j'ai fait ce choix d'une vie d'humaine, incompréhensible pour mes pairs, et que la constellation de Pégase protège celui qui est connu à travers l'Olympe comme le fléau des Dieux, peut-être... Qu'importe la raison, au final, le résultat est le même. C'est une douleur et une frustration quotidiennes, à peine apaisées par la présence de l'autre à nos côtés. Vous vous demandez pourquoi je me confie ainsi, si soudainement à vous, à ce sujet si délicat et personnel, n'est-ce pas ? Je comprends votre étonnement.

En effet, les Chevaliers échangeaient quelques coups d'œil surpris, même brefs, voire un peu gênés.

- Je vous prie de m'excuser, si cela vous indispose, telle n'était pas mon intention. J'espérais seulement vous rassurer sur ma position et ce qui peut, en partie, l'expliquer : je ne m'opposerai jamais à aucune de vos relations, si tant est qu'elles ne menacent ni la Terre, ni vos pairs, ni moi-même. J'ai été claire, à ce sujet, Kanon. Tu es Kanon des Gémeaux, aujourd'hui plus que jamais mon Chevalier, tu es au service de la Justice, de l'Amour et de la Paix. Si un nouveau conflit devait éclater de ton vivant, j'attends de toi que tu tiennes ton rang et ta place parmi les Ors. Je t'ai accordé ma confiance, je n'ai pas le moindre doute sur ton allégeance présente et future, je le répète.

- Vous n'avez pas à en avoir, Votre Altesse, je saurais m'en montrer digne, assura-t-il avec une détermination et une sincérité qui firent vibrer le cosmos de chacun. Il n'y aura jamais d'hésitation de ma part. Si Rhadamanthe vous menace d'une quelconque façon, il trouvera en moi son plus féroce ennemi, comme lors de la précédente Guerre sainte. Nous en sommes tous les deux parfaitement conscients et nous l'avons accepté.

- Je le sais et je souhaite que nous n'en arrivions jamais là. C'est pourquoi nous œuvrons tous, jour après jour. En tant que Saori Kido, à travers la Fondation Graad, et les missions que vous effectuez en son nom, nous aidons le monde et les humains à être et vivre en paix. En tant qu'Athéna et grâce à votre implication dans nos relations avec les autres Dieux, nous protégeons la Terre. Cette lutte pour maintenir la Paix est probablement notre plus grande bataille. Nous ne pouvons pas la perdre.

- Oui, Princesse Athéna, répondirent-ils tous en chœur en frappant leurs poings gantés d'or sur leurs torses tout aussi dorés, encore une fois.

La Déesse les regarda tour à tour et les enveloppa d'une douce et chaude vague de cosmos.

- Je vous remercie sincèrement pour votre amour et votre dévouement. Il est temps, à présent, de conclure et de récompenser la patience légendaire de mes chers Shion et Dokho, dont je vais enfin bénir l'union. Quittez vos armures, mes Chevaliers. Nous vous avons préparé des tuniques plus confortables.

Il y avait en effet une petite desserte sur le côté, sur laquelle était posée une pile de vêtements.

Dokho alla la chercher et fit la distribution aux Chevaliers souriants et enthousiastes, qui reçurent chacun une tenue élégante brodée de leur signe astrologique, à leur taille.

Une fois vêtus plus décemment – ils étaient torses nus sans leurs protections - ils reprirent leurs places en rang serré, leurs armures en totem autour d'eux les baignant d'or.

Mais si celles-ci respectaient l'ordre du zodiaque, ce n'était plus le cas de leurs porteurs…

Les couples s'étaient rapprochés naturellement : Angelo se retrouva entre Aphrodite et Shura, Aioros était remonté entre son frère Aiolia et Saga, qui avait Kanon de l'autre côté, et Milo avait rejoint Camus.

Shaka était resté immobile, laissant le monde tourner autour de lui.

Les mains se frôlaient, leurs propriétaires encore un peu trop protocolaires pour oser avoir un geste plus explicite en présence de leur Déesse et en un lieu si sacré.

Même si les liens n'étaient un secret pour personne, et même sans se cacher, aucun des couples ne s'affichait ostensiblement au quotidien et encore moins lors de leurs rassemblements officiels.

Ce n'était que lors des soirées qu'ils organisaient chez les uns et les autres qu'ils se détendaient un peu plus et pouvaient se laisser aller à quelques démonstrations.

Shion et Dokho se firent face, sans se toucher.

Ils essayaient de rester sérieux, mais ils ne pouvaient s'empêcher d'afficher un sourire éclatant de bonheur. Leurs yeux pétillaient comme jamais, alors que leurs regards étaient verrouillés l'un à l'autre.

C'était un spectacle assez rare qu'offrait le Grand pope.

Athéna inclina légèrement son Sceptre vers eux pour, d'une petite poussée de cosmos divin, révéler l'invisible aux yeux des mortels.

Alors, sous les yeux ébahis des autres Chevaliers, apparut, entre les deux hommes, un délicat fil d'un rouge profond, qui les reliait, attaché à chacun de leurs auriculaires gauches.

- Les deux personnes liées par le fil rouge du Destin sont des âmes destinées à être ensemble, quels que soient le lieu, le temps ou les circonstances, résonna doucement la voix de la Déesse de la Sagesse. Ce cordon sacré peut s'étirer ou s'emmêler, mais jamais il ne se rompt. Vous en êtes la preuve. Le vôtre a été tendu à l'extrême par un temps rarement accordé aux humains, puis par la mort et il n'a jamais cédé.

Elle relâcha son Sceptre, qui tint debout par la seule force de son cosmos, et saisit la main gauche de Shion, puis celle de Dokho pour les joindre entre les siennes.

- Je me souviens avec émotion de la dernière fois où je vous ai tenu les mains ainsi. Près de 245 longues années se sont écoulées, depuis. Vous étiez si jeunes, blessés et anéantis par les lourdes pertes que nous avions subies, et pourtant si forts, déjà, si dignes et courageux. Vous vous accrochiez l'un à l'autre, car vous étiez les seuls repères qu'ils vous restaient… Et j'ai dû vous arracher cet ultime réconfort et vous séparer. Sasha, qui vous aimait tant, était déchirée à l'idée de vous infliger cela. Nous n'avions alors, elle et moi, qu'une prière à l'esprit, à cet instant : que vous puissiez vous retrouver et survivre à la prochaine Guerre Sainte, ou renaître ensemble dans une vie plus clémente. Je vous renouvelle ma profonde gratitude et suis heureuse, aujourd'hui, de voir que notre prière a été exaucée.

- Notre vie vous appartient, Princesse Athéna. Nous le referons sans hésiter, si nécessaire.

- Sans la moindre hésitation, assurément et à jamais.

Ils étaient profondément émus par ce souvenir et les mots de leur Déesse.

- Je le sais parfaitement. Mais nous ferons en sorte que cela n'arrive plus jamais. Votre amour est aussi fort qu'un arbre remarquable, reprit-Elle après un court silence, tenant toujours leurs mains. Ses racines sont profondes et solidement ancrées dans la terre, ses branches se déploient avec enthousiasme vers le ciel, son feuillage est abondant et ne tombe jamais, il reste vert en toutes saisons. Il nous offre son ombrage protecteur. Il est fort, oui, et éternel. Puisse-t-il s'épanouir et vous combler au quotidien. Je le place sous ma protection et lui offre la douce chaleur de mon cosmos pour le nourrir, à jamais.

Une vive lumière baigna toute l'esplanade quelques instants, réchauffant encore plus le cœur et le corps de tous les Chevaliers présents.

Elle libéra leurs mains et leva la sienne haut, puis la posa sur son épaule.

Un cri clair résonna bientôt, puis la chouette chevêche de la Déesse, Aura, apparut dans un battement d'ailes et vint atterrir sur son épaule.

Dans son bec, elle tenait deux couronnes d'oliviers, qu'Athéna récupéra.
Elle en couvrit la tête de Shion, puis de Dokho.

C'était un symbole de paix et de victoire, mais aussi un vœu de bonheur pour les jeunes mariés, dans les temps anciens.

Dans la société grecque moderne, les couronnes matrimoniales, appelées stefana, étaient toujours une tradition du mariage symbolisant l'union de deux être en un couple. Mais elles étaient aujourd'hui faites de fleurs ou de matériaux précieux, l'olivier étant réservé au couronnement des victoires sportives.

- Merci, Princesse Athéna, murmurèrent les deux hommes, de plus en plus émus, les mains toujours liées.

- Si j'avais su, j'aurais pris du riz…

Cette réflexion value à Milo un coup de coude de son compagnon.
Il grimaça, mais étouffa son cri de douleur : le coude de Camus était aussi pointu qu'une stalactite…

Par contre, le regard de glace le foudroya presque sur place.

- Je n'ai pas de riz, cela manque d'ailleurs cruellement d'élégance, n'en déplaise à Déméter, mais si vous me permettez, Votre Altesse, Princesse Athéna… proposa Aphrodite avec une élégante révérence.

La Déesse lui donna l'autorisation d'un hochement de tête, tout en reculant légèrement.

Le Chevalier des Poissons intensifia son cosmos un très court instant.

En réponse à son appel, un vent chargé de pétales de roses d'un rouge profond et d'un blanc immaculé traversa bientôt l'assemblée et vint tournoyer presque amoureusement autour du couple.

- C'est gentil, Aphrodite, merci, mais ce n'était pas nécessaire ! ricana Dokho pour cacher un peu sa gêne.

- Oui, nous te remercions pour cette attention, ajouta Shion dans le même état.

- T'es sûr que ça craint rien, hein ?

- Idiot ! répondit Aphrodite à Angelo, qui ricanait dans son coin. Je peux te faire un bouquet spécial, si tu y tiens.

- Tu veux tenter le coup ? Ça fait un moment qu'on a pas testé ma résistance.

- Tenez-vous un peu, tous les deux ! siffla Shura entre ses dents serrées.

Ils reprirent leurs places, car leur Déesse avait récupéré son Sceptre et s'apprêtait à reprendre la parole.

- Shion, Dokho, félicitations à tous les deux. Je suis si heureuse pour vous !

- Nous vous remercions, Votre Altesse, Princesse Athéna.

Aura toujours sagement perchée sur son épaule, Elle posa sa main sur le bras de l'un, puis de l'autre, et se recula.

Les Chevaliers applaudirent et des « félicitations ! » enthousiastes retentirent.
Après quelques minutes, la Déesse leva légèrement son Sceptre et le silence se fit instantané.

- Ma bénédiction n'est pas exclusive, déclara-t-Elle en posant une main sur son cœur. Comme je vous l'ai dit, un peu plus tôt, je ne souhaite que votre bonheur. Je n'ai pas d'autres couronnes d'oliviers, mais que cela n'empêche pas d'autres personnes qui voudraient me voir bénir leur amour et leur union, aujourd'hui, de s'avancer, et je leur en tresserai plus tard.

- C'est un tarif de groupe ?

Angelo se prit un énorme tacle de la part de Shura, et même Aphrodite lui écrasa le pied sans ménagement.

- Excuse-toi de suite ! lui intima sèchement le Capricorne, outré.

- Sans problème ! Mais tu viens avec moi là-haut.

Personne n'avait jamais vu une telle expression de surprise sur le visage souvent si impassible et maîtrisé de Shura.

Il n'avait pas besoin de demander confirmation, il avait parfaitement compris ce que lui demandait son compagnon à mots couverts.

C'était inespéré !

Jamais il n'aurait cru qu'Angelo serait d'accord pour ce genre de choses, et en public, alors que lui enviait tellement Shion et Dokho d'avoir pu être bénis par leur Déesse !

Ce pourrait-il que le Cancer l'ait senti ?
La question ne se posait même pas, en vérité.

- Tu te décides ? On va pas faire attendre notre chère Princesse, quand même !

- D'autres ont été plus rapides que vous ! les informa Aphrodite avec un petit sourire narquois.

Qui cachait surtout la douleur qu'il étouffait tant bien que mal au fond de lui.
Car en effet, Aioros et Saga s'étaient déjà avancés vers leur Déesse, qui les accueillit avec un sourire rayonnant, ravie.

Elle s'était tant fait de souci pour eux, lorsque Saga campait sur son refus d'accepter d'être pardonné par Aioros.

- Bravo ! On va devoir faire la queue, maintenant ! soupira Angelo en croisant les bras.

- C'est nous les prochains, je te préviens ! l'avertit Milo, menaçant.

- Et en quel honneur ?

- Techniquement, on est le couple le plus ancien du Sanctuaire, après Shion et Dokho. Et aussi Saga et Aioros, d'une certaine façon…

- Qu'est-ce que t'en sais ? Tu crois que Shura et moi, ça date d'hier ? Tu marchais à peine qu'on s'aimait déjà !

- T'es pas sérieux, là ?

- Je plaisante jamais sur ce sujet ! Tu croyais quoi, que t'avais le monopole du coup de foudre à 6 ans ? Surprise ! C'est pas le cas ! Alors laisse passer les grands, maintenant, conclut-il en entraînant Shura vers l'estrade pour y attendre que ses deux aînés leur laissent la place.

Ils s'arrêtèrent et gardèrent le silence, prêtant attention aux paroles que prononçait Athéna, qui rappelait la force du lien éprouvé par la vie et les épreuves douloureuses vécues par les deux hommes dont Elle bénissait l'union.

Le Capricorne ne savait pas si c'était l'ambiance inhabituelle très romantique ou le cosmos plein d'amour de leur Déesse qui rendait Angelo bien moins réservé que d'habitude, sur ses sentiments et leur relation.

Il n'allait cependant pas s'en plaindre, puisqu'il allait pouvoir recevoir la bénédiction d'Athéna.
C'était d'ailleurs leur tour.

Puis vint celui de Milo, que Camus suivit sans rechigner.

La Déesse Athéna leur accorda ensuite un moment pour qu'ils puissent se féliciter, les uns, les autres, échangeant embrassades, accolades, coups dans le dos et serrements d'épaule, tendres et joyeuses taquineries, selon leurs degrés de complicité et la relation qu'ils entretenaient.

Puis, Elle leva de nouveau son Sceptre et le rang se reforma spontanément.

- J'ai autorisé et béni ces unions au sein du Sanctuaire avec tout mon amour. Je vous encourage tous à être le plus heureux possible et à profiter pleinement de cette nouvelle vie. Cependant, je me dois de vous demander certains efforts. Vous êtes toujours mes Chevaliers et nous poursuivons, ensemble, de nombreux et nobles buts. Nous devons maintenir la paix, tout en veillant à rester prêts à nous défendre et protéger la Terre, si un nouvel ou un ancien ennemi apparaissait. Nous formons les futures générations de Chevaliers. Vous continuez vos entraînements au rythme que vous vous êtes imposés seuls. La souplesse n'est pas synonyme de relâchement, vous en êtes conscients. J'attends de vous le même sérieux et la même assiduité, la même constance et la même concentration. Je vous demanderai également de ne pas faire étalage public de tout ce qui concerne vos relations. Ceci doit demeurer dans la sphère intime de vos appartements. N'ayez pas de gestes déplacés, ni même simplement trop démonstratifs, en présence de Chevaliers d'autres ordres ou surtout, d'apprentis. Plus que l'élite de la Chevalerie, vous êtes des exemples à suivre. Je ne parle évidemment pas du choix de partenaire, mais de rigueur dans le travail. Vous n'avez pas besoin d'afficher vos liens, n'importe quel être doté d'un minimum de cosmos peut les sentir. Ils sont même parfois perceptibles pour ceux pour qui le cosmos est en sommeil ou figé. Je ne vous impose pas le secret, vous pouvez et devez être fiers de ce qui vous uni. Je vous demande simplement de ne pas vous disperser, d'être discrets et respectueux dans l'accomplissement de vos missions et de vos charges. De le demeurer, plus précisément, car je peux déjà constater que c'est votre manière d'agir au quotidien. Et je vous en félicite autant que je vous en remercie.

- Oui, Princesse Athéna !

- A présent, retrouvons-nous dans la Salle du Trône où le buffet doit maintenant avoir été préparé pour le banquet qui nous attend, afin de célébrer toutes ces bonnes nouvelles.

Les treize Chevaliers se rangèrent en deux rangs, face à face, pour laisser passer leur Déesse et leur Grand Pope.

Ils allèrent ensuite vers leurs armures pour les renvoyer dans leurs Maisons respectives.
Ils tenaient tous à le faire avec respect, à l'image de la relation qu'ils entretenaient avec elles, certains pour la première fois.

C'est pourquoi ils prenaient toujours le temps de les toucher et de les saluer.

Ensemble, Saga et Kanon posèrent chacun une main sur Gemini, qui semblait fredonner une douce mélodie de bonheur. Si elle devait verser des larmes, désormais, ce serait l'expression de sa joie et non plus de la douleur et du déchirement de jadis.

- Tout va bien, Kanon ? demanda l'aîné en voyant les mâchoires serrées de son frère et en percevant sa profonde émotion.

Et son regard embrumé fixé sur leur armure.

- Je l'ai tellement espéré et voulu, murmura-t-il en réponse.

- Tu en es désormais le premier Gardien.

- Je ne parle pas de Gemini, pas seulement, en tous cas, précisa Kanon, toujours sans regarder Saga. Les mots de Shion, et surtout les tiens... Je n'attendais que ça, tu sais : que tu reconnaisses ma valeur. Que tu me regardes comme ton égal, ou même seulement comme un frère, et pas comme une chose qui te faisait horreur… Tu me détestais tellement, Saga !

Kanon étouffa un sanglot douloureux et Saga serra les poings.

- Quand l'envie, la jalousie et la rancœur se sont mises à te dévorer, j'ai pris peur. Et lorsque l'être humain a peur, il fuit et rejette ce qui l'a provoqué. Je t'aimais, Kanon, affirma-t-il après une courte pause. Cela n'a jamais changé. Mais je haïssais le mal en toi qui creusait un gouffre entre nous. Et par-dessous tout, je haïssais ce que cela disait de moi, qui l'alimentait chaque jour par mon attitude et mes décisions prises à ton encontre. Je t'ai abandonné, clairement. Je ne me suis pas opposé à Shion, je ne me suis pas battu pour toi, pour que tu aies une place, ici. Tu avais toutes les raisons du monde de m'en vouloir.

Le cadet des Gémeaux jeta enfin un œil à son aîné.

- Nous en avons déjà parlé, nous nous sommes pardonnés mutuellement. Je ne t'en veux absolument plus du tout, tu le sais très bien. Et toi non plus, car les torts sont éminemment partagés. C'est juste que… je suis content d'avoir entendu ça, aujourd'hui. Je suis même soulagé. Bien sûr, tu te comportes comme un frère, avec moi, mais ca a pris du temps et ça me semble parfois irréel, qu'on en soit arrivé là. Devant tout le monde, à cet endroit précis, c'est comme si c'était devenu officiel…

- Je vois. Tu n'avais donc aucune idée du bonheur et de la fierté que j'ai éprouvé, lors de la précédente Guerre Sainte, en te revoyant lavé de tout ce mal ?

- Non. Tu as essayé de me tuer, je te rappelle. Comme tous ceux qui se dressaient sur votre route, je le reconnais. Tout ça pour Athéna.

- Pour Athéna, oui.

- Par contre, j'ai ressenti et partagé ta joie et ton soulagement, le jour de notre résurrection, en te découvrant à mes côtés, avoua Kanon. Et je m'étais promis de te donner des raisons d'être content. Je… je ne veux pas te décevoir, cette fois-ci, Saga. Surtout que tu fais tellement d'efforts ! Alors que tu parles de moi comme tu l'as fait, tout a l'heure… et que rien ne t'y obligeait… ça m'a rassuré.

- Je suis désolé de ne pas t'avoir dit tout cela plus tôt. Je n'imaginais pas que c'était si important, pour toi, de l'entendre.

Kanon haussa les épaules, le regard toujours un peu fuyant.

Ce n'était pas facile de se parler à cœur ouvert, et pourtant, les rares fois où les deux frères se l'étaient autorisé, cela leur avait fait tellement de bien !

Cela se vérifiait encore, à cet instant.

- Ça ne l'était plus vraiment, parce que tu me l'as montré de bien d'autres façons, depuis notre retour à la vie. Et c'est pareil pour moi. Je ne te le dis jamais, mais tu sais bien que je suis fier de toi. Encore plus depuis que tu as accepté Aioros. Je suis heureux que tu sois enfin en paix avec toi-même. Et bien sûr, je tiens à toi, ajouta-t-il, toujours sans pouvoir le regarder trop longtemps. Bon, bref, merci, et… on devrait y aller, maintenant, il ne restera plus rien à manger, sinon…

- Je voudrais juste ajouter une chose, si tu veux bien.

Malgré sa gêne, Kanon le regarda dans les yeux, cette fois-ci.

- Je t'écoute.

- Je suis désolé de ne pas avoir accueilli plus chaleureusement la nouvelle de ta relation avec Rhadamanthe, et de ne pas l'avoir encouragé, dès le début.

- C'est le rôle d'un grand frère, je crois. Tu ne l'as pas fait par méchanceté, mais inquiétude. Ce qui me blesse, depuis le début, c'est ton manque de confiance en moi.

- Tu te méprends, ce n'est pas de cela dont il s'agit. J'ai confiance en toi, en ton jugement. Je pensais simplement que tes sentiments étaient plus forts que ta raison. Auquel cas, tu ne te serais pas engagé dans cette relation. Tu étais conscient que ce n'était pas raisonnable, dès le départ.

- Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. Et moi, je voulais vivre, Saga, c'est tout ce qui m'intéressait, et encore aujourd'hui. Seulement sans lui, ça n'a plus ni sens, ni valeur. Tu es à même de le comprendre, non ?

- Bien sûr. Et j'ai surtout compris que ce n'étaient pas tes sentiments qui prenaient le pas sur tout le reste. C'était simplement la marche du Destin qui réunissait deux âmes. C'est pourquoi je me suis excusé, à l'instant. Et je te promets de garder mes réflexions parfois désobligeantes pour moi, désormais.

- Elles sont déjà moins nombreuses, et je t'en remercie, Saga.

- Merci à toi, Kanon. Pour tout.

Il lui tapota la tête un peu maladroitement, un brin gêné, lui aussi.

- T'as oublié notre âge, ou quoi ? protesta Kanon avant de se dégager.

Mais très doucement, comme s'il voulait encore profiter du geste affectueux, inconsciemment.

- Désolé, s'excusa Saga. Allons-y, j'ai faim ! ajouta-t-il en s'étirant. A tout à l'heure, Gemini.

- À plus tard, Gemini, la salua le cadet à son tour.

L'armure, recouverte de leurs deux capes, encore toute joyeuse, vibra avant de regagner sa Maison.
Elle n'avait pas voulu rentrer tant que ses porteurs discutaient encore, elle voulait être sûre que tout allait bien.

Les deux frères rejoignirent ensuite la salle de réception où les réjouissances n'avaient pas démarrées, simplement parce que tout le monde les avait patiemment attendus.

Leur arrivée permit de porter un premier toast et de lancer officiellement les festivités.

La soirée ne faisait que commencer et elle promettait déjà !

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A suivre

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Merci d'avoir lu, j'espère que vous avez aimé.
A dès que possible pour la suite.
Bel été à vous !
Lysanea