Titre : Le Fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient
Pairing et personnages pour ce chapitre : Mu, Shaka, Ikki, Angelo, Shura, Saga, Aioros, mention des autres.
Rating : T
Note : Bonjour à tous ! Merci de continuer le voyage avec moi, merci pour les divers ajouts dans les favoris et/ou liste de suivis, un énorme merci pour les reviews de mes fidèles lectrices ! Ça aide et booste tellement !
Merci à ViMiKi qui a rejoint l'aventure ! Et merci encore pour ta review.
Fealina07 : Coucou ! Un grand merci à toi, encore une fois, pour le temps que tu me consacres ! Je sais avoir semé un peu le doute avec Shaka et Aphrodite, mais je lui réservais autre chose à notre Poissons, je te laisse le découvrir dans ce chapitre, qui j'espère, te plaira ! Bonne lecture et prends soin de toi ! 😊
Mini-Chan – Maxi Lectrice : Coucou ! Il était temps que je trouve un surnom moi aussi, tu fais l'effort à chaque review ! Merci pour le temps que tu réserves à mon histoire à me donner ton avis, alors que tu es si occupée. Je ne pense pas que tu sois déjà partie au Brésil, car tu m'avais parlé de la Japan expo, tu partiras donc sûrement après ! je souhaite que tout se passe bien pour toi là-bas ! Coïncidence ou autre, je parle du Brésil via Aldébaran dans les prochains chapitres ! Enfin, je l'évoque, juste. Je te remercie aussi car j'ai appris 2 expressions avec toi « c'est le palpitant qui a une bouche, pas le visage » et « je lâche les fous avec toi ». J'adore, vraiment ! Tu ne serais pas un peu québécoise ? Pour ce chapitre, il y a un peu de tes chouchoux, mais ce n'est pas le couple principal, désolée… J'espère que tu aimeras quand même !
Bonne lecture à tous.
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Le Fil rouge du Destin.
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Chapitre Vingt-six : Le bonheur est une décision de chaque instant
(Bouddha)
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Environs d'Athènes
Villa Nea Avgi
(Aube Nouvelle)
Cuisine du bâtiment principal commun
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En repassant par la cuisine, Shaka se retrouva face à Mu, appuyé contre le bar, un verre à la main.
Les deux amis échangèrent un long regard.
- Ton cœur et ton cosmos sont un véritable lac de plénitude, mon ami, finit par déclarer le Premier gardien. Tu es heureux, enfin, alors je le suis aussi pour toi.
- Le bonheur est une décision de chaque instant, répondit le Sixième. Je te remercie, cher Mu, car tu y contribues chaque jour par ton amitié.
- Il en est de même pour toi, je te retourne le remerciement. Tu m'as été, et m'est toujours, d'un grand soutien.
- C'est un honneur pour moi.
Mu hocha la tête.
Ikki arriva alors, mais ne s'arrêta pas.
Il leur sourit au passage, son regard s'attardant un quart de seconde de plus sur Shaka, alors que leurs yeux s'accrochaient, puis il quitta la cuisine.
- Si tu as besoin que je vous téléporte à Jamir, ou ailleurs, n'hésite pas à me le demander, quelle que soit l'heure. L'appartement d'Aldébaran à Osasco est très agréable, il te le prêtera avec le même enthousiasme qu'il ne l'a fait pour moi.
- C'est très gentil, Mu. Nous verrons bien ce que la fin du jour et de la soirée nous apportera. Pour le moment, je vais profiter de chacun et rejoindre Shun avec mes jambes qui ont retrouvé leur stabilité. M'accompagnes-tu ?
- Oui, j'arrive, j'en ai pour une minute.
Shaka aurait pu l'attendre, alors qu'il se resservait un peu d'eau, mais il voyait Aphrodite venir dans leur direction, alors il préféra les laisser seuls.
Mu tournait le dos à l'entrée, mais il sentit le Douzième gardien arriver, alors il pivota pour lui faire face.
Celui-ci combla l'écart qui les séparait en le regardant avec une lueur sans équivoque au fond des yeux.
Et qui était le parfait reflet de celle qui brillait dans ceux du Bélier.
- Tu es vraiment magnifique dans cet habit, il te va tellement bien, Mu ! J'adore te voir ainsi. C'est très sexy, ce mélange de peau cachée et de parties découvertes. Cela me donne l'étrange envie, très paradoxale, de te l'enlever… ajouta-t-il dans un murmure en se penchant vers son oreille.
- Tu viens de lire dans mes pensées, répondit Mu en déposant un baiser rapide dans son cou à portée de lèvres.
C'était bien trop tentant pour qu'il y résistât.
Aphrodite recula vivement en regardant autour de lui.
- Tu es fou, n'importe qui aurait pu arriver et nous surprendre ! murmura-t-il, réprobateur.
Mais sans parvenir à cacher son sourire heureux.
- Tu me troubles certes de jour en jour, mais je suis encore capable de sentir l'approche de l'un de nos camarades. Et toi aussi… normalement.
- Fais le malin ! répliqua-t-il en lui donnant un léger coup de poing sur l'épaule.
Mais Mu attrapa sa main et l'attira vers lui, le ceinturant quand Aphrodite fit mine de s'enfuir.
Il se débattit en riant, mais Déesse ! que la poigne du Bélier était puissante !
Ils sentirent l'arrivée d'Angelo, mais se séparèrent lentement et avec naturel, non comme s'ils avaient été pris en faute ou avaient quelque chose à cacher.
- Qu'est-ce que vous trafiquez, tous les deux ? demanda le Cancer en les rejoignant.
- Rien qui te concerne, répondit le Poissons en se tournant vers lui et en réajustant son habit.
Angelo passa un bras autour de ses épaules et déposa un baiser sur sa joue.
- Ce qui te concerne me concerne aussi, c'est comme ça depuis des années, Beauté.
- Ce n'est plus le cas depuis plusieurs mois, il serait temps que tu l'intègres.
- Quoi, t'as quelque chose à me cacher ? répliqua-t-il en s'écartant de lui pour passer de l'autre côté du bar. Vous avez l'air super proches, d'ailleurs, ça fait un petit moment que j'le vois… Le mouton doré se serait mis à brouter des roses dépoisonnées ?
- Ce que je fais ou non ne te regarde absolument pas, Angelo, mêles-toi de tes affaires, pour une fois, répondit sèchement Mu.
- Stai calmo, amico! Tout doux, c'est pas la peine de pointer tes cornes vers moi de cette façon, Mu, je vous fais juste part de mes interrogations.
- Et tu n'obtiendras aucune réponse de notre part, alors tu peux garder les suivantes pour toi, rétorqua-t il toujours aussi froidement.
Angelo croisa les bras sur son torse, dont la chemise ouverte laissait apparaître ses muscles puissants, qui disait tout de lui ou presque, en vérité : le Capricorne sur le cœur clamait à qui il appartenait, et brillant fièrement sur ses pectoraux saillants, le collier orné du Trinacria, l'emblème de la Sicile, rappelait d'où il venait. (1)
- Tu sais que si j'ai vu juste et qu'y a vraiment un truc entre vous deux, va falloir que tu travailles sérieusement à m'apprécier un peu plus, Mu ? A moins que tu comptes m'éjecter de ta vie, Beauté ?
- Je te sortirai jamais de ma vie, tu le sais très bien, idiot ! soupira Aphrodite. Ni personne, d'ailleurs. Alors, arrête d'imaginer des choses et dis-moi plutôt ce que tu es venu faire ici, je te vois ni boire, ni prendre quoi que ce soit. Tu me cherchais ?
- Pas vraiment, je voulais juste tester un nouveau cocktail, je viens d'avoir une idée en parlant avec notre Scorpion doré.
- Dans ce cas, on te laisse, la cuisine est tout à toi !
- Attendez, les retint-il alors qu'ils allaient pour partir. Ça tombe bien que vous soyez là, j'étais content de vous trouver, en fait, parce que j'aimerais vous demander votre avis. C'est pour Shaka.
Mu allait refuser net et quitter la cuisine, mais les derniers mots d'Angelo figèrent son élan.
- À quel sujet ? demanda Aphrodite en revenant vers le Cancer, après un regard à son cadet.
- Les cocktails. J'aimerais en faire un spécial pour Shaka, c'était ça mon idée, quand je parlais avec Milo.
- D'accord, mais il ne boit pas d'alcool, tu te souviens ? rappela le Douzième gardien.
- Il n'y en aura vraiment pas beaucoup. C'est juste pour marquer le coup et trinquer !
- Non, Angelo, trancha catégoriquement Mu.
- On peut trinquer sans alcool, ajouta Aphrodite. Tu dois respecter son lien avec Bouddha, surtout qu'à la base, tu fais ça pour lui faire plaisir, non ?
- Bien sûr ! Bon, pas d'alcool, promis.
- Alors, dans ce cas, on va t'aider. T'es d'accord, Mu ?
Le Bélier hocha la tête, mais garda le silence.
Le Poissons se jucha sur le tabouret haut et fixa son ami.
- Qu'est-ce que tu attends de nous, Angie ?
- Déjà, est-ce que vous pourriez me dire quel est le thé préféré de Shaka… et le tien, Mu, aussi.
- Celui de Shaka est le thé matcha, j'en ai à la maison, répondit le Bélier.
- Pas moi. Par contre, j'ai le thé blanc à la rose que j'ai fait et que tu aimes boire, quand tu viens chez moi, Mu. Je ne sais pas si c'est ton préféré entre tous… ? lui demanda Aphrodite en le regardant.
- Ça l'est devenu, répondit-il avec un sourire entendu.
- Tu n'es pas obligé de répondre cela, tu sais !
- C'est sincère. Tu sais bien que je ne dis que ce que je pense. Je n'ai pas à user de flatterie, avec toi.
- C'est vrai. C'est gentil, alors, je suis content. Ça veut dire que j'ai bien réussi le mélange, choisi la bonne essence et justement dosé la rose.
- Il est excellent, vraiment, tu es très doué pour travailler le thé.
- Tes conseils m'ont été très utiles, merci encore. On fait une belle équipe !
- A n'en point douter.
- Hummm, intervint Angelo, en se raclant bruyamment la gorge. Donc, vous voulez bien m'en ramener ? reprit-il après avoir recueilli deux regards noirs. Mu, tu peux faire ça ? S'il te plaît ? Y en a sûrement pas ici, Aiolia avait apporté du thé des montagnes pour Marine, mais il l'a sûrement pas laissé traîner, vu le prix que ça coûte.
Mu soupira et se tourna vers Aphrodite.
- Je te téléporte chez toi ?
- Pas besoin, tu sais où se trouve le thé, tu peux le rapporter, ça ne me dérange pas.
- Bien.
Moins d'une seconde plus tard, deux belles boîtes à thé trônaient sur le bar.
- Le thé matcha, et le thé blanc à la rose, indiqua Mu en distinguant les deux.
- Perfetto, grazie mille ! s'enthousiasma le Cancer. C'est quand même bien pratique, ton tour de passe-passe. Moi je dois tout faire transiter par le Puits des Morts... Dommage qu'on soit pas plus potes… enfin bref, poursuivit-il face au regard peu amène de son cadet. Maintenant, laissez faire le génie… Andiamo, Maestro !
Mu leva les yeux au plafond, mais sans un mot.
Aphrodite s'appuya légèrement et discrètement contre lui, en soutien ou en remerciement, un peu des deux, sûrement, frôlant son bras nu de sa main.
*Ne t'en fais pas, ça ira. Merci de t'en inquiéter, Alfiye (2).
Merci à toi de le supporter, pour Shaka, bien sûr, mais je sais aussi que tu le fais pour moi.*
Mu accrocha un instant son petit doigt gauche au droit d'Aphrodite et le serra en guise de confirmation muette, avant de le relâcher.
Puis, malgré son envie évidente d'être ailleurs, il se recentra et regarda le ballet d'Angelo qui, très concentré et étonnement joyeux, récupérait des ingrédients et des ustensiles, à droite, à gauche, dans les placards et divers tiroirs.
Il les déplaçait avec sa télékinésie, ce qui lui permettait de continuer à utiliser ses mains pour mesurer et préparer apparemment deux boissons différentes, puisqu'il utilisait deux shakers, et deux verres étaient prêts à recevoir le résultat final, également.
Lorsque Aphrodite vit comment il préparait le thé qu'il allait utiliser, il jeta un œil à Mu, persuadé qu'il allait intervenir.
Il le connaissait, à présent, donc même s'il le voyait calme, il sentait les ondulations de son cosmos : intérieurement, Mu devait rêver de lui balancer soit une Starlight extinction pour éteindre le Cancer quelques heures, soit son Crystal wall pour le tenir à distance du précieux ingrédient ou encore, son Crystal net pour l'immobiliser dans sa toile et qu'il arrêtât le massacre et le sacrilège…
Pourtant, il ne l'interrompit pas, échangea simplement un regard avec Aphrodite pour le rassurer, et garda son calme légendaire.
Quelques minutes plus tard, après tous ses tours de mains, après avoir goûté et rectifié, jeté et remplacé, puis enfin validé ses dosages, il y avait effectivement deux verres différents posés devant eux, l'un d'un beau rosé et l'autre, bien vert et décoré de feuilles de menthe.
Angelo poussa ce dernier en premier dans leur direction.
- Je pensais pas que ça donnerait cette couleur bizarre, mais ça me rappelle les gâteaux que vous faites, parfois, avec ce thé vert.
- Ce n'est pas n'importe quel thé vert, c'est du matcha.
- Pardon, désolé, Mu… s'excusa-t-il. Mais il est vert, alors forcément…
- La clémentine est orange, mais ce n'est pas une orange pour autant.
Angelo haussa un sourcil face à l'intervention d'Aphrodite.
- Huh ?
- La clémentine est orange, mais ce n'est pas une orange pour autant, répéta docilement Aphrodite.
- Ça va, j'avais compris la première fois… Mais c'est n'importe quoi ! Depuis quand tu sors ce genre de trucs, toi ? Franchement, t'as beaucoup trop traîné avec Shaka et Mu, tu parles comme eux, maintenant !
- Eh bien, c'est un compliment, surtout si ça me tient éloigné de ton langage grossier ! se défendit Aphrodite, les bras croisés sur son torse.
- T'exagères, je fais des efforts !
- Oui, merci Shura !
- C'est sûr que c'est pas avec toi que j'aurais appris à mieux causer !
- Oh la mauvaise foi ! protesta-t-il en lui frappant le sommet du crâne. Je te rappelle que c'est moi qui donne aux apprentis des cours pour savoir se tenir en société ! Tu devrais y assister, tiens !
- J'ai pas que ça à foutre !
- Et bien, figure-toi que nous non plus, là, on a autre chose à faire que d'entendre tes grossièretés ! répliqua Aphrodite en tapant du plat de la main sur le bar, cette fois. Alors redescends de tes grands chevaux et continue avec tes cocktails, avant qu'on te laisse te débrouiller tout seul ! Capisce ?
- Piano, piano, ´Dite… tenta-t-il de le calmer. Tu peux être vraiment terrifiant, parfois…
Le Bélier pensait la même chose, et il avait bien du mal à garder enfoui profondément en lui les sentiments que lui inspirait son aîné en cet instant où il apparaissait si flamboyant, face au rude Cancer qui s'était pourtant presque ratatiné sur place.
- Angie… le menaça-t-il encore.
Le Cancer leva les mains en signe d'apaisement, puis fit avancer encore un peu le cocktail d'un vert sombre, et pourtant flashy, vers eux.
Mu se fit la réflexion qu'il était étonnement calme et conciliant, malgré le haussement de ton qu'il prenait, parfois, plus conforme à son caractère sanguin.
- Voici le Virgin matchajito ! annonça le barman et mixologue attitré du Sanctuaire. Comme promis, pas d'alcool : 1 dose de citron vert, 3 doses et demie d'eau plate, 2 d'eau gazeuse, 1 cuillère de thé pas n'importe quel vert matcha et 8 feuilles de menthe. Goûtez et dites-moi ce que vous en pensez, si ça peut plaire à notre Little Bouddha, qu'on puisse trinquer de manière plus personnelle !
Aphrodite prit le verre et le tendit d'abord à Mu.
Celui-ci le remercia et s'en saisit en posant ses mains par-dessus les siennes, avant d'attraper la paille entre ses lèvres pour aspirer une petite gorgée.
- C'est très bon, reconnut-il, avant de tendre le verre à Aphrodite, qui n'avait pas retiré ses mains et qui étaient donc toujours couvertes par celles de Mu.
Il attrapa à son tour la paille utilisée par Mu, délaissant la deuxième qu'Angelo avait mis à disposition sur le bar, et sans quitter son cadet des yeux.
- C'est délicieux ! Bravo, Angelo ! le félicita-t-il gaiement en tournant juste sa tête vers lui. Shaka va adorer, j'en suis sûr ! Mu, t'es d'accord ? lui demanda-t-il confirmation.
- Je le pense aussi, oui.
- Un problème, Angelo ? demanda Aphrodite.
Le Cancer avait croisé les bras et haussé un sourcil, ses yeux allant de l'un à l'autre.
- Ça va, les mains jointes et les baisers indirects, je dois encore faire comme si je n'avais rien capté ?
- De quoi tu parles, on le fait tout le temps, entre nous tous ! répondit le Poissons en haussant élégamment les épaules.
- Alors d'une, ça dépend du « nous » en question et de deux, justement, à part avec Shura ou moi, je t'ai jamais vu faire ça avec personne, ni être aussi proche d'un autre, encore ! Alors oui, mettre tes bras autour du cou de nos cadets de temps à autres, quelques secondes, vite fait, je veux bien, mais ça, là…
- Tu n'as juste pas fait attention avant parce que tu regardais ailleurs ! répliqua Aphrodite, alors qu'il reposait le cocktail sur le bar en libérant leurs mains sans précipitation. Mais depuis que je sais que mon poison est inoffensif sur autrui, ça ne me pose plus de problème de laisser un peu de moi quelque part…
- Il semblerait quand même que t'aies des endroits préférés, Beauté…
- En quoi ça te pose problème, Angelo ? intervient Mu. Tu devrais te réjouir de cette liberté retrouvée de ton meilleur ami qui n'a plus à retenir ses gestes avec quiconque.
Le Quatrième gardien sourit largement.
Il avait l'impression de l'avoir attendu toute sa vie, le jour où un autre que Shura ou lui prendrait la défense d'Aphrodite avec autant de cœur.
- Oh ! mais je m'en réjouis pleinement ! Inutile de pointer tes cornes vers moi, encore une fois. On veut la même chose, tous les deux, après tout : le bonheur de notre petite sirène ! assura-t il en pinçant le nez d'Aphrodite.
- Hey ! protesta ce dernier en se dégageant, amusé.
- Et tiens, je te prouve ma volonté d'apaisement avec toi, reprit Angelo a l'adresse de Mu en poussant vers lui le deuxième verre. Voici le Litchi Time. J'ai cru comprendre que t'aimais bien les litchis, il restait du nectar que Marine a ramené du Japon. Elle me demande souvent de lui faire un cocktail avec. Donc, j'ai mis très exactement 3 cl de thé blanc à la rose légèrement infusé, 4 cl d'eau gazeuse, 4 cl de nectar de litchi et 2,5 cl de crème de mûre. Très peu d'alcool, je sais que tu respectes aussi Bouddha, mais que tu t'y autorises, parfois, donc…
- C'est pour moi ? s'étonna le Bélier.
Il pensait qu'Angelo avait préparé deux boissons différentes pour Shaka, et qu'il allait leur demander de choisir le plus susceptible de lui plaire.
- Si. J'ai intégré le fait que tu me pardonneras jamais ce que j'ai fait à des gosses et surtout, ce que j'aurais pu faire à Kiki, mais… si tu peux me tolérer de temps en temps, pour lui, expliqua-t-il en posant sa main sur le bras d'Aphrodite, soudain très sérieux, ce serait bien, non ?
- Angie… commença le Douzième gardien, surpris.
- Il a raison, le coupa Mu sans brusquerie. Je ne te pardonnerai jamais, en effet, Angelo, j'ai beau essayé, c'est au-dessus de mes forces. Mais je peux faire un effort supplémentaire pour que tout se passe le mieux possible. Pour Aphrodite et pour le Sanctuaire.
- Surtout pour Aphrodite, hein, je suis pas si con que ça ! répliqua-t-il avec un petit rire. Si ça avait été juste pour le Sanctuaire, t'y serais arrivé depuis bien longtemps… Faut croire que t'as un nouvel enjeu de taille, désormais, et une sacrée motivation, le meilleur des carburants pour l'atteindre.
Aphrodite échangea un regard avec Mu, puis fixa Angelo.
- Depuis quand tu as compris ?
- J'ai eu confirmation aujourd'hui, mais je vous l'ai dit, tout à l'heure, ça fait un moment que je me pose des questions sur vous deux. Enfin, un temps, j'ai cru que vous faisiez ménage à trois avec Shaka…
- Mais Angie… ? protesta Aphrodite, presque outré, alors que Mu ne réagissait pas. Quelle idée !
- Ca n'a pas duré, c'était juste une idée, en passant. Mais j'ai fini par comprendre que notre Little Bouddha était plus intéressé par l'Oiseau de feu que par le sage Bélier ou Ta Majesté la Rose.
- T'as compris ça tout seul ?
Angelo lança un regard noir pour contrer le regard moqueur d'Aphrodite.
- Aidé par Shiryu et Shura, c'est vrai, finit-il par reconnaître. Mais pour vous deux, j'ai eu besoin de personne ! En même temps, je t'ai culbuté pendant des années, 'Dite, tu croyais vraiment que je remarquerai pas que tu reprenais du bon temps avec quelqu'un ? Proches comme on cessera jamais de l'être, t'imaginais vraiment que je pouvais manquer les étoiles qui se sont rallumés dans tes yeux ? Ton cosmos qui s'est réchauffé ? C'est presque vexant que tu aies pu me juger si peu attentif à toi…
- C'était pas le but, Angie, c'est pas ce que je pensais… Pourquoi tu m'as rien dit, pourquoi tu ne m'as posé aucune question ?
- Parce que je n'suis pas un gros con insensible et que je te connais par cœur, Beauté ! Si toi, tu disais rien, c'est que c'est comme ça que tu voulais que les choses soient. J'allais pas risquer de tout gâcher, alors que t'étais enfin heureux ! J'aurais ouvert ma gueule, si je t'avais vu souffrir. Pareil pour Shura. Mais t'étais bien, on voulait rien d'autre, nous, alors, on attendait juste que tu te décides à nous causer, en veillant de loin.
Aphrodite fit le tour du bar et l'entoura de ses bras, à la fois soulagé et ému, et ils partagèrent une longue étreinte.
Mu ne disait rien, mais il était étonné - et touché - par le message, les mots d'Angelo, son attitude qui témoignait de sa profonde amitié avec Aphrodite.
Il l'aimait, vraiment, profondément.
Tout le monde l'avait toujours su et vu, c'était évident, mais Mu le ressentit pleinement pour la première fois.
Aphrodite le lui avait dit, pourtant, lorsqu'ils avaient discuté du fait d'en parler aux autres ou non, le jour où ils étaient devenus amants. Il lui avait assuré qu'Angelo était plus sensible et respectueux qu'il ne l'imaginait.
Et il avait eu entièrement raison.
- Merci, Angie, lui disait justement Aphrodite, alors qu'ils se détachaient. Ce n'était pas évident de vous cacher temporairement quelque chose, mais c'était nécessaire. Je sais bien que ça a dû être dur pour toi aussi de te retenir ! La preuve, t'es arrivé au bout de tes capacités, sinon, tu ne nous aurais pas parlé comme tu l'as fait.
- J'avoue que tu n'as pas tout à fait tort. Mais, si j'ai fini par vous confronter, c'est aussi parce que j'ai l'impression que vous en avez un peu moins quelque chose à foutre de vous faire griller, maintenant, non ?
- Ça doit rester secret, au moins aujourd'hui, encore, répondit Mu sur un ton sans appel. L'attention doit rester fixée sur Shaka et lui seul.
- Aucun problème ! Mais faites gaffe quand même, ça commence à bien se voir…
- On reste prudent, pour Shaka. Mais dis-moi, ce cocktail pour Mu… réalisa soudain Aphrodite. Tu viens de l'improviser, en fait, non ?
- Quand je suis entré et que je vous ai vu, j'ai compris, le peu de doutes que j'avais encore s'est dissipé. T'arrives peut-être à cacher tes sentiments aux autres, mais tes barrières seront jamais assez hautes ou épaisses pour moi, Beauté. J'suis pas empathe, ni intrusif, on est juste hyper proches et connectés, encore aujourd'hui. Et j'ai clairement perçu l'écho d'un cœur amoureux... Michia ! jura-t-il soudain en se tapant le front du plat de la main…. Dis-moi que j'ai pas merdé, Beauté, j'ai pas vendu la mèche, hein ?
- Non, ne t'inquiète pas. Une semaine plus tôt, tu aurais gaffé, mais aujourd'hui, tout va bien.
- Tu me rassures tellement ! souffla-t-il en s'appuyant contre le bar. J'me retiens depuis des jours et des jours pour pas tout gâcher, si j'avais merdé là, sur la dernière ligne droite, j'me le serais pas pardonné ! Et Shura m'aurait découpé en tranche, j'aurais fini en surimi !
- Tout va bien, rassure-toi, lui dit encore Aphrodite en passant sa main dans sa tignasse argentée, souriant à sa remarque sur Shura.
- Mais attends une minute, ça veut dire que vous venez seulement de vous déclarer ?
- Oui, il y a quelques jours…
- Mais ça fait quand même quelques semaines que ça dure, vous deux, on est d'accord ?
Aphrodite saisit une de ses boucles d'or entre ses doigts et détourna le regard, un peu embarrassé par la question.
- Euh…
- Quoi ? Des mois ? Ma dai ! Tu te fiches de moi, Beauté ?
- Pas tant que ça, juste bientôt trois… avoua-t-il en lui faisant face avec un petit sourire contrit.
Cette révélation étonna Angelo au point de le laisser bouche bée, mais il finit par sourire, lui aussi.
- Et bien, bravo pour la discrétion ! Par contre, je suis surpris, Mu, je te pensais plutôt du genre à ne coucher qu'avec l'élu de ton cœur. Quoi que, c'est peut-être le cas, même si tu t'es déclaré que maintenant !
Les yeux du Bélier prirent une teinte métallique.
Il n'y avait vraiment qu'avec Angelo qu'ils présentaient une telle dureté, tout comme les traits de son visage.
- Premièrement, tu ne me connais aucunement, tu ne sais rien de moi, Angelo. Et deuxièmement, avoir été informé de notre relation ne te donne pas le droit de disposer de tous les détails, lui rappela-t-il. Ce ne sont toujours pas plus tes affaires maintenant, que quand elle n'était qu'une supposition de ta part.
- T'as raison, ça me regarde pas ! concéda le Cancer en levant les mains en signe d'apaisement. Et puis, on s'en fout, que tu l'aimes depuis deux jours ou deux ans, ce qui compte, c'est que ce soit le cas aujourd'hui et que ça le reste demain et jusqu'à la fin !
- Exactement, certifia Aphrodite. Allons, ne parlons plus de ça et goûtons enfin ce cocktail, à présent, ça m'intrigue ! décida-t-il pour court-circuiter la tension qui remontait, tout en se tournant vers Mu. A toi l'honneur, il est pour toi, lui, à la base.
Le Bélier hocha la tête avant de goûter la préparation d'Angelo.
Ses deux aînés le regardaient et avec attention, mais pas pour les mêmes raisons.
Angelo attendait le verdict, quand Aphrodite avait simplement du mal à détacher son regard des lèvres de Mu autour de la paille, dont il connaissait la capacité à le rendre fou de désir et de plaisir, en si peu de temps et pendant des heures...
- C'est bon.
- Juste bon ? demanda Angelo, un peu déçu. Je peux améliorer quelque chose ? Dis-moi ce qui ne va pas, je rectifierai. Tu peux y aller franchement… Enfin, j'ai pas besoin de te l'dire, hein ?
Mu ne se fit effectivement pas prier.
Il croisa les bras et prit son air réprobateur si rare avec les adultes, plus fréquent avec les apprentis, mais en toutes occasions, résolument adorable.
- Premièrement, tu as fait infuser le thé en utilisant de l'eau chauffée au micro-ondes. C'est honteux.
Aphrodite se pinça les lèvres et se mordit même la joue dans le même temps, aussi improbable que cette combinaison pouvait paraître, pour ne pas hurler de rire.
Un gloussement lui échappa cependant, qu'il étouffa en un petit toussotement dans sa main.
- Oh, désolé ! Je suis plus café que thé, moi, quand on en boit à la maison, c'est toujours Shura qui le fait… Sinon, j'en bois chez toi, Beauté, ou chez Marine, mais c'est rare… J'ai pas le mode d'emploi !
- Retiens pour la prochaine fois, dans ce cas, si tu veux encore les utiliser dans tes cocktails. L'eau chauffée au micro-ondes refroidit très vite. Le thé n'a pas le temps de libérer son arôme, ni de déployer toute sa palette de saveurs. Il faut utiliser une théière, une bouilloire ou au pire, une casserole.
- Ce que tu me dis, c'est que le thé est pas correctement préparé, donc ça passe pas dans le cocktail ? Ce que je recherchais, c'était un léger goût de thé, je voulais pas le faire infuser à fond.
- Dans ce cas, c'est suffisant. Mais cela reste un manque de respect pour le thé et ceux qui l'ont cultivé, récolté et conditionné. Dans ce cas précis, pour Aphrodite aussi, car c'est lui qui a confectionné ce mélange.
- Dans certaines cultures, le thé est très important, Angie, appuya Aphrodite en rejoignant Mu. C'est pareil que toi, avec le café. Quand il est mal préparé, ça te rend fou.
- Oui, c'est pour ça que je comprends ! Vraiment désolé pour ça, je ferai plus gaffe, à l'avenir… Autre chose à dire ?
Mu réfléchit un instant.
Il tenait à être honnête avec Angelo, il ne lui dirait pas que c'était mauvais si c'était bon simplement à cause de leur différent.
N'attendant pas sa réponse, Aphrodite goûta à son tour.
- Alors moi, j'adore, mais je pense que c'est peut-être un peu trop alcoolisé pour toi, Mu, non ?
- Oui, c'est ça, confirma le Bélier. C'est un peu trop chargé. Je n'arrivais pas à savoir si c'était le sucre ou l'alcool qui me gênait.
- Ok, je vais réduire la crème de mûre.
- Elle est obligatoire ? demanda Aphrodite. Ça fait encore un goût en plus de l'alcool.
- Ça apporte un peu d'amertume pour casser le sucre, sinon j'aurais remplacé par du sirop. Je vais en mettre moins, d'abord, si c'est pas concluant, on essayera sans.
- Tu n'as pas besoin de tant en faire, Angelo.
- Oh ! laisse, Mu, il ne s'arrêtera pas tant que ce ne sera pas parfait !
- Mais allez-y, si vous avez autre chose à faire, je prépare ça et je vous l'apporte ! Sauf si vous avez prévu de vous éclipser quelque part…
- Commence pas à devenir lourd, Angie, soupira Aphrodite. Fais ton cocktail idéal pour Mu, et après fais-en un aussi pour moi, qu'on puisse aller trinquer avec Shaka, se poser tranquillement et profiter de la fin d'après-midi dans le jardin. Ça te va comme ça, Mu ?
- Oui.
- D'accord, j'ai compris ! répondit Angelo à son tour, avant de se remettre au travail.
Le second essai fut concluant, et Mu ne le valida pas simplement pour être tranquille.
Il avait vraiment apprécié la réduction de la crème de mûre.
Angelo était vraiment doué pour inventer des cocktails, il le reconnaissait au même titre que les autres.
Satisfait, Angelo prépara le cocktail préféré d'Aphrodite, « la Menthe religieuse » – liqueur de menthe, vodka, citron et soda - refit un Virgin Matchajito pour Shaka, un Spritz à l'eau de rose pour lui et ils gagnèrent tous les trois le jardin.
Ils trinquèrent avec Shaka et Shun, qui refusa de goûter leurs différentes préparations et se satisfaisait très bien de son mocktail pétillant pamplemousse, miel et menthe.
La star du jour remercia Angelo pour son attention et valida sa recette.
Rassuré, il ne s'attarda pas plus et quitta les trois hommes pour se mettre en quête du sien, après un détour par le bar pour lui préparer rapidement un cocktail, bien évidement.
Il ne mît guère longtemps à le trouver, et il lui fit signe de le rejoindre.
Le Capricorne se détacha à son tour de son groupe formé de Camus, Milo et Aiolia, pour le retrouver.
- Tu as l'air tout heureux, 'Gelo.
- Comme chaque fois que je te vois, Shurizo mio, répondit-il en lui dédiant le sourire le plus séducteur du dimanche qu'il avait dans ses bagages.
- Arrête tes conneries ! répliqua Shura en le poussant du coude, mais riant malgré tout. Qu'est-ce qui se passe ? Un nouveau cocktail ?
Angelo lui tendit le sien et Shura but une gorgée.
C'était son cocktail préféré, et il avait aussi reconnu celui d'Angelo comme étant celui qu'il buvait souvent, donc il savait que la réponse ne se trouvait pas là.
Son compagnon lui offrait simplement de se désaltérer, puisqu'il n'avait rien à boire.
- Deux, en fait, un pour Shaka et un pour Mu.
- Oh ? Il l'a accepté ?
- Oui, et apprécié, même, répondit-il fièrement.
- Génial. Tu as de quoi être content.
- Y a pas que ça, cari. J'ai discuté avec eux, t'as vu comme moi qu'ils avaient l'air de moins faire attention à ce qu'ils pouvaient laisser transparaître de leur vraie relation. Ils ont confirmé que notre petit mouton dormait bien dans un lit de roses… enfin, dormir…
- Nous n'en avions pas besoin, mais c'est bien qu'ils se soient décidés à en parler. Je sentais bien que ça démangeait Aphrodite, parfois. On ne se cache jamais rien, ce ne devait pas être simple de ne pas tout nous raconter, alors qu'il vivait quelque chose d'aussi important dans sa vie qu'un nouvel amour.
- Si j'avais pas deviné de mon côté, tu m'aurais rien dit.
Il y avait de la tristesse et du reproche dans la voix du Quatrième gardien, qui s'était soudain assombri.
- Ce n'était pas à moi de le faire, ´Gelo.
- Mais pourquoi il l'a dit qu'à toi ? s'irrita-t-il cette fois-ci.
- Il ne m'a rien dit, j'ai plus ou moins deviné, le corrigea Shura, toujours très calmement.
- Et il a confirmé, donc c'est pareil !
- Il n'a simplement pas nié, c'est donc différent. On a déjà eu cette discussion.
Angelo le fusilla un instant du regard, puis soupira et haussa les épaules.
- Peu importe, on a même pas besoin de mots, entre nous.
Shura attendit, car il connaissait son compagnon par cœur, et il savait très bien qu'il ne se contenterait pas de cela.
Et effectivement, son apaisement ne dura qu'une ou deux petites minutes.
- J'y crois quand même pas ! explosa-t-il de nouveau. T'aurais pu m'en parler dès que vous avez eu cette conversation où t'as deviné !
- Je le répète, ce n'était…
- Pas à toi de le faire, j'ai compris… Mais quand même, on partage tout, non ? insista le Cancer en grimaçant.
- Quand ça nous concerne ou me concerne, oui, évidemment. Mais là, il ne voulait pas que nous le sachions, et tenait à ce que je fasse comme si je n'avais rien deviné, je me devais de respecter sa volonté. Mu le lui avait sûrement demandé, il devait avoir peur de tout gâcher entre eux, c'est tout à fait compréhensible. Et tu l'as très bien compris et reconnu, à ton tour. Je ne t'en ai parlé que quand tu as commencé à avoir toi-même des soupçons et à m'en faire part. Je ne t'ai pas dirigé vers une autre piste, je n'ai pas cherché à les couvrir, rappelle-toi.
- C'est vrai…
- Peu importe, ce qui compte, c'est qu'il est heureux, c'est ce qu'on a toujours dit. Et il a surtout accepté les sentiments de Mu, et les siens, enfin.
Angelo acquiesça en regardant le sujet de toutes leurs préoccupations, puis tourna vivement la tête vers Shura et l'observa, les yeux plissés, avant de se pencher vers lui.
- Attends une minute, toi… t'as l'air d'en savoir bien plus long, qu'est-ce que tu me caches, encore ?
- Enfin, 'Gelo ! se défendit-il, le nez dans son verre.
Angelo le lui enleva des mains.
- Shura… grogna-t-il en prenant son menton entre deux doigts pour le forcer à le regarder dans les yeux.
Le Dixième gardien ne lutta guère longtemps et se dégagea avec un petit sourire, puis récupéra son cocktail.
- Ça va, c'est bon, je vais te raconter... C'est pas comme si je n'avais pas eu l'intention de le faire, de toute façon. Viens, y a une balancelle de libre, on sera plus tranquille pour parler. Il ne faut pas que quelqu'un puisse nous entendre.
Angelo le suivit docilement, alors que Shura le conduisait par la main jusqu'au lieu indiqué.
Ils sourirent tous deux en passant devant la première balancelle, occupée par Saga et Aioros, qu'ils saluèrent rapidement.
Habituellement plus discrets et réservés, leurs deux aînés s'étaient autorisés à montrer plus ouvertement leur lien si profond : Aioros était assis, Saga étendu en angle droit avec la tête sur ses genoux, ses jambes remontées entourées par le bras du Sagittaire, son autre main caressant ses cheveux.
- Ils doivent être au courant pour ´Dite, fit remarquer Angelo. Ils font normalement toujours très attention à ne pas le blesser, quand on est tous ensemble, en étant trop proches.
- C'est évident, Saga devait sûrement l'avoir compris depuis bien longtemps.
- Mais pas que lui, hein, Shion, Dokho et sûrement Athéna, y a pas que Saga qui soit si fort pour ce genre de choses0.
- Ce n'était pas nécessaire de le préciser, lui dit Shura avec un petit sourire.
- Ouais, t'as raison, t'as autre chose à me raconter, toi !
Ils étaient à présent installés face à la mer, aussi Shura put-il commencer son récit.
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Flash back
Une semaine plus tôt.
12 septembre 1989
Le Sanctuaire
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- ´Di…
Le Douzième gardien sursauta, la main sur son cœur.
- Ça ne va pas d'entrer chez les gens et de leur faire peur comme ça, Shu !
Shura haussa un sourcil.
- Tu es à l'entrée de mon Temple. Je t'ai senti arriver, perturbé, alors je suis venu à ta rencontre.
Aphrodite leva les yeux sur le fronton du Temple.
Le Dixième, en effet, avec la statue du Capricorne le surplombant.
Il avait prévu de rentrer chez lui et se réfugier dans son jardin, il avait carrément traversé son Temple et celui de Camus pour aller spontanément chercher de l'aide auprès des personnes les plus proches de lui, sans avoir pleinement conscience de ce qu'il faisait.
- Désolé, mon Shu, soupira-t-il.
- Entrons, et tu vas m'expliquer ce qui se passe. A moins que tu ne souhaites voir Angelo, mais il n'est pas là, il est avec Simon.
- Mes jambes m'ont conduit ici sans que j'y réfléchisse, tu sais. Je n'avais pas prévu de vous parler, ni à l'un, ni à l'autre, répondit-il en le suivant néanmoins.
- Il semble que tu aies besoin de le faire, mais je ne te forcerai pas. On peut juste prendre un verre, déjà.
- Ah ça oui, je dis pas non, j'en ai bien besoin ! accepta-t-il vivement. Angie a sûrement laissé traîner une bouteille de grappa quelque part chez toi...
- C'est à ce point ?
Aphrodite ne répondit pas et Shura n'insista pas.
Arrivés chez lui, le Douzième gardien s'assît dans le canapé, alors que Shura allait chercher des verres et de quoi boire.
Il rejoignit ensuite son ami et s'installa à côté de lui, déposant tout sur la table basse face à eux.
La bouteille de grappa, évidemment, une carafe d'eau et une bière légère pour lui, ainsi que des glaçons, de la menthe et du sucre… et le shaker.
- Tu t'es transformé en barman mixologue, toi aussi ?
- Je ne créé rien, je fais juste, et le Mint julep n'est pas difficile à réaliser. Je ne sais pas ce que t'as, mais ça a l'air sérieux et je ne veux pas te voir descendre une bouteille entière d'un alcool aussi fort pur.
- Angelo me tuerait si je faisais ça !
- Ça ne te ferait surtout pas du bien. En cocktail, ça diminuera la dose et ralentira ta descente.
- Je fais si peur que ça ? grimaça-t-il.
- J'ai connu pire, mais qu'en bien même. Je suis curieux de savoir ce qui s'est passé, cela faisait longtemps que je ne t'avais pas senti si troublé. Je me souviens que tu déjeunais à Athènes avec Mu et que tu avais rendez-vous avec Saga vers 15h, au Treizième, avant qu'il n'aille avec Aioros chercher leurs amis italiens. Tu en reviens ?
- T'es un vrai assistant personnel, en fait !
- C'est toi qui me raconte tout, 'Di, répliqua-t-il en terminant de préparer le cocktail. Alors, à quel moment dans ta journée il est arrivé quelque chose qui t'a mis dans cet état ?
- J'ai pas envie d'en parler.
- Sûr ?
Le Douzième gardien se mordit la lèvre, puis hocha la tête.
- Alors bois.
- Ça ne déliera pas ma langue, tu sais, le prévint-il en prenant le verre qu'il lui tendait. Merci.
- C'est toi qui a demandé à boire, lui rappela son aîné en décapsulant sa bière.
Aphrodite ne répondit rien et but une première gorgée, qui lui fit du bien, en effet.
Il se laissa aller en arrière dans le canapé en soupirant.
Le silence s'imposa de longues minutes, que Shura respecta.
Son bras était juste posé sur le dossier du canapé, derrière Aphrodite, dont il massait le crâne avec douceur pour le détendre.
- Tu sais que je t'aime, mon Shu ? murmura-t-il après près d'une dizaine de minutes au calme.
- Oui.
Un nouveau silence, puis…
- Dis…
- Je t'écoute.
- Qu'est-ce que tu aurais fait si, imaginons, tu n'avais pas pu être avec Angelo, et que tu avais rencontré quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui serait devenu un ami, puis un amant et qu'au final, tu aurais fini par aimer…. Si tu ne croyais pas possible que cette personne t'aime aussi, mais qu'elle avait eu un geste très ambigu envers toi… qu'aurais-tu fait ?
- Pourquoi cette personne ne pourrait-elle pas t'aimer ?
Aphrodite frappa la cuisse de Shura du plat de la main.
- On ne parle pas de moi, je t'ai dit de t'imaginer toi dans cette situation.
- Pourquoi je pense que cette personne ne peut pas partager mes sentiments ? corrigea-t-il en entrant dans son jeu.
- Cette personne est trop bien pour toi. Trop… pure. Tu pourrais la salir.
- Mais si elle est devenue ton… pardon mon ami et amant, c'est que ça n'a pas d'importance pour cette personne, ce que j'ai été et fait.
- Ton corps est beau, tu peux lui offrir, mais le reste est… souillé.
- Athéna nous ayant ramené purs et absous, je n'aurais pas cette interrogation ni cette angoisse.
- Ce n'est pas si simple, soupira Aphrodite.
- Ça devrait l'être, ´Di. Il faut déjà accepter ça. Tu penses qu'Athéna à mal fait les choses ?
- Bien sûr que non ! s'offusqua-t-il en se redressant.
- Alors, il ne reste plus de traces du mal et de la souillure qui pouvaient entacher nos âmes, auparavant. Avec quoi salirions-nous les autres, aujourd'hui, alors que nous avons un comportement exemplaire, depuis notre retour ?
S'adossant de nouveau au canapé, le Douzième gardien but une autre gorgée de son cocktail, pensif.
- Ensuite, reprit Shura, quel était le geste ambigu en question dont tu as parlé ?
- Un baiser. En dehors de tout moment intime, en extérieur, en plein jour bien qu'abrités de regards indiscrets. Un baiser extrêmement tendre, presque…
- Amoureux ? proposa Shura, le sentant hésiter avec ce mot qui pourtant flottait dans l'air.
- Oui… mais non, c'est impossible !
- ´Di…
- Non ! le coupa-t-il en cachant son visage contre son cou.
- On doit vraiment continuer à faire comme si tu ne parlais pas de toi et de…
- Chut ! l'interrompit-il encore en se redressant et en couvrant sa bouche de sa paume.
Il avait également levé son autre main pour écarter son cocktail et éviter de les éclabousser avec.
Shura le laissa faire, mais le regarda si intensément qu'Aphrodite finit par le libérer de lui-même.
Il n'avait jamais pu soutenir longtemps ce regard-là de Shura.
Ses yeux étaient une arme, parfois, et il l'a maîtrisait parfaitement.
- Je lui ai promis que je ne dirai rien, Shu, même à toi.
- J'ai deviné, c'est différent. Mais tu n'as pas besoin de t'impliquer en confirmant, rassure-toi.
- Merci, soupira-t-il, soulagé, en se repositionnant contre lui. De toute façon, tu le sais depuis un moment. Je me souviens de notre conversation, il y plusieurs semaines, déjà.
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Flash back
Fin juillet 1989
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- Vous êtes devenus vraiment très proches, Shaka, Mu et toi, depuis trois - quatre mois.
- Même si j'ai un tout petit cœur, il y a assez de place pour vous tous, mon Shu, je ne vous ai pas remplacé, Angie et toi.
- Je sais bien. Je suis simplement heureux que tu aies pu créer des liens aussi forts, aussi vite. Malgré toute notre volonté, les choses ont forcément changé entre nous trois. Nous essayions d'être le plus disponibles pour toi, depuis que nous sommes ensemble, ´Gelo et moi. mais nous sommes conscients que ce n'est plus comme avant.
- Et tant mieux, assura Aphrodite en posant sa main sur sa cuisse un court instant. C'est ce que j'ai toujours voulu pour vous. Ce n'était pas facile au début, je ne vous l'ai jamais caché. Mais Saga était aussi à ce moment-là très mal à cause du départ d'Aioros, alors on a pu se soutenir, et même si c'était dans la douleur, j'ai adoré cette opportunité et ces moments passés avec lui. Et puis, ensuite, c'est vrai, il y a eu Shaka. Et puis Mu.
Shura observa longuement son ami, dont la voix s'était incroyablement radoucie en prononçant le nom de leur cadet.
Un ton qu'il n'avait que très rarement employé.
- Si tu as une question à me poser, Shu, fais-le, ne me fixe pas comme ça !
- Tu as envie d'en parler ? demanda-t-il d'abord.
Aphrodite lui rendit son regard par-dessus son verre.
- Je ne peux pas vraiment.
- Bien. Peux-tu au moins me confirmer que tu es heureux ?
- Je… commença Aphrodite, avant de se mordre la lèvre pour essayer de dissimuler un sourire, en vain. Oui, je le suis, finit-il par répondre. Pour le moment.
- Alors, je souhaite que ce moment dure. Et lorsque tu auras envie ou que la possibilité te sera donnée d'en parler, si tu le souhaites, tu sauras où me trouver.
- Merci, mon Shu. Et... pour Angie ?
- Ne t'inquiète pas pour lui.
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Fin du flash back
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- Alors oui, j'avais compris ce qui se passait une fois les lumières éteintes, mais l'évolution de vos sentiments respectifs m'a longtemps échappé. Ce n'est que très récemment que j'ai remarqué certains changements.
- C'est-à-dire ?
- Tu regardes beaucoup moins Saga. Tu ne te tournes plus systématiquement dans sa direction à son approche. Tes yeux ne se teintent plus de tristesse ni de douleur quand tu le vois avec Aioros, tu n'as plus besoin de les détourner pour qu'on ne le remarque pas. Tu souris beaucoup plus qu'avant. Encore plus quand M… quand il est dans les parages. Vous faites attention l'un à l'autre. Il y a des gestes et des échanges très naturels entre vous, qui démontrent une grande intimité, mais lorsque ces gestes s'attardent, on peut facilement y lire de l'amour.
Le Douzième gardien était très étonné.
- Tu es capable d'une analyse si fine, et tu n'as rien remarqué pour Angelo pendant des mois ?
- En effet. Et un très bon ami m'a dit ceci, un jour : il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
Aphrodite releva la tête pour le regarder et lui tira la langue.
Car oui, c'étaient bien ses propres mots qu'il venait de retourner contre lui.
- Si seulement je n'avais pas connu un tel amour si douloureux pour Saga, j'aurais alors peut être pu m'enthousiasmer de ces sentiments nouveaux pour lui. Mais quand on a été si fortement blessé, c'est difficile d'imaginer que quelqu'un puisse nous guérir, panser nos plaies et nous faire voir et ressentir l'amour autrement.
- Tu n'as pas à l'imaginer, 'Di, car tu ne t'en rends peut-être pas compte, mais c'est déjà le cas.
Les propos du Capricorne lui firent un choc.
Il se redressa, posa son cocktail sur la table et se tourna vers lui pour lui faire plus ou moins face.
- Qu'est-ce que tu veux dire par-là ?
- Tu l'aimes déjà, ça, tu l'as compris. Ce qui t'échappe, apparemment, et c'est très paradoxal, c'est le fait qu'il t'a déjà guéri de ton amour pour Saga. Guéri de ta peur de l'amour, tout simplement. Ce n'est pas à moi de te dire qu'il est amoureux et de te rassurer sur ses sentiments et votre avenir commun, j'en sais rien. La seule chose que je peux affirmer nait de mon observation, qui peut être erronée, je le reconnais.
- Et qu'elle est-elle ?
- Tu dis que tu as peur d'aimer et d'être blessé. Mais mis à part le secret qui entoure votre relation, à mes yeux, quand je vous regarde, vous avez déjà tout d'un couple heureux et amoureux. J'en parlais d'ailleurs avec Camus, il y a quelques jours.
Les yeux d'Aphrodite s'agrandirent tellement qu'ils lui mangèrent le visage.
- Quoi ? Mais pourquoi ? Comment ? Pour dire quoi ?
- C'était pendant l'anniversaire de Shun, samedi dernier. Vous n'avez pas fait attention, mais vers la fin de la soirée, vous étiez très proches. Déjà, physiquement, ton bras est resté vraiment très longtemps sur son épaule, sa main à lui posée haut sur ta cuisse. Dans votre comportement, aussi, à vous servir l'un, l'autre, systématiquement, au lieu de vous tendre les plats ou les bouteilles. À vous faire goûter ou manger des aliments en portant les couverts à votre bouche, en les touchant de vos lèvres. On s'est fait la réflexion que si vous couchiez ensemble, on aurait pu croire à un couple installé plus qu'à de simples amis très proches. Ayant eu cette conversation cet été avec toi au cours de laquelle j'ai deviné que tu avais débuté une relation avec Mu, je savais déjà que c'était le cas, mais bien évidemment, je n'ai rien dit à Camus.
- Mais pourquoi vous nous avez passé au radar comme ça ?
- J'ai juste remarqué un premier élément, puis un second, qui m'a rendu attentif aux autres. Camus, qui était à mes côtés et vous observait aussi, m'a fait part de sa réflexion.
- Alors, on est grillé ? Personne n'a fait de remarque, pourtant, depuis…
- Ce n'est pas forcément le cas, le rassura Shura. Il n'y avait déjà plus grand monde, à ce moment-là et l'attention des présents était quelque peu altérée. Enfin, je ne sais pas, 'Di, mais ce n'est pas le plus important, tu ne crois pas ?
- Oui, ce qui compte, c'est que cet après-midi, Shu, j'ai oublié Saga… J'ai oublié mon rendez-vous avec lui, parce que j'étais avec… lui. Parce que j'étais bien avec lui. Et j'ai presque complètement effacé de mon cœur, de mon être, alors que mon amour pour lui m'a nourri et détruit si longtemps… Je ne croyais même pas que c'était possible !
- Tu devrais t'en réjouir.
- Je sais, mais...
- Il n'y a pas de mais, c'est la meilleure chose qu'il pouvait t'arriver, sois-en conscient. C'est grâce à cela que tu es heureux, aujourd'hui. Peu importe comment et pourquoi, en vérité. Tu touches du doigt un bonheur auquel tu as le droit. Ne fuis pas, 'Di. Tout ce que tu as toujours désiré se trouve de l'autre côté de ta peur.
- Oh Shura ! soupira-t-il en se blottissant contre son torse. Je suis si excité et terrifié, à la fois !
- Je sais. Tu as raison, l'amour, le vrai, c'est terrifiant. Mais c'est aussi terriblement bon.
Aphrodite éclata de rire en se redressant.
- Je t'aime tellement, mon Shu !
- Ce n'est plus à moi que tu dois dire cela, désormais.
- Oh ! mais je continuerai de te le dire !
- Je te taquine.
- Et ta manière de le faire est toujours aussi étrange ! Et adorablement efficace.
- Ce que j'essaie de te dire, c'est d'aller le voir pour lui parler de tes sentiments. Il est temps que tu saches si c'est réciproque, comme tu l'as pressenti.
Le Douzième gardien se pinça les lèvres, soudain grave.
- Et si ça ne l'était pas ?
- Et bien, tu es Aphrodite des Poissons, non ? répliqua Shura en toute simplicité. Tu feras en sorte que ça le devienne ! Tu en as fait un ami et un amant, contre toute attente, où sera pour toi la difficulté de le faire tomber amoureux ? Sachant qu'encore une fois, à mes yeux, s'il ne l'est pas déjà, il n'en est vraiment pas loin.
Cette réponse si simple et pragmatique rassura Aphrodite.
C'était l'une des raisons pour lesquelles il aimait tant se confier à Shura.
Tout devenait plus limpide et envisageable, grâce à lui.
- Tu sais, mon Shu…
- Oui ?
- C'est lui qui est venu à moi, et non l'inverse. Pas que je n'y pensais pas, mais de mon côté, j'osais à peine vraiment espérer plus qu'une entente cordiale. Pourtant, au fur et à mesure de nos moments chez Shaka, les discussions sont devenues spontanées et naturelles. J'étais heureux de voir qu'il voulait passer du temps avec moi, lui aussi, en dehors de l'aménagement du Sixième. Puis, celui-ci terminé, on a continué à se voir et se lier, avec Shaka, mais aussi que nous deux. Et si on a fini par devenir amants… c'est parce qu'il a pris l'initiative. C'est lui qui m'a fait des avances.
- Vraiment ? s'étonna le Dixième gardien.
- Oui ! J´ai été très surpris, moi aussi... et totalement conquis !
- Et tu doutes encore que cet amour puisse t'être retourné ?
- Vouloir coucher avec moi est normal, Shu, tout le monde rêve de pouvoir disposer d'un corps aussi parfait et beau, rappela-t-il très sérieusement.
Il ne se vantait pas, selon lui, mais énonçait simplement une vérité.
- Pas moi.
- Non, mais toi, c'est diffèrent.
- En quoi ? voulut savoir Shura. J'ai beau aimé Angelo depuis toujours, cela ne m'a pas empêché de désirer d'autres corps et bien moins beau que le tien, en effet.
- Oui, mais on est plus que des amis, on est frères. Angie et moi, on pouvait le faire parce qu'on était tordu, mais toi et moi… grimaça-t-il.
- Je ne te parle pas de faire, mais juste de désirer.
- Alors quoi, je ne suis pas désirable, selon toi ? Tu ne me trouves pas à ton goût ? se vexa-t-il presque.
Shura leur servit un verre d'eau et but un peu avant de reprendre.
- Pour que je te réponde sérieusement, il aurait fallu me poser cette question avant que je ne sois avec Angelo. Je ne conçois pas d'avoir ce genre de réflexion, aujourd'hui. Je ne peux pas regarder une autre personne et me demander si j'aurais envie de coucher avec. Ce n'est pas respectueux, à mon sens.
- Mais tu n'y as jamais pensé, avant ?
- Non.
- Tu n'as jamais eu envie de moi ? De mon corps ?
- Non.
- Pas une fois, toutes ces années, toutes les fois où on a dormi ensemble à moitié dénudés, pendant les bains, aux entrainements, quand on dansait collés-serrés ?
- Non, 'Di. Tu es beau, certes, mais ce n'est pas ce que je vois chez toi, ce n'est pas ce qui compte pour moi. Et puis, on peut trouver quelqu'un beau sans avoir envie de coucher avec. Heureusement, d'ailleurs. Si tu m'avais posé la question à l'époque, j'aurais été obligé d'y réfléchir avant de te répondre. Parce que je n'y ai jamais pensé, vraiment.
Aphrodite se laissa aller dans le canapé.
- Je suis surpris. Et peut-être un peu vexé, je crois… Je ne sais pas trop…
Shura posa sa main sur sa joue.
- ´Di, tu es bien plus qu'un simple physique, aujourd'hui plus que jamais. Je ne crois pas une seule seconde que, connaissant Mu, il ait pu vouloir être ton amant simplement pour ta beauté et ton corps. Tu lui plaisais bien au-delà de ça, avant même qu'il ne tombe amoureux de toi, j'en suis persuadé, dès lors qu'il a appris à te connaître.
- Alors d'une, j'ai jamais dit que c'était Mu et de deux, on ne sait pas quels sont ses sentiments.
Shura retira sa main et se réinstalla dans le canapé.
- Joue à ça tant que tu veux, la réalité n'en sera pas modifiée pour autant.
Pensif, Aphrodite but un moment en silence.
- En faut, il me l'a dit.
- Quoi, qu'il t'aimait ?
- Mais non, bougre d'idiot ! répliqua-t-il en le poussant légèrement. Qu'il n'était pas juste intéressé par mon corps. Mais…
- Tu ne voulais pas y croire, compléta Shura. Ecoute, on va prendre les choses autrement. A ton avis, un ami qui veut coucher avec toi mais pas pour ton physique, par quoi est-il porté ?
- J'en sais rien !
Shura haussa un sourcil.
Cela allait être plus compliqué qu'il ne pensait.
Aphrodite et ses maudits blocages.
- Bon. ´Gelo et moi, pourquoi on est passé d'amis à couple ?
- Parce que vous vous êtes enfin déclarés et que j'ai bien bossé, bande de nigauds !
- Les sentiments amoureux, donc.
- Oui !
- Et deux amis qui deviennent amants ? Angelo et toi, par exemple ?
- La folie et le besoin de sexe.
- L'attirance physique et le désir, donc.
- Pourquoi tu me poses les questions, alors que t'as déjà les réponses ?
- Je veux être sûr que tu as les mêmes et surtout, te faire comprendre que c'est le cas.
- Je vois pas où tu veux en venir, là !
- Tu veux pas voir.
- Shu, tu m'agaces ! déclara Aphrodite en se levant avec un mouvement d'humeur.
Shura l'observa un instant.
Piégé dans sa condition de Chevalier maudit des Poissons, Aphrodite s'était tellement persuadé que personne ne l'aimerait jamais d'un amour pur et sincère, que sa vie serait solitaire et triste, que c'était tout ce qu'il méritait, qu'il lui était difficile d'accepter d'autres possibilités lorsqu'elles se présentaient à lui.
Or, il était absolument exclu qu'une telle chance d'être heureux lui échappa, Shura ne le laisserait jamais passer à côté.
Il était donc temps de frapper un peu plus fort pour forcer ses blocages qui l'empêchaient de voir la vérité en face.
- Deux amis deviennent un couple lorsqu'ils tombent amoureux et se déclarent, deux amis deviennent amants quand ils se désirent. Mu te désirait, mais ce n'était pas sa principale motivation à faire de toi son amant. Que reste-t-il, 'Di ?
Le Douzième gardien se rassit et le regarda, l'étonnement et l'espoir se disputant la première place dans ses yeux.
- Tu veux dire…
- La raison pour laquelle je pense que tes sentiments sont réciproques, bien plus maintenant que j'ai parlé avec toi et que j'ai appris certains détails, c'est qu'ils l'étaient déjà avant même que les tiens n'existent. La réciprocité attendue n'est pas celle qui semblerait, ´Di.
- Tu veux me faire croire que tout ce temps-là, il avait des sentiments pour moi ?
- Je ne veux rien te faire croire, je te présente les faits observés. Peut être n'en était-il lui-même pas conscient, peut-être que ce n'était pas tout à fait de l'amour, au départ, juste une graine qui aurait pu ne rien donner, mais finalement si, parce que ce qu'il a appris de toi, découvrir qui tu es vraiment, l'a conquis et séduit. C'est avec lui que tu devras découvrir les détails.
- Mais toi qui a couché avec des gardes avec qui tu t'entendais bien, autrefois… tu ne t'es jamais dit que tu voulais le faire juste parce que c'était le cas, même si c'était pas principalement pour le physique ?
- Quelque chose comme « Je t'aime bien, si l'occasion se présente, on couche ensemble », c'est ça ?
- Oui, voilà.
- Même si ce n'était pas par attirance physique, c'était au moins par besoin physique. Vivre près de la personne que l'on aime sans pouvoir le toucher plus intimement, alors qu'il est très tactile… j'ai pas toujours réussi à bien gérer la frustration accumulée, tu sais.
- Oui, je comprends.
- Franchement, 'Di, va lui parler. Tu auras toutes tes réponses, et tu sauras quoi faire. Si tu attends trop, ton imagination va galoper vers des contrées hantées par tes doutes, tes peurs du rejet, de la douleur et que sais-je, encore ?
- Il est à son rendez-vous à Athènes, il a dit que ce serait long. Et il ne rentre pas au Sanctuaire, mais va directement à Jamir, après, il a des choses à voir pour l'anniversaire de Shaka, qui approche à grands pas. Il reviendra que demain, en fin de journée.
- Tu peux le contacter ce soir.
- Je ne veux pas le déranger.
Shura pinça les lèvres.
Il avait mis un grand coup d'Excalibur dans le voile qui obstruait la vue d'Aphrodite, mais des lambeaux de tissu s'accrochaient encore à ses cils, le rendant encore hésitant et tâtonnant sur la route le menant au bonheur.
- Sérieusement, 'Di… Tu crois pouvoir agir normalement à son retour, avec tout ça en tête, si tu lui parles pas avant ? En plus, il va sentir beaucoup de choses avec son don.
- Je suis d'accord avec toi, mais je ne vais pas parler de tout ça par télépathie !
- Tu le fais exprès ? soupira Shura.
Fait très inhabituel, chez lui.
- Quoi, encore ?
- Il se téléporte en un battement de cil. Enfin, pour votre tranquillité, il vaudrait mieux que ce soit toi qu'il téléporte à Jamir. Tu ne peux pas le joindre, la connexion mentale passe mal, là-bas ?
- Non, non, on se parle tous les soirs, quand il y est…
Shura tiqua, cette fois.
- Tous les soirs ?
- Oui…
- Longtemps ?
- Assez, oui, même si, parfois, on se dit que c'est juste pour se dire "bonne nui", ça dure très souvent un peu plus.
- Depuis quand ?
- Un petit moment, maintenant, je ne sais plus trop quand ça a commencé.
- Il aurait fallu commencer par-là…
Aphrodite fronça les sourcils.
- Ça veut dire quoi, ça, encore ?
- Enfin, 'Di, c'est clairement le comportement d'un couple ! Des amis ne se parlent pas tous les soirs, aussi proches soient-ils, ils n'en éprouvent ni l'envie, ni le besoin, on ne l'a jamais fait, nous trois.
- J'en sais rien, j'ai jamais eu de relation amoureuse, je te rappelle ! s'énerva-t-il en se levant brusquement du canapé pour marcher dans le salon. J'ai grandi en étant aimé que de vous deux, une amitié tellement forte que c'est mon seul repère, alors je ne sais pas faire la différence entre une amitié classique et le début d'autre chose ! Pardon d'être ignare, stupide, maladroit confus et terrifié !
Shura se leva et le bloqua en posant ses mains sur ses épaules.
- Je suis désolé, vraiment, je voulais te secouer un peu, pas te blesser. D'autant plus que j'ai eu les mêmes interrogations que toi, au sujet d'Angelo. Quand son comportement a commencé à changer, moi aussi, je me demandais si je ne sur-interprétais pas les choses. Chaque geste qu'il avait devenait une source de questionnements sans fin. Tu t'en souviens, je me suis plusieurs fois confié à toi.
- Oui, mais pas suffisamment, je sais que tu en gardais une partie pour toi.
- Je n'étais pas fier d'être dans cet état.
- Et je te poussais à aller parler à Angie.
- Et je ne t'ai pas écouté. Moi aussi, j'avais peur. Mais au final, il n'y avait aucune raison. On a perdu du temps. Et tu vois, ça, lui indiqua-t-il en montrant un point invisible au-dessus de leurs têtes. Tu entends l'écoulement des grains dans le sablier ? Tic-tac, ´Di. On en a pas tant que cela, au final, surtout quand il passe si vite.
- Tu as raison, comme toujours.
- Pas toujours, mais très souvent. Tu vas lui parler, alors ?
- Oui, je le ferai. Merci, mon Shu. Je t'aime.
- Moi aussi, ˆDi. Et je suis heureux pour toi.
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Fin du flash back.
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- Et tu m'as caché ça pendant une semaine entière ?
- On était pas mal occupé, avec la venue de Letizia, Sergio et Ernesto. Et puis, ce n'était pas à…
- Oh, ca va, stop, le coupa-t-il en entourant son cou de son bras. Si j'entends encore cette phrase une seule fois de plus, je te jette dans la piscine !
- Vous parlez de moi, n'est-ce pas ? intervint alors Aphrodite.
Angelo et Shura tournèrent la tête en arrière et suivirent des yeux leur cadet, qui les rejoignait en faisant le tour de la balancelle pour se mettre face à eux.
- Je rapportais notre dernière conversation sérieuse à Angelo, la semaine dernière.
- Oui, désolé de t'avoir obligé à garder le secret, mon Shu ! Et pardon aussi, Angie, de ne pas avoir pu t'en parler.
- Ça me gonfle, mais bon… Je comprends. Et je comprends que t'aies des secrets, maintenant. Juste, fais en sorte qu'il y ai plus à en avoir entre Shura et moi. J'aime pas ça.
- Promis.
- Par contre, y a des zones d'ombres encore, si tu veux nous éclairer et te rattraper comme ça… lui proposa Angelo en s'écartant pour lui faire une petite place.
Aphrodite les regarda tout à tour, puis s'installa entre eux et posa une main sur chacune de leurs cuisses.
- Vous voulez savoir quoi ?
- Qu'est-ce qui s'est passé avec Saga, le jour où on a eu cette discussion, demanda Shura. Quand tu es arrivé chez moi, tu venais du Treizième. Tu étais perturbé parce que tu avais réalisé que tu avais oublié Saga, et que tu ne l'aimais plus. Mais qu'est-ce qui t'a conduit à ça ? Tu en as parlé avec Saga ? Tu veux bien nous raconter ?
- Oui, si tu y tiens.
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Flash back
Mardi 12 septembre 1989
Athènes
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- C'est bientôt l'heure de mon rendez-vous, je vais devoir y aller, soupira Mu en les guidant vers une ruelle déserte à l'écart.
- Oh ! oui, dis donc, je n'ai pas vu le temps passer ! s'étonna Aphrodite en consultant sa montre. Si tu veux, je peux t'attendre dans un kafenio et on rentrera ensemble. Où on pourra encore traîner en ville, si tu n'as rien d'autre de prévu, avant que tu n'ailles à Jamir !
- J'aurai bien aimé, mais j'en ai pour plus d'une heure.
- Ça ne me dérange pas de patienter, Mu ! Je peux faire les boutiques, ou passer à la librairie chercher un livre ou deux pour m'occuper.
- Mais tu ne devais pas voir Saga au Treizième vers 15 heures, avant qu'il ne parte à l'aéroport chercher ses amis avec Aioros ? Les bouquets sont prêts ?
- Oh ! c'est vrai, j'avais complètement oublié Saga !
L'amusement premier fit rapidement place à la surprise, alors qu'ils réalisaient tous les deux la portée des propos d'Aphrodite.
Oublier Saga.
Deux mots qu'aucun n'aurait jamais cru entendre un jour sortir de la bouche du Poissons.
Un constat que ce dernier n'aurait jamais imaginé possible de faire.
Mais la réalité était pourtant là : il était si bien avec Mu qu'il en avait oublié son rendez-vous avec Saga.
Et il ne s'agissait finalement peut-être pas que de ce rendez-vous…
Ces mots témoignaient peut-être d'une vérité plus grande et générale : et si Aphrodite avait bel et bien oublié son amour pour Saga, grâce à sa relation avec Mu ?
C'était, en tous cas, une question qui flottait entre eux et dans le regard qu'ils échangeaient, depuis les propos d'Aphrodite.
Mu posa soudain sa main sur la joue de son aîné, puis ses lèvres sur les siennes, et ils partagèrent un baiser d'une tendresse encore jamais éprouvée.
Ils ne s'étaient jamais touchés ainsi en dehors de leurs moments intimes.
Et encore moins, en extérieur.
Certes, ils étaient dans une ruelle déserte pour que Mu pût se téléporter en toute discrétion, mais tout de même.
Et ce baiser avait définitivement un goût différent, quelque chose d'inédit.
Il semblait crier une vérité, lui aussi, comme s'il faisait éclater au grand jour une évidence, à son tour.
Lorsqu'ils se détachèrent, Aphrodite affichait une certaine surprise, un air un peu perdu, mais Mu lui sourit, sa main s'attardant encore sur sa joue.
- Je te téléporte chez toi ?
- Non, non, je… je vais rentrer à pied, j'ai encore un peu de temps.
- D'accord. J'y vais, alors.
- Oui…
- À plus tard, dans la soirée, Alfiye.
- Oui, Mu. Je... te laisserai me contacter quand tu seras libre, ce soir, comme d'habitude.
Le Bélier hocha la tête, puis, après un dernier regard aux alentours, il disparut dans un scintillement.
Aphrodite porta le bout de ses doigts à ses lèvres, le cœur encore battant, alors qu'il quittait lui aussi la ruelle et prenait la direction du Sanctuaire.
Si cela n'avait tenu qu'à lui, il aurait embrassé Mu à chaque occasion, pas uniquement lorsqu'ils couchaient ensemble…
Mais ils devaient maintenir la barrière fragile qui séparait une relation amoureuse de leur relation amicale améliorée.
Il craignait toujours qu'un geste de sa part n'amena Mu à changer d'avis et mette fin à leur arrangement.
Le problème de deux amis couchant ensemble étant souvent le basculement de l'un vers des sentiments plus amoureux.
S'ils étaient réciproques, cela pouvait mener à une discussion commune sur la suite de la relation.
Mais s'ils étaient unilatéraux…
Et c'était l'une des conséquences que redoutait Aphrodite.
Il se sentait en train de s'attacher plus que de raison à Mu, mais n'avait pas envisagé possible d'en tomber amoureux et d'oublier Saga, d'une part, et de l'autre, l'inverse et la réciprocité de la part de son cadet.
D'où son étonnement face à ce baiser si tendre qu'ils venaient d'échanger, et le sourire de Mu, ensuite, là ou Aphrodite aurait plutôt attendu de l'irritation ou de la gêne.
Ce qui amenait mille questions dans sa tête et une bête noire bien familière : l'espoir.
Mais un autre sentiment le tiraillait tout autant : il avait oublié Saga.
Comment cela était-il simplement possible ?
Quand cela avait-il commencé ?
Les réponses vinrent non pas du cerveau d'Aphrodite, qui fumait, en cet instant, sous l'intense réflexion, mais de son cœur.
Un cœur où Saga avait progressivement reculé, jusqu'à laisser sa place de dominant, de présence absolue et persistante, à un autre.
Car le premier visage qu'Aphrodite avait en tête en se levant, le matin… c'était bien celui de Mu, dorénavant.
Tout comme c'était le sien au coucher, lorsqu'ils coupaient leur communication mentale quotidienne sur un « bonne nuit » rituel.
Quand il fermait les yeux, également, peu importe le moment de la journée ou de la nuit…
Le Premier gardien était devenu sa première et sa dernière pensée, son univers...
En trois mois d'amitié, plus les deux mois de sexe qui l'avaient fait évoluer en autre chose.
Ça allait recommencer, en pire.
Il avait remplacé un amour impossible par un autre.
Pire, même…
Lorsque Mu s'apercevrait de ses sentiments pour lui, il allait tout perdre : son amitié améliorée, et peut-être son amitié tout court.
La seule réaction qu'imaginait Aphrodite de sa part, c'était un éloignement.
Et lui allait de nouveau souffrir de ne pouvoir être aimé par le sujet de tous ses désirs.
Il repensa alors au baiser échangé dans la ruelle…
L'expression de Mu, les sentiments qu'il avait cru percevoir… s'était-il fait des films ou y avait-il une possibilité que son cadet partageât ses sentiments ?
Ce qui voudrait dire que cette existence et cette résurrection auraient finalement quelque chose à lui offrir, à lui aussi, de cette nature ?
Non…
Il n'était pas digne de Mu.
Son corps, oui, une telle beauté et une telle perfection ne pouvaient que lui être dédiées.
Mais quant au reste…
Le Douzième gardien secoua la tête, essayant de chasser ses sombres pensées.
Il était arrivé au Sanctuaire, et traversait les Maisons pour la plupart vides, à cette heure-ci.
Dès qu'il était sorti d'Athènes, il avait marché à grande vitesse à travers la nature, invisible aux yeux des humains, à peine perceptible pour les animaux.
Il s'arrêta chez lui pour confectionner les bouquets de fleurs que Saga et Aioros lui avaient demandé de préparer pour leurs amis italiens, objet de son rendez-vous avec Saga au Treizième.
Ceci fait, fier de son travail comme toujours, malgré ses pensées qui tournaient en boucle, il s'y rendit d'un bon pas.
Les gardes en faction l'annoncèrent et le laissèrent passer.
Mais le bureau était vide.
Il regarda l'heure, c'était bien celle convenue.
Il se remémora sa conversation avec Saga, pour être sûr de ne pas avoir confondu le lieu, mais non : Shion et Dokho étaient sur le Domaine, ils lui avaient demandé de rester au bureau pour réceptionner un coup de fil important, avant de partir pour l'aéroport.
Peut-être qu'il en avait fini et qu'il était reparti…
Mais où ?
Il n'y avait personne au Troisième, ni au Neuvième.
Il allait tenter un appel télépathique, lorsqu'il sentit leurs présences, alors que la porte située sur la gauche, qui menait aux Archives, s'ouvrait.
D'abord doucement, puis plus soudainement, quand Saga entra, légèrement bousculé par Aioros, qui le ceinturait amoureusement, tous deux riant et trébuchant presque.
Les deux hommes se figèrent en découvrant Aphrodite qui les fixait, et se détachèrent.
- Aphrodite, désolé, on a vraiment pas fait attention, on ne t'a pas senti approcher, on a pas entendu les gardes t'annoncer, les Archives sont totalement hermétiques, s'excusa Saga en déposer les deux gros livres qu'il tenait sur le guéridon, à sa droite.
Aioros fit de même avec ceux qu'il portait aussi.
- Il n'y a aucun problème, les rassura le Douzième gardien avec un grand sourire.
En les regardant, tous les deux, droit dans les yeux.
Et en effet, ils ne percevaient aucune douleur ni tristesse, en lui.
Il y avait un mélange de sentiments difficiles à définir séparément.
- Aphrodite ? l'interrogea Saga, très surpris par tous ces détails qui n'en étaient pas, les concernant.
- Je ne vous avais jamais vraiment regardé, avant, je ne pouvais pas. C'était très difficile de faire comme si tout allait bien, alors que ça me déchirait chaque fois un peu plus. Donc, je détournais vite le regard, sous un prétexte ou un autre. Mais aujourd'hui, je peux vous regarder sans difficulté. Je vous vois vraiment pour la première fois, ensemble, Saga, Aioros. Alors oui, vous deux, ensemble, ça crève les yeux et c'est une évidence, mais là, j'en prends pleinement conscience. Et par Athéna ! quel couple merveilleux vous faites ! vous êtes magnifiques.
- Cela nous touche beaucoup, Aphrodite, merci à toi.
- Oui, vraiment, confirma Aioros. Merci.
- Alors, qu'est-ce que vous attendez pour m'inviter ?
- T'inviter ?
- Câlin à trois ! s'écria-t-il en se précipitant vers eux pour les entourer tous les deux de ses bras en riant.
Un rire partagé par ses deux aînés, qui lui rendirent son étreinte.
Aphrodite se dégagea ensuite et alla récupérer les fleurs qu'il avait posé sur le bureau.
- Voilà les bouquets que vous m'avez demandés. Je les ai fait en fonction des informations que vous m'avez donné sur les goûts et la personnalité de vos amis. Est-ce que ça vous va ?
- C'est parfait, ils sont magnifiques.
- Vraiment, Aphrodite, tu es extrêmement doué ! s'émerveilla Aioros, le nez dedans pour respirer le doux parfum.
- Merci, tant mieux si ça vous plaît. Bien, je vous laisse, vous êtes occupés et j'ai à faire, moi aussi !
Saga perçut quelque chose qui l'interpella soudain, une fausse note qui avait soudain résonné dans la joie affichée par son cadet.
- Aphrodite ?
- L'heure tourne, Saga, vous devez chercher vos amis à l'aéroport. On se voit plus tard !
Aphrodite voulut littéralement s'enfuir, mais le Gémeau le retint, le prit dans ses bras et amena sa tête contre son épaule.
- Tu es sûr que tout va bien ?
- Ça ira, répondit-il, la gorge nouée, en le serrant fort.
Il s'y autorisa, cette fois-ci, c'était comme un adieu.
Puis, il s'écarta après un long moment, poussa un grand soupir, leur adressa un dernier sourire rapide et quelque peu crispé, avant de repartir sans un mot.
Saga ne le retint pas, cette fois-ci.
Ce fut dans un état second et perdu dans une intense réflexion que le Douzième gardien entreprit la descente du Grand escalier.
Jusqu'à ce que…
- ´Di ?
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Fin du flash back
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- Et c'est là que tu m'as rejoint à l'entrée de ton Temple, mon Shu.
Le silence se fit, alors que les aînés réfléchissaient et assimilaient ce que venait de leur raconter leur cadet.
- On a encore une petite heure avant de tous retourner au Sanctuaire. Et si tu nous racontais enfin tout depuis le début, Beauté ? Dans les grandes lignes, hein, j'ai bien entendu ce que ton petit mouton m'a dit tout à l'heure, que j'avais pas à savoir les détails, et tout.
- Tu fais bien de l'écouter, Angie, parce qu'il est loin d'être un petit mouton doux et docile, même s'il sait l'être, répondit Aphrodite avec un sourire incroyablement tendre. Mu est un vrai Bélier, déterminé, passionné, qui va au bout de ce qu'il entreprend, un véritable conquérant. Je vais vous raconter notre histoire, comment il a su se frayer un chemin dans la forteresse de ronces qui entouraient mon cœur brisé, comment il a ramassé chaque morceau sur sa route pour le réparer et me le rendre intact, le faire battre à nouveau et comme jamais auparavant. Et vous ne le verrez alors plus de la même façon, vous non plus…
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A suivre.
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Notes :
L'abus d'alccol est dangereux pour la santé, à consommer avec modération !
1. Trinacria : Le triskèle servant d'emblème de la Sicile depuis l'Antiquité est aussi appelé Trinacria. Il représente une tête de femme (Méduse, une des trois Gorgones), ailée et coiffée d'un nœud de serpents et d'épis de blé, d'où rayonnent trois jambes fléchies. Le nom original de la Sicile était Trinacria, c'est ainsi que les Grecs ont nommé l'île en raison de sa forme unique qui fait clairement référence à un triangle, dont les sommets seraient représentés par trois promontoires, Pachino, Peloro et Lilibeo. Ce sont les trois jambes de la figurine du trinacria. La figure de femme, au centre, serait liée au mythe de Méduse, la seule des trois Gorgones à ne pas être immortelle et dont la beauté fascinait tous les hommes qui, dès qu'ils se retournaient pour la regarder, se transformaient en pierre. C'est peut-être pour cette raison que c'était une coutume ancienne de placer une trinacria derrière la porte de la maison, comme symbole de protection, ou de décorer les vases, les maisons et les villas avec des motifs qui la représentent comme symbole de chance. Aujourd'hui, elle est au centre du drapeau officiel de la Région sicilienne.
2. Alfiye surnom que donne Mu à Aphrodite, et qui sera expliqué plus tard.
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Merci d'avoir lu ce chapitre, j'espère qu'il vous a plu !
Je suis consciente de prendre un risque en introduisant ce dernier couple quelque peu atypique à la fin de ma fic, mais pour moi, c'est une histoire de Destin et de Rédemption, que je tenais à raconter à travers elle, et je ne peux pas aborder ce dernier point en passant à côté d'Aphrodite qui, avec Angelo et Kanon, le représentent le plus. (Je mets Saga à part, évidemment, car il n'a jamais fait le mal sciemment). Il était donc important pour moi de ne pas laisser seul notre Poissons, triste et maudit, mais de parler de sa seconde chance à lui. Pas de Destin, pour Mu et Aphrodite, mais un choix de vie. Car comme le dit si bien Shaka, le bonheur est une décision de chaque instant. J'espère que vous accepterez de découvrir leur histoire dans les deux prochains chapitres. Sinon, rendez-vous au chapitre 29 pour reprendre le cours initial avec les autres couples, et parcourir les dernières étapes menant à la fin...
Bonne continuation à tous, à dans deux ou trois dimanches !
Lysanea
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