Titre : Le Fil rouge du Destin
Auteur : Lysanea
Disclaimer : aucun personnage ne m'appartient sauf Simon
Pairing et personnages pour ce chapitre : Rhadamanthe x Kanon, Saga x Aioros, Angelo x Shura, Milo x Camus.
Rating : T
Note : Bonjour et merci à vous de continuer à dérouler le fil du Destin avec moi !
Merci à Mini chan : Hello miss ! Merci pour ta lecture et ton comm ! Comme je te comprends, j'ai fait de l'allemand pendant sept ans, c'était ma LV2 (seconde langue d'apprentissage) du collège au lycée, j'ai bien souffert ! Je me souviens de quelques mots mais c'est tout ! J'aurais dû faire espagnol ou italien, mais je crois qu'il n'y avait pas italien dans mon collège, sinon je l'aurais pris ! J'espère que tu vas bien et que de belles fêtes de fin d'année se préparent au Sanctuaire des félins ! Je te comprends là aussi, j'aimerais tellement pouvoir m'éloigner des villes et des gens pendant cette période ! Je ne suis pas aigrie, mais je n'aime pas cette période qui, selon moi, respire encore plus l'hypocrisie ! Mais je respecte ceux qui arrivent à apprécier et sont heureux, tant mieux pour eux ! Pour le précédent chapitre, tu as très bien cerné aussi bien Shion que Saga, et Aioros. C'est comme cela que je les vois. Saga a quelque chose d'un peu divin, selon moi, et le fait que les jumeaux Gémeaux soient apparus dans le Troisième temple les premiers, juste comme ça, annonçant le retour d'Athéna, joue sûrement beaucoup dans cette impression. Et toute la mythologie autour de leurs âmes dans le lore Saint Seiya aussi. J'espère que tu apprécieras ce chapitre, je t'en dédicace la fin ! XD Et très belle fin d'année à toi, si je ne poste plus d'ici là, mais je pense qu'il y aura encore un chapitre, au moins.
Merci également à ShiroWorld pour tes ajouts et avoir rejoint l'aventure !
Bonne lecture à tous !
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Le Fil rouge du Destin
Chapitre Trente-huit : J'ai l'impression qu'une partie de mon âme t'aime depuis le début de tout. Peut-être que nous venons de la même étoile.
(Emery Allen)
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Caina, Royaume souterrain
Mercredi 8 novembre 1989
Début de soirée
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- Bien sûr que j'ai des angoisses et des appréhensions, l'Eternité, quand on s'y arrête une seconde, cela donne le vertige. Mais il suffit que je te te regarde, ou plutôt, que tu me regardes, et tous les doutes disparaissent en un battement de cil, un battement de cœur. Il n'en faut pas plus que ça, Rhad'.
- Tant mieux. Tu sais donc quoi faire, lorsque cela te prendra.
- Oui, assura Kanon en posant son front contre le sien.
- Je te comprends, tu sais. Même si aujourd'hui, je n'en ressens plus le poids, chaque instant de ces jours, de ces mois, de ces années et de ces dizaines de siècles séparé de toi a pesé lourdement sur mon âme. Je suis mort chaque jour à t'attendre, avant d'être ramené à la vie par l'espoir et la certitude que chaque heure qui passait nous rapprochait un peu plus de nos retrouvailles.
Le Gémeau se recula légèrement pour regarder son Juge dans les yeux
- Est-ce que tu m'aimeras vraiment encore dans 1000 ans ?
- Évidemment, répondit-il sans hésiter. Je t'aime depuis plus de trois millénaires, il n'y a aucune raison que cela change.
- Tu as aimé un souvenir, un rêve… Tu n'as pas vécu avec moi.
- J'ai aimé une âme, Kanon, la tienne. Depuis des milliers d'années et pour des milliers d'autres de plus, tu n'as pas d'inquiétude à avoir à ce sujet non plus. Tu m'as aimé, tu m'aimes et tu m'aimeras de la même façon. Nous le vivons et l'éprouvons depuis de nombreux mois, presque deux ans.
Kanon glissa ses mains sur les bras musclés de son Juge, puis sur son torse qui l'était tout autant, que la chemise rouge cintrée qu'il portait soulignait et mettait subtilement en valeur.
- Oui, c'est vrai. Tu es très puissant, c'est un fait, ton corps est taillé dans le marbre, mais je me demande, d'où t'est venue cette force mentale de m'attendre si longtemps avec une telle foi ?
- Elle est née de l'évidence et de la certitude que je te retrouverai, répondit Rhadamanthe en le serrant un peu plus contre lui. C'était écrit, Kanon, tout simplement.
- Est-ce que tu parles métaphoriquement, ou tu as vraiment eu l'information par… je ne sais pas, une divinité, un oracle, quelqu'un de ta famille côté Olympe aux dons particuliers, peut-être ?
Les lèvres de Rhadamanthe s'étirèrent en une esquisse de sourire.
- J'ai en effet rencontré quelqu'un, il y a très longtemps, qui me l'a… confirmé. J'hésite quelque peu sur le terme à utiliser, la concernant.
- Tu veux bien me raconter ? demanda Kanon après avoir jeté un œil à sa montre. On a encore un peu de temps devant nous avant le début des festivités. Cela m'intrigue beaucoup.
Rhadamanthe hocha la tête, puis il lui prit la main et le conduisit jusqu'au canapé derrière eux, où ils s'installèrent, Kanon tourné de trois-quarts vers lui.
- Les temps des Dieux touchaient à leur fin, à ce moment-là, mais nous ne le savions pas encore, commença-t-il en gardant sa main dans la sienne, nouées sur sa cuisse. Pourtant, les signes se multipliaient. L'un des principaux étant que les Dieux, les divinités mineures, les diverses entités se retiraient de plus en plus des affaires des Humains, leur présence se faisait rare sur Terre. L'existence de certains d'entre eux devenait des mythes dans le sens que les mortels leur donneraient bientôt. C'est dans ce contexte que j'ai entendu parler d'elle et qu'il m'a fallu un peu de temps pour la trouver…
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Flashback
Un après-midi, quelque part sur la ligne du Temps…
Rhadamanthe arriva à l'endroit qu'on lui avait indiqué, un lac magnifique niché au cœur d'une clairière paisible, entourée de brume épaisse et de bois millénaires.
Au début, il ne vit rien, mais en s'approchant un peu, il aperçut une silhouette près de la rive.
- Tu cherches quelqu'un, résonna une voix claire à son approche.
Le Juge fit encore quelques pas vers la jeune femme assise au bord de l'eau.
Elle était en train de filer sur un métier à tisser, le regard perdu vers l'onde claire du lac.
- Salut à toi, et que ce jour te soit favorable.
- Qu'il te le soit également.
- Es-tu bien Elpis ?
- C'est le nom que l'on me donne parfois.
- Alors c'est toi que je cherche.
- Non, lui dit-elle en se levant enfin pour lui faire face. Ton âme et ton cœur résonnent d'un appel silencieux, et pourtant assourdissant. Tu le cherches, tu l'attends et tu l'espères. Je l'entends. Ce chant est si douloureux… se désola-t-elle en posant sa main sur sa joue.
Le Juge ne cilla même pas.
Sa réaction première aurait été de se reculer pour empêcher tout contact.
Pourtant, sans avoir l'impression d'être contraint à l'immobilité, l'idée même de s'écarter ne l'avait pas effleuré.
- Comment le trouver ? lui demanda-t-il alors qu'elle ôtait enfin sa main chaude de son visage.
- Il sera double, mais il sera l'unique pour toi.
- Que suis-je censé comprendre ?
La jeune femme ferma les yeux, qu'elle avait d'ailleurs d'un vert incroyablement clair, puis se détourna de Rhadamanthe et se rassit pour reprendre son tissage.
- J'ai fait une longue route pour te trouver, insista Rhadamanthe, ne pouvant se contenter d'une telle réponse.
- Et une plus longue encore t'attend sur le sentier du Temps, répondit-elle sans cesser son ouvrage. Pourtant, c'est lui qui viendra à toi. Sa lumière t'éblouira et avec elle, tu t'éteindras. Et ces deux âmes-sœurs tragiques s'envoleront ensemble, l'ombre de l'une mêlée à la lumière de l'autre.
- Tu ne réponds pas à ma question, quel est le sens de tes propos, les premiers ainsi que les derniers ?
- Tu es suffisamment intelligent pour le découvrir seul, Rhadamanthe du Wyvern, Étoile forte et violente, Second Juge du Royaume souterrain, fils de Zeus et ancien Roi et Héros civilisateur à la sagesse inégalée et faiseur de lois. Mais n'aies crainte, peu importe la longueur du fil déroulé sur l'écheveau du Temps, quand tu le verras, tu sauras. Et le chant soudain sera de nouveau mélodieux, un temps qui seul vous appartiendra.
Elle se tut et Rhadamanthe n'insista pas, cette fois-ci.
Il était évident qu'elle ne lui dirait rien de plus, cette certitude s'était comme gravée en lui en une fraction de seconde.
Il la remercia donc, car malgré la frustration qu'il ressentait, elle lui avait donné de l'espoir : sa quête n'était pas vaine et ce, même si le temps s'écoulait inexorablement.
Et que, d'après les dires de la femme, il allait encore devoir en subir le long passage.
Elpis…
Oui, elle portait vraiment bien son nom. (1)
Rhadamanthe la salua et s'en alla enfin.
Lorsqu'il se retourna un peu plus loin, la rive était complètement déserte.
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Fin du flashback
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- Et tu as compris quelque chose, en réfléchissant à ses paroles, après coup ?
- Certains points. Mais tout a réellement fait sens le jour où je t'ai rencontré. Tu es venu à moi, aux Enfers, toi, Kanon du signe double des Gémeaux. Ta lumière m'a ébloui, puis aveuglé lors de notre dernière étreinte mortelle, avant de s'éteindre en m'emportant avec elle.
- Et le reste ?
- Le reste ?
- Tu sauras quand tu le verras. Et il sera l'unique pour toi.
- Oui.
- Juste « oui » ?
Les lèvres du cadet des Gémeaux avaient formé une moue vraiment adorable.
C'était difficile, mais Rhadamanthe resta de marbre.
- Que veux-tu m'entendre dire, Kanon ?
- Tu es bien assez intelligent pour le comprendre, Rhadamanthe de la Wyvern, Étoile Forte et Violente, répondit-il, entre taquinerie et provocation, cette fois.
Puisque le mode adorable ne fonctionnait pas, autant utiliser celui-ci.
Et il atteignit son objectif haut la main.
Rhadamanthe l'enlaça et l'attira contre lui.
Kanon fit alors passer sa jambe par-dessus les siennes pour s'installer sur ses cuisses, face à lui, les mains sur ses épaules.
- Tu es le seul et unique, Kanon des Gémeaux.
- Je sais bien qu'il n'y a qu'un seul Kanon des Gémeaux.
Le Spectre le regarda avec une intensité qui le fit frissonner, tout comme ses mains qui glissaient sur la peau nue de ses reins, sous sa chemise qu'il avait légèrement relevée.
- Tu me provoques, Kanon ? Dans cette position ? Tu l'oses, vraiment ?
- Je te taquine, surtout. Mais je suis aussi sérieux.
- À quel sujet ? le provoqua à son tour Rhadamanthe.
Ce qui lui valut un coup de poing sur l'épaule.
Le Juge attrapa son poignet et le porta à ses lèvres pour y déposer un doux baiser, sans le quitter des yeux.
- Tu es le seul et unique, pour moi. Depuis toujours et à jamais.
- Et si je n'avais pas été ressuscité ? demanda Kanon en retenant tant bien que mal un frisson.
- J'aurais attendu ta prochaine incarnation. Je te l'avais promis, jadis : je te retrouverai, peu importe le temps et les lieux qui nous sépareront. Je n'aurais de cesse de te chercher, jusqu'à ce que nous soyons enfin réunis. Et je te renouvelle cette promesse, aujourd'hui, même si cela paraît inutile car nous ne serons plus jamais séparés. Et comme tu le sais déjà, je suis heureux que ce soit toi et dans cette ère que nos âmes aient été réunies. Tu es la plus complète et parfaite incarnation de ton âme.
Kanon posa sa tête contre son cou.
Ses mots, avec un tel regard… c'était beaucoup trop.
- Qui t'a dit d'être aussi sentimental ?
- Toi, à mots couverts. Tu crois que je ne sais pas lire entre tes lignes ?
- …
- Tu n'aimes pas cela, peut-être ? Tu as une réclamation à faire ?
- Non, aucune. Ce n'est pas désagréable, de temps en temps, reconnut Kanon en levant le visage vers lui. D'ailleurs, ça fait un moment que je ne te l'ai pas dit.
- Me dire quoi ?
Kanon dégagea le front du Juge des quelques mèches rebelles qui y tombaient et plongea son regard dans le sien.
Le Temps sembla soudain suspendre son cours, comme si lui-même retenait son souffle.
- Je t'aime.
Rhadamanthe marqua un temps d'arrêt.
Kanon le lui avait déjà dit, évidemment et pas qu'une fois, et sur plusieurs tons, pourtant…
- Tu n'avais encore jamais prononcé ces mots de cette façon.
- C'est bien ce que je dis, répondit-il avec un petit sourire en coin.
Que Rhadamanthe s'empressa de faire disparaître sous un baiser fiévreux.
Mais qui se termina pourtant langoureusement et avec une grande tendresse.
Ils restèrent un moment front contre front, alors que Rhadamanthe le serrait fort dans ses bras, qu'il avait croisé dans le dos de Kanon pour mieux le presser contre son torse.
Le Juge était vraiment ému.
Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas entendu ces trois mots dits de cette façon, avec une telle profondeur, un tel écho, une telle puissance évocatrice…
Ce n'était pas la même voix, certes, mais… Kanon le lui avait dit avec son cœur, comme toujours, mais aussi et surtout, il l'avait clairement entendu et ressenti pour la première fois, avec son âme.
Celle qui avait traversé les âges pour enfin lui être rendue.
Pour le rendre entier, complet, à nouveau.
Enfin.
Et il était tellement heureux que ce fût Kanon qui portât en lui la mémoire de ce jeune homme qu'il avait tant aimé, si vite et si fort.
La mémoire, oui, mais aussi, les espoirs et les promesses de leur devenir.
- Je t'aime, Kanon, murmura-t-il en s'écartant pour le regarder dans les yeux.
Et le Chevalier s'y perdit, s'y noya, s'y abandonna, captivé comme toujours par ce regard à la fois sans âge, et semblant en même temps contenir tous les âges du monde depuis le Big Bang originel.
Depuis le premier jour où il y avait plongé sans retenue, alors que les flammes des Enfers s'y reflétaient, animées par sa soif de combats et son ardeur à les mener, Kanon avait su que ce regard flamboyant le hanterait à jamais.
Lors de sa résurrection, c'était la première chose qu'il avait vu en ouvrant les yeux : les iris d'or du Juge qui l'avait ramené, posés sur lui avec une inquiétude et un soulagement fugaces que dans sa confusion, il avait longtemps cru avoir imaginé.
Le Gémeau soupira de contentement sans pouvoir s'en empêcher.
Tout comme il lui fut impossible, cette fois-ci, de réprimer le frisson qui parcourut son corps à cette affirmation.
L'intensité que mettait son Juge dans ces trois mots, c'était plus qu'une déclaration, c'était comme si les mots eux-mêmes lui faisaient l'amour, à chaque fois.
- Tu me rends fou…
- Je sais. Mais rassure-toi, c'est complètement réciproque.
Les deux amants s'embrassèrent une nouvelle fois, longuement et intensément.
Un baiser où ils firent passer toutes leur émotion et leurs sentiments l'un pour l'autre.
- On est vraiment obligé d'aller à cette soirée ? demanda Rhadamanthe entre deux tendres morsures de lèvres tentatrices.
- Si cela avait été n'importe qui d'autre que Milo, je t'aurais dit non. Mais je lui ai promis de venir et surtout, c'est moi qui dois gérer avec Camus et Aiolia les surprises qu'on lui a tous préparés.
- Je vois, tout le monde compte sur toi.
- Exactement, confirma Kanon en se reculant pour le regarder dans les yeux. Et Camus me fait confiance, pour une fois.
- Je comprends, c'est important pour vos relations futures.
- Oui, et comme il n'y a plus qu'entre nous deux que c'est encore tendu, depuis que cela va mieux entre Mu et Angelo, l'enjeu est important aussi pour nous tous. Ceci étant dit, d'une, nous ne serons pas obligés de nous éterniser, et de deux…
- De deux ?
Kanon embrassa, puis mordilla tendrement la lèvre inférieure de son Juge, avant de très légèrement s'écarter.
- Je sais que tu n'aimes pas trop cela, mais on peut très bien arriver en retard… Juste un peu…
Rhadamanthe sourit en réponse, une lueur féroce s'illuminant dans ses yeux d'or déjà en fusion...
… une seconde avant de faire basculer Kanon sur le canapé avec un grognement satisfait des plus évocateurs.
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Un peu plus tard
Treizième temple, Salon azur
Soirée d'anniversaire de Milo.
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- Ah, vous en avez mis, du temps !
- Désolé pour le retard, et encore très bon anniversaire, répondit Kanon en rendant son étreinte à Milo qui venait de les accueillir, après avoir attendu qu'ils aient fini de saluer la Princesse Athéna, évidemment, et les Grands popes.
Et toutes les personnes croisées, chemin faisant.
- Joyeux anniversaire, Scorpion, je te prie d'accepter mes excuses pour notre retard.
- Je me doute bien que tu y es pour quelque chose, mais vous êtes arrivés, c'est le principal. Joyeux anniversaire à toi aussi, au passage, Rhadamanthe, avec un peu de retard. Et surtout, merci d'être venu.
- Merci pour l'invitation.
- C'est Kanon qui t'a invité, je l'ai juste autorisé à venir accompagné… Je plaisante, ne fais pas cette tête ! Venez, on va chercher à boire pour porter un toast aux Scorpions !
Ils gagnèrent l'immense table avec toutes les boissons, et se servirent chacun ce qu'ils désiraient. Rhadamanthe balaya la pièce du regard et le voyant s'attarder sur certains, Milo sourit.
- Tu as déjà remarqué que de nouveaux couples s'étaient formés. Il n'y a plus de célibataire dans la Garde dorée.
- Kanon m'en a parlé, il y a un moment, déjà, et j'ai pu le constater de moi-même lors de la réception en l'honneur de Dokho de la Balance et de sa retraite avec Shion du Bélier.
- Oui, c'est vrai… Cela ne te désespère pas trop de voir cette armée constituée principalement de couples gays ?
- Pourquoi cela me poserait-il un quelconque problème ?
- Tu pourrais juger que cela ne fait pas très sérieux.
- Être en couple et être homosexuel n'empêche pas d'être un puissant guerrier, répliqua sèchement Rhadamanthe. Oublierais-tu à qui tu t'adresses, encore une fois ?
- Non, bien évidemment, et c'est quelque chose que tout le monde sait, se défendit Milo en souriant pour désamorcer la tension naissante. Mais l'image que cela renvoie… Je n'ai pas besoin de faire un dessin, tu vois où je veux en venir…
Rhadamanthe se détendit quelque peu.
La main chaude de Kanon posée au creux de ses reins l'y aidait beaucoup.
- Cette image n'est qu'une construction moderne, Scorpion. Il existait autrefois un corps d'élite de l'armée thébaine qui comptait nombre d'homosexuels, appelé le Bataillon sacré, qui la rendit un temps redoutable. Il permit même à Thèbes d'arracher une victoire à la terrifiante et crainte Sparte.
- C'est vrai ? s'étonna Kanon. Je ne crois pas en avoir jamais entendu parler !
- Sa gloire fut de courte durée, il fut détruit après quelques décennies d'existence par l'armée de Philippe II de Macédoine.
- J'ai lu plusieurs choses à ce sujet, oui, répondit Milo. Selon certaines sources, il semblerait que ce Bataillon sacré était effectivement constitué de couples homosexuels, principalement.
- Sérieusement ? s'étonna encore une fois Kanon.
- Dans la civilisation grecque de l'époque hellénistique, l'homosexualité était totalement normale et acceptée, expliqua Milo. Souviens-toi que les personnes de même rang, tous sexes confondus, s'embrassaient sur la bouche pour se saluer sans que cela ne choque personne.
- D'accord, mais pas comme un couple !
- Non, bien sûr, rit Milo. On était loin de la débauche romaine, faut pas exagérer !
- Oui, et on parle de l'armée, quand même… La société civile, je suis au courant, mais les soldats…
- Le système militaire grec était basé sur la relation initiatique Maitre-disciple dont je te parle souvent, Kanon, puisqu'elle nous concernait, d'une certaine façon, précisa Rhadamanthe.
- La pédérastie ?
- Oui. Cette pratique était institutionnalisée et légitimée par les couples célèbres de la mythologie : Héraclès et Iolaos, Zeus et Gamymède, Achille et Patrocle, par exemple. L'homosexualité des membres du Bataillon sacré n'est que la continuation de ces liens mythiques présentés comme modèles des Héros et des Dieux aux Mortels. Un peu à l'image des Chevaliers d'Athéna, ces hommes vivaient tous au même endroit, leur citadelle de Cadmée, ils lutaient ensemble, se faisaient une confiance absolue... Leur rapprochement réel ou supposé n'a rien d'étonnant. Vous avez observé le même, ici.
- Alors si je comprends bien, il n'y avait rien d'inhabituel dans les relations du Bataillon par rapport aux standards de l'époque, conclut Kanon. Ce n'était étrange pour personne d'avoir un corps d'élite homosexuel...
- Ils n'étaient pas spécifiquement présentés ainsi, nuança Milo, enfin, je ne crois pas, de ce que j'ai lu. Corrige-moi si je me trompe, Rhadamanthe. Certaines sources antiques ou plus récentes prennent un peu des pincettes en évoquant l'homosexualité supposée du Bataillon, quand d'autres ignorent carrément cette possibilité. Il en existe qui en font état, mais la présentant comme comparable à l'homosexualité courante dans la société, à cette même époque. Un point de détail, en somme.
- Ce qui est certain, et que je peux vous révéler, c'est que cela n'était pas un critère pour en faire partie, précisa le Juge. Le recrutement se faisait au mérite et non à l'orientation sexuelle, mais surtout, non au rang, comme dans le reste de l'armée. C'est pourquoi le Bataillon était composé d'excellents combattants et a obtenu de belles et parfois éclatantes victoires.
- Quand on y pense, on dirait un peu nous, comme si on était leurs descendants. On est des soldats d'élite de la Chevalerie d'Athéna, on vit dans notre propre citadelle qu'est le Sanctuaire, on a une majorité de couples gays mais pas que, on est aussi sacré, car nos Armures ont reçu le sang divin de notre Déesse… Enfin, se reprit Milo, faire une telle comparaison ne va pas m'aider à te convaincre que je ne suis pas aussi prétentieux que tu continues de le penser, Rhadamanthe !
- J'en suis le premier étonné, mais elle est tout à fait pertinente et justifiée, assura ce dernier.
Autant Milo que Kanon haussèrent les sourcils, surpris.
- C'est vraiment mon anniversaire, là ! rit le Scorpion. Puisque tu es dans de bonnes dispositions, puis-je en profiter pour te poser des questions sur certains points de l'Histoire qui m'interpellent ?
- Non, répondit catégoriquement le Juge trois fois millénaire.
- Hey ! je n'allais pas te demander de me révéler l'emplacement de la tombe d'Alexandre le Grand, ou les clés pour enfin déchiffrer le Linéaire A, tu sais ! protesta Milo.
- Je leur ai déjà expliqué à maintes reprises que tu ne pouvais rien révéler de l'Histoire de l'Humanité, assura Kanon. Ils ont parfaitement compris que les informations auxquelles ils ne sont pas censés avoir accès ne leur seront jamais communiquées.
- C'est le Destin de certaines femmes et de certains hommes de les découvrir, en effet. Ou non. Même avec votre promesse de garder le secret, le simple fait de faire sortir ces renseignements des Enfers est autant un risque qu'un pêché. C'est l'une des plus grandes fautes que nous, Juges, devons bien nous garder de commettre.
- Et même aux Enfers, il ne me dit rien.
- C'est parce que tu as le respect de ne rien me demander, Kanon, nuança le Juge.
- Encore une fois, je ne t'ai absolument rien demandé, se défendit Milo que Rhadamanthe fusillait du regard. Je voulais juste discuter avec toi de quelques évènements, avoir ton avis. Faire la conversation, quoi, discuter. C'était l'occasion, on en a pas souvent. Enfin si, mais tu me fuis beaucoup, à chaque soirée !
- C'est ton anniversaire, n'as-tu pas mieux à faire ?
- J'ai pu largement parler avec tout le monde, le temps que vous arriviez… répondit le Huitième gardien, l'air de rien, le nez dans son verre.
Il fallait reconnaître qu'il était rusé comme un renard.
En rappelant ainsi leur retard, il jouait sur le côté très rigoureux et protocolaire de Rhadamanthe, l'amenant à ressentir un peu de culpabilité quant à son manquement. Même s'il appréciait moyennement Milo, il avait été invité et aurait dû se présenter à l'heure. Ce n'était pas grave, en soi, mais cela le titillait quand même un peu, alors qu'il était toujours si respectueux des règles.
Bien évidemment, Rhadamanthe comprit la stratégie de Milo.
Mais comme elle fonctionnait, et révélait un esprit retors qu'il savait reconnaitre et apprécier, il ne la contourna pas.
- Très bien, Scorpion, je t'écoute.
- J'ai beaucoup de points que j'aimerais évoquer avec toi pour avoir ton avis et ton regard éclairé, Kanon est toujours si vibrant d'admiration quand il me rapporte vos conversations historiques ou philosophiques… C'est quand même une chance de pouvoir échanger avec toi.
Milo n'était pas du tout moqueur, mais bien sincère.
Rhadamanthe jeta un œil à son Gémeau, qui sembla soudain très absorbé par les peintures au plafond du Salon où avait lieu la soirée.
- Kanon m'a souvent rapporté ton grand intérêt pour l'Histoire et les connaissances approfondies que tu as su acquérir en le nourrissant.
- Et tu y crois ?
- Je ne remets jamais la parole de Kanon en doute.
Milo leva ses deux mains en signe d'excuse.
- Désolé ! J'aurais dû m'en douter… ajouta-t-il en poussant légèrement Kanon de l'épaule, un brin moqueur.
- Mais tais-toi ! se défendit le Gémeau en le poussant à son tour.
Ils arrêtèrent cependant bien vite leur petit jeu, qu'ils auraient bien pu poursuivre longtemps, mais préféraient éviter devant Rhadamanthe et sa mine renfrognée.
- De quoi veux-tu donc discuter, Scorpion ? demanda d'ailleurs ce dernier, puisqu'il avait accepté de partager un moment d'échange avec le Huitième gardien.
C'était son anniversaire, il était venu, alors qu'il aurait pu refuser, il n'allait pas tout gâcher et risquer de contrarier Kanon.
- Il y a une chose que j'aimerais savoir, si tu as le droit de me le dire, et qui est plutôt d'ordre personnel… Enfin, vu les personnes impliquées, je suppose que cela rejoint l'Histoire, à un moment ou un autre… Tu as dit à Kanon que l'épouse de sa première incarnation était également la première incarnation de mon âme, c'est bien cela ?
- En effet.
- Ne grimace pas comme cela, Kanon, je ne suis pas en train de provoquer ton Juge. C'est une vraie curiosité de ma part, je veux seulement savoir ce que cette femme est devenue, si ta première incarnation est morte avant elle. Ou si c'est elle qui a péri avant.
- Milétos est décédé le premier, avant toi, et avant moi, également. Ce qu'il est advenu de Cyanée est connu et documenté, notamment par Ovide, dans ses célèbres Métamorphoses. Après la mort de son époux et la transformation de sa fille Byblis en fontaine, Cyanée a repoussé l'amour d'un jeune homme qui, de désespoir, s'est tué devant elle. Elle a accueilli ce suicide avec tant de froideur que les Dieux l'ont métamorphosé en rocher.
- Oh ! Cela ressemble fortement au mythe d'Anaxarète ! fit remarquer Milo. Ce ne serait pas les deux versions d'un même mythe transformé au fil des âges et des récits ?
Kanon vit autant qu'il sentit l'intérêt se réveiller chez son Juge, mêlé de surprise.
- Tu connais ce mythe ?
- Bien sûr ! J'ai lu Ovide, bien sûr, mais aussi nos propres historiens grecs anciens ! s'enthousiasma le Scorpion. Ce récit raconte l'histoire d'un jeune berger du nom d'Iphis qui était tombé éperdument amoureux d'Anaxarétè, une belle Chypriote issue de la lignée illustre de Teucer. Mais elle a fait preuve de tant d'indifférence à son égard que, désespéré, le jeune homme s'est pendu à la porte de sa bien-aimée. Pleine de froideur et de cynisme, Anaxarétè, non seulement n'éprouva aucune compassion, mais, par jeu, elle voulut assister au cortège funèbre depuis sa fenêtre. La Déesse Aphrodite ne put tolérer pareille insensibilité : elle changeât donc Anaxarétè en statue de pierre juste au moment où elle se penchait pour mieux voir la procession. On raconte que dans un temple à Salamine, celle de Chypre et pas l'île du même nom, bien sûr, se trouvait une statue nommée par les Romains « Vénus Prospiciens », ce qui signifie en latin « Vénus qui regarde en avant », statue censée représenter Anaxarétè dans sa dernière posture. C'est idiot, vu que Venus est Aphrodite et que c'est la Déesse qui a changé Anaxarétè en statue. J'imagine donc que si cette statue a vraiment existé, Aphrodite a dû finir par la faire détruire. Ou n'importe quel grec avec du bon sens, en fait ! C'est pourquoi elle n'est plus là, aujourd'hui… En même temps, la ville a été complètement rasée par les Arabes… Il reste si peu de choses !
Kanon guettait la réaction de son Juge face aux connaissances et à la passion de l'Histoire qui vibrait dans chacun des mots de Milo, car c'était la première fois qu'il s'autorisait à l'écouter.
Quand il parlait du passé, il était captivant.
Et en effet, même si ce n'était pas clairement visible, Kanon voyait bien que Rhadamanthe n'était pas tout à fait indifférent.
Et surtout, il était moins sur la défensive.
- Tu l'as visité ? demanda d'ailleurs ce dernier, d'un ton en apparence neutre.
Kanon dissimula son sourire dans son verre.
- La Salamine chypriote ? Oui ! Tu le sais sûrement déjà, j'ai très tôt eu la volonté et l'ambition de me rendre dans chaque terre foulée par nos ancêtres. Je privilégie les lieux peu connus, encore, et les sites très chargés, même s'il y a peu de vestiges qui nous sont parvenus.
- Il a même participé à des fouilles archéologiques et des chantiers de restauration bénévolement, précisa Kanon. C'est un milieu un peu fermé, mais il a réussi à convaincre, avec son éloquence, sa gueule d'ange autant que ses connaissances.
- Ce devait être fort intéressant, commenta le Juge, dont l'apparente neutralité commençait à se fissurer.
- J'ai adoré ! J'ai gardé de bons contacts avec les Professeurs, les Directeurs de chantiers et autres responsables, même avec des étudiants. Je recommencerai volontiers, dès que j'aurais un peu de temps !
- Tu veux déjà faire le guide pour les touristes hors saison, Milo, et les chantiers ont lieu à la même période. Sans compter tout ce qu'il reste à faire, au Domaine.
- Je sais bien, je m'organiserais, si c'est possible. Mais ce ne sera pas pour tout de suite. Comme tu le dis si bien, il y a encore beaucoup à faire, ici, cela reste ma priorité.
- Garde bien à l'esprit de ne pas trop te mêler aux autres, rappela Rhadamanthe. Et ne te rends surtout pas responsable d'une découverte, qu'elle soit mineure ou majeure.
- Traduction : ne te fais pas remarquer, Scorpion !
Kanon retint tant bien que mal un éclat de rire, qui se transforma en pouffement, qu'il dissimula fort maladroitement en toussotement dans son poing.
L'œillade meurtrière que Rhadamanthe leur dédia, à tous les deux, lui prouva qu'il n'avait réussi en rien : l'échec était total.
- Ce n'est pas un jeu, asséna le Juge.
- J'en suis parfaitement conscient, Rhadamanthe, rassure-toi, répondit sérieusement Milo. Je fais bien attention à chacune de mes rencontres, et même lorsque je discute avec les gens du coin ou les chercheurs, je surveille mes paroles.
- Tu peux lui faire confiance pour cela, appuya Kanon. Il est le mieux placé pour savoir qu'il ne faut en rien modifier l'Histoire, Elle doit suivre son cours.
- Si tu le dis, concéda Rhadamanthe. Et sinon, où en es-tu de ton périple sur les traces des anciens ?
Milo haussa un sourcil en se resservant à boire.
- Tu ne connais pas mon histoire ?
- Non. Tu l'as déjà supposé, tout à l'heure, mais c'est Eaque qui a jugé ton âme, non moi.
- C'est vrai qu'il est dit que c'est lui qui s'occupe de cette partie du monde. Toi, c'est plutôt l'ancienne Asie Mineure et l'Extrême Orient. Et une partie du « Nouveau Monde » depuis sa découverte, m'a expliqué Kanon.
- C'est exact. Mais votre cas étant particulier, nous nous sommes répartis vos Jugements. Ceux de Shaka de la Vierge, de Dokho de la Balance, d'Aldébaran du Taureau et de Kanon m'ont été confiés. Eaque a eu la charge du Bélier, du Lion, et…
- Du Scorpion, donc moi, sans les prénoms. Ceux que tu avais combattus et que tu détestais, en fait.
- Le choix ne m'a pas été donné, mais le Seigneur Hadès sait se montrer attentif et Il m'a épargné cette corvée. Mais s'il avait fallu le faire, je l'aurais fait, en toute impartialité.
- Et cela t'aurait peut-être permis de corriger ta première impression, intervint Kanon. Mu, Aiolia et Milo ont été parmi les plus exemplaires de la Chevalerie d'Athéna.
- Kanon, non, répliqua Milo avec un air grave que Rhadamanthe ne lui avait encore jamais vu. Aiolia et Mu, évidemment, mais pour ma part, j'étais l'un des assassins du faux Pope, j'ai du sang sur les mains.
- Tu étais dans l'ignorance, tu n'as fait qu'obéir aux ordres.
- Mon âme n'en est pas moins entachée.
- Tu as surtout été jugé pour tes crimes à l'encontre des Dieux, comme vous tous, rappela Rhadamanthe. Qui vous a jugé n'a eu que peu d'importance, car la sanction finale a été décidée par les Dieux et c'est ce motif entre tous qui vous a condamné.
- Mais en ce qui nous concerne, aujourd'hui, cela explique que tu ne connaisses rien de la vie de Milo, Rhad', intervint Kanon pour les ramener au présent.
Evoquer cette période de leur passé ne pouvait déboucher sur rien de bon, il valait mieux ne pas s'y attarder.
- En effet, j'ignore tout, à l'exception des épisodes qui concernent Kanon et ce qu'il a pu me raconter de ta personne.
- D'accord. Alors, pour répondre à ta question, je pense en être autour de 65 % de mon exploration. J'ai un carnet avec mes projets, mes désidératas, et un autre avec le récit et les souvenirs de ce qui a pu être accompli. Je pourrais te montrer, si tu veux, à l'occasion…
- Éventuellement… répondit Rhadamanthe pour ne pas accepter trop directement,
Mais tout en se laissant une ouverture. Et quelle est ta prochaine destination ?
- Justement, j'hésite entre deux îles des Cyclades, tu penses pouvoir me conseiller et orienter mon choix ? Je ne pourrais pas avoir meilleur guide que celui qui les dirigea, jadis, et posa les bases de ce qu'elles sont encore, aujourd'hui, pour nombre d'entre elles.
Si Rhadamanthe avait décelé la moindre flatterie biaisée, la moindre tentative de manipulation, une infime trace de moquerie ou d'ironie, il aurait fait demi-tour sans demander son reste.
Mais Milo était encore une fois sincère et passionné, ni plus, ni moins.
Une attitude qui plaisait vraiment à son ancien ennemi, bien loin du Chevalier hautain et méprisant qu'il avait affronté au château d'Hadès.
- Je peux toujours essayer. Quelles sont-elles ?
- L'île-capitale de Syros, ou bien la sauvage et authentique Sikinos. Je vais les faire toutes les deux, mais je n'arrive pas à décider quelle sera la première. Camus n'a pas de préférence spécifique donc il ne m'est pas d'une grande aide pour trancher.
- Sur quoi porte tes hésitations, quels sont très s critères ?
Kanon se resservit à boire, tout en observant son compagnon et son meilleur ami.
Et durant de longues minutes, il les écouta échanger sur les différentes caractéristiques de ces deux îles qu'il connaissait, puisqu'il s'était plusieurs fois rendu dans les Cyclades avec Rhadamanthe, eux aussi sur les traces de son passé de héros civilisateur…
- J'ai quelque chose à voir avec Saga, je reviens tout de suite, finit-il par leur dire, les interrompant un court instant.
Ils hochèrent la tête... puis reprient leur discussion.
Kanon resta un instant figé par leur réaction, balançant entre la fascination et l'ahurissement.
Jamais au grand jamais il n'aurait pu imaginer un jour assister à un tel spectacle, celui de Rhadamanthe et Milo discutant avec… entrain ?
Il secouait encore la tête quand il rejoignit Saga.
- Tout va bien, Kanon ? s'inquiété légèrement l'aîné, sentant bien qu'il n'y avait pas matière à s'affoler.
- Je crois, répondit le cadet, avant de désigner son meilleur ami et son compagnon en pleine discussion. Tu peux me confirmer que j'hallucine pas, tu vois la même chose que moi ?
- Tu parles de Milo et Rhadamanthe en grande conversation ? C'est vrai que c'est assez surprenant.
- Rhad' m'a à peine regardé, quand je suis parti.
- N'exagère pas, Kanon, se moqua Saga. Il ne te quitte que rarement des yeux. Déplace-toi vers la gauche, viens par-là… tu vois, il a bougé aussi pour te garder dans son champ de vision.
- Oui, je te l'accorde, mais il y quelques semaines, à l'anniversaire de Dokho, il ne pouvait même pas rester en sa présence plus de quelques minutes et il ne décrochait que deux ou trois mots aussi secs que l'été grec dans les hauteurs !
- Tu penses qu'il se force parce que c'est son anniversaire ?
- Pas du tout ! assura Kanon. Milo a capté son attention et éveillé son intérêt en parlant d'Histoire, de mythes, et là, des Cyclades…
- Il fallait simplement trouver le bon appât.
- Mais il le sait, pourtant, que Milo est féru d'Histoire et d'archéologie, qu'il connaît la Grèce passée et présente sur le bout des doigts ! fit remarquer Kanon. Je le lui dis assez souvent. Jamais encore il ne lui avait donné la moindre occasion de le lui montrer.
- Quelque chose semble avoir changé.
Kanon n'eut pas longtemps à réfléchir.
- On est arrivé en retard, comme tu le sais, alors Milo a profité de l'inconfort que ressent Rhad' à la moindre entorse ou manquement aux règles, notamment se bienséance. Je lui en parle suffisamment pour qu'il ait su saisir l'opportunité offerte. Comme il s'est senti un peu coupable et honteux, il a accepté de parler un peu avec lui. Mais au final, la contrainte s'est révélée plus plaisante que prévu et il s'est pris au jeu.
- C'est une bonne chose pour votre relation future.
- Oui, évidemment. Je le savais, en plus, qu'ils s'entendraient bien. Rhadamanthe a enfin un interlocuteur à sa hauteur.
Saga haussa un sourcil en regardant son frère.
- Qu'est-ce que tu dis là, Kanon, tu as une grande culture, également.
- Oui, mais pas de leur niveau.
- Je suis certain que Rhadamanthe préférera toujours une discussion soi-disant moins poussée avec toi qu'un échange de spécialistes avec Milo.
- C'est certain, reconnut le cadet. Mais je suis content, voiresoulagé, de savoir que Rhad' peut prendre du plaisir à discuter avec Milo. Je serai moi-même plus détendu en les réunissant dans une pièce, dorénavant. Enfin, si cela ne dégénère pas d'ici la fin de soirée...
- Je comprends. Les repas avec eux risquent d'être fort intéressants.
- Oh là ! s'exclama Kanon, nous n'en sommes pas encore là ! Rhad' ne fera pas de virage complet, il a aussi sa fierté. Regarde bien, il commence à me lancer discrètement des regards plus appuyés...
Saga ne put retenir un petit rire en constatant que son frère avait raison.
- Alors, qu'attends-tu tu pour aller le sauver ?
- Il n'en a pas vraiment envie. C'est juste qu'il ne veut pas trop montrer qu'il apprécie ce moment. Et puis, je vais devoir m'éclipser pour finaliser la surprise de Milo. Je dois retrouver Aiolia.
- Tu n'as pas changé d'avis pour Rhadamanthe, tu ne veux toujours pas qu'on l'intègre à la célébration, après la surprise de Camus ?
Kanon secoua la tête de gauche à droite.
- Je sais qu'Athéna va y faire allusion et de ce fait, tout le monde va le lui souhaiter, encore une fois pour ceux qui l'ont déjà vu et fait, ce soir. Mais faire davantage le mettrait vraiment mal à l'aise. La date est passée, et il est assez à cheval sur ce genre de détail.
- Je me souviens qu'il ne voulait pas fêter ton anniversaire le lendemain, et il a demandé à Aioros d'organiser la fête ici à la place, pour avoir la soirée du bon jour pour vous.
- Oui, confirma Kanon, après avoir bu une gorgée de vin. Il tolère le jour suivant, tant que cela reste le même mois. Il a ce genre de petites manies que je ne m'explique pas toujours, qui parfois m'amusent, d'autres m'attendrissent ou encore, m'horripilent… mais je les respecte toutes.
- Tu as bien raison, sourit l'aîné. Il n'y aura donc pas de partage de célébration, pour ce soir.
- Surtout pas, mais merci d'y a avoir pensé et d'avoir même insisté.
- Il fait partie de la famille, Kanon.
Le cadet hocha la tête, touché.
- J'aurais aimé qu'on le fête quand même tous ensemble, peut-être pas tout le Sanctuaire, mais au moins nous quatre, et même avec Marine et Aiolia. Notre petite famille dans la grande.
- Ce sera pour une autre fois, il lui faut encore un peu de temps, peut-être. Nous avons encore plusieurs années devant nous, qui nous offriront autant d'occasions. L'important, pour celle-ci, c'est que vous ayez eu votre moment à deux.
- Tu as entièrement raison ! J'ai déjà dû batailler pour avoir cette soirée privée...
- A ce point ? s'étonna Saga.
Il imaginait plutôt Rhadamanthe saisir toutes les occasions d'une petite soirée particulière avec Kanon.
- J'exagère un peu, mais il ne voyait vraiment pas l'intérêt de le faire et je le comprends, en un sens, vu les millénaires qu'il accumule à son compteur de vie. Mais j'y tenais.
- Et il a cédé. Comme toujours.
- Non sans mal… nuança Kanon, le nez dans son verre.
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Flash back
Caina, Royaume souterrain
Jeudi 26 octobre 1989
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- C'est ton anniversaire, lundi.
- Plaît-il ?
Kanon s'installa sur le canapé, aux côtés de Rhadamanthe.
- L'an dernier, tu m'as dit que cela n'avait pas d'importance, et nous n'avons rien fait de particulier.
- Tu m'as tout de même offert un cadeau, rappela le Juge en dégageant son poignet orné d'une belle gourmette en or blanc.
- Oui, mais nous n'avons rien fait de spécial.
- Le vin que tu as ramené était pourtant délicieux, je m'en souviens encore.
- Rhad'…
Le Juge reposa le livre qu'il était en train de lire et regarda son Gémeau, lui accordant enfin toute son attention.
- Ce serait quand même bien qu'on fête vraiment ton anniversaire, lundi, avec un gâteau, des bougies à souffler, un vœu, et qu'on se dise que tu as un an de plus… Je me sentirai moins vieux.
- C'est réellement à moi que tu viens parler de vieillesse ?
- Non, mais tu vois ce que je veux dire !
- Athéna t'a accordé le misopéthamenos, tu « vieillis » à peine, Kanon.
- Mais on continuera de fêter mon anniversaire chaque année.
- Ce n'est pas une obligation.
- C'est aussi celui de Saga, rappela le Gémeau.
- Et il est très important que vous gardiez ce moment de partage, concéda le Spectre.
- Pour nous aussi. C'est quand même une tradition qui nous vient de nos ancêtres, non ? Tu le fêtais, je le fêtais aussi sûrement, et toi surtout en tant que roi, lors de notre première vie, je me trompe ?
- A notre époque, et tout au long de l'Antiquité, les anniversaires étaient souvent célébrés en l'honneur des Dieux et des Déesses, plutôt que des mortels.
- Mais cela arrivait aussi, il y avait le même rituel avec un gâteau et des bougies. C'est même ici que la tradition est née, amour, je l'ai lu.
- La croyance que la fumée des bougies transportait les vœux et les prières vers les Dieux était très forte. Les bougies étaient également allumées sur le gâteau d'anniversaire pour symboliser la lumière de la vie.
Kanon sourit d'une oreille à l'autre.
- Donc, tu vois, cela a son importance !
Rhadamanthe observa longuement Kanon, qui le regardait avec ses grands yeux bleus aussi clairs que le ciel se reflétant dans la mer Egée de son enfance.
Cela lui provoquait toujours un sentiment de paix et de nostalgie, une douce mélancolie qui pouvait même parfois le prendre à la gorge, s'il se laissait trop fortement happer.
Il songea soudain à ce poète français, Louis Aragon, fou amoureux de sa muse Elsa et qui avait écrit de si jolis vers passionnés.
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Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire
[…]
Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux
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- Soit ! finit-il par répondre après après replacé une longue mèche de cheveux derrière l'oreille de Kanon. Si c'est vraiment important pour toi, très bien, nous ferons une soirée d'anniversaire et je soufflerais des bougies, si tu le souhaites. Tu peux même m'attribuer l'âge que tu veux, le même que le tien, des années de plus, cela m'est égal, fais à ta convenance.
- Non, il faut un minimum de cohérence, Rhad'. Comment peux-tu dire cela, toi qui es toujours si rigoureux ?
- Alors tu veux mon âge exact ? Tu sais qu'il est impossible à définir ?
Le cadet des Gémeaux plissa le front sous la concentration.
- Tu as ce corps depuis combien de temps ? Cela, tu peux le calculer, non ?
Rhadamanthe leva les yeux au plafond, alors que Kanon attrapait déjà une feuille et un stylo sur le guéridon à côté du canapé.
- En vérité, si tu veux être le plus cohérent et précis possible, il te faudrait compter à partir du jour de notre rencontre. Car c'est ce jour-là que je suis réellement revenu à la vie.
Kanon releva le nez de la feuille qu'il griffonnait, un air très – trop – sérieux sur le visage.
- Mais tu es mort le même jour…
- Tu ne pourrais pas être un peu romantique, parfois ? soupira Rhadamanthe, presque vexé par sa réponse.
La bouche du Gémeau forma un O silencieux parfait.
- Et c'est toi qui me dis cela !
- Et tu penses que ce genre de réaction présente m'encouragerait à l'être davantage ? répliqua le Juge. C'était limite vexant.
- Oh ! Pardon, amour, vraiment, je crois que j'ai pris les choses un peu trop au sérieux… s'excusa Kanon en lui prenant la main pour la porter à ses lèvres et y apposer un rapide baiser. Ce que tu m'as dit est évidemment très beau et très touchant.
- C'est surtout l'expression d'une réalité perçue et ressentie comme telle.
- Et tu sais qu'elle est partagée. Moi aussi, je me suis réellement senti renaître uniquement quand on s'est embrassé, la première fois et que mon âme a commencé à s'éveiller à sa vie antérieure. Je suis donc à même de comprendre ce dont tu me parles.
- Il ne m'a fallu qu'un seul regard, Kanon, fit valoir le Juge.
Ce qui lui valut un coup de poing sur l'épaule de son Gémeau.
- Oh ! Ça va, hein ! Cela ne t'a pas empêché de me combattre avec acharnement et à mort !
- Mon devoir me l'imposait. Tu le sais, désormais, que s'il n'avait tenu qu'à moi, je t'aurais emmené à Caina séance tenante.
Kanon laissa échapper un petit rire.
- J'aurais aimé voir cela : le Second Juge suprême des Enfers et Premier Général de l'Armée d'Hadès, le plus puissant Spectre, déserter le champ de bataille pour aller faire subir les pires outrages à son ennemi.
- Je n'avais jamais été aussi tenté de le faire, avoua très sérieusement Rhadamanthe. Mais à ce moment-là, je n'étais pas absolument certain que l'incroyable attirance entre nous, qui faisait vibrer les Enfers chaque fois qu'on se retrouvait face à face, était bien due au fait que oui, c'était bien toi, cette âme que j'avais tant cherchée et attendue. C'était difficile à admettre, même pour moi. Une part de moi savait, une autre trouvait la situation aussi ironique que cruelle, et ne voulait s'accrocher qu'a la possibilité que je sois simplement tombé sous le charme d'un mortel lambda.
- Mais je ne l'étais pas. Je ne pouvais pas l'être, en étant l'autre moitié de ton âme, ajouta-t-il en entrelaçant amoureusement leurs deux mains pour presser leurs paumes l'une contre l'autre.
- Tu essaies de te rattraper, Kanon ?
- Absolument pas ! se défendit le Gémeau. J'annonce simplement une vérité. Tu me dis toujours que nous venons de la même étoile.
- C'est un fait.
- Mais ce n'est pas bizarre, en soi ? Parce que c'est aussi le cas pour Saga et moi…
- Tu as vraiment décidé de tuer et d'enterrer définitivement le romantisme, ce soir… grimaça le Spectre.
- Désolé d'être une nouvelle fois si terre-à-terre dans un moment pareil… mais cela fait un certain temps que je m'interroge à ce sujet.
- D'accord, céda Rhadamanthe avant de poser leurs mains toujours nouées au niveau de son cœur. A l'origine, nos âmes constituaient un seul même fragment d'étoile, qui s'est séparé en deux âmes pour s'incarner en deux corps distincts. Elles se sont ensuite retrouvées et nous avons eu la vie que je te raconte parfois et dont tu te souviens, peu à peu. Lorsque la tienne a été emprisonnée par Minos aux Enfers au décès de ton incarnation, nous avons été séparés longuement. Par la suite, ton âme libérée des Enfers a été scindée en deux et appelée par Athéna, puis renvoyée sur Terre, dans le Temple des Gémeaux, pour les incarner.
- Avec un petit cadeau de la Déesse Kerr en plus…
- En effet, le Lémure.
- Alors, je ne suis pas totalement cette même âme que tu as connue et aimée, puisqu'elle a été divisée en deux, à ma libération des Enfers. Il en manque une partie, cela ne te pose pas de problème ?
- Bien sûr que non, répondit immédiatement le Juge. Parce que tu es le meilleur de cette âme, Kanon et elle n'est en rien tronquée.
- Tu vas sûrement me reprocher encore de remettre une pelletée de terre sur la tombe du romantisme, mais… Mon frère, l'autre part de cette âme, est un homme exceptionnel.
- Cela ne fait aucun doute. Mais tu l'es encore davantage, à mes yeux. Quand je dis que ru es la meilleure part de cette âme, Kanon, cela constitue une vérité et une réalité, pour moi. C'est bien pour cela que malgré tes défauts et tes petites manies qui m'horripilent, parfois, je te trouve parfait. Et que je t'aime si fort, plus que je ne t'ai jamais aimé.
Kanon se mordit la lèvre, puis se pencha pour embrasser tendrement son Juge décidément bien romantique, ce soir-là.
Contrairement à lui.
Mais il avait besoin de réponses concrètes.
- Est-ce que tu aurais pu aimer Saga ? Pourquoi as-tu choisi ma partie de l'âme de Milétos et pas celle qui s'est incarnée en lui ?
- Tu ne m'écoutes pas, Kanon. Tout ce qui me liait à Miletus, à toi, c'est en ton âme que cela réside, désormais, et tu es une âme complète, à la fois un Milétos et beaucoup plus Kanon. Quant à moi, je n'ai fait aucun choix, nos âmes se sont simplement appelées, retrouvées, reconnues, appelées à nouveau et finalement, réunies.
- Je vois.
- Maintenant, moitié parfaite de mon âme, veux-tu bien reposer cette pelle et cesser de fracasser le romantisme avec, je te prie ? demanda Rhadamanthe en déposant un chaste baiser sur l'intérieur du poignet de Kanon. Il en a eu assez pour ce soir, je pense.
- Oui, mon amour, désolé, s'excusa le Gémeau en déposant un baiser dans son cou, puis un autre... Je t'aime, tu es tout pour moi, ma vie, mon âme, mon Eternité…. assura-t-il, exagérant volontairement.
- Doucement, Kanon, ne le ressuscite pas si brusquement, si tu veux qu'il ait une quelconque cohérence et crédibilité.
- Il est vrai que tu t'y connais, en matière de résurrection, répliqua le Gémeau en se redressant pour passer les doigts de sa main libre entre ses mèches rebelles avec douceur.
- J'ai une ou deux notions, en effet.
Kanon rit à cette réponse, et se blottit contre son Juge infernal, qui referma ses bras autour de lui avec tendresse.
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Fin du flash back
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- Vous avez passé une très belle soirée, au final. Nous l'avons très rapidement évoqué à ton retour, je suis désolé, j'ai été très pris, la semaine dernière.
- Avec l'anniversaire d'Aioros qui approche et tout ce que tu as prévu, cela se comprend.
- Oui, le temps file. Mais je vois que Rhadamanthe porte fièrement ton cadeau. Elle lui va vraiment bien. Avec sa chemise rouge, il fait son petit effet…
Kanon sourit, les yeux posés avec fierté et amour sur son compagnon.
Le rubis qui ornait sa bague, bien que petit, semblait effectivement capter toute la lumière de la salle, même à distance.
- Il sait se mettre en valeur, c'est un fait.
- Et concernant ce rubis, tu as trouvé celui que tu voulais ? Tu étais tellement catégorique sur le choix de la pierre, et sur sa provenance…
Le cadet reporta son attention sur son frère enlevant entre eux sa main ornée.
- La bague qu'il m'a offerte a une signification et une symbolique très profondes, je voulais la même chose pour lui. D'après les nombreux joailliers, bijoutiers, orfèvres et autres spécialistes rencontrés, offrir un rubis constitue le témoignage d'un amour enflammé et passionnel. C'était un premier point qui correspondait autant à notre relation qu'à son caractère. C'est une pierre dite d'amour qui symbolise la passion et l'éternité, selon certains. Comme lui, comme nous.
- En effet, cela vous convient tout à fait, reconnut Saga.
- Le rubis est également synonyme de pouvoir et convient bien aux fortes personnalités, poursuivit Kanon. Il a été pendant longtemps l'apanage des rois et des sultans qui l'appréciaient pour sa couleur intense. On le relie aussi à Mars, la planète rouge, elle-même associée au signe du Scorpion. (3)
- Tout fait sens, je comprends ton choix. Mais tu as été très loin pour le chercher, pourquoi précisément le rubis de Birmanie ? Enfin, je veux dire, Myanmar, on ne doit plus dire Birmanie... C'est parce que Rhadamanthe t'a offert une émeraude la plus pure au monde, celle de Colombie, que tu voulais au moins le même niveau de… perfection, pour lui ? (4)
- J'y ai pensé, oui, et je me suis rendu compte que la nature fait bien les choses. Le rubis birman remplit tous les critères, Saga, au-delà de son incomparable pureté ! C'est celui que l'on nomme sang-de-pigeon. Il est caractéristique des gisements de ce pays, on ne le trouve qu'à cet endroit dans le monde, parce que le rouge intense du rubis possède une touche subtile de bleu due à la présence de chrome dans le magma originel qui compose la pierre. Elle y est extraite avec un très haut niveau de pureté, c'est le plus rouge, le plus dense et le plus profond des rubis rouges au monde ! C'est très troublant à regarder. Je lui demanderai de te montrer, tout à l'heure, je l'ai récupérer le jour-même, alors je n'ai pas eu le temps de te l'amener, avant de lui offrir.
- Je regarderai cela, oui, cela m'intrigue. Un autre point m'interroge, mon frère.
- Je t'écoute…
- Je ne connais ni la fortune, ni les ressources de Rhadamanthe, qui lui ont permis de t'offrir un tel bijou, mais quant à toi, dis-moi la vérité, Kanon, tu as un trésor caché dans les ruines du Royaume sous-marin, ou ailleurs dans le monde ? Je n'ose imaginer sa valeur…
Kanon rit à cette réflexion de son aîné.
- Je ne l'ai pas acheté tel quel, Saga. Je suis allé chercher moi-même la pierre, un tout petit fragment, et j'ai ensuite demandé à un artisan orfèvre de ma connaissance de fabriquer la bague pour moi, en le payant, évidemment, et d'après un dessin qu'Angelo à bien voulu faire en suivant mes...
- Je te demande pardon ? le coupa Saga, manquant de s'étouffer avec sa gorgée de vin tout juste avalée. Tu as volé un rubis dans une carrière d'extraction birmane ?
L'aîné des Gémeaux et Grand pope avait ouvert ses yeux plus grands que Kanon ne l'avait jamais vu faire.
Il se demanda même furtivement s'il en était capable, de son côté.
- Non, pas du tout, pour qui tu me prends, voyons ! se vexa-t-il presque.
- Pour quelqu'un de bien, justement, d'où mon étonnement sur ce que tu me racontes avec tant de naturel et de désinvolture ! J'ai dû mal comprendre...
- Je me suis peut-être mal exprimé. En fait, je me suis rendu sur un versant non exploité encore par les habitants, et j'ai… creusé pour récupérer un fragment.
- Creusé ? Avec ta petite pioche ?
- D'accord, j'ai tapé dedans à coups de cosmos, mais en faisant très attention, promis. Et si cela peut te rassurer, également, bien que je considère que la terre n'appartient à personne et à tout le monde en même temps, j'ai fait des dons conséquents aux villages qui entourent les carrières d'extraction. Sûrement bien plus que ce qu'on leur paie pour leur travail…
- En effet, cela me rassure quelque peu. Et l'orfèvre, il n'a pas posé de question sur la provenance de cette pierre d'exception, qu'il n'a bien évidemment pas manqué de reconnaître ?
- Non, c'est un artisan de Jamir que Mu et Shaka m'avaient déjà recommandé, il connaît le Sanctuaire et même Shion. Au départ, j'avais demandé à Mu, c'est lui qui a forgé et gravé la gourmette que j'ai offert à Rhad', l'an dernier. Mais il m'a dit qu'il valait mieux confier cet ouvrage à un expert, car elle nécessite un art bien spécifique, voire, un don. Une personne capable de parler aux pierres, apparemment. Celle-ci était beaucoup trop précieuse pour risquer de la gâcher., surtout que le fragment n'était pas bien grand.
- Tu peux le dire, oui ! Rhadamanthe est au courant de tout ce qu'elle représente ?
- Je lui ai parlé de la symbolique. Il a immédiatement identifié sa provenance et s'est même un peu fâché, car cela représente beaucoup d'argent, quand on y réfléchit, même s'il est petit. Mais je lui ai expliqué que ce n'était pas pour cette raison que je l'avais choisi, mais bien pour cette touche de bleu qui ressort et donne cette teinte si particulière. Le bleu étant un peu ma couleur, le rouge, la sienne, j'ai trouvé cela très représentatif de notre couple. Et il y a aussi quelque chose d'originel, de primaire, dans ce mélange qui vient du magma, de la terre elle-même… Tu vois ce que je veux dire ?
- Parfaitement, mais l'important, c'est que lui ait compris. Je suppose que c'est le cas, sinon, il ne la porterait pas.
- Exactement. Il a finalement vu les choses de mon point de vue, et l'a partagé. Il nous a reconnu dans ma description.
- Je suis très heureux pour toi, mon frère, assura Saga en lui pressant tendrement l'épaule un court instant. Je t'envie ta capacité à offrir des cadeaux si justes.
- Je n'ai absolument aucun doute sur le fait qu'Aioros sera touché en plein cœur par ce que tu lui prépares. Cela va être grandiose, en termes d'émotion.
- Je suis assez confiant, en vérité, j'espère seulement que tout sera prêt pour le jour J.
- Tu n'as pas à t'inquiéter pour cela. Tu as littéralement une armée prête à exécuter la moindre de tes demandes pour t'aider. Tout sera prêt et parfait, Saga.
- Et je vous en suis à tous très reconnaissant. A toi, particulièrement, pour ton soutien sans faille et en toutes circonstances. Merci, Kanon.
- C'est normal, entre frères, grommela le cadet, un peu gêné.
Saga hocha la tête avec un petit sourire.
- Aioros nous rejoint, justement, annonça-t-il ensuite.
Kanon se retourna alors que son beau-frère arrivait effectivement à leur hauteur.
Il glissa un bras autour de la taille de l'aîné des Gémeaux et sourit au cadet.
- Aiolia te cherche, Kanon, lui dit-il. Il est dans l'annexe avec Camus et Shura.
- Oui, je suppose qu'il veut qu'on règle les derniers détails… Je peux vous demander un service ?
- On s'occupe de Rhadamanthe, devina Saga, et de Milo, également.
- Merci à vous deux. A tout à l'heure !
- Une fois Kanon parti, Aioros se tourna vers Saga, qui lui tendit son verre de vin.
- Tu penses vraiment que Milo ne se doute de rien ? demanda le Sagittaire, après avoir bu une gorgée bienvenue et l'en avoir remercié.
- Il sait qu'il se prépare quelque chose, mais je ne crois pas que l'idée d'une danse avec Camus ait pu lui effleurer le côté rationnel de son cerveau. C'est sûrement resté coincé du côté rêves et fantasmes. De ce que Shura m'a dit, Angelo a été très convaincant.
- Pour cela, oui, on peut lui faire confiance. Mais il ne faut pas sous-estimer l'intelligence et l'esprit de déduction de Milo pour autant.
- Non, bien sûr. Mais comme je te l'ai dit, c'est bien trop inconcevable pour lui pour qu'il puisse faire le lien.
- Je vois ce que tu veux dire.
Arguant que c'était bien beau d'apprendre à Camus à danser, mais que si Milo ne pouvait pas suivre, la surprise pouvait se transformer en moment malaisant total, Shura avait élaboré une stratégie pour amener leur camarade Scorpion à s'entraîner, lui aussi. Il avait demandé à Angelo de prétexter vouloir le surprendre pour son anniversaire en janvier, en dansant avec lui un tango argentin. Mais il avait encore besoin de s'entraîner, et Milo avait été celui qui avait montré le plus de facilités et de prédispositions, quand Shura avait fait ses démonstrations de danse latines au groupe. Angelo avait donc besoin de Milo pour répéter et parfaire son déhanché, ses barrida, boleo, corte et autres sacada…
Le Scorpion avait été un peu sceptique, au départ, mais comme il aimait bien ces danses et que Camus n'avait râlé que pour la forme – très beau jeu d'acteur du Saint de glace, au demeurant – il avait fini par accepter.
Angelo avait tout d'abord refusé, ne voulant pas se déhancher collé-serré avec un autre que Shura, dans un premier temps, mais aussi, ne se sentant pas le niveau pour entraîner quelqu'un d'autre.
Quand il dansait le tango avec Shura, c'était lui qui le guidait, le Cancer se contentait de sentir la musique et le rythme pour marquer les pas. C'était une danse d'improvisation qui était très difficile à apprendre pour cette raison, il n'y avait pas de chorégraphie propre, de pas fixes, juste quelques mouvements caractéristiques et un tempo défini, et une marche à maitriser.
Mais de ce fait, également, elle était souvent considérée comme une danse idéale pour les amoureux, car elle témoignait de leur grande complicité, qui leur permettait de s'adapter, de s'harmoniser à l'autre. De cette façon, le couple offrait à son public la beauté et l'élégance propres au tango argentin.
Shura avait appris plusieurs danses à Camus, pour un spectacle plus intime et privé. Si Milo ne suivait pas à ce moment-là, ce ne serait pas grave, au contraire. Cela pouvait créer des moments de rire et de complicité, au-delà de la gêne ou de l'embarras que les vieux couples ne connaissaient plus vraiment.
Mais pour cette danse publique, c'était autre chose.
Angelo avait fini par accepter la mission d'entraîner Milo non sur une chorégraphie propre, même si Shura lui avait montré ce qu'il apprenait à Camus, mais plutôt sur la première notion essentielle à maîtriser pour une danse réussie, le caminar. Autrement dit, l'art de savoir se déplacer sur la piste au rythme de la musique : la marche. En acquérant cette base, le danseur pouvait maitriser le rythme, la posture et la gestion de l'espace. Milo avait donc passé de longues heures à apprendre à suivre son partenaire et à ressentir pleinement le rythme et la musique.
Angelo avait réussi à faire avaler à Milo son histoire de danse cadeau pour Shura, notamment en le flattant sur ses performances de danseur et en insistant sur le fait qu'il était le seul à avoir le niveau suffisant pour lui être vraiment utile et ne pas « tout faire foirer ».
Heureusement que la stratégie de Shura avait fonctionné.
Restait à savoir si, vraiment, Milo n'avait absolument rien deviné.
D'après Kanon et Aiolia, qui le connaissaient par cœur ou presque, le Scorpion n'avait aucune idée de ce qui l'attendait.
Le fait d'avoir une surprise était établi, ils y avaient chacun droit à leur anniversaire, chaque année.
L'enjeu était justement de garder le héros du jour dans l'ignorance totale, jusqu'à la dernière seconde, et de constater, à la fin, leur taux de réussite.
Allait-il être élevé, cette fois-ci ?
Aioros et Saga rejoignirent Rhadamanthe et Milo, justement.
Ils discutèrent un temps avec eux, mais Milo s'interrogea soudain.
- Où est Camus ? Kanon n'est plus là, lui aussi, Aiolia a disparu… C'est l'heure de ma surprise, c'est cela ? Je…
- Hey, le Roi Scorpion ! l'interpella soudain joyeusement Angelo en les rejoignant. Ah, j'avais pas vu le deuxième… grimaça-t-il ensuite en découvrant le Juge derrière Saga.
Rhadamanthe le toisa avec un tel mépris que le Cancer marqua un temps d'arrêt.
Mais il se reprit vite et se tourna vers Milo, à qu'il tendit une paire de chaussure.
Celle qu'il utilisait pour danser, à légers talons et semelles souples.
- Enfile-moi ça, Scorpion junior, t'as cinq secondes.
- Quoi ? Maintenant ? Mais pourquoi ? C'est pas le moment de…
- Discute pas, si tu veux pas tout faire foirer ! Tic-tac, il te reste deux secondes.
Milo prit les chaussures et s'exécuta, vraiment intrigué, surtout qu'Angelo s'était glissé derrière lui pour lui attacher les cheveux en chignon bas, tant bien que mal vu qu'il bougeait tout le temps.
Lorsque le Scorpion se redressa, Saga ajusta un peu sa coiffure en souriant, mais il n'eut pas le temps de lui poser la moindre question.
Les lumières s'éteignirent brusquement et le silence suivit.
Les torches encadrant la grande porte d'entrée, qui n'avaient pas été allumées ce soir-là, se rallumèrent en premier, puis d'autres le long des murs de la salle, alors que les lourds battants s'ouvraient.
Aiolia et Kanon apparurent alors, poussant une plateforme sur laquelle était posé un énorme paquet.
Sa décoration fit rire ou sourire plus d'une personne, car il y avait plein de petits scorpions qui portaient ou jouaient avec des boules de neige ou des flocons.
Il y avait même un grand scorpion sur la tête d'un bonhomme de neige qui s'amusait à pincer sa carotte…
Il n'était pas difficile d'imaginer Angelo derrière ces dessins, surtout les plus interprétables et tendancieux…
Le Lion et le cadet des Gémeaux tirèrent ensuite chacun sur un pan du nœud qui pendait de chaque côté, alors que la musique s'élevait.
Le paquet s'ouvrît alors et à la surprise presque générale, car au final peu étaient au courant de la mise en scène, Camus et Shura en sortirent, en positon.
Ils se dégagèrent et descendirent de la plateforme étonnement très adroitement, en rythme, sans faux pas, marquant les premiers pas d'un tango argentin qui s'annonçait aussi langoureux qu'endiablé, au vu de la chanson sur laquelle ils avaient choisi de danser : Pulsación n'2 d'Astor Piazzolla. (5)
La température était déjà montée brusquement d'un cran, lorsqu'ils avaient surgi dans leurs tenues à la fois élégantes et sexys au possible, leurs corps léchés par les reflets des flammes des torches autant que par les ombres.
Des chemises cintrées, noire pour Camus, tout comme son pantalon si ajusté qu'il en devenait moulant, de même pour Shura, mais dont le haut était d'un vert bouteille profond, avec un bouton d'ouvert de plus que le Verseau.
Les cheveux pourpres de ce dernier étaient retenus en chignon bas, exception faite de deux longues mèches épaisses qui encadraient de feu son visage de glace.
Milo avait la mâchoire complètement décrochée, alors que les deux hommes s'avançaient vers lui.
Gagné par la sidération, il était tellement figé que la surprise manqua de virer au fiasco.
Angelo prit alors les devants, car il était absolument hors de question que tous leurs efforts, surtout ceux de Shura, n'aient été vains.
Il attrape Milo et le mit d'office en position, et le Scorpion suivit par réflexe, ce qui, en plus de couper le visuel sur Camus, lui fit retrouver ses esprits.
Les différentes pièces du puzzle se mirent également en place dans sa tête, et il sourit à Angelo en le remerciant.
Cela ne dura que quelques secondes, le temps pour les deux couples de se rejoindre en dansant admirablement, enchaînant les figures pour que cela ne sembla pas trop expédié, mais assez vite tout de même pour pouvoir procéder à l'échange de partenaires.
Et chacun retrouva sa juste place.
Angelo aurait bien continué à danser avec Shura, mais ils ne devaient pas voler la vedette au couple du soir, ni bousiller la surprise de Camus.
L'attention ne devait être que sur eux.
Ce qui n'aurait pas été possible, avec Shura sur la piste.
En toute objectivité, Shura sur les danses latines monopolisait toute l'attention, captivait tous les regards, envoûtait tous les cœurs…
Faisait bouillir le sang, même si le désir ne suivait pas toujours, fort heureusement.
Mais il donnait vraiment chaud, inévitablement.
Ce, dès les premières secondes où il prenait la posture de la danse qu'il allait exécuter, avec son regard de braise et son léger sourire en coin.
Un véritable conquistador qui pouvait annexer même les cœurs et les esprits les plus réfractaires et les conduire sur la piste.
Angelo ne regretta pas longtemps d'avoir dû quitter la scène, car le tango de Milo et de Camus était tout simplement magnifique à regarder.
Ils étaient tout en harmonie et en équilibre, leur amour et leur complicité irradiaient d'eux et éblouissaient tout le monde.
Plus heureux que jamais, Milo se laissait guider en toute confiance, et répondait à chacun des pas, chacune des attentes de Camus, les anticipant même avec une surprenante fluidité. Les jambes s'enroulaient à tour de rôle, traçaient des arabesques au sol ou dans les airs, les corps étaient soulevés, portés, emportés, étreints et caressés avec sensualité et ferveur mêlées, sans aucun faux pas.
Le couple était dans sa bulle, dans son monde, yeux dans les yeux ou joue contre joue, parfois lèvres contre lèvres, ou presque, cœur battant contre cœur, unis comme jamais, le sourire ne les quittant pas, malgré la concentration.
Il était difficile de croire qu'ils n'avaient jamais dansé ni répété ensemble.
- T'as fait un sacré bon travail, Shurizo mio, le félicita Angelo à voix basse.
- Je suis définitivement pardonné, ça y est ? le taquina-t-il en réponse, sur le même ton bas.
- Je t'avais pardonné ce soir-là où tu m'as tout expliqué, avec tout ce qui s'est passé, avant et après, rappela Angelo. Et je le reconnais, ça valait le coup. Milo va toucher le plafond, le crever, même, il plane totalement.
- C'est grâce à toi. T'as fait du bon travail, toi aussi, la surprise était totale et Milo est dans les temps, dans la musique, dans le moment, en effet.
- J'aurais le droit à ma petite récompense, alors ?
- Il n'en a jamais été question, répondit Shura sans quitter les danseurs des yeux, tel un professeur attentif.
- Non, mais ça ne t'empêchera pas de récompenser mes efforts pour autant ! J'le mérite pas ?
- D'accord, 'Ge. Je suppose que tu as déjà une idée de ce que tu veux...
Angelo afficha un grand sourire, que Shura perçut du coin de l'œil.
- Bien sûr ! Je savais déjà que je réussirais, donc ça fait un moment que j'y réfléchis !
- Et donc… ?
- Un marathon…
- ´Gelo…
- … de films d'horreur ! poursuivit le Cancer sans faire cas de son interruption.
Shura grimaça.
Il aurait presque préféré l'autre marathon fétiche d'Angelo.
Les films d'horreur, ce n'était définitivement pas sa tasse de thé, comme disait Camus.
Au désespoir d'Angelo, qui les adorait, du navet presque amateur dont personne n'avait entendu parler, à la grosse distribution Internationale. Il allait piocher dans tous les payas, lorsqu'ils avaient des sous-titres anglais. Sauf les productions italiennes, et cela donnait une bonne raison à Shura de fuir dans leur chambre avec un bon livre.
Il acceptait d'en voir un de temps en temps pour lui faire plaisir, mais un marathon entier…
- J'ai, moi aussi, très bien travaillé, pourquoi je devrais être puni ? protesta le Capricorne. Je suis d'accord pour un film, c'est tout.
- Deux ! négocia Angelo. Et tu pourras aussi me demander une récompense, tout ce que tu veux, Shurizo mio.
- Un seul film, mais d'au moins deux heures.
- Ils font tous en moyenne 1h30, certains 1h45… Pas plus… Allez, deux…
- Le Kubrick qu'on a vu la dernière fois, il faisait bien 2h, 'Ge.
- Shining ? Oui, mais ça, c'est un chef-d'œuvre, c'est pas pareil ! Sinon, y a bien Poltergeist, mais je l'ai vu au moins six fois…
- Dont deux avec moi, merci bien.
- Bon... Ah ! Il y a Aliens, le retour, que je n'ai pas eu le temps de…
- Hors de question, trancha Shura. Le premier m'a suffi pour toutes mes vies passées, présente et à venir.
- Ok, ok, ricana le Cancer. Mais en général, c'est rare d'avoir des films aussi longs qui tiennent la route, tu sais !
- Même les plus courts ont du mal, selon moi… grimaça le Dixième gardien.
Angelo décida de changer de stratégie et d'abattre sa plus haute carte.
- Ti prego mio amore…
Bien évidemment, l'Italien charmeur lui avait soufflé ces mots au creux de l'oreille, en se penchant légèrement vers lui, la main au creux de ses reins plus appuyée.
- D'accord, arrête ça… ne put que céder Shura. Deux films, mais courts, et je choisis.
- Si, capo ! s'enthousiasma Angelo en réussissant à ne pas crier. Je t'aime ! ajouta-t-il en plantant un baiser appuyé sur la joue de son Capricorne.
- C'est ça… Viens, maintenant, allons féliciter nos élèves, la danse est terminée. Milo est bien capable d'embrasser Camus en oubliant complètement où ils sont, vu comme il le dévore du regard.
- Attends une minute, tu comptes rester dans cette tenue ? le retint le Cancer en attrapant son poignet.
Shura laissa échapper un petit rire en se dégageant doucement.
- Allons-y, Àngel.
- Hey, tu réponds pas à ma question ! Sale Don Juan de mes deux, tu te prends pour Juan Carlos Copes à ses débuts, à faire le beau comme ça ? protesta Angelo, faisant encore plus rire son Capricorne. Ferme au moins un bouton ! exigeât-il vainement en lui emboîtant le pas. (6)
Les yeux rivés sur son verso admirablement moulé par sa tenue, en effet oh ! combien avantageuse et tentatrice…
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A suivre...
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Notes :
1. Dans la mythologie grecque, Elpis (en grec ancien ἐλπίς / elpís) est la personnification de l'espoir. Elle est dépeinte comme une jeune femme portant généralement des fleurs ou une corne d'abondance dans ses mains. Elle serait la fille de Nyx, déesse de la nuit et la mère de Pheme, déesse de la réputation et de la rumeur. Dans Les Travaux et les jours d'Hésiode, Pandore laisse s'échapper tous les maux de la jarre d'où ils étaient enfermés; seule Elpis reste au fond, Pandore ayant replacé le couvercle par la volonté de Zeus. Ce passage a suscité l'interrogation dès l'Antiquité : on s'est demandé pourquoi l'espoir était considéré comme un mal et pourquoi il était censé rester dans la jarre, alors que les humains sont bel et bien capables d'espérer. On a suggéré qu'« elpis » ne devait pas être traduit par « espoir », mais par « attente », au sens d'attendre ce qui va advenir. Zeus aurait initialement prévu que les hommes non seulement souffriraient des différents maux, mais qu'ils s'attendraient à souffrir en permanence. Plus d'infos sur Wikipedia !
2. Le Bataillon sacré (en grec ancien ἱερὸς λόχος / hiéros lokhos) est un corps d'élite de l'armée thébaine dans la Grèce antique. Il est réputé comme étant formé de 150 couples d'amants. Il joue un rôle crucial dans la victoire contre les Spartiates à la bataille de Leuctres en 371 av. J.-C. Il est détruit à la bataille de Chéronée en 338 av. J.-C. par l'armée macédonienne de Philippe II. L'historicité du Bataillon sacré est largement acceptée par les historiens.
3. Le rubis est normalement la pierre du Lion mais je voulais une pierre précieuse pour Rhad' et non semi-précieuse, donc j'ai « triché » ! Mais tout ce qui est dit est véridique, donc quelque part, cela lui correspond très bien aussi ! On notera que si cela ne reflète pas trop Aiolia, par contraire, on peut aussi reconnaître Ikki, l'autre Lion du Sanctuaire !
4. Pour info, Myanmar, c'est la Birmanie. Le pays est devenu « la république socialiste de l'union de Birmanie » le 4 janvier 1974, avant de redevenir « l'union de Birmanie » le 23 septembre 1988. Le 18 juin 1989, le nom officiel en anglais a été changé en « Union of Myanmar » (« union du Myanmar ») par le pouvoir dictatorial des généraux, qui voulait gommer le passé colonial du pays (Birmanie anglaise entre 1824 et 1942, puis après l'occupation japonaise et thaïlandaise durant la Seconde guerre mondiale, de 1945 à 1948). Mais ce changement controversé n'est pas reconnu par l'opposition politique et plusieurs pays anglophones, ni par un voisin comme la Thaïlande. Donc on peut retrouver les deux appellations encore aujourd'hui.
5. Dans l'album Pulsación, sorti en 1974. Ástor Piazzolla, né le 12 mars 1921 à Mar del Plata et mort le 4 juillet 1992 à Buenos Aires, est un compositeur et bandonéoniste argentin. Il est considéré comme le musicien le plus important de la seconde moitié du XXᵉ siècle pour la musique de tango, d'abord pour un tango "classique", puis ensuite également après son passage au nuevo tango avec son titre Libertango, donnant effectivement une vision plus libre du tango, voire même expérimentale, notamment avec l'introduction de la musique électronique. Je vois très bien Milo et Camus danser sur Pulsacion 2 , à la fois rythmé et lent.
6. Juan Carlos Copes est un danseur et chorégraphe argentin, spécialiste du tango argentin, né le 31 mai 1931 à Buenos Aires et mort le 16 janvier 2021 à Florida près de Buenos Aires, du Covid 19. C'est comme ça que j'ai entendu parler de lui pour la première fois, et du film documentaire, Ultimo Tango / Our last tango (2016) qui retrace sa vie et sa formidable historie d'amour, aussi bien avec le tango qu'avec sa femme, puis ex-femme. Quel magnifique couple de danseurs !
A noter aussi que :
La pédérastie » (du grec ancien παῖς / paîs, « enfant », et ἐραστής / erastếs, « amant ») désigne, à l'origine, une institution morale et éducative de la Grèce antique bâtie autour de la relation particulière entre un homme adulte et un garçon plus jeune. Dans la Grèce classique, un éromène [du grec ancien ἐρώμενος (erốmenos), participe présent passif du verbe ἐράω (eráô), aimer] est un adolescent (parfois une adolescente), engagé dans un couple pédérastique avec un homme adulte, appelé « éraste ». [du grec ancien ἐραστής (erastếs)]. C'était donc normal et légal, pour l'époque. Comme on dit, autres temps, autres mœurs...
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Merci d'avoir lu ce chapitre, j'espère qu'il vous aura plu.
J'espère aussi pouvoir publier un chapitre avant la fin de l'année, je pense que oui, le prochain est quasiment bouclé, mais comme il s'agit de l'anniversaire d'Aioros, ça me demande pas mal d'ajustement et je suis très exigeante - exi-chiante plus exactement XD.
Je vous souhaite donc une belle fin d'année, de très belles fêtes, au moins de Noël car je ne pense pas publier avant ni pendant.
Prenez soin de vous et encore merci de continuer l'aventure pour ses derniers chapitres.
Lysanea
