Le soir où elle eût reçu cette lettre, ses parents avaient lâché leurs sacs de courses en voyant cette dernière grande ouverte sur la table de la cuisine. Un curieux mélange de peur et de réticence
se lisait sur leur visage.
Jade supposait que le professeur Rogue devait sans nulles doutes être bilingue : sa demande était formulée d'un français parfait.
- C'est gentil de lui attribuer du mérite , mais à mon avis il a juste jeté un sortilège d'auto-traduction. Cela permet au lecteur de savoir lire un contenu, peu importe la langue parlée, lui lança son père en examinant méticuleusement l'objet concerné.
Il avait dit cela sur le ton d'une gentille moquerie, mais qu'est-ce qu'elle en savait, Jade ne connaissait pas tous les sortilèges possibles et imaginables !
Elle le regarda d'un air sombre. Elle aimait son père mais ce dernier avait tendance à oublier qu'elle n'avait pas eu la chance d'étudier dans une école de sorcellerie.
- Et que comptes-tu faire? Demanda tout bas sa mère en allant se servir un verre de Vodka. Le seigneur des ténèbres est mort... En revanche, tu sais bien que nombreux de ses partisans sont encore en cavale. Je te laisse imaginer le danger auquel tu t'exposerai.
Jade s'assit en face d'elle, la regardant droit dans les yeux. Elle n'aimait pas voir sa mère boire, ce n'était jamais bon signe. Et par Merlin, qu'il était rare de la voir parler d'une façon si sérieuse.
- Maman arrêtes de l'appeler comme ça et oses enfin prononcer son nom. Il s'appelait Voldemort, dit-elle calmement. Et de toute façon, les mangemorts sont cachés dans les quatre coins du monde.
Que je sois là-bas ou ici, le danger sera le même.
- NE PRONONCE PAS LE NOM DU SEIGNEUR DES TÉNÈBRES, paniqua sa mère en mimant une tirette sur sa bouche. Que les choses soient claires, dans cet orphelinat, tu ne sais pas vraiment ce qui s'y passe... Ni par qui il est fréquenté. Comment feras-tu pour te défendre en cas d'agression ?
- Serais-tu en train de faire sous entendre que ma situation de cracmol me rend vulnérable? Répondit Jade en fronçant les sourcils.
Les deux femmes continuèrent à débattre sur le sujet jusqu'à l'heure du repas... Ce n'était pas gagné.
Pendant ce temps-là, son père qui se sentait nullement concerné par la discussion se contentait de faire tourner le barbecue en ajoutant de l'épice d'herbe bleue sur quelques cuisses de poulets.
Conçue il y a un siècles par Glover Hipworth, un maître des potions, cette épice était adorée par Jade depuis son enfance. C'était comme du poivre blanc avec un je-ne-sais-quoi tellement exquis. Elle se sentait heureuse lorsqu'elle en consommait. La magie opérait.
La recette était secrète, ses parents en avaient acheté vingt kilos avant de partir en France, et ils l'avaient payé une petite fortune.
- Ta grand-mère en mettait partout ! Dans tous ses plats ! Et même dans la limonade, raconta sa mère, nostalgique.
C'étais le récit auquel elle avait toujours le droit au moment du repas, ses parents avaient horreur de cette épice.
Après le diner, elle quitta ses parents pour rejoindre des amis en ville, en plein cœur de Nice. C'est seulement vers trois heures du matin qu'elle rentra dans son petit appartement. Cette nuit-là, après un bain dans lequel elle avait bien failli s'endormir jusqu'au lendemain, elle se releva difficilement et se regarda dans le miroir. Ses cheveux étaient encore trempés, ils mouillaient ses fines épaules.
Comme si elle voulait l'avis de son reflet par rapport à sa situation, comme s'il pouvait l'aider à prendre la bonne décision.
Encore saoul de sa soirée, tous devenait flou dans cette petite pièce aux carrelages blancs. En se baissant pour attraper une lingette dans un tiroir sous l'évier, elle perdit le contrôle et trébucha. Jade essaya avec désespoir de retenir sa chute en s'accrochant au miroir, mais ce dernier se décrocha du mur et tomba avec la jeune femme qui se coupa la main avec. Pourtant, elle n'avait que très peu bu.
C'est ce qu'elle se disait à chaques fois.
Après avoir repris le contrôle, elle s'assit sur le bord de la baignoire et commença à pleurer de douleur. À travers ses sanglots, elle entendit les morceaux de verres cassés du miroir trembler, mais n'y prêta pas plus attention. Quand elle releva la tête pour aller se chercher un mouchoir, c'est avec stupeur qu'elle constata que le miroir s'était réparé tout seul, il était de nouveau placé sur le mur comme un sage écolier.
- Maman , tu es un génie...
Rita avait ensorcelé son miroir avant qu'elle emménage seule pour ses dix-neuf ans.
- Un " reparo-permanent.." dit Jade en parlant toute seule.
La nouvelle fut très vite rependue au sein de la petite famille : Jade avait une offre d'emploi venant du monde magique. Ceci était devenu le sujet numéro un des discussions. Après sa journée de travail, sa grand-mère lui avait demandé de venir la voir, conviant également ses cousines de BeauxBâtons et leur mère Muguette. Elle aurait tellement voulue raconter la nouvelle à tous ses amis, mais conformément aux lois des sorciers, il était interdit de dévoiler le moindre détail sur l'existence du monde magique.
"- Pourtant, je suis cracmol, c'est la même chose que moldu, de toute façon personne ne me croirait !" Répondait-elle souvent lorsqu'on la confrontait à cette règle.
Toutes installées dans le sofa et servie d'une tasse de thé à l'anglaise, elles se passèrent de mains en mains l'offre d'embauche de Jade. Selon Exo, sa cousine la plus proche, l'envoyeur avait dû faire des recherches approfondies pour la trouver : une cracmol ayant un pied dans le monde magique et l'autre chez les moldus et diplômée dans l'éducation, cela ne devait pas se trouver facilement. Elle se demandait combien d'autres personnes avaient reçues cette demande.
Tout comme ses parent, Muguette n'était pas non plus favorable à ce que Jade parte. Exo et Cée étaient nées en France et elle voyait ça comme une bénédiction. Elles n'avaient pas souffert de la première ni de la deuxième guerre des sorciers.
Exo fouilla dans sa poche et en sorti une page de la gazette concernant le professeur Rogue, le concerné avait fait la première de couverture.
- Je savais qu'avoir un abonnement pour la gazette anglaise me servirait un jour, dit-elle avant de se mettre à la lire à haute voix.
" Daily Prophet
Severus Tobias Rogue écarté de tous soupçons par le Ministre de la magie britannique.
Kingsley Shacklebolt est formel : " Cet homme est innocent "
Arrêté après son séjour à Sainte Mangouste le 3 juin 1998, Severus Rogue a été détenu à Azkaban durant 4 mois en attendant son procès.
Les charges d'accusations étaient les suivants :
En toute connaissance du mal commis , et sans avoir été sous l'effet d'une influence magique tel que Imperium, Severus Rogue est accusé d'avoir assassiné de sang-froid Albus Perceval Wulfric Brian Dumbledore le 30 juin 1997. Il aurait travaillé en tant que bras droit du seigneur des ténèbres, se servant de sa place d'enseignant pour rallier des jeunes à sa cause.
Mais c'était sans compter sur Harry Potter et d'autres témoins oculaires venu appuyer et défendre une toute autre version des faits. Par des preuves matérielles, ils ont prouvé son innocence de façon indiscutable. En effet, un extrait des souvenirs de Severus Rogue a été confié aux enquêteurs et ils sont formels : Ces souvenirs sont authentiques et non trafiqués.
Après une analyse complète de tous ses souvenirs, le verdict est celui-ci : Il travaillait en réalité pour Dumbledore lui-même en tant qu'agent double, et se sachant mourrant et frappé d'une malédiction, ce dernier lui aurait attribué la lourde tâche de le tuer. Son meurtre déguisé lui aura permis de gagner l'entière confiance du seigneur des ténèbres, car était de soutirer des informations importantes et d'aider le célèbre Harry Potter dans sa quête. Lorsqu'il occupait la fonction de directeur dans l'école de sorcellerie Poudlard, le concerné maintenait la sécurité des élèves face à la menace de deux mangemorts chargé de la discipline. Durant cette même année, il aurait donné à Harry Potter la légendaire épée de Godric Gryffondor, c'est grâce à cela que l'élu à détruit certains horcrux. Contre toute attente, il à joué un rôle clé dans la chute de Tom Elvis Jedusor, et nous devons oser le dire, il s'appelait VOLDEMORT.
Toute l'équipe de journalistes de la gazette souhaite à Severus Rogue un bon rétablissement. "
L'article laissa tout le monde sans voix, à l'exception de d'Exo et Cée qui avaient suivies les actualités britannique de très près depuis la bataille de Poudlard. Quant à Jade, elle savait qu'Albus Dumbledore était passé de l'autre côté. Il n'empêche qu'elle n'avait pas connaissance de ces circonstances si particulières. Severus Rogue n'a pas un passé facile, se dit-elle.
- Et toi mamie, qu'est-ce que tu sais du professeur Rogue? Demanda Jade de façon songeuse, sachant que sa grand-mère avait déjà donné des cours de transplanage à Poudlard.
- Tu penses que je connais tout les sorciers d'écosse? Je suis une femme londonienne ma puce, pas une bouseuse en kilt...Et puis si je l'ai connu à l'époque de Poudlard, il devait encore être gamin, il a quoi? La quarantaine? Je sais que j'ai l'air jeune mais j'approche les nonante-cinq ans, ma mémoire n'est plus infaillible, ronchonna-t-elle.
La vérité, c'était que sa grand-mère ne s'informait plus du monde magique. La vieille femme n'aimait vraiment pas en parler, jusqu'à parfois faire preuve de mauvaise foi, tout comme ses parents et sa tante. Depuis une vingtaine d'années, ils se contentaient seulement des informations moldues, bercées par la météo, la politique, et les scandales en tout genres.
Ils avaient de ce fait très tard pris connaissance du retour de Lord Voldemort. De plus, la gazette du sorcier mentait beaucoup, aucune information fuyaient jusqu'à la France. Aucun article ne parlait d'une seconde guerre des sorciers et tout semblait aller dans le meilleur des mondes. Le 30 juin 1995, Fleur Delacour, une étudiante de l'école de BeauxBâton qui rentrait d'un voyage avait été la première à en parler, mais personne ne croyait son récit. Elle avait pourtant été à Poudlard pour participer au tournoi des trois sorciers, dans quel intérêt aurait-elle menti? Elle avait beau jurer que Vous-savez-qui était de retour et qu'il avait tué un des participants, personne n'en avait cru le moindre mot.
Ils l'avaient traitée de folle à lier.
Un an plus tard, une fois la nouvelle du retour du mage noir officiellement confirmée, toute la famille n'avait cessée de repenser à la première fois qu'ils avaient été confrontés - de façon indirecte- à lui : la première guerre des sorciers.
Apportée par hiboux depuis Londres, elle écoutait régulièrement ses parents lire à haute voix les horreurs décrites par la gazette. C'etais écrit de façon très crue, sans filtres. Ces détails l'avaient traumatisée. La fillette savait des choses que personne ne devrait s'imaginer à cet âge. Bien qu'elle venait d'arriver en France, une sensation brûlante de danger vivait en elle à chaque instant.
Les mangemorts s'en prenaient aux moldus, aux traîtres à leurs sangs, aux sorciers nés-moldu et aux cracmols, comme Jade.
Ses parents avaient investi dans une armoire à disparaître, au cas où les mangemorts envahiraient l'Europe toute entière.
C'est le 31 octobre 1981, alors que plus personne n'avait le moindre espoir, que la chouette voyageuse leurs apporta une numéro spécial intitulé :
Lord Voldemort vaincu par un enfant de 1 ans
Comme tombée d'un nuage, Jade sortit de ses pensées. Exo lui tendait d'une main le journal qu'elle venait de lire.
Elle le garda longuement sur ses genoux et observa la photo vivante du professeur Rogue liée à l'article. Elle devait sûrement avoir été prise à la sortie de son procès. L'homme avait l'air assez grand, ses cheveux noirs lui arrivaient devant les yeux, ses vêtements de la même couleur que ses cheveux contrastaient avec son visage pâle.
Il était accompagné d'un homme et d'une femme, Harry Potter et Hermione Granger. Le trio n'accordait aucune attention aux journalistes. Ils marchaient droit d'une façon assurée et traversaient la foule avant de transplaner aussi vite qu'un éclair.
Pour un homme ayant passé quatre mois à Azkaban en compagnie des détraqueurs, il avait une allure vaillante et confiante. À moins que ce ne soit que d'apparence...
Contrairement à sa grand-mère, elle n'arrivait pas à donner un âge au professeur. Entre trente et cinquante
ans se disait-elle. Il avait l'air d'être tout sauf quelqu'un de simple, bien qu'il n'avait non plus pas l'air méchant. Qu'il était étrange d'en savoir autant sur son futur employeur, elle se sentait intrusive.
Oui, sa décision était prise : elle allait travailler pour lui, pour ces orphelins de guerre, pour l'orphelinat du Phénix
