Bigre.
Je viens d'avoir un petit miracle de début d'année : mon compteur de vues a recommencé à marcher depuis hier o_O Je vais ENFIN pouvoir avoir un visuel de trafic. Bon avec 4 mois de retard mais ça fait plaisir.
Journal des reviewers
Seulie : Ouille, effectivement, ça fait pas plaisir. J'avais mis ton absence sur le coup des fêtes mais cela aurait été mieux pour toi :( J'espère que tu te remettras vite et que la lecture t'apportera un peu de baume au cœur.
Liline37 : Oh mais il n'y a aucun souci, les analyses et POV de chacun sont toujours bons à voir, ne serait-ce que pour échanger :) On pourrait faire des thèses entières sur Astarion.
Merci de souligner le point que tu as remarqué, d'ailleurs. Je tenais justement à garder Astarion le plus fidèle possible dans son ensemble et pas juste le beau vampire charmeur et insolent. Il aime et veut le pouvoir pour les raisons que l'on connaît et il ne faut pas l'oublier, surtout quand on a un perso comme Silesta qui n'est pas du tout comme lui. Ce point reviendra plus tard régulièrement et c'était un jeu d'équilibriste pour Silesta pas évident à mettre en évidence. Elle l'aime, elle veut l'aider mais elle sait qu'elle doit composer avec ses envies de grandeur. Leurs personnalités contraires est un challenge et une difficulté pour les caser de façon crédible. J'adore ça.
Trop hâte de lire ton histoire si tu te décides à publier ! *_*
Guest : Même en 2024, le rythme ne change pas ! ;)
Allez, je poste et je m'en retourne. J'ai un post rituel à écrire ;)
CHAPITRE XXIV – DES FISSURES DANS LE MUR
Quatre bouches s'entrouvrirent d'effarement les unes après les autres tout comme huit pupilles se dilatèrent.
« Chantenuit ? La relique que Z'rell nous demande de récupérer est Chantenuit ? bredouilla Silesta.
_ Et c'est elle qui empêche Thorm de mourir... » ajouta Ombrecoeur dans un souffle.
La voix de Z'rell qui les appelait depuis le bureau voisin leur fit l'effet d'une flèche dans le dos. Secoués d'un même soubresaut de reprise de conscience, les aventuriers se hâtèrent de quitter le cabinet avant d'en refermer la porte cachée. À peine firent-ils deux pas dans la chambre que la demi-orque entrait. Ils se figèrent comme des voleurs pris sur le fait. Tout comme eux auparavant, Z'rell eut un mouvement d'arrêt écœuré en découvrant les lieux et l'insupportable odeur de mort qui y régnait. Cette demi-seconde d'inattention laissa tout juste le temps à Astarion de donner le dernier coup de pied discret dans la bibliothèque pour la faire glisser sur les cinq derniers centimètres restants.
« Alors, cette lanterne ? s'impatienta la disciple en inspectant les visiteurs d'un œil inquisiteur.
_ C-Cachée derrière des viscères ! » répondit Silesta avec un grand sourire embarrassé en lui montrant leur propre lanterne lunaire.
Pour ne pas risquer d'éveiller les soupçons – même si leur attitude hurlait qu'ils étaient carrément suspects – nos cinq amis pressèrent le pas pour vite doubler Z'rell et s'en aller. Après tout, ce n'était pas tout ça, mais ils avaient une mission de la plus haute importance et ils ne pouvaient pas se permettre de faire attendre le Général Thorm, n'est-ce pas ? Et louée soit l'Absolue, hein.
« G-Gloire à l'Absolue... » leur retourna mollement la demi-orque en les regardant disparaître dans le bureau puis le couloir de sortie.
Une fois assez loin, le groupe se laissa gagner à nouveau par l'excitation de sa découverte. L'occasion était inespérée, presque providentielle. Ils étaient chargés de récupérer la source de l'immortalité de Ketheric et ce, pratiquement seuls.
« Nous n'aurons qu'à envoyer ce Balthazar saluer ses ancêtres et détruire Chantenuit, exposa Lae'zel avec un sourire prédateur.
_ Ou exploiter le pouvoir de cette relique à notre avantage. »
Gayle et Astarion s'épièrent d'un drôle d'œil, étonnés de ce parfait synchronisme qui les avait liés le temps d'une phrase. Silesta demeurait prudente pour sa part : si l'on se basait sur l'état des quartiers de Balthazar et sa terrifiante collection d'ouvrages sur les arts de la mort et de la manipulation des cadavres, cet homme n'était pas à sous-estimer.
« Nous verrons le moment venu, tempéra Ombrecoeur avec confiance. Dépêchons-nous de trouver ce mausolée. »
Gayle les retint pour les faire s'arrêter un instant.
« Réfléchissons un peu plus posément. Tant que Ketheric ne récupérera pas Chantenuit, il sera bloqué ici et si l'un de ses meilleurs alliés n'a pas su s'acquitter déjà de cette tâche, c'est que l'entreprise est plus complexe que cela. Prenons un peu de temps pour nous préparer avant de foncer tête baissée. Nous pourrons peut-être en apprendre davantage en fouillant le château. »
Les autres approuvèrent, l'esprit déjà plus au clair, et décidèrent de s'accorder une dernière exploration de Hautelune avant de partir pour le mausolée des Thorm. Tous remirent sur leur visage le masque assuré de l'âme éveillée qu'ils étaient tous et s'engagèrent dans l'escalier pour redescendre.
Dans la salle du trône, les cadavres gobelins avaient été débarrassés ; il ne restait que la mare de sang de la gobeline pulvérisée. Ils traversèrent la salle rapidement avec un bref échange visuel entendu avec les gardes et s'engouffrèrent dans un nouveau couloir inconnu.
Le hasard les mena dans une grande pièce très peu éclairée qui devait servir d'entrepôt ou de garde-manger. D'énormes fûts en chêne reposaient dans un coin, accompagnés de gros sacs en toile de jute, caisses en bois, tonneaux et même un fumoir. La main voleuse car affamée, Silesta se laissa à s'emparer des quelques fruits qu'elle trouva dans l'un des conteneurs et les glissa dans son sac.
Un petit bruit cristallin de verre frotté attira leur attention dans un autre coin de l'entrepôt. Une femme qui leur tournait le dos était penchée sur une table éclairée de quelques bougies dont les flammèches se reflétaient dans les flacons et éprouvettes qu'elle manipulait avec attention. Les arrivants furent très étonnés de remarquer que cette personne ne portait pas l'uniforme du culte. Peut-être était-ce une prisonnière ? Ce serait étonnant, elle n'était pas sous surveillance.
Quand elle se tourna un peu de côté pour reposer un petit flacon au liquide rouge, l'alchimiste qui s'avérait être une drow les remarqua. Elle les accueillit d'une inclinaison de tête respectueuse, bien que les traits lisses de sa peau bleu charron léger affichaient une très nette confiance en elle.
« Bonjour. Je suis Araj Oblodra, marchande de sang et spécialiste des arts qui s'y rapportent, se présenta-t-elle d'une voix posée. C'est un plaisir de rencontrer des âmes éveillées. Et votre accompagnateur au teint clair. »
Tout le monde tiqua sur son changement de ton presque velouté et le coup d'œil furtif vers Astarion sur la dernière phrase. Quelque peu échaudé suite à sa visite dans la chambre des horreurs, Gayle s'enquit de savoir auprès de la drow en quoi consistait cette profession de « marchande de sang ». Elle expliqua alors qu'elle utilisait et exploitait le sang comme ingrédient pour concocter toutes sortes de potions.
« Ce serait d'ailleurs un plaisir de vous en préparer une si vous consentiez à me laisser un peu de votre sang. Une goutte pour une puissante potion à l'effet unique propre à chacun et je garderai le reste pour moi. »
Sa voix se faisait avenante et commerciale tout comme ses yeux sombres trahissaient une certaine forme d'envie. Si sa nature lui conseillait d'abord de se méfier, Silesta réalisa qu'elle était malgré tout assez intriguée et poussée par une curiosité un peu coupable : quand Astarion la mordait pour se nourrir, il laissait toujours entendre que son sang avait quelque chose en plus. Pour elle, c'était une façon pour le vampire d'enrober de glamour cet acte peu délicat qu'était une morsure mais une petite voix dans sa tête réclamait toujours de chercher à vérifier. Et puis, si elle gagnait en plus une potion qui pourrait leur servir, ce n'en était que bénéfique.
« Moi, je veux bien essayer. »
La drow ne cacha pas sa satisfaction et se saisit d'un petit instrument à la pointe effilée. Elle prit doucement le poignet que Silesta lui présenta et alla piquer droit dans la veine.
« Voilà, rien qu'une petite piqûre. »
Armée d'un flacon vide, Araj recueillit un peu de sang qui perlait et s'en retourna ensuite vers sa table de travail. La jeune femme rousse rabaissa sa manche sur son bras et guetta l'alchimiste pendant qu'elle ajoutait d'autres liquides à son flacon, tout aussi attentive que ses compagnons curieux. Un léger sursaut les secoua lorsque une petite détonation éructa de la fiole dans une légère fumée rosée. Même la drow poussa une faible exclamation de surprise.
« Euh... Un problème ? » essaya Silesta avec une pointe d'appréhension.
Araj poursuivit ses mélanges sans se déconcentrer et lui tendit enfin un flacon au liquide violacé, à la fois ravie et surprise.
« Je n'avais encore jamais eu une telle réaction. Soyez extrêmement prudente, âme éveillée. Cette potion me paraît puissante mais assez instable. Faites-en bon usage. »
L'humaine eut un mouvement d'arrêt du bras alors qu'elle glissait la fiole dans son sac puis elle la déposa au fond avec mille précautions, surveillée de près par ses camarades quelque peu tendus eux aussi. Son cœur se fit bruyant à ses tempes ; aurait-elle réellement quelque chose en elle de différent ?
Ses questions n'eurent le temps de se prolonger car Araj dévorait à présent Astarion du regard.
« Votre ami, là. C'est un vampire, n'est-ce pas ? Ou du moins, une de leur engeance. »
Le concerné lui renvoya un sourire en coin presque fier et rassura son interlocutrice : ils étaient tous unis devant l'Absolue ; il ne se risquerait pas à la mordre.
« Moi qui espérais justement le contraire, regretta la drow avant de se tourner vers les autres, empreinte d'un léger dédain. À qui appartient-il ? »
Le sang de Silesta ne fit qu'un tour à ces mots et son corps se raidit.
« Je vous demande pardon ? Ce n'est pas un animal, il est son propre maître. »
Elle n'avait pas crié mais sa voix frémissait d'une sourde colère. Astarion cacha un sourire discret qui fut de courte durée ; loin de se soucier de l'acrimonie de sa première cliente, Araj revenait à la charge et lui exigeait de donner son nom.
« Astarion, répondit-il presque par automatisme mais lentement gagné par le malaise. Mais un inst...
_ Eh bien, Astarion, il se trouve que depuis que je suis enfant, je rêve d'être mordue par un vampire. »
Privé de sa superbe, le roublard afficha sans honte son incrédulité. Avait-il bien entendu ? Elle voulait vraiment se faire mordre ?
« Pour m'étourdir dans la douce anesthésie de la vie qui s'éteint en moi ? Danser sur le fil fragile au-dessus du gouffre de la mort ? énuméra la drow comme elle aurait dicté à un génie ses vœux les plus ardents. Vous n'en avez pas idée. »
Silence bancal en face. Cette femme était complètement envoûtée comme les cultistes face à l'Absolue. Sauf qu'elle n'était pas sous l'emprise d'une larve, cela en était d'autant plus effrayant. Silesta commençait même à se demander si elle avait bien fait de se laisser séduire par sa proposition de potion.
Habitée par la volonté farouche d'accéder à son rêve, Araj déploya son dernier argument : en échange d'une morsure d'Astarion, elle serait prête à offrir gracieusement une potion au pouvoir incomparable qui augmenterait de façon définitive la force de celui qui la boirait. Cette potion n'était pas à vendre mais elle s'en séparerait volontiers en échange de ce qu'elle réclamait.
Dès qu'elle entendit cette notion de force décuplée, Silesta attendit la réaction ravie de son compagnon avide de pouvoir, d'autant plus qu'il ne s'était pas nourri de sang intelligent depuis un moment. Il était très certainement en manque et n'hésiterait pas un instant à...
« Je regrette, mais je me dois de refuser », répondit finalement celui-ci avec la déférence qui était la sienne.
La jeune femme rousse eut un coup d'œil étonné vers lui pendant qu'Araj s'offusquait qu'il ose jeter cette chance unique aux orties. Les traits du roublard se refermèrent complètement dans une froide animosité sans appel.
« Ma décision est prise », grinça-t-il entre ses dents.
Fortement agacée par la réticence qui lui faisait face, Araj implora les âmes éveillées de faire entendre raison au vampire. La surprise qu'avait éprouvée Silesta se retrouva aussi chez Ombrecoeur qui avoua à Astarion ne pas comprendre sa réaction. En temps normal, il aurait bondi sur l'occ...
« Assez. Il a dit non. Il n'y a rien d'autre à ajouter. »
Ce ne fut pas à la prêtresse que s'adressa ce couperet. Silesta ne pouvait plus supporter ce regard plein de dénigrement que cette drow plaquait sur Astarion comme s'il n'était qu'une chose insignifiante dont l'avis ne valait pas plus que sa personne - si elle le considérait au moins comme une personne. Cette attente de le contraindre d'obéir qui brillait dans ces prunelles cupides donnait envie à la saltimbanque de vider l'intégralité de son flacon de potion instable dans le gosier de cette femme pour en tester les effets et ce, sans même être embrassée par ses pulsions vengeresses annihilantes.
Les lèvres entrouvertes de surprise, le roublard eut un regard de biais pour la jeune femme qui assassinait Araj de ses yeux orageux sans ciller. Un étrange point de chaleur naquit dans sa poitrine. Elle n'insistait pas ? Mieux encore, elle respectait sa volonté ?
La drow laissa sa déception filtrer par une grimace courroucée et finit par abandonner ; elle ne pouvait aller à l'encontre d'une décision d'une âme éveillée.
Pressée par l'envie de vite quitter les lieux chargés d'électricité, Ombrecoeur suggéra de poursuivre. Imitée de ses amis, Silesta opina du chef et tourna les talons avant de se faire arrêter par une main fraîche autour de son poignet.
« Merci, lui glissa Astarion d'une voix étrange, presque hésitante alors qu'il cherchait ses mots. J'apprécie votre geste. »
Elle lui rendit un sourire simple témoignant de l'ignorance de la portée de ce qu'elle venait de faire pour lui. Le vampire se sentit presque désemparé face à cette figure à la gentillesse naturelle alors que son âme ébréchée fourmillait de partout. Il libéra le poignet de la jeune femme et la suivit en silence pour rejoindre les autres.
Pendant qu'ils continuaient d'arpenter le château, Gayle pria sa camarade rousse de ne pas marcher trop vite par crainte de trop faire danser le liquide violacé qui dormait au fond de son sac. Il n'avait pas accepté le sort de déclenchement volontaire d'Elminster pour exploser à cause d'un trébuchement malheureux.
Ce qu'il voulait comme une plaisanterie fut pris très au sérieux par Silesta qui pila, le teint blanc.
« J-Je vais vraiment nous faire exploser ?
_ Non, j'en doute. Évitez juste les mouvements brusques, hmm ? la rassura le magicien en l'invitant à avancer. Cela étant, la puissance évoquée par cette drow me laisse perplexe. Sans vouloir aucunement me montrer méprisant ou condescendant, vous n'êtes qu'une saltimbanque. N'est-ce pas ? »
Le doute qui avait frémi sur ses derniers mots laissait entendre que même lui s'interrogeait, ce qui n'était pas du tout fait pour apaiser les interrogations de la concernée. Qu'est-ce qui n'allait pas chez elle ? Était-ce encore suite à son interaction avec la fleur de susurreau ? Ou autre chose ? Le besoin de revoir Isobel se fit encore plus pressant. Elle devait procéder à ce rituel.
Leur errance les mena dans les sombres sous-sol du château où aucune autre âme éveillée hormis les gardes n'allait se promener. Ils remontèrent un couloir froid éclairé par les torches au mur jusqu'à commencer à croiser des cages en fer, suspendues ou délaissées sur le côté et de lourdes chaînes qui pendaient au plafond. Le couloir s'ouvrit sur une vaste salle humide et sombre ferrée de multiples portes de cellules. Les cachots.
Conscients que les geôles n'étaient pas leur place, nos aventuriers ralentirent le pas quand ils entrèrent. Des zélotes patrouillaient en silence en marchant le long de l'enfilade de prisons, loin de se préoccuper de leurs occupants. En s'approchant, les visiteurs reconnurent les silhouettes tieffelines tapies dans l'ombre de leurs barreaux. Les rescapés du Bosquet d'Émeraude enlevés !
Silesta approcha prudemment de la cellule en surveillant les alentours. Les tieffelins la reconnurent à sa chevelure et approchèrent à leur tour. Une femme plissa les yeux de tristesse.
« Oh non. Le culte vous a retourné la tête à vous aussi ?
_ Non, chuchota la saltimbanque à voix basse. Ce sont les autres tieffelins qui nous ont dit que vous étiez ici. Ils sont en sécurité avec Jaheira. »
La prisonnière ouvrit la bouche pour lui répondre mais se tut aussitôt en voyant revenir une zélote. Silesta s'écarta vite des barreaux et se tourna vers la garde qui fronça les sourcils en découvrant les intrus et pressa le pas pour aller à leur encontre.
« Que faites-vous là, âmes éveillées ? Ces prisonniers appartiennent au Disciple Balthazar. »
Ombrecoeur ourla un sourire mauvais en haussant un sourcil.
« Justement, il nous envoie pour évaluer la qualité de ses ingrédients avant utilisation. Si vous voulez vérifier, ou servir de remplacement.»
La réputation du nécromancien inspirant autant de respect que de terreur parmi les rangs de l'Absolue, un voile d'angoisse figea un instant le visage de la zélote qui préféra ne pas faire obstacle. Elle hocha la tête en signe d'approbation et repartit sans insister. Après son départ, la tieffeline retourna près de la porte et fit un signe de tête vers le côté.
« Les gnomes de la cellule voisine préparent quelque chose mais nous ignorons quoi. S'ils projettent de s'échapper, nous voulons en être ! De grâce, aidez-nous.
_ Des gnomes ? »
Les aventuriers se penchèrent de côté. En effet, la prison d'à côté n'était pas vide comme ils l'avaient cru au premier abord. Il fallait dire que la peau foncée de ces gnomes des Profondeurs et leur petite taille les rendaient encore plus discrets que des caméléons. Silesta promit à la prisonnière de faire ce qui était en son pouvoir puis elle alla s'approcher de l'autre cellule.
Un gnome aussi chauve que Barcus murmurait des instructions à ses comparses qui s'affairaient au fond du cachot.
« Cherchez des fissures, n'importe quoi pour faire levier. Cette roche est du basalte, elle cédera avec assez de press...
_ Wulbren ? » appela doucement la jeune femme rousse.
Le gnome à la peau ferreuse fit aussitôt volte-face, pris au dépourvu qu'une âme éveillée connaisse son nom.
« C'est Barcus Wroot qui nous envoie », chuchota Gayle en s'approchant aussi.
Le prisonnier cligna. Barcus ? Barcus était en vie ? Il n'aurait pas parié sur sa survie. Si Barcus était vivant, cela voulait dire que ces personnes n'étaient pas des âmes éveillées.
« Le loup dans la bergerie, hein ? comprit-il avec satisfaction. Nous étions faits pour nous rencontrer. Je suis Wulbren Bongle, en effet. »
Après s'être assuré qu'aucun zélote ne risquerait de l'entendre, le gnome se pencha vers le groupe. Ils avaient un plan pour s'échapper en emmenant les tieffelins avec eux mais ils étaient entravés par un manquement logistique très contrariant : ils avaient besoin d'outils et la gardienne en chef de la prison les avait dépouillés à leur arrivée ici. N'importe quoi en mesure de casser de la roche ferait l'affaire, même sans être estampillé de la qualité de Maindefer.
« Donnez-nous ce que vous trouverez. Mais pour l'amour de Gaerdal, les gardes ne doivent pas voir ce que l'on...
_ Ceci vous conviendrait ? »
Wulbren se tut à la vue du petit marteau que lui présentait Silesta et le lui arracha presque des mains pour le cacher dans son dos en lui faisant les gros yeux.
« Vous vous promenez souvent avec des marteaux ? siffla Lae'zel avec ironie. C'est pour maintenir votre endurance ?
_ Surtout au cas où, la preuve. J'ai aussi beaucoup de corde mais je n'ai pas eu encore l'occasion de m'en servir.
_ Shhh ! pesta Wulbren avec fébrilité. Occupez-vous des gardes et nous pourrons nous y mettre. On détruit le mur du fond, on embarque les tieffelins et on file. S'ils nous repèrent, c'est tout Hautelune qui nous tombera dessus. »
En se retournant, les trois femmes et Gayle découvrirent qu'Astarion avait déjà filé dans les ombres. Sa réticence à trop s'attarder pour sauver les prisonniers le rendait rapide à la tâche, c'était un paradoxe fort appréciable. Une minute plus tard, voilà justement le roublard qui revenait, sa dague rougie de sang frais. Il haussa les épaules en roulant des yeux quand il rencontra les expressions perplexes de ses acolytes.
« Vous comptiez libérer les prisonniers même si j'avais protesté, non ? Alors autant vite en finir. Je tuerais pour un peu de repos.»
Il était vrai que la journée se faisait longue. Ils devaient se hâter, autant pour sauver les prisonniers que pour pouvoir enfin s'octroyer une pause bien méritée.
Gayle se chargea de clore à jamais les deux yeux scrutateurs qui flottaient avec nonchalance dès qu'ils furent à sa portée et Astarion se glissa sans un bruit dans le dos de la seconde zélote qui passait par là. Sa main gauche encercla le front de sa victime d'une prise sûre tandis que la droite caressait sa gorge du fil de la lame brillante. Et en plus, il se permettait quelques petites jongleries habiles avec ses armes entre ses mains. Sans aucun autre son que le frôlement discret des étoffes les unes contre les autres, Astarion accueillit dans ses bras le poids du corps subitement alourdi et le déposa dans un recoin sombre de la prison.
Spectatrice muette de cette danse macabre sublime, Silesta restait figée dans une fascination coupable. C'était aussi élégamment virtuose que redoutablement effrayant. Le gentleman assassin remarqua qu'il avait une admiratrice :
« J'adore comment vous me regardez. Voyons à présent ce que vous allez exprimer ?
_ Vous me faites peur, avoua-t-elle crûment même sans trace de frayeur dans ses traits ou sa voix.
_ Dites-vous que le plaisir est toujours en proportion de la crainte. »
La jeune femme choisit ne pas s'attarder sur la tiédeur qui montait à ses joues et se tourna vers les gnomes aux aguets. La voie était libre, c'était à eux de jouer.
L'œil brillant, Wulbren lança le marteau à ses congénères qui s'affairèrent avec entrain autour d'une brèche qui zébrait dangereusement le mur du fond de leur cellule. Quelques coups mats résonnèrent dans l'écho contre la pierre, suivis par un lourd grondement qui fit légèrement trembler le sol en plus de soulever un gros rideau de poussière. Le mur venait de s'effondrer presque aussi facilement qu'un château de cartes.
« Bien joué, vous autres ! s'exclama le gnome en accourant vers l'ouverture. Allons chercher les tieffelins ! »
Les gnomes disparurent dans l'obscurité du passage et le silence retomba jusqu'à entendre de nouveaux coups retentir. Nos amis retournèrent à la cellule des tieffelins juste à temps pour voir le mur du fond s'écrouler à son tour. Silesta jeta un coup d'œil alerte par-dessus son épaule, angoissée que le raffut n'alerte quelqu'un. Les prisonniers laissèrent éclater leur joie et s'empressèrent de rejoindre la porte de sortie nouvellement créée.
Silence figé.
« Ahem. Et comment les rejoignons-nous ? »
Ni le marteau de fortune de Wulbren ni les jeux d'épingles d'Astarion ne pourraient venir à bout de la rangée de barreaux solides qui leur barrait le chemin. Gayle eut un petit rire. La force brute et l'agilité ne faisaient pas tout en ce monde.
« Un peu de lecture ne vous fera pas de mal, déclara le magicien en lançant un papier roulé à chacun. J'ai bien fait de les garder de côté.
_ Un parchemin de pas léger, sourit Ombrecoeur en le reconnaissant. Bien joué.
_ Vite, dépêchez-vous ! » les pressa Wulbren de l'autre côté de la brèche béante.
Les cinq retardataires déroulèrent leur parchemin et visualisèrent dans leur esprit le trajet qu'ils souhaitaient faire.
« Inveniam viam. »
Au battement de cil suivant, ils se retrouvèrent à l'intérieur de la geôle. Guidés par la lumière dans la main du magicien, nos amis de hâtèrent de rejoindre les autres.
Le mur éventré donnait sur ce qui devait être d'anciennes fondations du château qui n'avaient jamais servi. Le sol était brut et s'enfonçait dans la roche qui servait de socle aux tours. Après quelques foulées rapides, les fuyards eurent le bonheur de déboucher sur un ancien quai abandonné au bout duquel flottait toujours une barque.
« Excellent ! se réjouit une tieffeline. Personne là-bas n'aura idée de surveiller le fleuve.»
Gnomes et tieffelins montèrent à bord du frêle esquif pendant que Wulbren, aidé de Lae'zel et Ombrecoeur s'occupait de le défaire des chaînes qui le maintenaient attaché. Quelques coups de marteau et d'épée suffirent à avoir raison des maillons rouillés.
« Il n'y a plus qu'à prendre le large, dit le gnome en se tournant vers les autres. Mon plan, pour l'instant, c'est de rester cachés sur l'eau. À moins que vous n'ayez une autre idée ?
_ Nous partons avec vous. Il y a un endroit qui s'appelle l'auberge de l'Ultime Lueur plus au nord, vous y serez tous en sécurité, lui indiqua Gayle.
_ « En sécurité » ? Si tant est que cela soit possible dans cette région. On vous suit. »
Une fois tout le monde à bord, une dernière poussée permit à la barque d'amorcer son premier mouvement et les tieffelins se chargèrent des rames. Installée au milieu, Silesta s'occupa de garder la lanterne lunaire pour protéger les passagers tout en scrutant les alentours.
L'embarcation glissa sur les flots noirs et la pénombre du château laissa place à celle du dehors. Nos amis eurent l'impression d'être restés des jours dans Hautelune alors qu'ils n'avaient quitté l'auberge que vers midi. Déjà obscurci par la nappe de nuages épais, le ciel paraissait encore plus sinistre ; ils y interprétèrent l'arrivée du soir sur les Terres ravagées par les Ombres.
Ce fut dans le silence que la barque remonta le fleuve bordé par la végétation meurtrie et l'apparition au loin du dôme protecteur de l'auberge apparut à tous comme la lumière d'un phare salvateur. Personne n'était fâché de rentrer au bercail, que ce fût pour retrouver famille et amis ou simplement le douillet d'un lit. Quelques minutes plus tard, la barque se heurta doucement au bord du quai situé sous l'auberge. Lae'zel s'attela à l'attacher au ponton et tout le monde sauta sur la terre ferme. Après être restés si longtemps dans la noirceur, l'air purifié des lieux agissait sur eux tel un formidable élixir de vitalité.
À peine les rescapés firent-ils quelques pas qu'un Ménestrel alla à leur rencontre et les arrêta d'un geste de la main.
« Une petite minute. Personne n'entrera tant qu'il n'aura pas été inspecté. »
Le garde fut formel : ordre de Jaheira. Après l'incident avec Marcus, il fallait redoubler de vigilance. S'ils n'avaient pas été enrôlés par le culte de l'Absolue, tout irait bien pour tout le monde.
« Nous avons déjà passé votre fichu test, râla Astarion avec mauvaise humeur. D'ailleurs, ces lianes m'ont laissé un souvenir fort irritant.
_ Vous peut-être, mais pas eux, répliqua le garde en désignant du menton les nouveaux arrivants. Le culte peut infecter n'importe qui. Allez ! Tout le monde en ligne et plus vite que ça, que la petite bête de l'Absolue vous dise bonjour.
_ Quoi ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? » s'indigna Wulbren avec méfiance.
Bien qu'elle se doutait que les anciens détenus aspiraient à autre chose qu'à être jaugés comme du bétail pendant une foire, Silesta comprenait les motivations de leur hôtesse. La jeune femme assura aux invités qu'ils ne risqueraient rien et que la vérification était sans douleur. Bon gré mal gré, gnomes et tieffelins s'alignèrent le long du mur pendant que le Ménestrel leur présentait un à un une larve enfermée dans un bocal.
Sereins de savoir par avance que tout se passerait bien, les aventuriers laissèrent faire et s'en retournèrent à l'intérieur. La douce agitation couplée au chaleureux de l'auberge leur avait terriblement manquée, même juste pour ces quelques heures. Cette satisfaction apaisante était ce qui se rapprochait le plus de l'impression d'être de retour à la maison.
Bien qu'il était tout aussi pressé que ses compagnons de pouvoir savourer un bon repas chaud et d'aller se reposer, Gayle suggéra d'aller faire leur rapport provisoire à Jaheira, au moins histoire de la rassurer sur leur avancée. Ils gravirent rapidement les marches menant au rez-de-chaussée et allèrent trouver la druidesse qui était plongée dans l'intense lecture d'un parchemin. À l'entente de son nom, la femme se leva sans cacher son étonnement.
« On m'a dit que vous étiez de retour avec les tieffelins enlevés lors de l'embuscade, dit-elle avec soulagement. C'est un miracle. J'ai bien fait de miser sur vous. Quelles nouvelles m'apportez-vous ? Ketheric est-il privé de son pouvoir ?
_ Hélas non, pas encore. Mais il ne fera rien dans un futur immédiat, vous pouvez vous tranquilliser. »
Jaheira hocha la tête en signe de compréhension et ne montra aucune déception : ils avaient sauvé des malheureux d'un sort bien funeste et leur mission avançait. Il fallait avant tout se réjouir de ce qui venait d'être accompli.
« Vous devez êtres fourbus. Reposez-vous ce soir et nous discuterons de tout cela demain. Je vais demander à vous préparer un festin. »
Personne n'osa la contredire, tous étaient bien trop heureux de pouvoir s'épargner un long entretien fastidieux. Au même moment, tieffelins et gnomes revenaient de leur inspection et si Silesta avait bien compté, tout le monde était là. Sa joie fut décuplée en contemplant un homme se jeter dans les bras de son épouse, les larmes aux yeux, tout en lui jurant de ne plus jamais être séparé d'elle ou encore ce qui devait être un frère et une sœur qui retrouvaient leur troisième frère dont le soulagement de les revoir sains et saufs se traduisit par des reproches autoritaires et maladroits. À ce rythme-là, ces trois-là allaient partir en dispute carabinée.
Pour la première fois depuis qu'elle avait découvert son visage, une pensée s'insinua en Silesta. Et elle ? Avait-elle aussi une famille ? Un mari ?
Ses yeux de pluie glissèrent malgré elle sur les boucles de neige d'Astarion. Pouvait-elle se dire qu'elle l'avait, lui ? Ou bien...
« Wulbren ! »
La voix rayonnante de Barcus Wroot la tira tout d'un coup de ses pensées. La jeune femme sourit davantage, heureuse par avance de ce qui s'annonçait devant elle. Le gnome se précipita sur son ami fraîchement rentré, avec un sourire aussi large que son crâne était chauve. En voyant Barcus débouler comme un typhon, Wulbren fit une drôle de tête, presque... ennuyée ?
« Ah... Il m'avait bien semblé entendre que tu étais dans le coin. Qu'est-ce qui t'a pris de venir ici ? Tu es fou ou quoi ?
_ Je te cherchais, évidemment ! »
Si Barcus était comme un enfant à Noël, son ami se montra bien moins expansif :
« Sérieusement ? C'était vraiment stupide comme idée, Barcus. »
La Giboulée de Gayle n'aurait pas mieux fait que l'effet de douche froide qui transit Silesta face à la condescendance transparaissant dans la voix de Wulbren. Pris de gêne, Barcus se sentit obligé de se justifier : malheureusement pour Wulbren, il était son ami. Alors si l'envie lui prenait de le sauver d'un péril mortel, c'était son droit. Le concerné soupira presque avec dédain.
« Sauf que tu n'as sauvé personne. Je me suis sauvé tout seul... et avec l'aide de nos camarades, bien sûr. »
Le dénigrement de la fidélité sans faille de Barcus ou l'évocation de leur aide comme un point de détail sans importance, Silesta ne sut dire ce qui lui donnait le plus envie de gifler Wulbren en cette seconde. Il émanait de lui les mêmes ondes insupportables que cette Araj Oblodra avec Astarion tout à l'heure. Et Barcus qui les remerciait avec une réelle gratitude ne lui fit que regretter davantage de ne pas avoir laissé son « ami » chez les cultistes.
Trop c'était trop, elle devait parler ou elle allait exploser. Elle tint cependant à rester précise et concise :
« Abruti. »
Wulbren s'agaça encore plus. Ni Barcus ni elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il y avait en jeu. De toute façon, son affaire ne concernait que les gnomes de Maindefer. Sur ce, il prit congé et s'en retourna à la table qu'il visait pour se reposer avec une bonne bière.
Laissé dans le silence de son ami insensible, Barcus n'avait lui rien oublié des bonnes manières ni la récompense promise aux aventuriers. Quand il alla récupérer sur sa table de travail l'échantillon de la Brillante Réplique, Silesta se sentit misérable et non méritante. C'était surtout cet imbuvable Wulbren qui leur était redevable.
Le gnome remit à la saltimbanque un petit sachet rebondi en tissu que Gayle lui prit délicatement mais expressément des mains pour le ranger dans sa besace à lui. Contrairement à sa cadette, le magicien n'avait pas oublié la présence d'une certaine fiole au liquide violet instable.
« Évitons les associations à risque, voulez-vous ? lui glissa-t-il un peu crispé à l'oreille avant de retrouver sa prestance. Que comptez-vous faire pour la suite, Barcus ?
_ Eh bien, sans doute rentrer à la Porte de Baldur. Je sais que la région n'est pas très sûre en ce moment, mais j'attendrai. Je suis d'un naturel patient. Et puis, nul doute que vous parviendrez à nous libérer un passage rapidement. Je vous fais confiance. »
Ce sourire plein de résignation et de reconnaissance suffit à détruire le restant de bonne humeur que Silesta avait engrangé depuis qu'ils étaient revenus à l'auberge. Elle aurait vraiment besoin de passer une bonne soirée pour compenser.
Ne t'en fais pas, ma belle, je m'en occupe. Hé hé hé... On a coché la case. On est prêt. Fissures dans le mur. Le mur des gnomes, la carapace d'Astarion... m'voyez?
Vous voulez vraiment pas louper le prochain chapitre. Je dis ça, je dis rien.
Si tu as pris de la corde pour rien, tape dans tes mains! Si tu as accumulé de la corde pour rien, tape dans tes mains! XD
Sinon, on est bien d'accord ? Que l'on soit un lawful good, un chaotic evil, un true neutral ou un Durge, on insulte tous cet enfoiré de Wulbren d'abruti, hein ? #Barcusbestboi
