Enjoyyyyyy & Review!


« I will die. You will die. We will all die and the universe will carry on without care. All that we have is that shout into the wind—how we live. How we go. And how we stand before we fall. »
Golden Son – Pierce Brown

« Je vais mourir. Tu vas mourir. On va tous mourir et l'univers continuera sans s'en préoccuper. Tout ce qu'on a c'est ce cri dans le vent : la manière dont on vit. La manière dont on part. Et la manière dont on se conduit juste avant de tomber. »
Golden Son – Pierce Brown


Chapitre 80 : How We Stand Before We Fall


Le garçon faisait de son mieux pour ne pas trembler. Assis sur une chaise au milieu du bureau de Shacklebolt, il soutint le regard sombre de Severus jusqu'à ce que celui-ci se retire complètement de son esprit.

Sans rien y avoir trouvé de probant.

« Merci, Mr Jordan. » offrit-il poliment, avec un geste de la tête. « Vous pouvez aller vous reposer. »

Quelqu'un de plus empathique aurait sans doute rajouté que rien n'était de sa faute et qu'il n'avait pas à s'en vouloir. Quelqu'un de moins fatigué aurait peut-être su le galvaniser.

Severus n'était ni l'un ni l'autre et savait, de toute manière, que Sirius faisait les cent pas dans le couloir, pas très loin de là, prêt à croiser accidentellement le chemin de Lee Jordan pour être certain qu'il allait bien. Sirius, comme Severus, avait ses élèves favoris.

Shacklebolt, qui n'avait pas bougé de derrière le grand bureau où s'entassaient autant de papiers que sur le sien, resta silencieux le temps que le jeune homme boîte hors de la pièce, encore vêtu des robes rouges que portaient tous les membres de l'Ordre. Il laissa derrière lui quelques gouttes de sang qui fit dire à Severus que, s'ils avaient été plus décents et moins paniqués, ils auraient insisté pour qu'il passe à l'infirmerie d'abord. Une autre chose à laquelle Sirius remédierait, sans doute.

Nymphadora, qui n'avait cessé d'aller et venir dans son dos pendant qu'il s'adonnait à la Legilimencie, tint à peine jusqu'à ce que la porte se referme derrière l'ancien Gryffondor.

« Alors ? » le pressa-t-elle.

Severus secoua la tête d'un geste négatif et, après avoir nettoyé la chaise d'un tergeo informulé, s'y assit avec un certain soulagement. Il avait fait l'effort de reposer sa jambe au maximum, ces derniers jours, autant que la situation le permettait, en tout cas, et, si elle le faisait moins souffrir, ce n'était pas non plus optimal. Il avait mis sur pause ses sessions d'entraînement avec Sirius, estimant que le temps de l'Animagus était mieux employé à chercher le diadème et que, pour une fois, il ne serait peut-être pas superflu d'écouter les Médicomages.

Quant au reste… Il dormait toujours aussi mal mais au moins avait-il fait l'effort de dormir quelques heures par nuit, entre deux réunions de crise et une révision désespérée de toutes ses recherches sur les horcruxes et le rituel.

À défaut d'être au mieux de sa forme, il avait l'esprit un petit peu plus clair.

« Putain de merde ! » s'énerva-t-elle, en donnant un coup de pied dans une étagère qui, elle aussi, croulait sous les parchemins et les cartes diverses et variées. Plusieurs rouleaux tombèrent au sol sans qu'elle ne s'en préoccupe.

« Nymphadora. Du calme. » lui rappela-t-il.

« Du calme ? » répéta-t-elle, en se tournant vers lui, ses cheveux virant au rouge. « Tu veux que je sois calme ? On a perdu un tiers de nos effectifs en cinq jours et tu veux que je sois calme ? »

Il leva les sourcils, ravalant sa propre irritation en même temps que la frustration qu'ils éprouvaient tous.

« Les crises de nerfs ne sont pas productives. » répondit-il.

Ce n'était pas la première fois qu'ils avaient cette discussion ou une variante. Dans un sens ou dans l'autre d'ailleurs. Il peinait à contrôler ses accès de frustration et de colère autant qu'elle, dernièrement.

Elle rouvrit la bouche, sembla se souvenir que, à l'instant, c'était son supérieur hiérarchique qui parlait et pas son amant, et se contraignit à une sérénité de façade, allant jusqu'à lui adresser un sourire très ironique.

Non, songea-t-il, alors que Shacklebolt se raclait la gorge, ils n'excellaient pas dans l'art de séparer le personnel et le privé.

La tension à la maison comme au travail était palpable.

Severus et Harry évitaient les sujets qui fâchent, se contentant de jouer leur partie d'échec chacun dans leur coin. Et ce n'était peut-être pas sain, comme elle se plaisait à le répéter, mais au moins cela leur permettait de donner la priorité à leur relation, de ne pas passer leur temps à rejouer une dispute qui était de plus en plus douloureuse et de profiter du temps qu'ils passaient ensemble de manière plus sereine. Nymphadora n'était pas de nature à dissimuler ses sentiments en famille et détestait ce qui se passait sous son nez, en conséquence, elle était sur les nerfs en permanence. Depuis leur discussion, Harry et elle étaient polis l'un envers l'autre mais gênés et distants, laissant Severus au milieu d'une situation de moins en moins agréable. Les choses, entre eux deux, étaient à peine meilleures. Le niveau de stress les rendait irritables et deux personnes irritables vivant ensemble…

La dernière chose dont ils avaient eu besoin était le changement de stratégie du Seigneur des Ténèbres.

« Il n'y avait aucun indice dans son esprit ? » demanda Shacklebolt, en soulevant le cache qui recouvrait son œil pour le frotter. « Aucun ? »

« Rien que nous ne savions déjà. » soupira-t-il. « Et dans l'adrénaline du moment… Sa perception des choses n'était pas des plus claires. Qu'il ait échappé aux Mangemorts est un petit miracle en soit mais ce que j'ai vu dans son esprit confirme les autres témoignages. Nos troupes se font systématiquement capturer. »

Capturer et pas tuer.

C'était une nouvelle variante de cette guerre et Severus ne parvenait pas à comprendre pourquoi.

Ça n'avait aucun sens.

À moins qu'ils aient décidé de soumettre leurs troupes à l'Imperium pour gonfler leurs propres rangs en vue d'un assaut final mais… Les Mangemorts n'avaient pas besoin de ça. Ils avaient déjà la supériorité numérique.

Et au rythme où ça allait, si eux voulaient continuer à avoir une armée, ils allaient devoir enrôler des mineurs ou des vieillards…

« Ce n'est pas une coïncidence si ce sont principalement des groupes de l'Ordre qui sont visés. » décréta Nymphadora, en fouillant dans l'amas de papiers sur le bureau pour en tirer une liste de noms. « Regardez… Il y avait bien deux Aurors dans chaque unité capturées. Trois dans la première… Mais principalement, ce sont les groupes avec le plus de membres de l'Ordre. On a eu d'autres échauffourées avec des Mangemorts depuis qu'ils ont commencé à faire ça et ils n'ont pas cherché à kidnapper les unités d'Aurors. » Elle jeta le papier avec agacement. « Putain, j'étais sur le terrain hier soir et leurs tactiques étaient normales ! »

« Peut-être qu'ils pensent que les Aurors sont plus difficiles à capturer ? » suggéra Shacklebolt, en attrapant la liste qu'elle venait de jeter pour l'étudier à nouveau.

« C'est une possibilité. » admit Severus.

« On les envoie au casse-pipe. » souffla Nymphadora, avec une colère gonflée de désespoir, en se laissant tomber sur une chaise libre. « Sirius a fait de l'excellent boulot avec eux mais… On devrait donner la priorité aux unités d'Aurors. Garder les membres de l'Ordre en dernier recours ou en protection du domaine. S'ils en ont après les civils… Ça me fait mal de le dire mais Remus n'avait pas tort quand il disait que le rouge était trop facilement identifiable. »

Elle porta la main à sa bouche pour ronger un ongle qui était déjà ras.

Discrètement, Severus allongea sa jambe raide et poussa légèrement son pied avec le sien. Elle ne tourna pas le regard vers lui mais elle laissa tomber sa main avec un soupir.

Il ne subsistait plus aucune trace du vernis à ongles qu'elle avait arboré régulièrement au début de leur relation et dont les quelques bouteilles étaient alignées sur une étagère de leur salle de bain. En revanche, elle se rongeait tellement les ongles de stress qu'il lui arrivait régulièrement d'en saigner.

Severus détestait la voir se faire du mal, même si c'était minime.

« Nous n'avons pas assez d'Aurors pour faire ça. » lui rappela Shacklebolt, avec un regret certain. « Il y a trop de micro-attaques. Quoi que leur plan soit, on ne peut pas nier qu'il fonctionne. Severus, avez-vous une idée de pourquoi ils voudraient capturer des membres de l'Ordre en particulier ? »

« Plusieurs. » répondit-il. « Aucune n'est bonne. Il est possible qu'ils cherchent juste à gonfler leur propre armée en les asservissant. Il est également possible qu'il s'agisse d'une attaque personnelle envers moi. Techniquement, l'Ordre m'appartient désormais. Ses membres sont sous mes ordres. Il est envisageable que le Seigneur des Ténèbres cherche à m'atteindre par ce biais pour se venger de mes révélations sur la Marque ou tout simplement pour jouer avec mes nerfs. Ou alors, si on suit ce raisonnement… »

Il laissa sa phrase en suspens.

C'était la supposition qu'il aimait le moins.

« Il soupçonne. » lâcha Nymphadora, toujours très prompte à deviner ce qu'il pensait.

« Il soupçonne. » confirma-t-il. « Et, en conséquence, interroge mes troupes personnelles comme nous le ferions avec ses Mangemorts. »

« Soupçonner quoi ? » intervint Shacklebolt, en fronçant les sourcils.

« Secret défense, je regrette. » s'excusa-t-il, avec une légère grimace. S'il n'y avait pas eu Harry, il aurait suggéré de le mettre au courant. Après tout, c'était le seul à leur niveau du gouvernement qui ne sache pas et il aurait pu être utile. Néanmoins, avec Harry dans l'équation, c'était trop dangereux.

« Mais pourquoi capturer des gens au hasard… » insista Nymphadora. « Pourquoi ne pas juste aller vérifier en personne ? »

« Pour ne pas attirer l'attention. » déduisit-il. « Parce que si ses soupçons sont exacts, nous pourrions l'épier dans l'espoir qu'Il nous mène précisément là nous le voulons. Il ne prendra pas le risque de révéler quoi que ce soit avant d'être certain. »

« Pourquoi il n'attaque pas directement ici ? » contra-t-elle. « Il a les forces, il a le pouvoir… Il pourrait nous écraser. »

« Je suis d'accord avec l'analyse d'Albus et de Severus. » intervint Shacklebolt. « Il veut forcer la main de la Confédération Magique, les contraindre à le reconnaître comme dirigeant. »

« Je pense qu'Il ne veut pas tuer Albus avant. Il veut qu'il assiste à son triomphe. » confirma Severus. « Et je ne suis pas certain d'à quel point Il est rationnel. »

Nymphadora secoua la tête. « On devrait faire plus. On doit faire plus. Je refuse d'envoyer mes troupes à la mort ou pire. Ce sont des volontaires. Ils nous font confiance. »

« Que veux-tu faire de plus ? » rétorqua le Chef des Aurors, sans méchanceté mais avec fatalisme. « Nous avons un Auror expérimenté à la tête de chaque unité. »

« Des Aurors qui étaient à la retraite. » contra-t-elle. « Dont les réflexes… »

« Nymphadora, tu ne peux pas mener chaque bataille toute seule. » la coupa Severus, devinant où elle allait avec cette idée. « Je sais que tu es frustrée, je sais que tu voudrais en faire davantage… Toutefois tu ne peux pas être partout et tu ne peux pas protéger tout le monde. Tu en fais assez. Tu en fais plus que ta part. Ne crois pas que je ne sache pas que tu ne respectes pas tes heures de repos. »

Elle se renfrogna mais ne chercha pas à le contredire, principalement parce qu'elle était sans doute consciente qu'il avait raison. Ça ne l'empêcha pas de s'affaisser davantage dans son fauteuil et de croiser les jambes avec agacement, son pied battant nerveusement la mesure.

À combien de philtres de force en était-elle, ce jour-là ? Sa réserve avait drastiquement diminué, ces dernières semaines.

« Ça pue la merde. » décréta-t-elle.

Shacklebolt émit un bruit amusé un peu trop forcé. « Je te défie de mettre ça par écrit dans le rapport pour le Ministre. »

Elle leva un sourcil pas du tout amusé.

Severus, pour sa part, s'autorisa à poser une main réconfortante sur son bras.

Elle se détendit légèrement mais pas entièrement.

Cela faisait des jours qu'elle n'était qu'une boule de nerfs et il supposait qu'il fallait que ça sorte d'une manière ou d'une autre. Il espérait un peu que ça arriverait dans leurs appartements, où elle pourrait exploser en paix et en sécurité. Il ne la jugerait jamais pour ça. Après tout, il n'était pas étranger aux crises de nerfs cathartiques… Pourtant, il craignait un peu que ça ait lieu là dehors, au milieu d'une bataille, et ça…

Il glissa sa main jusqu'à son poignet, cherchant son pouls.

Le sentir battre sous ses doigts était plus rassurant que tous les mensonges qu'il pourrait se raconter pour endormir ses inquiétudes.

°O°O°O°O°

« Je ne comprends pas pourquoi tu ne veux pas mettre Draco dans la confidence ! » murmura Hermione, en aparté, après s'être assurée d'un coup d'œil que Ron était à l'autre bout de la pièce, en train de fouiller dans une vieille malle. « Il sait pour les horcruxes. Il sait pour tu-sais-quoi. » Ses yeux allèrent se poser momentanément sur la cicatrice qui barrait le front de son meilleur ami. « Il pourrait nous aider. À deux groupes, on… »

« Hermione. » grinça Harry d'un ton tendu.

Il n'y avait pas que le ton qui était tendu chez lui, ces derniers jours.

Et ce n'était pas la première fois qu'ils avaient cette conversation.

Elle pinça les lèvres, se contraignit au silence et attacha ses lourdes boucles indisciplinées en un chignon informe, avec des gestes secs qui trahissaient probablement son agacement. Ils étaient en train de fouiller une des réserves près de la cuisine et il était impossible de le faire discrètement car des flopées d'elfes de maison ne cessaient de venir leur jeter des regards curieux.

Un, en particulier, paraissait très intéressé par ce qu'ils faisaient.

« Harry. » reprit-elle, un peu plus fermement. Ron et lui détestaient ce ton docte mais vraiment

« Hermione. » la coupa-t-il, tout aussi fermement, et avec un coup d'œil appuyé pour l'elfe de maison qui leur rôdait autour.

Parce que les réserves étaient attenantes aux cuisines, Harry n'avait pas pu jeter ses protections anti-intrusion habituelles et, en conséquence, il était encore plus nerveux que d'ordinaire.

« Tu sais, il y a une limite entre la prudence et la paranoïa. » le mit-elle en garde.

Son meilleur ami semblait être terrifié à l'idée que Snape apprenne qu'il les avait mis à contribution pour trouver le diadème. Il les avait faits jurer au secret, jetait en permanence des sortilèges pour s'assurer qu'on ne les espionnait pas, les obligeait à utiliser la pierre runique anti-localisation que Bill lui avait offerte ou à se glisser régulièrement sous la cape d'invisibilité pour perdre d'éventuels poursuivants…

De l'avis d'Hermione, ils étaient moins discrets à se déplacer comme s'ils avaient des choses à se reprocher que s'ils s'étaient baladés normalement.

Ron laissa retomber le couvercle de la malle, dégageant un nuage de farine qui le fit tousser.

« Il n'y a rien ici. » déclara-t-il, en se frottant les mains avec une grimace. « Que de la bouffe et des vieux instruments de cuisine. »

« C'était peu probable que ce soit ici, de toute manière. » soupira Harry.

Hermione croisa les bras, ayant déjà exprimé son opinion plusieurs fois sur le sujet. Et c'était la raison pour laquelle elle pensait que Draco aurait pu être utile. Avec autant de salles de classe et de pièces vides transformées en appartements pour les réfugiés, fouiller tout le château sans s'introduire chez les gens était impossible. Lord Malfoy ouvrait les portes plus facilement qu'aucun d'eux n'aurait pu le faire.

« Il y a des vitrines dans l'aile ouest. » décréta le Survivant. « On devrait aller voir. »

« On s'éparpille ! » s'agaça Hermione. « Si on était méthodique… »

« On fait ce qu'on peut. » la coupa-t-il. « Et Sirius et Bill ont déjà fouillé une bonne partie du château, je te rappelle. »

Elle se mordit la lèvre pour ne pas rebondir là-dessus. Il ne fallait pas croire qu'elle n'avait pas remarqué que Harry se servait de Dobby pour garder un œil sur son parrain et l'avancée de ses recherches. Dobby qui, par ailleurs, était toujours un peu blessé qu'Harry se soit servi de lui après la bataille et était plus renfrogné qu'à l'ordinaire mais toujours désespéré de faire plaisir à son sauveur.

Quelque chose ne tournait pas rond dans toute cette histoire.

Son empressement à ne pas se faire remarquer, sa paranoïa… Et pour quelqu'un dont les chances de survie ne reposaient plus que sur un seul horcruxe, Harry était trop calme et refusait de répondre à ses questions sur ce qui était prévu pour se débarrasser du sien.

Le pire étant qu'elle ne pouvait partager aucune de ses suspicions avec Ron parce qu'il n'était toujours pas au courant qu'Harry en était un ou Draco parce que Harry leur avait interdit de lui en parler, arguant qu'à ce stade, il fallait garder les informations dans un cercle le plus fermé possible.

Ça n'avait aucun sens.

Pire, elle trouvait ça très louche.

De là à ce qu'Harry ait un plan héroïquement stupide visant à se sacrifier… Elle le connaissait trop bien et n'appréciait pas de se faire prendre pour une idiote.

Toutefois, elle lui emboîta le pas lorsqu'il quitta la réserve, le laissant marcher devant avec Ron qui ne tarda pas, parce qu'Harry était taiseux ces derniers jours, à ralentir l'allure pour aligner son pas sur le sien. Pendant quelques minutes, ils suivirent leur meilleur ami en silence, les yeux rivés sur son dos, puis, dans un murmure qui ne porterait pas jusqu'à lui, Ron soupira.

« C'est moi ou il y a un truc qui cloche ? » demanda-t-il. « On court en rond comme des poulets sans tête. »

Hermione ne répondit pas tout de suite, ses doigts pianotant nerveusement contre sa cuisse.

« Je ne sais pas. » lâcha-t-elle finalement.

Mais elle savait, au fond. Ou elle devinait.

Oui…

Elle commençait à deviner.

Et elle n'aimait pas ça du tout.

°O°O°O°O°

« Ça t'arrive de te demander comment tu en es arrivé là ? » plaisanta Sirius, en inspectant la serrure qu'il s'apprêtait à briser.

Derrière lui, à l'autre bout de la classe de Sortilèges, Severus poussa un profond soupir. « Perpétuellement. Où en es-tu ? Il n'y a rien ici. »

« Il n'y aura rien dans le bureau de Flitwick non plus. » remarqua-t-il, en faisant tourner sa baguette entre ses doigts. « Je pense qu'il aurait remarqué le diadème perdu de Rowena Serdaigle posé sur sa cheminée. »

Il n'avait même pas besoin de se retourner pour savoir que son meilleur ami venait de lever les yeux au ciel. « Pousse-toi de là. »

Il s'effaça pour lui laisser la place, s'appuyant dos au mur et croisant les bras.

« Tu sais que j'ai passé la semaine à faire ça ? » ironisa-t-il.

Il n'aurait jamais pensé pouvoir rajouter cambrioleur à la liste de ses aptitudes mais, pourtant, Bill et lui avaient passé ces derniers jours à s'introduire dans les appartements des gens en douce, simplement pour vérifier qu'il n'y avait pas un diadème planqué quelque part dans un des lieux de vie créés par Poudlard. Après tout, la magie partait rarement de rien. Pour créer autant d'habitations, le château s'était servi dans les pièces vides en priorité. Autant de pièces qu'ils ne pouvaient plus fouiller autrement qu'en empiétant sur la vie privée des réfugiés.

Le problème étant que le château était immense et qu'entre les bureaux improvisés, les habitations, les passages secrets et les pièces dérobées…

Mais ils étaient arrivés à bout de vitrines à fouiller.

Le diadème était clairement bien caché et…

Un cliquetis le ramena à la réalité à temps pour affronter l'expression supérieure et trop pleine de morgue de son ancien rival alors que la porte du bureau s'ouvrait, les multiples couches de protections disparues.

« Il n'est pas dans le bureau de Directeur de Maison de Gryffondor ou de Serpentard. » rétorqua Severus. « Ne pas fouiller celui de Serdaigle ou de Poufsouffle serait une erreur stupide. »

« Et tu comptes t'introduire dans celui de Chourave par effraction aussi ou… » ironisa Sirius, en le suivant à l'intérieur du bureau de Flitwick. L'odeur le prit à la gorge. Un mélange d'anis et de réglisse qu'il associait au Professeur de Sortilèges.

Et qu'il avait complètement oubliée.

Severus dut être lui aussi saisi par une vague d'émotions parce qu'il se figea brièvement avant d'allumer les torches d'un lumos informulé.

« Non. » répondit-il. « Je compte lui demander l'autorisation d'y entrer. Elle ne me le refusera pas et elle ne posera pas de questions. »

Ce fut à son tour de lever les yeux au ciel. « Ce don que tu as pour que les vieilles sorcières te mangent dans la main… Je n'ai jamais compris. »

C'était trop étrange d'être dans ce bureau et Sirius fit quelques pas réticents vers le buste de Serdaigle posé dans le coin sur une stèle. Le diadème était sur sa tête mais bel et bien en pierre. Aucun sort là-dessous. Aucune cachette secrète. Aucune découverte miraculeuse.

Il se tourna vers le bureau installé en biais, dans l'angle opposé de la pièce. Tout était fait, ici, pour que les adolescents se sentent à l'aise. Loin de l'ambiance sévère qui régnait dans l'antre de McGonagall ou de Severus, le bureau du Directeur de Serdaigle était chaleureux.

Il avait l'impression d'avoir quinze ans à nouveau, d'être convoqué pour parler posément de ses frasques et de son manque d'efforts en cours et…

Sa gorge était soudain très serrée.

Flitwick n'avait été qu'un nom sur une longue liste parce qu'il y avait eu plus urgent, plus grave, plus proche, plus…

« Cela s'appelle la décence. Ne cherche pas, tu en es dénué. » répondit Severus mais sa répartie manquait de mordant. Lui aussi paraissait réticent à toucher aux affaires de leur collègue et ancien professeur. Il s'était approché du bureau et avait ouvert un tiroir qu'il inspecta visiblement à contrecœur.

Sirius s'occupa en jetant des sortilèges de détection. Il trouva un renforcement secret derrière une des bibliothèques mais tout ce que Flitwick avait à cacher était quelques bouteilles hors d'âge à peine entamées. Il passa les doigts sur le verre un peu opaque de l'une d'entre elles, dérangeant la poussière qui y reposait, et referma le compartiment.

« J'ai reçu un message de Nyssa. » lâcha-t-il, pour combler le silence.

Severus avait terminé de fouiller le troisième tiroir et releva la tête pour l'étudier. « Et ? »

« Et, elle continue à chercher des alliés. » répondit-il, en soulevant une pile de coussins du petit sofa dans le coin du bureau comme si l'horcruxe avait véritablement passé quarante ans caché dans un canapé. « Elle reviendra dès qu'elle pourra. »

Du moins c'était ce qu'elle affirmait et il voulait la croire. Même si ses hiboux disaient tous plus ou moins la même chose.

Son ami émit un bruit qui pouvait tout dire et rien dire, sa désapprobation plus qu'évidente. S'il en ressentit le même agacement que d'habitude, il éprouva aussi une pointe d'affection. Une pointe. Parce qu'il savait que si Severus désapprouvait, c'était avant tout parce qu'il s'inquiétait de le voir blessé.

Harry n'avait pas tort lorsqu'il clamait haut et fort que l'homme était surprotecteur avec les gens auxquels il tenait. Que Sirius en fasse désormais partie était toujours un choc.

Ils inspectèrent le reste de la pièce rapidement.

À un moment, Severus se figea mais ce n'était pas un diadème qu'il avait entre les mains, simplement un carnet de partitions usé par les ans. L'expression du Maître des Potions était fermée.

« Il n'était plus le même après la tempête magique. » murmura ce dernier. « Avoir perdu Hightower et Daggins… Il ne se l'était pas pardonné quand bien même était-ce un miracle qu'il soit parvenu à ramener les autres en un seul morceau. À les ramener tout court. »

« Ça a duré moins longtemps pour lui que pour Harry et toi, non ? » hésita-t-il.

Lentement, respectueusement, Severus replaça les partitions à leur place. « Une semaine. » Il secoua la tête. « Il m'a fallu des mois pour trouver comment rentrer et je n'étais pas dans une situation dangereuse avec une bande d'enfants dans les pattes… Il était brillant. Nous aurions dû le consulter au sujet de Tu-sais-quoi. Nous aurions dû… »

« Les regrets ne mènent à rien. » le coupa-t-il, sans méchanceté.

L'ancien espion n'insista pas mais son expression trop lisse en disait long. Il n'était plus si prompt à se réfugier derrière l'Occlumencie dernièrement. Il n'avait pas l'énergie pour.

« Il méritait mieux. »

C'était à peine un murmure, le chagrin plus lourd que ce que son ami n'avait probablement voulu laisser paraître.

Sirius haussa les épaules avec lassitude. « Il n'est pas le seul qui méritait mieux. Qui mérite mieux. C'est pour ça qu'on se bat, non ? » Il avait voulu ramener une touche positive à cette conversation mais il vit immédiatement que ça n'avait pas marché et il n'était pas assez optimiste pour insister. « Il n'y a rien ici. C'était un autre coup pour rien. Viens, on s'en va. »

Severus ne protesta pas, même s'ils n'avaient pas été aussi méticuleux qu'ils auraient pu l'être. Les chances de trouver des choses que le Professeur de Sortilèges avait voulu garder privée étaient plus élevées que celle de tomber par hasard sur l'horcruxe. Ils avaient vérifié par acquis de conscience mais… Le diadème n'était pas plus là qu'il ne serait dans le bureau de Chourave.

« Je dois retourner travailler. » marmonna son ami. « J'ai rendez-vous avec Horace. Il pense avoir enfin stabilisé la potion. Lupin ne tardera pas. »

Pourtant – ou peut-être à cause de ça – lorsque Sirius s'arrêta sur une des coursives extérieures, il l'imita, s'appuyant contre le parapet pour soulager sa jambe.

« On parle des trucs qui fâchent ? » soupira l'Animagus, en tirant son paquet de cigarettes de sa poche pour en allumer une. Il fallait qu'il ralentisse sa consommation de cigarettes. Les paquets défilaient et c'était devenu son premier réflexe dès que l'angoisse montait trop. C'était peut-être mieux que l'alcool mais ce n'était pas non plus optimal.

Cissy ne cessait de lui en faire le reproche.

Severus émit un bruit amusé qui ne l'était pas du tout. « Les membres de l'Ordre capturés, Harry, ou le fait que nous sommes tous à un cheveu de nous écrouler ? Quel sujet qui fâche veux-tu aborder en premier ? »

Harry…

Ils en avaient tellement parlé qu'il n'y avait plus grand-chose à en dire.

Harry menait sa petite opération dans son coin. Kreattur avait pour ordre d'intervenir à la seconde où il se mettrait en danger et de ne laisser aucun autre ordre supplanter celui-ci. Ron et Hermione lui traînaient après, inconscients du désastre que cela serait s'ils trouvaient l'horcruxe. Severus avait renforcé les protections sur son coffre-fort où il conservait les crochets de basilic mais avait déjà remplacé celui que le gamin gardait sous son matelas et celui planqué tout en bas de sa commode par des faux. Et il leur avait collé un elfe de maison au train – celui que McGonagall préférait.

Harry n'était pas plus avancé qu'eux et tournait en rond dans le château à la recherche d'un objet perdu depuis des siècles.

Sirius commençait à douter qu'il soit seulement .

« J'ai assigné les derniers volontaires à des unités, hier. » annonça-t-il. « Si tu valides, je laisse la Salle sur Demande en accès libre pour que les gens puissent s'entraîner comme ils veulent mais… Plus besoin d'entraînement. On n'a plus le temps, de toute manière. Et je veux pouvoir diriger mon unité à plein temps. »

Severus se frotta les yeux. « Tu ne peux pas plus sauver le monde que Nymphadora. Tu ne peux pas les protéger tous. »

Il avait visé juste, bien sûr.

C'étaient ses troupes qui se faisaient massacrer là-dehors. Kidnapper.

« J'en ai assez de jouer les professeurs. » déclara-t-il, en tirant agressivement sur sa cigarette. « Ce n'est pas pour ça que je suis le plus doué. »

« Tu n'es pas si mauvais. » admit le Maître des Potions, un peu à contrecœur.

« Mais ce n'est pas pour ça que je suis le plus doué. » insista-t-il. « Mets-moi sur le terrain. En première ligne, je peux faire une différence. »

Severus soupira. « Je sais. »

Il ne dit rien d'autre mais il le fixait avec une insistance qui le mit mal à l'aise, principalement parce que son regard était rivé sur sa bouche.

« Qu'est-ce que tu as à loucher sur moi comme ça ? » demanda-t-il finalement, au bout de deux longues et inconfortables minutes. « Tu me fais peur. »

Avant que Sirius n'ait pu réagir et avec une rapidité qu'il ne lui aurait pas prêtée, surtout dernièrement, la main de Severus fusa. Il en était encore à ciller lorsqu'il se rendit compte que ce qui restait de sa cigarette n'était plus dans sa main et que l'ancien espion l'avait portée à sa propre bouche. L'homme inhalait le tabac comme s'il respirait pour la première fois depuis très longtemps et n'était pas subtil avec le plaisir qu'il y trouvait.

Sans savoir si la scène était hilarante ou choquante, Sirius leva les sourcils, luttant contre un fou rire qui, vu sa fatigue, serait sans doute trop hystérique. « Tu veux que je vous laisse seuls, toi et ta cigarette ? »

En réponse, il eut droit à un regard noir.

« Vingt ans. » cracha Severus. « Vingt ans que je n'en avais pas touchée une. Et Harry me tuera s'il l'apprend. » Malgré ses protestations, il ne lâcha pas la cigarette pour autant. Il n'en restait pas grand-chose mais il paraissait déterminé à la fumer jusqu'au bout. « Je vous blâme Nymphadora et toi. »

« Bien sûr. » se moqua-t-il.

Le Maître des Potions ferma les yeux et inhala la dernière taffe avec un soulagement mêlé de regret. Il écrasa le mégot sur la pierre avec des doigts tremblants et le fit disparaître dans son poing. Un tour de passe-passe bien connu des fumeurs.

« Tu en veux une autre ? » proposa-t-il parce que celle qu'il lui avait volée avait été pratiquement finie. « Maintenant que j'ai enfin découvert un de tes vices cachés… »

Severus leva les yeux au ciel. « Il n'était pas si bien caché, tu n'as jamais été très observateur. Lily et moi fumions comme des pompiers. »

Il fronça les sourcils. « Des quoi ? »

Il savait que Lily avait accepté des cigarettes de temps en temps mais il n'avait jamais surpris Severus avec.

Le Maître des Potions agita la main mais ne refusa pas la nouvelle cigarette qu'il lui passa. Il l'alluma lui-même et se tourna vers le parc, laissant son regard se perdre au loin. La journée était belle. Une journée d'août idéale pour aller faire une balade ou paresser près du lac.

« C'est la dernière. » décréta Severus, en la savourant visiblement. « Harry ne me le pardonnerait pas. »

« Je fume tout le temps et il s'en fout. » remarqua-t-il, dans un haussement d'épaules. « C'est plus l'alcool qui le gêne. »

Son ami resta silencieux un moment, la cigarette laissant un sillon de fumée tremblotant dans le sillage de sa main.

« Mon moi de quinze ans l'a fait fumer en soixante-quinze. » lâcha l'homme. « J'ai très mal géré la situation et j'ai failli le perdre pour de bon. Je ne risquerai pas notre relation pour une dose de nicotine. » Ça ne l'empêcha pas de fermer les yeux pour mieux savourer. « Cela restera entre nous. »

« Je ne sais pas comment tu fais sans rien pour évacuer le stress. » admit Sirius, en s'accoudant au parapet à côté de lui. Quelques hippogriffes s'envolèrent du côté de la cabane d'Hagrid et il les suivit des yeux, en se demandant si Buck était parmi eux. « Sans mes cigarettes, mon whiskey ou Nyssa, je serais déjà devenu fou. »

« Tu es fou. » rétorqua son ami, plus taquin que méchant. « Et je ne suis pas un saint. J'ai Nymphadora. »

Sirius se couvrit immédiatement les oreilles et se mit à chantonner très fort. « Je ne veux pas savoir ! »

Le rire de Severus était las. L'ancien espion souffla lentement la fumée, reprit rapidement une taffe comme s'il ne pouvait pas s'en empêcher puis écrasa ce qui restait de la cigarette. Il expira longtemps et regarda les volutes se dissiper dans l'air.

Lorsqu'il reprit la parole, son ton était mortellement sérieux. « Elle ne va pas bien. »

« Aucun de nous ne va bien. » soupira Sirius, en lui donnant une claque amicale sur l'épaule.

Le Maître des Potions hésita visiblement, sa mâchoire se contractant. « Elle prend trop de philtres de force pour tenir. Si elle n'est pas sur le terrain, elle est au bureau ou en train de fouiller le château. Et lorsqu'elle est à la maison… » Les yeux noirs restèrent rivés sur le parc plutôt que de dériver vers lui. « Je ne prétendrais pas que je suis facile à vivre dernièrement. Quant à la situation avec Harry… »

La phrase demeura en suspens.

« Elle ne va pas te larguer. » se sentit-il obligé de le rassurer.

Severus tourna la tête vers lui, sourcils légèrement froncés. « Ce n'est pas ce qui me fait peur. Elle… Tu l'as dit toi-même. Nous sommes tous à bout. Mais elle est forcée d'être là-dehors, d'affronter… » Il se tut, détourna à nouveau le regard vers le parc. « Je ne lui reproche pas les philtres de force, elle en a besoin. Ce n'est pas l'idéal mais elle en a besoin et je garde un œil sur sa consommation. » Il déglutit, referma la main sur le pommeau de sa canne qu'il serra presque sans s'en rendre compte. « Si la stratégie du Seigneur des Ténèbres est de nous pousser à faire des erreurs à force d'angoisse et de fatigue, je crains que ce ne soit en train de fonctionner. »

Sirius croisa les bras et appuya une hanche au parapet pour mieux l'observer mais son ami ne tourna pas le regard vers lui, comme s'il ne pouvait pas se convaincre d'en avouer autant en face. Il y avait une réelle anxiété sur le visage de Severus.

« Je suis parfaitement conscient que je ne suis pas entièrement maître de moi-même. » lâcha le Maître des Potions. « Et cela sans parler de mon corps défaillant. Nymphadora a raison. Je suis épuisé. Physiquement. Mentalement. Nous sommes tous dans la même situation. » Il secoua la tête. « Je prends des décisions qui… Et si je commettais une erreur ? Sur le terrain, son épuisement pourrait coûter la vie à Nymphadora. Mais de mon bureau, une erreur pourrait nous coûter la guerre. Et je ne pourrais vivre ni avec l'un ni avec l'autre sur la conscience. Quant à Harry… »

« On a pris la bonne décision pour Harry. » le coupa Sirius. « On, Severus. Tu n'es pas tout seul dans cette histoire. » Il savait que c'était une preuve de confiance que l'autre homme lui en avoue autant. Il savait aussi que s'ils commençaient à douter… Ils ne pouvaient pas se permettre de douter. Lorsque, lui, avait flanché, son ami avait été très clair. Douter était le premier pas vers la chute. Et il avait eu raison. « Oui, on est tous crevés. Non, on n'est plus sûrs de ce qu'on fait. Mais on n'a pas d'autre choix que d'avancer. Personne ne peut faire ce que tu fais comme toi. Il y a une raison si Dumbledore t'a mis à la tête de l'Ordre. »

« Certes. » contra Severus. « Toutefois, si je ne suis pas capable de… »

« Tu es parfaitement capable. » l'interrompit-il. « C'est toute l'histoire avec Harry qui te mine. Mais tu n'as pas tort, d'accord ? On ne va pas le laisser mourir. On va suivre le plan, exactement comme on a dit. On trouve le diadème avant lui et ses amis ou on leur tombe immédiatement dessus s'ils le trouvent avant nous. On retente le rituel avec les modifications. On réussit. On sauve Harry. On tue Tu-sais-qui. On gagne la guerre. Tu épouses ma cousine parce que, vraiment, Andy et Cissy m'agacent avec ça. Et on vit tous très heureux jusqu'à être très, très vieux. »

L'ancien Mangemort prit plusieurs profondes inspirations puis se redressa imperceptiblement. « Très bien. »

« Très bien. » répéta-t-il, en hochant la tête.

Le Maître des Potions consulta sa montre et fit la grimace, ce qui lui arracha, à lui, un sourire.

« Tu n'as vraiment pas envie de voir Remus, hein ? » se moqua-t-il.

« Depuis son triomphe, il est encore plus insupportable. » grommela Severus.

« Je trouve qu'il fait des efforts… » nuança-t-il, un peu prudemment. « Les quelques fois où je lui ai parlé… Il semblait moins… loup. »

« Il se contrôle davantage. » lui accorda son ami. « Cela ne signifie pas que ce soit un progrès. »

Tristement, des progrès, Sirius n'en attendait plus beaucoup.

°O°O°O°O°

Sans surprise, le diadème de Serdaigle ne se cachait pas dans les écuries.

Bill abandonna ses recherches futiles et se cala sur un des ballots de foin que Charlie venait de rentrer.

Il se força également à ravaler ses questions inquiètes en apercevant la tension sur le visage de son frère. Un rapide calcul lui dit qu'ils flirtaient avec la limite de la distance qu'il pouvait mettre entre Anthony et lui. Pourtant, travailler avec Hagrid lui avait redonné une raison de se lever le matin et paraissait lui faire du bien alors Bill ne voulait pas l'ensevelir sous les avertissements bienveillants. Leur mère le faisait assez pour deux.

« Si tu me disais ce que tu cherches, ça irait plus vite. » remarqua Charlie, en continuant de panser le sombral un peu colérique, à l'aile abimée, qui était trop agressif pour rester près de la cabane d'Hagrid. Charlie avait réussi à l'amadouer sans lésiner sur les furets et l'animal lui donnait depuis régulièrement des coups de tête lorsque la brosse n'allait pas assez vite à son goût.

Bill évitait soigneusement de penser à la forme Animagus de Severus depuis qu'il avait trouvé son frère occupé avec l'animal.

« Laisse tomber. » soupira-t-il.

Il ne voulait pas être défaitiste mais il commençait à se demander si la théorie de Tonks était la bonne. Ils avaient fouillé le gros du château mais Poudlard était immense et possédait des pièces dont le Directeur ignorait l'existence… Parlant d'aiguille dans une botte de foin… Il donna un coup de poing sur la paille qui lui servait de siège.

« Tu es sûr que ça va ? » hésita Charlie, en sortant du box. Il fut immédiatement rappelé à l'ordre par le sombral qui tenta de lui mâchonner le col du tee-shirt. Riant un peu, son frère se dégagea prudemment et le gratta entre les deux yeux.

Bill sourit en l'entendant rire. Ce n'était pas l'éclat de rire joyeux et insouciant habituel mais c'était toujours mieux que…

« Je suis désolé. » lâcha-t-il.

Son petit frère fronça les sourcils et, sans cesser de caresser le sombral, tourna un regard perplexe vers lui. « Pour quoi ? »

Il déglutit avec difficultés, laissant son regard se balader aux quatre coins des écuries plutôt que d'affronter celui de Charlie. Ses doigts jouaient nerveusement avec les brins de paille qui sortaient du ballot.

« Je ne crois pas que j'avais compris comment c'était pour toi. » avoua-t-il. « L'Imperium. Je… J'avais une idée mais la réalité de la chose… » Il secoua la tête. « Disons que j'ai eu une expérience similaire récemment et, que tu aies dû subir ça pendant des mois… » Il s'humecta les lèvres. « Je ne suis pas sûr que je t'ai donné ce dont tu avais besoin. »

« Comment ça une expérience similaire ? » releva son frère, en fermant le box du sombral pour se rapprocher, l'air inquiet.

« C'est une longue histoire. » botta-t-il en touche, toujours sans le regarder en face.

Il avait du mal à regarder qui que ce soit en face, en ce moment. Surtout Severus à qui il avait jeté des sorts de mort et Sirius qu'il avait soumis à l'Endoloris. Toutes les nuits, il se réveillait en nage, des horreurs plein la tête.

Le souvenir de la voix impérieuse dans son esprit mettrait longtemps à disparaître.

« C'est pour ça que Fleur est bizarre ? » demanda Charlie, en croisant les bras dans une attitude plus défensive que belligérante.

Bill ferma les yeux et se voûta un peu plus. « Fleur… C'est compliqué. »

Ça ne pouvait être que compliqué.

Il y avait les questions sur ses absences et ses cauchemars auxquelles il ne pouvait pas répondre, l'omniprésence de sa famille dans leur relation, le dédain marqué de sa mère qui persistait à lui préférer Audrey sans aucune raison valable…

Cela faisait des mois qu'il y avait des tensions entre eux, des mois que…

Il enviait à Severus et Tonks la possibilité d'être honnêtes l'un envers l'autre. Avoir un tel secret dans un couple…

Il entendit Charlie se rapprocher lentement, se força à rouvrir les yeux et à lever la tête vers lui.

« Est-ce que tu vas bien ? » demanda son frère. « L'Imperium… Est-ce que tu vas bien ? »

Bill laissa échapper un bruit amer. « Je survivrai. »

Au moins n'avait-il véritablement blessé personne d'autre que Kreattur… Sirius lui avait assuré que l'elfe s'en remettrait, ce qui ne l'avait pas empêché de lui présenter tout de même des excuses que la créature avait acceptées avec une gêne palpable. Mais Charlie… S'il avait tué quelqu'un sous l'influence de l'horcruxe, il ignorait comment il aurait pu se reconstruire. Il comprenait mieux, de manière viscérale, ce qui avait poussé son frère à tenter de se faire du mal.

Vivre avec ça…

Vivre avec tout ce qu'Anthony lui avait probablement fait subir en privé dans son délire amoureux…

Charlie lui adressa un sourire qui tenait de la grimace et qui n'atteignit pas ses yeux. « Pendant longtemps, j'avais l'impression de ne pas pouvoir respirer. Ça va un peu mieux. » Le dragonnier haussa les épaules et enfouit les mains dans les poches de son jean. « Snape a suggéré… Snape a suggéré que l'Occlumencie pourrait m'aider à remettre de l'ordre dans ma tête. Et que c'était une garantie d'être moins susceptible à l'Imperium à l'avenir. »

« Oui. » confirma Bill, se reprochant immédiatement de ne pas y avoir pensé plus tôt. « Je peux t'apprendre, si tu veux. »

Son frère se balança un peu, passant son poids du corps de ses talons à ses orteils, un peu gêné. « J'ai demandé à Aidan. »

« Aidan… » répéta-t-il. « Abbot ? »

« On a sympathisé. » expliqua son frère.

Bill leva un sourcil, un sourire amusé flottant sur ses lèvres. Il avait ses réserves à propos du Langue-de-Plomb mais tout ce qui pouvait sortir Charlie de son apathie était bon à prendre et…

« Non, pas comme ça. » protesta le dragonnier, en se balançant un peu plus fort, trahissant son inconfort. « On parle beaucoup quand il est de repos. Il n'a pas beaucoup d'amis au château et il a vu pas mal de trucs tordus dans sa carrière. Il en a subi aussi. C'est… Ça m'aide de discuter avec lui. »

Bill hésita. « Tu sais que tu peux toujours me parler. Tu sais que… »

« Oui, je sais. » répondit Charlie, avec un sourire franc cette fois. « Mais Tonks et toi… Vous êtes trop proches de tout ça, tu vois ? C'est difficile à expliquer. C'est plus facile d'en parler avec lui. »

Il n'était pas certain de ce qu'il en pensait. D'un côté, si cela pouvait aider son frère à remonter la pente… Mais de l'autre…

« Il n'est pas moche. » remarqua-t-il prudemment.

Le dragonnier secoua immédiatement la tête. « Je ne peux même pas penser à ça. On est juste amis. »

Amis.

Le parallèle entre Aidan et Anthony lui sautait aux yeux : espion, adepte de la magie de l'esprit, avec un passé chargé…

Si Charlie faisait une sorte de transfert…

Que savaient-ils d'Abbot au fond ? Tonks et Severus s'accordaient sur le fait qu'il était trop bon combattant et trop apte à commander une unité pour se passer de lui mais le Maître des Potions était aussi persuadé qu'il aurait pu leur gagner les Langues-de-Plomb s'il l'avait vraiment voulu. Abbot pouvait dire ce qu'il voulait, Bill était du même avis.

C'était trop simple de dire qu'il avait les mains liées.

« Sois prudent, d'accord ? » ne put-il s'empêcher de le mettre en garde.

Charlie leva les yeux au ciel mais son affection était manifeste. « Ne t'inquiète pas. Il me faudra un long moment avant de seulement envisager ce genre de choses. » Toute légèreté disparut brutalement de son visage. « Tu as réfléchi à… J'ai vraiment besoin de parler à Anthony. De mettre un point final. »

Bill y était réticent au possible.

Mais si son expérience avec la coupe lui avait appris une chose, c'était qu'il n'avait pas toutes les réponses.

« J'en parlerai à Severus. » promit-il, à contrecœur.

Et il le regretterait, sans aucun doute.

Comme un présage, le sombral frappa des sabots dans son box.

°O°O°O°O°

Hermione s'était postée derrière un des piliers du grand hall et tentait d'avoir l'air innocent à chaque fois qu'un groupe en robes bleues ou rouges passait. Elle ignorait si elle convainquait quelqu'un avec son livre et sa fausse attitude insouciante mais c'était la seule solution qu'elle avait trouvé pour son embuscade.

Ron avait filé rejoindre Lavande.

Harry avait disparu sous sa cape d'invisibilité avec la vague excuse que c'était l'heure de donner son biberon à Paillette.

Hermione avait mûri sa décision tout le temps qu'avait duré la fouille inutile des vitrines de l'aile ouest.

Tout dans l'attitude son meilleur ami l'alarmait.

Elle avait tenté de se présenter dans la portion du château réservée au Ministère mais les Aurors de garde lui avaient refusé l'accès. C'était frustrant. Surtout parce que Harry, lui, pouvait aller et venir comme il l'entendait. Le privilège d'être le Survivant – ou d'avoir deux parents officieux qui y occupaient des postes clefs.

Par-dessus les pages du livre qu'elle ne lisait pas, elle suivit du regard un groupe d'adolescents plus jeunes descendre les escaliers et se diriger vers l'extérieur, sans aucun doute pour aller profiter du soleil. Neville et les autres étaient tous au lac, l'avait informée Ron, et c'était là qu'ils s'étaient donnés rendez-vous.

Au final, après presque une demi-heure d'attente, elle entendit le clac-clac-clac devenu familier d'une canne heurtant la pierre et elle sortit de sa cachette avec un peu trop d'enthousiasme si elle en crut le léger mouvement de recul du Maître des Potions.

« Professeur Snape ! »

Snape cilla, rangea la baguette qui avait fusé dans sa main et poursuivit son chemin sans plus de considération pour elle qu'un vague salut de la tête. « Granger. »

Elle n'eut pas vraiment de mal à lui emboîter le pas. « Il faut que je vous parle, Professeur. »

Elle eut la nette impression que la seule raison pour laquelle il s'efforçait d'être aimable était son amitié avec Harry.

« Je suis en retard, Miss. » répondit le sorcier, sans ralentir ou lui jeter un regard.

« Mais c'est urgent. » insista-t-elle. « C'est à propos d'Harry. Et de… de… de vous savez. Je crois qu'il va faire une bêtise. »

Ça eut le mérite d'attirer son attention.

Il faillit en manquer une marche de l'escalier qui menait aux cachots, se stabilisa in extremis en se rattrapant au mur et tourna un regard acéré vers elle. « L'avez-vous trouvé ? L'a-t-il en sa possession ? »

Les questions étaient trop rapides, trop angoissées.

Cela confirma tous ses pires soupçons.

« Non. » se dépêcha-t-elle de nier, en secouant la tête. « Mais… Mais il ne travaille pas vraiment avec vous pour le trouver, n'est-ce pas ? Il… Il veut le trouver en premier pour… »

Elle ne parvint pas à terminer sa phrase.

« Pas ici. Dans mon bureau. » cingla-t-il sèchement, en jetant un coup d'œil aux environs pourtant déserts.

La confirmation tacite lui retourna l'estomac et elle eut du mal à contenir sa panique et ses larmes durant les quelques minutes nécessaires pour atteindre le bureau du Directeur de Maison de Serpentard. Il s'effaça pour la laisser entrer puis referma la porte et apposa une demi-douzaine de sortilèges anti-espionnage avec l'air blasé que conférait l'habitude.

Au moins, Hermione savait où Harry avait pris cette manie…

« Asseyez-vous. » ordonna Snape, de ce même ton autoritaire, en débarrassant d'un geste négligeant du poignet une des chaises où s'empilaient les parchemins.

La pièce entière paraissait envahie de parchemins, comme s'ils avaient été jetés là. Des recherches, déduisit Hermione des quelques coups d'œil curieux qu'elle osa y jeter. Des recherches sur des potions et sans doute sur les horcruxes. C'était logique. Il ne se servait plus de ce bureau-ci pour recevoir qui que ce soit…

« Laissez-moi vous reposer la question. » siffla-t-il, en se laissant tomber sans trop d'élégance dans le fauteuil derrière l'imposante table. « Avez-vous trouvé le diadème ? »

« Non. » répondit-elle avec emphase, secouant la tête. « Mais… Mais Harry… Je sais que vous allez vouloir me jeter un Oubliette et… Et je comprends mais j'ai appris l'Occlumencie ou je suis en train, du moins, Harry m'apprend et… »

« Il vous a tout dit. » déduisit le Professeur. Son expression était des plus meurtrières et le juron qu'il lâcha ensuite était choquant dans sa bouche. « Qui d'autre ? Weasley ? »

Snape avait l'air prêt à les assassiner tous les trois.

« Non. Ron sait juste qu'il y a des horcruxes, pas qu'Harry… » répondit-elle, le cœur battant à cent à l'heure, avec la sensation désagréable de s'être jetée dans la gueule du loup. Mais, pour Harry, elle le referait cent fois. Pour Harry, elle ferait bien pire. « Et il ne me l'a pas dit… J'ai compris toute seule. »

L'ancien espion la dévisagea avec irritation un très long moment. « Vous êtes beaucoup trop maligne pour votre propre bien. »

C'était presque un compliment alors elle décida de le prendre comme tel.

« Je crois qu'Harry… Je crois qu'Harry… » balbutia-t-elle.

« Si vous pensez qu'il complote dans mon dos afin de trouver le dernier horcruxe qui pourrait nous permettre de le sauver et de le détruire avant que je ne puisse m'en emparer car il est pris dans son complexe du martyr, vous avez raison. » cracha-t-il.

Elle se tordit nerveusement les mains sur son giron alors que les déductions se faisaient les unes après les autres dans son esprit…

« Mais s'il détruit le diadème… » murmura-t-elle.

« S'il détruit le diadème, il ne restera que Nagini. » confirma Snape. « Et Nagini est inaccessible. S'il détruit le diadème… Je ne vois que très peu d'options et aucune qui serait très heureuse. »

Elle ferma les yeux, s'efforça de contrôler la panique qui voulait la faire respirer trop vite, trop fort…

Harry…

Harry…

Harry…

Stupide, courageux Harry

« Pourquoi… » souffla-t-elle.

« Je présume qu'il vous a parlé de mes recherches, puisque vous êtes au courant ? » la coupa-t-il. Elle eut à peine le temps d'acquiescer. « Il estime qu'elles sont trop dangereuses. Les résultats n'étaient pas tous… concluants, bien que prometteurs. » Il marqua un temps de silence, l'étudiant d'un air indéchiffrable. « Il se trompe. Je peux le sauver. Je vais le sauver. »

Il y avait une touche de désespoir dans la voix de velours, comme s'il s'agissait davantage d'un vœu que d'une certitude. Elle repensa brièvement aux mises en garde de Draco, celles qu'elle ne voulait pas entendre.

« Il pense qu'il va mourir. » avoua-t-elle. « Qu'il n'y a pas d'espoir. »

« Il se trompe. » réitéra froidement le Professeur. « Il est impératif qu'il ne mette pas la main sur ce diadème ou, le cas échéant, qu'il n'ait pas l'occasion de le détruire. »

À nouveau, elle ferma les yeux, frappée par un monumental vertige.

« Vous voulez que je l'espionne. » devina-t-elle. « Vous voulez que je vous rapporte le diadème si on le trouve. »

« À n'importe quel prix. » décréta Snape. « Pour sa survie, Granger. Si vous devez utiliser la force pour cela, faites-le. Il se relèvera d'une fracture ou d'une blessure. S'il détruit le diadème… »

Sa phrase resta en suspens.

Le futur dépeint dans cette ellipse était impossible à accepter.

Harry n'allait pas mourir.

Pas si elle pouvait l'empêcher.

« Qu'est-ce que je dois faire ? » demanda-t-elle.

« Vous tenir prête. » répondit Snape. « Si une de ses pistes vous semble prometteuse, prévenez-moi, Nymphadora ou Bill. Surtout pas le Professeur Dumbledore. »

Vidée, de la bile au fond de la gorge, elle marqua un seul hochement de tête.

Les explications étaient inutiles et il en parut un peu surpris mais il y avait une raison pour laquelle elle s'était tournée vers lui et pas vers le Directeur. Elle était fermement dans le camp qui voulait sauver la vie d'Harry pas dans celui qui était prêt à le sacrifier pour gagner la guerre or Harry avait été plus que clair sur les intentions de Dumbledore.

Non…

Dans cette course pour la survie de son meilleur ami, c'était Severus Snape qu'il fallait suivre les yeux fermés, pas Albus Dumbledore.

« S'il met la main sur le diadème, emparez-vous-en et rapportez-le moi. » conclut-il.

Elle était incapable d'affronter le poids de ses yeux noirs.

Trop lourds.

Trop plein d'attentes.

« Hermione. »

Surprise, elle releva le regard par réflexe, brisant une des règles qu'elle s'était imposée depuis des mois.

L'attaque était bien plus subtile que lorsque Harry l'entraînait. Si elle ne s'y était pas attendue, elle n'aurait probablement rien remarqué.

Mais c'était Snape et c'était un Legilimens paranoïaque et elle détenait le secret le mieux gardé du siècle.

Elle jeta des souvenirs à la pelle, protégeant les plus précieux au fond de son esprit… Sa technique était grossière, elle le savait, et loin d'être au point, mais elle obtenait parfois de bons résultats et…

« Passable. » décréta Snape, en détournant la tête. « Certainement pas suffisant contre un Legilimens un tant soit peu compétent. Évitez de regarder qui que ce soit dans les yeux, particulièrement votre future belle-mère. Si… »

L'arrivée d'un patronus en forme de loup lui coupa la parole.

Remus semblait plus que contrarié.

« Ça fait une demi-heure que je t'attends. Je ne suis pas à ta disposition, Severus. Si c'est encore un de tes concours de dominance stupide… »

Snape leva les yeux au ciel mais attendit que le patronus se soit dissipé pour reprendre. « En temps normal, je ne vous autoriserais jamais à conserver une telle information. Ne me le faites pas regretter. »

« Je comprends. » promit-elle. « Je veux juste aider Harry. Je veux… Je veux aider Harry. »

L'expression de Snape ne varia pas mais elle eut pourtant l'impression qu'il s'adoucissait un peu.

« Il ne vous remerciera pas de ce que vous faites. Pas avant de s'apercevoir que c'est la meilleure solution. Ce sera une tâche ingrate. » l'avertit-il. « Ne flanchez-pas. Vous pourriez faire toute la différence, Granger. Vous êtes l'as dans ma manche. Il ne se doutera pas que vous êtes venue me voir. Vous pouvez m'aider à le sauver malgré lui. »

Elle prit une profonde inspiration et acquiesça. « Je ferai n'importe quoi pour lui. »

« Je sais. » murmura le Professeur, presque comme si ça lui avait échappé, le ton soudain moins froid. Peut-être parce qu'il éprouvait la même chose.

« Êtes-vous certaine que Weasley n'est pas au courant pour Harry ? » s'enquit-il, plus aimablement mais non moins fermement. « Il n'a aucune chance d'apprendre ou de maîtriser l'Occlumencie. Il n'a pas la discipline nécessaire. Cela peut vous paraître cruel de lui voler ses souvenirs mais… »

« Vous oubliez ma famille. » osa-t-elle l'interrompre, en relevant le menton avec une légère pointe de défi. « Si c'est pour les protéger, je sais… Je sais faire des sacrifices pour les gens que j'aime. »

« Ne reparlons pas de votre utilisation du Doux Oubli. » grinça Snape. « Je reste sur mes positions, c'était stupide. Il y avait d'autres solutions. Nous aurons suffisamment de mal à trouver un antidote après la guerre. »

Elle ressentit un léger soulagement.

Draco avait déjà promis de l'aider à rendre la mémoire à sa famille, en engageant des Médicomages et des Maîtres des Potions si nécessaire, mais savoir que Snape comptait personnellement se pencher sur la question…

« Je ne regrette rien. » affirma-t-elle, avec un peu moins de conviction qu'autrefois.

« On regrette rarement quoi que ce soit à seize ans. » se moqua-t-il. « C'est plus tard que viennent les regrets. Lorsque l'on se retrouve au milieu des ruines de ce que l'on a détruit. » Il agita la main, chassant cette ligne de conversation. « Weasley… »

« Ron ne sait pas. » répéta-t-elle. Elle hésita. Elle hésita. Parce qu'elle comprenait les mises en garde du Professeur. C'était une information capitale et elle était dans la nature et… Même Harry ne voulait pas risquer d'impliquer… Elle hésita mais, au final, sa loyauté pour son petit-ami l'emporta. Elle trahissait déjà Harry, elle ne pouvait pas trahir Draco en prime. « Personne d'autre ne sait. »

Snape ouvrit la bouche, peut-être pour la questionner plus avant, mais un second loup argenté apparut, agitant la queue et les oreilles basses.

« Il vaudrait mieux pour toi qu'il y ait une urgence ou que tu sois mort dans un fossé. » cracha Remus. « Ce sont les seules excuses que j'accepterai. »

Le Professeur émit un bruit qui ressemblait à s'y méprendre au grondement d'une bête sauvage et se leva. « Si vous voulez bien m'excuser, je dois aller éviscérer un loup. »

Ainsi congédiée, elle se leva elle aussi, peu surprise de trouver ses jambes flageolantes.

Elle quitta le bureau mais n'alla pas beaucoup plus loin que le bout du couloir avant de s'appuyer contre le mur, laissant l'humidité des cachots s'infiltrer dans le dos de son tee-shirt. Elle ferma les yeux, tenta de calmer cette nausée qui n'était rien d'autre que de la pure anxiété…

Harry aurait du mal à lui pardonner.

Ce serait pire que la fois où elle avait rapporté à McGonagall qu'il avait reçu un Éclair de Feu pour Noël.

Pourtant, elle savait que c'était la seule chose à faire.

Pour son bien.

Elle n'avait pas flanché à l'époque.

Elle ne flancherait pas aujourd'hui.

°O°O°O°O°

Severus s'arrêta devant la porte dérobée qui reliait son bureau au laboratoire, prenant une seconde pour retrouver son souffle. Il évitait désormais autant que possible d'emprunter le passage secret qui raccordait son bureau à ses appartements et au laboratoire car le couloir était étroit et les pierres d'autant plus glissantes. Sa jambe avait beau aller mieux, il tentait d'éviter les efforts inutiles.

Toutefois, étant donné la teneur des Patronus de Lupin, il lui avait semblé plus judicieux de prendre le chemin le plus direct.

« Non. » refusa tout net Slughorn, sa voix filtrant de l'autre côté de la porte. « Je regrette, mon garçon, mais je ne ferai rien avant que Severus ne soit là. »

De la réponse de Lupin, il ne capta qu'un vague grondement.

Leur ancien Professeur s'indigna visiblement. « Je suis Maître des Potions et je vous prierai de ne pas me manquer de respect. Mais, de nous deux, Severus est davantage à même de maîtriser un loup-garou si besoin. »

Levant les yeux au ciel et se préparant à un échange qu'il n'avait vraiment pas envie d'avoir, Severus poussa la porte et se glissa discrètement dans le laboratoire. Pas assez discrètement, cependant. Comme mu par un sixième sens, le regard ambré de Lupin vint se poser directement sur lui.

Il était un peu moins sauvage qu'il ne l'avait été ces derniers mois.

Un peu moins.

Mais l'hostilité continuait d'y briller.

« Où étais-tu ? » cracha le loup-garou, sur un ton qui l'aurait irrité même s'il n'avait pas été disposé à l'être.

« Je crains que tu n'aies quelques problèmes à comprendre comment cela fonctionne. » rétorqua Severus, en approchant du centre de la pièce où Slughorn paraissait particulièrement soulagé de le voir. « Tu me rends des comptes, Lupin. Moi, je ne t'en dois aucun. Quant à ton Patronus… Si, il se trouve que tu es à ma disposition, figure-toi. Tu es toujours un membre de l'Ordre or je le dirige. »

Il vit l'ombre du loup passer derrière son regard.

L'ancien Maraudeur prit une profonde inspiration et la relâcha lentement. « Je n'ai pas le temps de jouer avec toi. »

« Jouer. » répéta-t-il, en appuyant sa canne contre le plan de travail où se trouvait le chaudron plein de la dernière version de la potion. Le liquide brillait légèrement, jetant des lueurs chatoyantes sur les murs. Ça n'empêcha pas Severus de planter son regard dans celui de Lupin avec une pointe de défi. « Voilà un choix de mots intéressant… »

« Allons, allons… » intervint nerveusement Slughorn. Le sorcier n'alla pas jusqu'à s'interposer physiquement entre eux, ayant retenu la leçon des multiples sessions qui avaient déjà eu lieu. « Si nous pouvions procéder… »

Severus perçut la frustration dans sa voix parce qu'il savait qu'une fois qu'ils se lançaient dans leur concours de dominance, il pouvait se passer de très longues minutes avant que l'un d'eux ne se décide à détourner le regard le premier.

Nymphadora avait eu raison. Lupin se pensait intouchable depuis qu'il avait sauvé les enfants – des enfants qui étaient venus grossir sa meute, ce que Severus avait du mal à avaler.

« Les enfants. » soupira Horace, en se frottant le visage. « Pourrions-nous être professionnels ? Votre comportement est pire qu'en troisième année et vous aviez l'excuse de l'adolescence à ce moment là. » Il leur jeta à tous les deux un regard sévère. « C'est mon temps que vous perdez actuellement en disputes stériles. Ne pourrions-nous pas tomber d'accord sur le fait que vous êtes tous les deux extrêmement virils et enterrer définitivement la question ? »

L'ironie dans sa voix était mordante.

Slughorn reprenait si rarement ses élèves, surtout sur ce ton, que, par réflexe, lui et Lupin baissèrent le regard au même moment, ramenés justement à leur adolescence.

« La virilité de l'un ou de l'autre n'est pas en question. » marmonna Lupin.

« Encore que. » rétorqua Severus, en sourdine.

Cela lui valut un coup d'œil plein de morgue du loup-garou. « Si tu as des petits problèmes, Severus, il y a des potions pour ça. Tu peux dire à Dora… »

« Finis cette phrase et je te tue. » le menaça-t-il dans un sifflement, sa baguette venant se loger au creux de sa paume.

Celle de Lupin apparut en un éclair.

« Oh, pour l'amour de Merlin ! » s'exclama Slughorn, visiblement à bout de patience. « Remus, allez vous mettre en place. Severus, souvenez-vous que vous êtes le bras droit du Ministre de la Magie et tâchez d'être le plus mature. »

Le regard que son collègue lui lança était lourd de sens et il n'avait pas besoin de Legilimencie pour l'interpréter, Horace ayant exprimé son opinion à plusieurs reprises sur le sujet. Il estimait que Severus avait gagné. Le poste, la femme, la respectabilité…

Et il n'avait pas tort, l'ancien Mangemort le savait bien.

Pourtant…

Lupin l'irritait à un niveau qui surpassait peut-être l'hostilité qu'il avait éprouvé pour Sirius et James à l'époque. Et c'était dire.

Il aurait aimé être le plus mature.

Il aurait vraiment aimé.

Mais à chaque fois que cet idiot évoquait Nymphadora… Il lui avait fait trop de mal. Severus ne le lui pardonnerait jamais.

« Si vous insistez. » capitula-t-il pourtant, en allant se placer derrière le chaudron pour vérifier la consistance de la potion. Il pouvait se comporter comme s'il était le meilleur d'eux deux. Ce ne serait pas bien difficile. « Ce sont les dosages dont nous avons discuté hier ? »

« Oui. » confirma Horace, en le rejoignant. Ils ignorèrent tous les deux poliment Lupin qui avait lui aussi décidé d'en finir en entrant dans la cage et était en train d'ôter ses vêtements. « J'ai dû augmenter les niveaux de belladone. »

Severus émit un bruit contrarié. « Nous flirtions déjà avec la limite. Je crains que si nous assassinons l'Alpha de notre meute, Albus en soit légèrement contrarié. »

Malgré le sarcasme, l'inquiétude était réelle.

La question de la survie de Lupin ne l'empêchait pas de dormir mais il ne souhaitait pas forcément être l'instrument de sa mise à mort. Pas sérieusement, du moins.

« Le dosage ne devrait pas être mortel. J'ai ajusté les autres ingrédients en fonction. » contra Horace. « Néanmoins… Je déconseille un usage prolongé ou régulier de la potion. »

« Elle ne devrait être utilisée qu'en cas de force majeure. » décréta Severus. Ou lors de la bataille finale. « Et, ce, en supposant que le loup puisse être contrôlé. »

« Cet aspect là fonctionne bien. » intervint Lupin, de derrière les barreaux en argent. « Lunard est plus présent sous la forme de loup mais l'humain est là aussi. Le résultat est un hybride comme avec la potion Révèle-Loup. »

Le Maître des Potions leva un sourcil. « Serais-tu capable de te retenir de m'arracher la gorge si tu en avais l'opportunité ? »

« Si la potion dure dans la durée, faisons le test. » le défia Lupin. « À moins que tu n'aies peur de te mesurer à mon loup… C'est vrai que pour me battre, tu dois tricher… »

Ce jour où il l'avait attiré dans son bureau pour mieux l'embrocher de sa canne, Severus aurait aussi bien fait de l'assassiner. Il se prit à espérer que, finalement, Horace ait eu la main trop lourde sur la belladone. Personne ne pourrait le blâmer, lui, il n'avait pas touché à ce chaudron.

« Cette potion ne sert à rien si tu ne peux pas contrôler tes instincts. » siffla-t-il. « Prends la chose au sérieux deux minutes. »

« Oh, mais je suis très sérieux. » contra le loup-garou. « Ouvre la porte une fois que je serais transformé et voyons si je peux me contrôler. Après tout… Si je ne suis pas capable de résister à mes instincts, tu peux parfaitement m'arrêter, non ? C'est ce que tu claironnes à tout va, en tout cas. »

« Je vois que tes bonnes résolutions ont duré ce que dure les roses. » se moqua-t-il dans un rictus. « Mais soit. »

« Severus. » s'alarma Slughorn.

« Vous pourrez quitter la pièce. » offrit-il. « Je n'ai pas peur de son loup. »

C'était un mensonge éhonté.

Le vieux cauchemar revenait régulièrement et être forcé de voir Lupin se transformer encore et encore sous l'effet de cette potion n'avait aidé en rien.

« C'est une très mauvaise idée. » l'avertit l'autre Maître des Potions, en mettant une louche de potion dans une fiole et en l'apportant à Lupin. « Si mes calculs sont exacts, la transformation devrait durer une heure. »

Une heure qui, il en était certain, s'avérerait interminable.

°O°O°O°O°

Le sortilège fusa à droite, l'obligeant à feinter à gauche.

Nymphadora pivota immédiatement sur elle-même, refusant de tomber dans le piège. Elle connaissait trop bien Kingsley pour s'y laisser prendre. Elle dressa rapidement trois boucliers, para le maléfice qui fonçait vers elle, répliqua avec une batterie de quatre sortilèges offensifs…

Elle se coula dans le rythme du combat, oubliant momentanément les yeux qui suivaient leur duel…

La Salle sur Demande avait été pleine d'Aurors et de membres de l'Ordre qui s'entraînaient lorsqu'ils étaient arrivés. Ils n'avaient rien demandé mais tout le monde s'était écarté pour les regarder… Cela aurait peut-être été gênant si elle était parvenue à s'en soucier.

Son partenaire avait eu raison de la forcer à faire une pause, avait eu raison de la traîner jusque ici…

Elle avait besoin de se défouler et pouvait le faire plus librement ici que sur un champ de bataille.

Kingsley avait un style de combat plus subtil que le sien, plus étudié… Mais Nymphadora compensait en force brute ce qui lui manquait en finesse dernièrement, et les sortilèges que Severus avait inventés et qu'elle et Harry étaient les seuls à connaître lui donnaient un avantage non négligeable.

Ils se connaissaient trop bien, pourtant, pour que l'un des deux l'emporte véritablement sur l'autre.

Le duel s'étira en longueur jusqu'à ce que Kingsley ne capitule, proposant un match nul.

Elle accepta et ignora les applaudissements qui éclatèrent lorsqu'ils se saluèrent d'un léger hochement de tête. Un peu essoufflée, un peu en sueur, elle se sentait enfin sereine pour la première fois de la journée.

Raison pour laquelle elle ne protesta pas lorsque Kingsley l'attira dans un coin pour lui servir un verre d'eau qu'elle avala d'un trait.

« Tu sais que si tu as besoin de parler, je suis là. » offrit son ami, à voix basse. « Tu m'inquiètes, en ce moment. »

« Je suis crevée. » mentit-elle. Encore que ce n'était pas tout à fait un mensonge. « On est tous crevés. »

Kingsley l'observait attentivement. Elle ne s'était toujours pas faite au cache qui dissimulait son œil.

« Tout va bien avec Severus ? » demanda-t-il, avec hésitation. « Il y avait une tension, tout à l'heure. »

« Ma vie privée est privée. » lui rappela-t-elle, en grinçant un peu des dents.

« Pas si cela affecte la partie professionnelle. » argumenta-t-il, en grimaçant légèrement. « Si cela peut faciliter les choses, on peut clarifier la hiérarchie. Tu peux ne dépendre que de moi et me laisser gérer avec lui. »

« Je suis la liaison entre l'Ordre et les Aurors, je te rappelle. » Elle secoua la tête. « Et ce n'est pas… Oui, c'est un peu tendu en ce moment mais ce n'est pas… Ce n'est pas parce qu'on a des problèmes ou à cause du côté professionnel. » Elle soupira, appuyant une hanche contre la table où étaient posées les boissons, suivant du regard les divers duels au centre de la pièce. « C'est compliqué. »

« Vivre en couple, c'est toujours compliqué. C'est naturel qu'il y ait des tensions de temps en temps. » remarqua Kingsley. « C'est la première fois que tu vis avec quelqu'un, n'est-ce pas ? »

« Ce n'est pas non plus le problème. » marmonna-t-elle. Oui, ils avaient leurs différents sur les petits détails du quotidien mais, généralement, ils n'étaient pas mauvais pour trouver des compromis qui fonctionnaient pour eux deux. Non, le problème c'était… « J'ai… J'ai fait n'importe quoi avec Harry. » Elle jeta un coup d'œil à Kingsley, détourna le regard… « Je voulais aider et… » Elle soupira. « J'ai trop poussé. Et maintenant… Je ne sais plus où est ma place. Et lui et Severus ont ce… désaccord énorme et… et c'est grave mais ils font comme si de rien n'était et ça me rend folle. »

Elle n'aurait probablement pas dû en admettre autant à qui que ce soit.

Son partenaire grimaça d'autant plus. « Je crains de ne pas avoir de conseil pertinent, je ne me suis jamais retrouvé dans ce genre de situation. »

Ça, c'était certain.

La situation, pourrie comme elle l'était, était unique.

Elle souffla lentement. « Et puis, il y a… » Elle ne savait pas comment expliquer la possession de l'horcruxe sans expliquer le reste. Elle s'humecta les lèvres. « Je dors très mal. Et je ne peux pas prendre de potion, pas si je veux être prête en cas d'urgence. »

Elle sut, à l'expression de Kingsley, que c'était un problème qu'il partageait.

Elle ferma brièvement les yeux, se reposa un peu plus sur ses boucliers mentaux.

« Ça va, je te promets. » déclara-t-elle. « Je peux faire la part des choses. Je peux agir en soldat. »

Le Chef du Département des Aurors émit un bruit peu amusé. « Tu n'es plus un soldat, tu es un général. Et je sais pertinemment que tu en es capable, Tonks, ce n'est pas le problème… Le problème c'est que… Nous sommes fatigués, nous sommes usés et frustrés… Garder notre sang-froid dans ces conditions est difficile. Mais c'est également capital. » Il posa la main sur son épaule et serra gentiment. « Si tu as besoin d'un jour ou deux de repos pour retrouver cette distance… Tu n'as qu'un mot à dire. Il n'y a pas de honte. Ça m'arrive aussi de devoir me couper de tout ça pendant plusieurs heures d'affilée. »

Ça, elle en doutait.

Kingsley était comme elle. Il était toujours le premier à répondre en cas d'urgence.

Ils n'avaient pas le luxe de s'octroyer un jour ou deux de repos.

Et elle soupçonnait fortement qu'elle n'était pas la seule à consommer les philtres de force pour tenir.

« Ça va. » insista-t-elle, en se forçant à sourire. « Pour l'instant, je gère. »

Son supérieur n'était pas entièrement convaincu, c'était évident, mais il ne chercha pas à insister.

°O°O°O°O°

La main qui passait et repassait dans ses cheveux emmêlés ne suffisait pas totalement à l'apaiser.

Hermione tourna légèrement la tête, enfouissant davantage le visage dans l'épaule de Draco, attentive à ne pas faire de mouvement trop brusque. Le hamac qui pendait entre deux poutres n'était pas de première jeunesse et n'avait rien de très stable. Qu'il supporte leurs poids conjugués était déjà un petit miracle…

Que la tourelle où Draco aimait se réfugier soit toujours là était également un miracle.

Hermione aurait pensé que Poudlard l'aurait utilisée pour créer un autre espace.

Mais peut-être était-ce trop petit, trop à l'écart… Ou peut-être la porte complètement rouillée avait-elle dissuadé Poudlard de s'en servir…

Ou peut-être le château savait-il que cet endroit était précieux.

C'était ici qu'ils avaient véritablement parlé de ses parents pour la première fois, ici qu'ils avaient créé l'AD, ici que…

La première chose que le jeune homme avait fait, après avoir posé son balai, était d'aller effleurer du bout des doigts les initiales gravées sur le mur.

Le NB entrelacé au LM…

Ces doigts s'étaient attardés sur les deux dernières lettres avec une douleur rentrée.

« Ne veux-tu pas me dire ce qu'il se passe ? » murmura Draco, en décalant légèrement sa jambe, probablement parce qu'elle l'écrasait de tout son poids.

Cela fit tanguer le hamac et elle s'accrocha à lui par réflexe. Il n'était pas fait pour ça, n'était pas fait pour deux personnes couchées l'une sur l'autre…

« Désolé. » murmura-t-il, une fois qu'ils furent un peu plus stabilisés.

Ses doigts reprirent leurs caresses paresseuses dans ses cheveux et elle ferma les yeux, inspirant son odeur à pleins poumons. C'était elle qui lui avait demandé de l'emmener ici, ressentant le besoin impérieux de se couper du monde quelques heures. Il avait offert de l'emmener au manoir, très désireux de lui montrer tous ses endroits favoris, mais elle n'avait pas la tête à ça ou aux elfes de maison qui l'observaient avec des yeux craintifs ou aux portraits qui marmonnaient des insultes sur son passage. Elle n'avait pas la tête à ses sous-entendus sur le mariage ou à l'écouter rêver aux enfants qu'ils auraient ensemble.

Draco était tout entier tourné vers l'avenir.

Elle se noyait dans le présent.

« J'ai fait quelque chose qu'Harry ne me pardonnera jamais. » avoua-t-elle, après plusieurs minutes.

Sous elle, elle sentit son corps se tendre.

Sa main se figea dans ses cheveux.

« Ça ne peut pas être si grave… » hésita-t-il, d'un ton qui se voulait détaché.

Elle poussa un soupir. « Je suis allée voir Snape. Je l'ai trahi. Je vais le trahir. Pour son bien, oui, mais… » Elle secoua légèrement la tête dans son épaule, faisant se balancer un peu le hamac. « Je ne peux pas t'en parler. Je lui ai promis. »

Ce n'était pas dur d'interpréter son silence. Ou la tension de son corps qui ne s'était toujours pas dissipée.

« Je sais que tu n'aimes pas les secrets... » s'excusa-t-elle un peu. « Mais… »

« Non. » la coupa-t-il, presque trop vite. Sa main vint se poser à l'arrière de sa tête, presque protectrice. « Non, je comprends. Parfois… Parfois nous n'avons pas le choix que de garder le secret de quelqu'un d'autre. »

Il souffla lentement, un peu trop fort.

Elle se redressa autant qu'elle l'osa, se livrant à un subtil jeu d'équilibre pour ne pas les envoyer tous les deux au sol, mais parvint à lever suffisamment le haut du corps pour pouvoir le dévisager. « Draco ? »

Son regard était légèrement fuyant, son expression trop coupable.

« Moi aussi, j'ai un secret. » admit-il. « Cependant, j'ai promis. Je ne peux pas t'en parler non plus. »

Elle fronça les sourcils. « C'est grave ? »

Ses yeux gris croisèrent brièvement les siens, sérieux et tristes à la fois. « Ce n'est pas l'idéal. Mais j'essaye de faire ce qui est bien. J'essaye de… J'essaye de faire pour le mieux en fonction de ma conscience. » Son regard revint trouver le sien, un peu suppliant cette fois-ci. « Tu comprends ? »

Elle aurait menti si elle avait prétendu ne pas être intriguée ou même un peu inquiète.

Elle passa en revue la liste de leurs amis susceptibles de se confier à lui sur un sujet grave, rejeta d'emblée Harry et Neville parce qu'ils n'étaient pas assez proches de lui, s'arrêta sur Ron.

Elle s'inquiétait tellement pour Harry…

Elle négligeait Ron.

Ils négligeaient tous Ron.

Son autre meilleur ami faisait bonne figure. Il était fort. Peut-être le plus fort d'entre eux. Et c'était trop facile d'oublier qu'il avait perdu un père et un frère, que sa petite-amie était devenue un loup-garou et n'était pas toujours des plus stables mentalement, qu'il avait peur pour Harry, pour ses autres frères, que…

« Je comprends. » promit-elle. « Tu es un bon ami. »

Une ombre passa sur son visage. « Mais suis-je un bon petit-ami ? »

La question était facile et elle sourit avant même d'y réfléchir. « Le meilleur. »

« Même si je te cache des choses ? » insista-t-il.

Elle se pencha pour l'embrasser, effleurant sa bouche de la sienne plusieurs fois dans une douce torture qui, elle l'avait découvert ces derniers mois, tendait à le rendre fou. « Ne pas me dire ce dont il s'agit parce que tu as promis à un ami de garder le secret, ce n'est pas me cacher des choses. »

Il grimaça. « Espérons que tu continueras à voir les choses ainsi. »

Elle fronça un peu les sourcils et recula le visage mais il leva la tête pour capturer sa bouche dans un véritable baiser et elle oublia un peu de s'en inquiéter. Quoi que Ron lui ait confié, elle lui faisait confiance pour le gérer au mieux. Il tenait à son meilleur ami presque autant qu'elle, elle le savait.

Le baiser s'enflamma comme tous les baisers tendaient à s'enflammer dernièrement.

Le hamac n'était pas le meilleur endroit pour ce genre d'activités, cependant, et il suffit d'un mouvement instinctif un peu trop brutal pour qu'il ne manque se renverser, forçant Draco à la lâcher pour poser une main au sol avant qu'ils ne tombe tous les deux. Hermione aurait dû se lever tant bien que mal, le laisser glisser inélégamment au sol… Ils auraient dû en rire et retourner retrouver les autres avant qu'ils ne remarquent leur absence et ne puisse s'inquiéter…

Au lieu de ça, elle se débrouilla pour sortir sa baguette.

« Granger. » grinça Draco, peinant à les maintenir dans cet équilibre tout relatif.

Le hamac se transforma en un lit tout simple.

Il se figea, soudain à plat dos sur un matelas au lieu d'à moitié tordu vers le sol, et leva un sourcil en guise de question.

Elle l'embrassa en réponse, sa respiration s'accélérant légèrement lorsque ses mains glissèrent sous son tee-shirt. Les lèvres du garçon quittèrent les siennes pour courir sur sa gorge, les paumes de ses mains avaient remonté jusqu'à son dos, tendant le tissu… Elle ne se laissa pas réfléchir avant de l'ôter.

Ce n'était pas la première fois qu'ils se retrouvaient partiellement nus.

Ce n'était pas la première fois non plus qu'elle défaisait sa ceinture.

« Hermione… » souffla-t-il avec adoration contre la peau de sa clavicule avant de descendre plus bas.

Son soutien-gorge vola.

Les baisers se firent plus impatients, leurs bouches plus avides, leurs caresses plus fiévreuses…

Ce ne fut que lorsqu'elle retira son jean et s'offrit entièrement à son regard pour la première fois, un peu nerveuse malgré tout, qu'il sembla comprendre que c'était différent, qu'elle avait autre chose en tête que ce à quoi ils s'étaient aventurés jusque là.

Ses yeux gris, brouillés de désir, parcourent son corps avec avidité mais il s'humecta pourtant les lèvres, faisant un effort pour croiser son regard.

« Hermione… » hésita-t-il.

Elle rougit un peu, résista à l'envie de croiser les bras devant sa poitrine comme elle l'avait fait la première fois qu'elle avait enlevé son chemisier pour lui…

« Tu n'as pas envie ? » demanda-t-elle.

L'éclat de rire qui lui répondit était rauque, affamé et plus flatteur que tous les compliments qu'il aurait pu susurrer à son oreille.

« Tu as conscience que cela fait des mois que je ne pense à rien d'autre ? » se moqua-t-il gentiment. « Mais… Ici ? Maintenant ? Je… Je voulais que cela soit parfait pour toi. J'aurais… Des fleurs, des bougies… Une chambre luxueuse… »

Elle leva les yeux au ciel et se coula contre lui, l'embrassant jusqu'à ce qu'il cesse ses idioties.

« Ce sera parfait parce que c'est avec toi. » murmura-t-elle. « Crétin. »

Il roula sur elle, sans sembler savoir où la toucher, où l'embrasser en premier mais déterminé à couvrir chaque centimètre carré de sa peau. « Il doit y avoir quelque chose de très pervers en moi car ces insultes perpétuelles m'excitent. »

Elle rit sans pouvoir s'en empêcher mais cela ne tarda pas à se transformer en un soupir un peu essoufflé.

Ils n'étaient pas tout à fait étranger au corps de l'autre.

Et Draco, malgré ses affirmations du contraire, était meilleur qu'elle à ce jeu là.

Plus tard, ils restèrent allongés un long moment, blottis l'un contre l'autre. Draco embrassait régulièrement ses cheveux, son front… Elle caressait son dos, incapable de se départir du petit sourire qui étirait ses lèvres…

Elle savait que la parenthèse ne pouvait pas durer mais, pour l'instant, elle s'accordait le luxe de ces minutes où elle pouvait prétendre que le reste du monde n'existait pas. Qu'Harry n'était pas suicidaire. Qu'elle n'avait pas choisi de s'allier avec Snape. Que…

« Je t'aime. » murmura Draco, son souffle chatouillant son oreille. « Si je le pouvais… Je voudrais pouvoir accélérer le temps jusqu'à ce que tout ceci soit terminé, jusqu'à ce que le reste de notre vie puisse commencer… » Elle entendit le sourire dans sa voix, la certitude inflexible. « Nous serons tellement heureux, Hermione. Je te jure que nous serons heureux. » Elle sentit ses lèvres s'attarder contre la peau de son front. « Tu seras Ministre de la Magie et je ferai doubler les profits du domaine. Nous serons le couple le plus puissant de la communauté magique et nos enfants n'auront que l'embarras du choix pour leur avenir. Nos descendants se souviendront de nous comme de ceux qui ont mené la Maison Malfoy dans une nouvelle ère glorieuse… »

Elle fit de son mieux pour juguler la part d'elle qui paniquait toujours à ces déclarations si nonchalantes mais son cœur se serra un peu.

Le futur qu'il décrivait… Était-ce vraiment celui qu'elle désirait ? Peut-être. Sans doute. Mais elle n'avait que seize ans et le reste de sa vie pour se décider. Elle aimait l'idée que tout était possible. Draco… Draco savait exactement ce qu'il voulait et ne dévierait pas du chemin qu'il s'était tracé, plus à présent qu'il était Lord Malfoy.

« Je t'aime. » répondit-elle.

Et elle espéra que toutes ses hésitations ne transpiraient pas dans sa voix.

°O°O°O°O°

Lunard observa l'ennemi approcher de la cage.

Excepté qu'il n'était pas l'ennemi. Pas véritablement. Il était juste… un rival. Un rival à qui il ne devait pas se frotter. Pas parce qu'il n'aurait pas pu gagner. Lunard aurait pu vaincre n'importe qui. Mais parce qu'il était important qu'il se contienne.

L'Alpha en lui le savait.

Il était primordial qu'il se contienne.

Il gronda un peu lorsque l'humain l'étudia de plus près, parlant à voix haute. Une plume dansait dans les airs, courant sur le parchemin.

Il y avait un autre humain mâle dans la pièce.

Le parfum de plantes couvrait à peine une légère odeur de sueur. De peur.

Son instinct le casa immédiatement dans la catégorie des proies potentielles.

Mais il ne l'aurait pas attaqué.

Non…

Lunard savait.

Il devait se contenir.

Se maîtriser.

Il devait prouver qu'il était leur allié.

Pour le bien de la meute.

La proie et le rival discutaient. Leurs voix étaient trop fortes pour ses oreilles mais Lunard s'obligea à rester assis où il était même s'il brûlait de courir, de rejoindre l'extérieur, de profiter du soleil qu'il devinait levé et qu'il n'avait jamais véritablement vu. Pas sous cette forme.

La proie quitta la pièce et son rival recula jusqu'au fond.

Il y avait quelques mètres entre eux.

Rien qu'il n'aurait pas pu franchir en trois bonds.

Il aurait pu être sur lui avant sa prochaine inspiration.

Il aurait pu le tuer avant même qu'il ne cille.

Cela satisfaisait Lunard.

Savoir qu'il aurait vaincu était suffisant.

Raison pour laquelle l'Alpha se contint et ne bougea pas lorsque, après que le rival ait agité son bâton, la porte de la cage s'ouvrit lentement.

La magie crépitait dans l'air, lui chatouillant la truffe.

Il détestait cette sensation.

Il ne les voyait pas mais il savait qu'il y avait des murs invisibles entre lui et son rival. Des murs faits de cette chose qui lui irritait les narines.

Lentement, prenant garde de ne pas avoir l'air menaçant parce que l'humain était craintif, il se leva et s'ébroua du bout du museau jusqu'au bout de la queue. C'était difficile de garder un comportement inoffensif parce qu'il était Alpha. Il était une machine à tuer. Il était le plus puissant de la pièce. Mais il s'efforça pourtant de ne pas avoir l'air trop effrayant lorsqu'il quitta la cage, comme il l'aurait fait avec un louveteau.

L'humain empestait la terreur.

Cela lui fit plaisir.

Son rival était tendu, son bâton pointé sur lui, chaque muscle contracté comme s'il était prêt au combat.

Lunard l'étudia quelques instants, bailla, puis se laissa tomber sur les dalles froides qui recouvraient le sol. Le froid le fit grommeler. Il aurait préféré de la pierre chauffée par le soleil…

Le soleil

Il était une créature de la lune, une créature faite pour la nuit, mais il ne pouvait s'empêcher d'être curieux et rien ne filtrait de la surface ici.

À défaut de pouvoir faire autre chose, Lunard ferma les yeux.

Il aurait volontiers fait la sieste mais il n'était pas idiot.

Il était Alpha.

Un Alpha ne s'endormait pas en présence d'un autre prédateur, surtout un aussi hostile que celui-ci.

Les minutes s'écoulèrent, longues et ennuyeuses.

Son rival ne se détendit pas une seule seconde.

Lunard changea de position plusieurs fois, grondant à l'inconfort auquel il était soumis.

« Es-tu maître de toi-même ou bien imiter un chien errant est-il un effet secondaire de la potion ? » lança finalement l'humain.

Le loup ne comprenait pas les mots mais il était hybride et les paroles faisaient tout de même sens.

Une provocation.

L'humain le provoquait.

Il montra les dents en réponse.

Ne s'embarrassa même pas d'un grondement menaçant.

Il n'en valait pas la peine.

« Me comprends-tu ? » insista pourtant l'humain, avec un peu moins d'hostilité.

L'hostilité était rentrée. Effacée.

Non…

Contrôlée.

Même sa colère était froide.

Lunard le détestait.

Lui aurait volontiers planté les crocs dans la gorge pour la déchirer.

Goutté son sang chaud.

Mais il était Alpha et être Alpha voulait dire faire passer la meute en premier.

Or la meute avait besoin de l'alliance avec cet humain.

Avec un soupir agacé parce qu'il aurait préféré continuer à se prélasser, Lunard s'assit et inclina la tête pour mieux le dévisager.

« Je vais interpréter ceci comme une réponse positive. » décréta l'homme. « À moins que tu ne cherches simplement à déterminer comment m'attaquer. » Son visage fit quelque chose de curieux. Une expression haineuse. Du moins, c'est ce que Lunard en comprit à son changement d'odeur. « Essaye donc, Lupin. Donne-moi une seule raison. »

Lunard gronda mais resta sourd à ses provocations.

Il était Alpha.

La meute passait avant ses griefs personnels.

Le temps s'étirait.

Plus l'humain le fixait du regard, plus sa respiration devenait hachée.

Moins le loup faisait de geste agressif, plus l'homme se méfiait.

La terreur avait à nouveau supplanté la colère et la haine ou, du moins, c'était ce que sa truffe lui disait.

S'il avait été humain, lui aussi, Lunard aurait peut-être souri.

Lorsqu'il sentit les premières douleurs, trop familières, qui allaient le renvoyer dans sa cage intérieure, Lunard gémit.

Le soleil.

Il aurait voulu…

Le premier craquement retentit et il hurla à la lune sous l'effet de la douleur trop brutale, trop vive…

Il fallut plusieurs minutes avant que le hululement ne se transforme en un hurlement plus humain. Ses os continuèrent à craquer alors qu'ils se remettaient en place, changeaient de forme… Ses muscles brûlaient en se déchirant, en se reformant…

Puis la douleur reflua lentement et il resta allongé là, nu sur les pierres humides, incapable de bouger le petit doigt.

À la merci de Severus Snape.

Dont le bruit de pas feutré mais inégal se rapprochait inexorablement.

Où était sa canne avec ce poinçon meurtrier ? Toujours appuyée contre la table de travail ou…

Haletant, Remus aurait cherché à se relever si quelque chose de lourd n'était pas tombé sur lui. Avec un temps de retard, il identifia la couverture rêche qui résidait d'ordinaire dans la cage et s'en enveloppa.

Si Snape…

Severus, corrigea-t-il fermement son esprit engourdi par la transformation. Il devait faire des efforts. Il devait…

Si Severus ne rangea pas sa baguette, il s'assit pourtant sur un des tabourets, sans cesser de l'observer.

« Je dirais que l'expérience est concluante. » déclara finalement le Maître des Potions, pas aussi victorieux qu'il aurait dû l'être pour avoir réalisé l'impossible.

Néanmoins, supposait Lunard, il n'avait jamais véritablement voulu réussir.

« Oui. » lâcha-t-il, avec quelques secondes de décalage, le temps de se réapproprier ses cordes vocales.

Lentement, le corps perclu de douleur, il s'assit, incapable de s'empêcher de grimacer.

« As-tu besoin d'une potion antidouleur ? » demanda Severus, d'un ton neutre qui cachait mal sa froideur.

« Je ne dirais pas non. » soupira-t-il, avec la même neutralité.

Slughorn passa la tête dans la pièce au moment où l'autre Maître des Potions lui tendait la fiole. Constatant que personne n'était mort, il se glissa dans la pièce, tout sourire.

« Alors ? » lança l'ancien Directeur de Maison avec impatience.

« Alors… » répondit Severus de sa voix traînante, laissant à Slughorn le soin de l'aider à se lever et de vérifier par des sorts de diagnostic qu'il allait bien. « Je dirais que nous venons d'accomplir l'impossible, Horace. Merlin nous vienne en aide. »

D'un geste, il fit léviter des fioles vides d'un tiroir. Un autre sort les envoya se remplir toute seule.

Il en empocha plusieurs.

« Je dois en informer Albus au plus vite. » conclut l'ancien espion.

Grimaçant toujours aux fourmis qui lui parcouraient les membres, Remus se dirigea vers la cage pour récupérer ses vêtements.

« Attends-moi, je t'accompagne. » ordonna-t-il. « Je veux lui parler, moi aussi. »

Faire le chemin ensemble était probablement une erreur.

Trop d'opportunités de perdre leur calme et de s'entretuer.

Toutefois y aller séparément aurait été ridicule et Remus en avait assez que Severus le pousse à se comporter de manière risible.

Étant donné son rictus agacé, il devait en être de même pour l'autre sorcier.

°O°O°O°O°

« Le problème reste le même. » soupira-t-elle, en se redressant légèrement. Cela faisait près d'une heure qu'ils étaient penchés sur les cartes étalées sur la table de briefing et Nymphadora n'en pouvait plus. Les cartes d'Azkaban, elle les connaissait tellement par cœur qu'elles étaient imprimées sur ses rétines. Elle en rêvait la nuit. « Si on attaque en force, on se fera massacrer. »

« Pas si on brise les protections d'abord. » insista son cousin, en retraçant les lignes du flanc nord du bout des doigts.

Elle tendit les bras au-dessus de sa tête et se tortilla un peu pour faire craquer son dos. La session d'entraînement avec Kingsley lui avait fait du bien mais plancher sur des papiers ne pardonnait pas. Au moins, songea-t-elle, la salle de réunion était-elle vide mis à part eux. Le Bureau des Aurors était une ruche d'activité dernièrement et il fallait trouver les moments de calme où l'on pouvait.

« Les protections ne peuvent être abaissées que de l'intérieur. » lui rappela-t-elle, bien qu'il soit déjà parfaitement au fait de la chose.

Sirius pianota sur la table, son regard rivé à ce qu'il était persuadé être le point faible de la forteresse.

« Où est-ce que Bill a dit que les protections étaient ancrées déjà ? » marmonna-t-il, avant de lever brièvement les yeux vers elle. « Et où il est d'ailleurs ? C'est notre expert, non ? »

« Severus est notre expert. » corrigea-t-elle, en faisant jouer ses épaules.

Il y avait une tension désagréable entre ses omoplates. Peut-être que Severus accepterait de la masser si elle le lui demandait très gentiment. Peut-être même que cela ferait d'une pierre deux coups et contribuerait à apaiser un peu les choses. Ils n'avaient le temps de rien que d'échanger des baisers rapides et presque distraits en ce moment.

« Severus avait rendez-vous avec Slughorn et Remus. » lui répondit-il, avec un bruit amusé. « Et laisse-moi te dire qu'il était ravi. »

Elle fit la grimace. « Bill est avec Dumbledore. Ils sont en pourparlers avec les gobelins. »

Et Kingsley avait dû partir dans le sud où on leur avait signalé une attaque de Mangemorts.

Nymphadora était censée rencontrer Major en fin de semaine. Elle n'avait pas hâte de devoir lui expliquer pourquoi ils ne parvenaient pas à maîtriser la situation.

« On peut regarder ces cartes jusqu'à l'année prochaine. » décréta son cousin, en croisant les bras. « Tant qu'on n'aura pas réglé le problème des protections, on n'avancera pas. »

Elle fit un effort pour se reconcentrer, ignorant les rappels à l'ordre de son corps qui trouvait que, vraiment, elle avait mérité des vacances. Elle fit glisser une des cartes plus près d'elle puis tapota un côté de la forteresse, sur le flanc nord qui intéressait tellement Sirius. « Je crois qu'il a dit que la clef était ici. »

Les protections principales étaient basées sur un système runique pas très différent de celui de Poudlard ou du Ministère. Bien entendu, Voldemort ou ses Mangemorts en avaient sans doute ajouté par-dessus mais s'ils pouvaient déjà briser la première couche…

« J'ai pensé à un bateau. » hésita-t-elle. « Le Ministre Moldu me travaille au corps pour que j'accepte une opération conjointe… » Elle émit un bruit agacé. « Je reste contre. Les armes à feu… C'est une très mauvaise idée. Mais j'y ai pensé. À envoyer un commando Moldu. Les protections laisseraient peut-être passer des personnes sans magie… »

« Mais le sortilège de repousse-Moldus est à peu près aussi fort que celui sur Poudlard. » contra Sirius. « Et ils se sentiraient probablement forcés de faire demi-tour avant d'atteindre la terre. »

« Je n'ai pas d'autre idée. » admit-elle.

Et c'était bien le problème.

Aucun d'eux n'avait d'idée.

Les Langues-de-Plomb auraient peut-être su quoi faire mais même Aidan séchait. À part être d'accord avec Bill sur la forme des protections et leurs faiblesses…

« Moi, j'ai une idée. » lâcha son cousin, avec une grimace. « Mais elle ne va pas te plaire. »

Elle leva les sourcils. « Dis-toujours. »

« L'unité volante. » déclara-t-il.

« Ils surveillent le ciel. » contra-t-elle. « Tu le sais bien. Ils surveillent le ciel. Ils surveillent la mer… Je suis persuadée qu'ils savent très bien où sont nos guetteurs. Ils s'en moquent parce qu'ils savent qu'ils peuvent se débarrasser de tous ceux qui approchent trop près. »

Sirius agita la main. « Je sais, laisse-moi finir. L'unité volante peut faire diversion pour que quelqu'un d'autre puisse s'infiltrer. »

Frustrée, elle passa une main dans ses cheveux bruns. « Oui, mais le problème reste le même. Personne ne passera le barrage des protections sans être détecté tant que… »

« Les protections de base d'Azkaban ne détectent pas les Animagus. » la coupa-t-il. « Et s'ils en ont rajoutées pour le faire, on peut les désamorcer assez facilement. On a un expert en protections je te rappelle. Un expert en protections qui a une forme Animagus. Une forme Animagus qui se fond très bien dans la nuit. »

Son cœur se mit à battre à cent à l'heure. Instinctivement, elle voulait protester, arguer que c'était une mauvaise idée. Elle ne voulait pas envoyer Severus là-dedans seul. Elle ne voulait pas…

« Il ne parviendra jamais à voler jusqu'à Azkaban. » protesta-t-elle faiblement.

Sirius haussa les épaules. « Alors on approche un bateau aussi près qu'on peut sans être détectés et il part de là. Les Moldus doivent bien avoir ça. »

« Les Détraqueurs. » souffla-t-elle.

« Les Détraqueurs s'intéresseront davantage à l'unité volante qu'à un animal. » décréta son cousin, en l'étudiant avec la même attention qu'il avait mis à observer les plans de la forteresse. Un élan de compassion passa sur son visage. « Tu sais très bien qu'il refusera d'être mis à l'écart de la bataille si on décide d'attaquer. » Il planta son regard dans le sien. « Et ce n'est pas lui faire justice, Tonks. Il est parfaitement capable de se battre. Il me botte le cul trois fois sur cinq, tu sais. »

Son rythme cardiaque ne diminuait pas et elle sentait la panique gagner. Il avait raison, elle ne l'ignorait pas, pourtant l'idée que Severus se retrouve à nouveau exposé au danger…

Elle ne pouvait penser à rien d'autre qu'à lui, couché sur un lit d'hôpital.

Elle ne voulait plus jamais se retrouver dans cette situation.

Elle ne le supporterait pas.

Et encore, ce n'était rien en comparaison de cette nuit dans la cuisine de ses parents, de la certitude qu'elle l'avait perdu pour de bon, que…

« Je sais. » admit-elle, à contrecœur. « Mais… »

La porte de la salle de réunion s'ouvrit à la volée sur une recrue à bout de souffle qui parut soulagée de la trouver là.

« Madame ! » s'exclama le jeune homme. « Attaque à Londonderry ! »

Londonderry…

Il lui fallut une seconde pour déterminer pourquoi ce nom lui était familier et elle pâlit tout d'un coup. « Ce n'est pas… »

« À la frontière entre l'Irlande du nord et du sud. » confirma la recrue. « Les soldats Moldus sont partout et… » Il grimaça. « Madame, c'est une attaque d'Inféris. Le rapport dit que… Le rapport dit qu'ils ont tous des robes rouges. »

L'horreur la laissa clouée sur place.

« Je viens. » déclara immédiatement Sirius, en enfilant lesdites robes rouges qu'il avait jetées sur le dos d'une chaise en arrivant.

Elle ne discuta pas. « Rassemble ton unité. Prépare-les à ce qu'ils vont devoir affronter. » Il lui fallut une seconde pour retrouver le nom du jeune homme qui l'observait avec un peu trop de fanatisme à son goût. « Williams, prévenez mon unité et celle de réserve. Je veux tout le monde devant les grilles dans dix minutes. »

Elle perdit deux de ces minutes à aller chercher un stock d'oreillettes et trois la tête dans la cheminée à expliquer à Dumbledore qu'elle avait besoin qu'il exige du Ministre Moldu qu'il retire ses troupes et tente de convaincre l'autre camp d'en faire de même – ce qui serait sans doute mission impossible. Elle n'allait vraiment pas passer un bon moment lors de leur prochain entretien…

Elle rattrapa Sirius et le reste de son unité alors qu'ils déboulaient dans le hall sous le regard anxieux des réfugiés rassemblés là.

« Nymphadora ! »

L'appel la fit ralentir, tourner instinctivement les yeux vers les cachots où…

Severus en émergeait aussi rapidement que sa canne le permettait, l'air grave, Remus le collant de trop près. Sirius ordonna à ses hommes de passer devant et ralentit lui aussi…

Consciente de tous les regards rivés sur eux, elle se replia derrière ses boucliers mentaux, ne renvoya qu'une expression lisse.

« Attaque d'Inféris. » expliqua-t-elle rapidement, lorsqu'ils se rejoignirent au centre du hall. « On a retrouvé nos disparus, visiblement. »

Le sarcasme masquait mal la fureur, l'horreur, et il ne s'y trompa pas.

Si ses propres traits restèrent de marbre, l'émotion dans ses yeux le trahirent.

« Garde la tête froide. » lui rappela-t-il, non sans gentillesse.

Elle acquiesça, força un sourire bref, ignora Sirius qui résumait la situation à Remus… « Tu es en charge des Aurors jusqu'à ce que Kingsley revienne. »

Ils étaient dangereusement pauvres en personne aptes à prendre le contrôle de leur armée à Poudlard. Avec Kingsley, Sirius et elle à l'extérieur… S'il y avait une autre attaque…

« Abbot est avec Kingsley. » rajouta-t-elle, comme une arrière pensée avant de baisser la voix. « Albus est parti à Londres avec Bill comme garde. Ça veut dire que tu ne quitte pas le château, Severus. De facto, tu es aux commandes du gouvernement tant que lui ou Kingsley n'est pas là. »

Ce fut son tour d'acquiescer bien que cela ne lui plaise visiblement pas.

« Je viens avec vous. » décréta Remus, en conclusion du rapport de Sirius.

« Non. » répliqua-t-elle tout de go. « Je n'ai pas le temps de gérer tes délires de dominance. »

Un éclat sauvage passa dans le regard ambré mais le loup-garou leva les deux mains. « Je resterai avec Sirius. Et… Je ferai ce qu'il dit. Je le jure. Laisse-moi aider, Dora. Avec des soldats Moldus… Vous allez avoir besoin de toute l'aide possible. »

« Des soldats Moldus ? » releva Severus, soudain plus tendu.

« Il n'a pas attaqué au hasard. » grinça-t-elle. « Mais ça va aller. On va gérer. Dumbledore est déjà en route pour Downing Street. »

« Nymphadora… » siffla-t-il.

« Je serai prudente mais je dois y aller. » décréta-t-elle, en lui serrant brièvement la main avant de reprendre son chemin vers les grandes portes. Ses troupes l'attendaient.

« Lupin, attends. » l'entendit-elle appeler dans son dos, après avoir marmonné un juron. Elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, intriguée, et le vit passer une fiole au loup-garou. « En cas de nécessité uniquement. La belladone… Je ne peux pas garantir que l'usage en serait sûr si tôt après la dose précédente. »

Remus hocha la tête et empocha la fiole.

Sirius la rattrapa alors qu'elle émergeait à l'extérieur…

Le groupe en robes bleues et rouges filait vers les grilles. Une vingtaine de personnes tout au plus.

Si peu.

Si peu.

Combien y avait-il d'Inféris ?

Sans parler des Moldus qu'il allait falloir protéger tout en évitant les balles perdues…

« Tonks ? » hésita Sirius, parce qu'elle s'était figée.

Elle dépassa Remus qui venait de sortir et repartit en courant en sens inverse.

Severus était toujours au même endroit, au milieu du hall.

Il ne parut pas particulièrement surpris qu'elle rebrousse chemin, se contenta d'ouvrir un bras lorsqu'elle se jeta pratiquement sur lui et encadra son visage de ses mains pour l'attirer dans un baiser un peu trop brûlant vus les curieux qui les observaient. Elle y mit vite un terme, consciente que le temps pressait et que les dix minutes qu'elle avait données s'envolaient à tire-d'aile.

Le front pressé contre le sien, elle s'humecta les lèvres. « Je t'aime. »

« Reviens-moi. » ordonna-t-il. « Et, pour l'amour de Merlin, ne te fais pas capturer. Je n'ai pas le temps de prendre Azkaban à moi seul. »

Le rire resta coincé dans sa gorge parce qu'elle savait que, sous la plaisanterie, il était parfaitement sérieux.

« Je t'interdis de venir me chercher si je suis capturée. » contra-t-elle.

Il tira doucement sur sa queue de cheval faite à la va-vite, la forçant à reculer le visage pour qu'il puisse croiser son regard.

« Interdis-moi ce que tu veux, cela ne m'a jamais arrêté. » répliqua-t-il. « Sois prudente. » Ses yeux noirs, parfois si froids et distants, n'étaient qu'inquiétude et affection. « Je suis sérieux. Laisse les actes impulsifs héroïques aux Gryffondors. Sirius est là pour ça. »

Malgré tout, elle sentit ses lèvres s'étirer en un demi-sourire.

« Je t'aime. » répéta-t-elle. Juste pour n'avoir aucun regret. Elle avait appris de ses multiples rendez-vous manqués avec la mort. Elle savait ce qui pesait sur la conscience au moment de partir.

« Je t'aime… » murmura-t-il, plus bas, plus gêné, sans doute parce qu'ils avaient un public. « Nymphadora… »

« Je sais. » promit-elle, volant un dernier baiser avant de repartir en courant.

Sirius et Remus l'avaient attendue.

Aucun d'eux ne fit de commentaire.

Elle prit une profonde inspiration et ce fut le Chef adjoint du Département des Aurors qui s'avança sur le chemin qui menait aux grilles. L'expression impassible, un calme forcé par l'Occlumencie, les gestes mesurés…

Ses troupes étaient agitées, nerveuses… Elle passa les oreillettes aux chefs d'équipe, prenant soin d'avoir un mot encourageant pour chacun, de croiser le regard de chacun des hommes et des femmes devant elle. Certains, dans le groupe de Sirius, avaient à peine terminé leur septième année.

Elle passa la dernière oreillette à Remus mais ne la lâcha pas immédiatement, le forçant à croiser son regard.

Elle ne se laissa pas impressionner par le loup qui rôdait derrière ses pupilles.

« Mon opération, mes ordres, mes règles. » lui rappela-t-elle. « Si je dis qu'on évacue, on évacue. Pas de questions. Pas de protestations. »

Le loup-garou soutint son regard un long moment puis inclina la tête.

Elle devrait s'en contenter, ils n'avaient plus le temps d'en débattre et Sirius lui promit de toute manière de garder l'œil sur lui.

Elle se racla la gorge et s'adressa à ses troupes. Des discours galvanisants comme celui-ci, elle en donnait treize à la douzaine. Les mots sortaient, mécaniques. Des mots auxquels elle ne croyait plus vraiment.

Devoir les mettre en garde que c'étaient sans doute les corps de leurs amis, de leur camarades qu'ils allaient devoir affronter – détruire – sans hésiter…

L'horreur lui enserrait toujours la gorge lorsqu'ils transplanèrent en masse.

Et la réalité des faits…

Tous les Inféris ne portaient pas de robes rouges mais les membres de l'Ordre morts étaient tout de même présents en grand nombre.

À peu près autant que les soldats et le bruit des mitraillettes qui matraquaient l'air, faisaient tomber des corps déjà morts qui ne tardaient pas à se relever ou à se traîner au sol pour continuer d'avancer.

Peut-être moins que les civils qui s'enfuyaient en hurlant, tentaient de se calfeutrer chez eux…

Ceux qui tombaient ne tardaient pas à aller grossir les rangs des morts-vivants.

S'il y avait des Mangemorts – et il devait y en avoir puisque les morts se relevaient – ils étaient bien cachés.

La ville était rurale. Les maisons étroites et serrées. Les rues pas si larges pour trois armées s'affrontant de front. Quatre si on comptait les deux camps de Moldus qui paraissaient se tirer dessus malgré les Inféris entre eux.

Pense en soldat, se gronda-t-elle. Analyse, réfléchit, agis.

L'important était de sauver le plus grand nombre de gens pas de chercher à les sauver tous.

Ça, c'était mission impossible.

« On se déploie ! » ordonna-t-elle. « Allez ! Allez ! »

Ses Aurors étaient rôdés au combat et à ses méthodes.

Le groupe de Sirius était l'élite de ce que comptaient les volontaires.

Remus… Remus était une variable qu'elle ne pouvait pas contrôler alors elle n'essaya pas.

Elle se lança dans la bataille, refusant de voir les visages des Inféris qu'elle brûlait, incapacitant les soldats et leurs armes à feu…

Deux Aurors prirent une balle perdue et elle serra les dents, mettant plus de puissance dans ses boucliers.

C'était exactement pour ça qu'elle ne voulait pas accepter la proposition de Major.

On contrôlait des sorts plus facilement que des balles.

°O°O°O°O°

Le corps allongé sur le bloc de pierre n'était plus qu'une carcasse vide.

Il y trouvait une certaine beauté.

Nu, les barreaux d'os de la cage thoracique dépliés comme les pétales d'une fleur, les yeux du vieil Auror étaient glacés d'effroi dans la mort.

S'il avait eu un nom, Lord Voldemort n'avait jamais pensé à le lui demander.

Ce n'était guère intéressant, quoi qu'il en soit.

Rien de ce que le vieillard avait eu à dire n'était intéressant.

Aucune réponse à ses questions.

Or des questions, Il en avait.

Dumbledore et Severus préparaient quelque chose, Il le sentait. Le pressentiment le chatouillait dans un coin de l'esprit. Un moment Il avait craint qu'ils n'aient découvert… Mais c'était impossible. Impossible. Le secret était trop bien gardé. Il les avait trop bien cachés. Il n'y avait plus âme qui vive pour témoigner de ce qu'Il avait fait.

C'était autre chose qui se tramait dans son dos.

La prophétie…

Le garçon…

Le garçon était certainement la clef.

Aucun des hommes de Severus ne savait quoi que ce soit.

Bien sûr.

Évidemment.

Severus avait tout appris du meilleur.

Et, le meilleur, c'était Lui.

Jamais Il ne se serait confié à ses Mangemorts. Jamais Il ne se serait expliqué. Jamais Il ne leur aurait fait confiance.

Tant pis.

Il espérait un peu que Severus apprécierait sa magnanimité. Après tout, Il lui rendait ce qu'Il lui avait pris. Tous ces soldats de plombs en robes rouges qui marchaient désormais au gré de la baguette de Bellatrix…

Il en aurait souri s'Il n'avait pas été aussi contrarié.

Blesser ses ennemis était plaisant mais Il aurait préféré les avoir à sa merci.

Lord Voldemort ne commettait pas d'erreurs. Cependant, Il aurait dû tuer Severus lorsqu'Il en avait eu l'occasion. Lui retirer la Marque… Pas une erreur, non… Le traître ne méritait pas de la porter. Toutefois…

Il aurait pu prendre Poudlard.

Il aurait pu.

Il aurait pu tous les écraser d'un seul coup de baguette.

Cela n'était pas suffisant.

Il voulait la légitimité.

Il voulait voir Dumbledore être écrasé plus bas que terre.

Il le voulait humilié.

Il voulait que tous soient conscients qu'Il l'avait battu.

Le vieux fou se prétendait Ministre mais…

Non…

Il lui fallait un peu de patience.

Encore un peu de patience…

Ces pantins ne tarderaient pas à céder pour protéger le précieux secret de la magie et alors…

Des coups timides furent frappés à la porte et Il détourna son regard reptilien du cadavre pour le lever vers Queudver. Le rat tremblait de plus en plus en sa présence dernièrement. Il se délectait de sa peur, se délectait de…

« Alors ? » tonna-t-Il, pour le simple plaisir de voir son serviteur sursauter.

Queudver s'inclina bas. « Elle est tombée dans le piège, Maître. Elle est à Londonderry. »

Lentement, Il avança jusqu'à son Mangemort, s'amusant du clapotis des flaques de sang sous ses chaussures. Il essuya ses mains souillées sur la robe noire de Queudver qui n'osa pas protester.

« Eh bien, Peter… » siffla-t-Il, presque gaiment. « Dans ce cas, mettons-nous en route. Nous ne voudrions pas faire attendre notre jeune amie puisqu'elle a répondu à notre invitation. »

Si les hommes de Severus ne savaient rien, Il irait se servir directement à la source. Les sous-fifres ignoraient ce que faisait leur chef mais elle saurait.

Et qu'Il ait un compte personnel à régler avec cette jeune péronnelle qui chauffait le lit de ce traître n'était qu'un doux bonus.

Elle aimait lancer des sortilèges de découpe…

Ils allaient voir si elle appréciait autant d'en recevoir.

Un frisson d'excitation lui parcourut l'échine.

« Fais nettoyer cette pièce. » exigea-t-Il, en dépassant Queudver. « Je la veux prête pour accueillir Nymphadora. »

Elle parlerait.

Ils parlaient toujours.

Et lorsqu'elle aurait parlé…

Il la découperait en tout petits morceaux. Plusieurs fois.

Il briserait ses os. Plusieurs fois.

Il l'ouvrirait en deux et l'obligerait à regarder son propre cœur battre dans sa poitrine.

Puis Il le lui arracherait et l'expédierait à Severus dans un coffret de velours.

Et ensuite… Ensuite Il relèverait son cadavre et la garderait à ses côtés jusqu'à ce qu'elle pourrisse.

Cela rendrait son ancien espion complètement fou, le pousserait à l'erreur…

C'était le problème de ces idiots qui s'embarrassaient de sentiments…

Ils étaient bien trop faciles à manipuler.