Hello ! La fanfic est terminée, je publierai donc les 9 chapitres restants coup sur coup.
Merci et bonne lecture à ceux qui sont encore là !
Le petit groupe entreprit de reconnaître la ville dès le lendemain matin.
Quand ils quittèrent l'auberge, le jour se levait à peine. On commençait à éteindre les chandelles aux carrefours. Les quatre Assassins traversèrent la place de Notre-Dame dans la nuit mourante, la cathédrale ressemblait à un monstre à deux têtes. Selene eut un frisson et trottina jusqu'à la hauteur d'Ugo :
— Nous n'y entrons pas ?
— Pas encore, répondit Ugo. Je voudrais que nous voyions la capitale, d'abord. Nous y glanerons certainement des informations intéressantes.
— Nous ne comprenons pas un mot de français, Ugo.
— Non, en effet. Mais nous saurons ainsi dans quelle ruelle disparaître autour de Notre-Dame en cas de pépin, n'est-ce pas ?
Selene sourit.
Vittorio suggéra à ses camarades de se séparer, leur groupe pouvant attirer l'attention. Selene était contre l'idée d'aller chacun de son côté, car elle ne se sentait pas à l'aise dans cette cité où personne ne parlait sa langue, mais elle dut se résoudre. Après l'étrange songe de la nuit, que Vittorio fît une telle proposition l'intriguait. Elle pensa une seconde à le suivre, mais se ravisa. De toute façon, Vittorio était un Assassin de bien meilleur niveau qu'elle il l'aurait facilement repérée et leur confiance mutuelle en aurait pâti.
Selene le regarda donc disparaître dans la foule après avoir convenu de se retrouver devant l'auberge à neuf heures.
Elle prit la direction de la Seine. Les rues s'étaient vite animées avec l'apparition du petit matin. La jeune femme arpentait les rues, attentive aux cachettes, aux gardes de la ville, aux figures amicales ou vindicatives des badauds. Autour d'elle, les mots s'élevaient, incompréhensibles, et renforçaient le sentiment d'être une étrangère.
Selene évoluait dans une bulle, curieuse de ce nouvel univers extérieur sans être capable de l'atteindre.
Ses pensées la conduisirent vers Ezio. Elle se demanda distraitement ce qu'il devenait : avait-il pris la route, à son tour ? Ou bien était-il toujours au Repaire ? Avait-il une pensée pour elle, lui aussi, de temps en temps ? Après plus d'un mois de voyage, et à cause de la distance inouïe qui les séparait, Selene songeait à lui avec un léger pincement au cœur, et la sensation étrange que toute cette histoire faisait partie d'un passé lointain, flou, qui n'avait, peut-être, jamais existé.
Elle arriva enfin devant la Seine. L'eau s'écoulait verte et sale, pareille au Tibre sauf dans son tumulte. La Seine, elle, passait tranquille sous les arcs du pont, semblant caresser doucement la pierre. Au loin, l'île de la Cité et, couchée dessus, Notre-Dame.
Selene passa le pont et continua sur la rive droite. Elle rit le temps d'observer les façades des maisons, le visage et les tenues des gens. Bientôt le soleil creva les nuages, laissant apparaître des morceaux de ciel bleu ; la lumière éclaboussa Paris.
« Alors, pensa-t-elle, c'est donc à ça qu'elle ressemble, la plus grande ville d'Europe ? »
Elle continua sa route, attentive. De temps en temps, des gens la bousculaient puis la dévisageaient ; dans ce regard, la jeune femme y voyait une telle animosité qu'elle se demandait si son identité n'était pas inscrite sur sa figure.
Avait-elle l'air tellement italienne, pour qu'on l'inspecte à ce point ?
Selene décida de s'en amuser : elle leur renvoya le même regard assassin. Et elle se surprenait à sourire quand certains baissaient les yeux.
Le petit jeu fut de courte durée : entre les silhouettes des badauds, au bout de la rue, elle vit s'abattre un éclair rouge.
Il ne pouvait s'agir que de la robe d'un ecclésiastique.
Selene accéléra le pas, et imita la cadence de sa cible seulement quand celle-ci demeura en vue.
L'individu, qui était assez gros, avançait rapidement vers la Cité, assuré et visiblement pressé. La jeune femme l'observait, un peu intriguée : sa démarche chaloupée lui disait vaguement quelque chose...
Une femme qui tenait un enfant enveloppé dans un châle attrapa la manche du cardinal. L'homme d'église se retourna, sourit, dessina un signe de croix sur le front de l'enfant et reçu une humble courbette de la part de la femme en guise en remerciement.
Quand il releva la tête, son regard croisa celui de Selene pendant une seconde.
La jeune femme chancela. Le cardinal Georges d'Amboise !
D'un geste brusque, elle rabattit sa capuche sur son front. D'Amboise était un amateur de belles femmes : nul doute qu'il aurait rapidement reconnu celle pour laquelle il avait nourri un désir immense un soir à Rome, et qui était restée intouchable.
Depuis la scène sur l'Aventin où Selene avait failli le tuer, le cardinal se savait surveillé. Ainsi Selene joua la carte de la prudence, et plutôt que de paraître suspecte, disparut dans une ruelle pour réapparaître sur les toits.
La vue l'époustoufla, et la clameur incompréhensible qui montait des rues l'étourdit. Sur la mer de tuiles, la cathédrale émergeait au loin tel un merveilleux monstre marin. Celle-ci dominait tout Paris, immense, aussi rassurante que menaçante.
Et Selene, fascinée par la majesté gothique du monument, se sentait irrésistiblement attirée par lui.
Les cloches de Notre-Dame sonnèrent huit heures.
De là-haut, d'Amboise était encore plus facilement repérable. Il roulait sur les pavés noire comme une grosse fraise sur la terre.
Elle le suivit posément, sans courir ; aussi ses pas ne faisaient-ils pas claquer l'argile des tuiles, et la discrétion était plus qu'assurée.
Selene se réjouissait. Qu'elle tombe le lendemain de son arrivée à Paris sur Georges d'Amboise était une incroyable coïncidence. Ses compagnons seraient ravis d'apprendre une telle nouvelle : le cardinal était bel et bien rentré en France et complotait contre Louis XII. Il devait être au courant de l'arrivée des Assassins dans la cité malgré toutes leurs précautions, leur apparition n'était certainement pas passée inaperçue.
Le cardinal, qui lançait de temps à autre des regards autour de lui (Selene mis cela sur le compte de sa toute nouvelle paranoïa, car c'est cela, Monseigneur, que de se mêler des affaires d'État), continuait tout droit sa route. Selene remarqua que les gens s'écartaient de lui afin de lui ouvrir un passage. Était-ce par respect, par peur de la religion, par dégoût pour une richesse trop apparente au milieu de la pauvreté ? La foule était insondable, mais ce devait être tout cela à la fois.
D'Amboise ralentit bientôt le pas et s'approcha de trois hommes, vêtus d'habits de voyageurs similaires à ceux du quatuor. Leur barbe longue, leur bagage tenu sur une épaule et leurs bottes crottées signalaient qu'ils venaient d'arriver en ville, eux aussi. Georges d'Amboise gigotait, passait d'un pied sur l'autre, visiblement excité de retrouver ces gens.
Le plan des Borgia suivait son cours, lui aussi. Les mercenaires de Cesare avaient du arriver en même temps qu'eux et, après avoir retrouvé d'Amboise à Rouvray dans la nuit, allaient distribuer salutations et courbettes à Louis XII.
Selene regretta de ne pas être plus près d'eux ; elle n'entendait pas ce qu'ils se disaient, bien qu'elle perçût des intonations méditerranéennes dans les rares syllabes qui parvenaient à ses oreilles.
Le cardinal reprit sa route, suivis des hommes.
Bientôt, Selene comprit où d'Amboise allait, ainsi accompagné.
Devant elle, de plus en plus nettes, se dressaient les tours blanches et bleues du Louvre.
Selene s'arrêta et s'adossa à une cheminée. Elle regarda la grosse fraise, qui rapetissait à vue d'œil sur le sentier à mesure qu'elle dévalait la route, se diriger vers les murailles immaculées, flanquées des ses trois acolytes qui, pour sûr, n'étaient autre que les mercenaires de Cesare Borgia.
Le château du Louvre était immense et posé, magnifique, sur un bord de la Seine. Le fleuve vert coulait derrière lui. Quel faste ! Selene l'admira longuement. À côté de cette demeure royale, dont les flèches des tours pointaient élégamment vers le ciel chargé, le Castel San Angelo où Cesare avait son cabinet, paraissait misérable.
Le duc en aurait certainement mordu son béret de jalousie.
La jeune femme se plut à imaginer la vie à l'intérieur d'une telle demeure. Au cours de son voyage en Italie, elle avait vu de splendides maisons de nobles Italiens et de fabuleuses ruines antiques, mais rien n'arrivait à la cheville du palais du Louvre. Combien de courtisans, combien de serviteurs, cuisiniers, jardiniers, pouvaient bien vivre au château ?
Elle envia Valentino. Lui avait eu un aperçu. Elle lui demanderait de leur raconter, ce soir.
Le cardinal s'éloignait et, rapidement, le petit groupe disparut de son champ de vision. Selene, alors, n'eut plus de doute. Leur présence était connue, les troupes de Cesare étaient arrivées. Dans la continuité du plan, un d'Amboise hypocrite avertissait la Cour, et y menait des traîtres.
« Et ensuite, pensa-t-elle, il ira féliciter son ego dans les bras des putes ».
La jeune femme descendit des toits et rejoignit la Grand Place.
Quand elle atteignit la cathédrale, ses compagnons étaient déjà là. Ugo semblait perdu dans ses pensées, les bras croisés et le nez en l'air, observant les contours de l'édifice. Un peu à l'écart, Valentino discutait avec trois demoiselles élégantes qui gloussaient, leur main blanche et délicate devant leurs lèvres fardées. Vittorio regardait faire le séducteur, amusé.
Selene héla ses amis et justifia son retard en précisant qu'elle avait croisé la route de Georges d'Amboise. À l'évocation de ce nom, Valentino prit à regret congés des jolies filles et s'approcha.
— Il allait au Louvre, dit Selene. En chemin, il a croisé trois hommes, il a discuté avec eux et se sont dirigés ensemble vers le château.
— Est-ce qu'il t'a vue ?
— Je ne crois pas.
— Le seul moyen de gagner du temps, c'est de se faire discret.
Ugo lança un regard éloquent à Valentino, qui haussa les épaules avec un petit sourire coquin.
— N'oubliez pas, continua Ugo, que les mercenaires de Cesare cherchent la Pomme, et ils ne quitteront pas la capitale sans elle. Couverts par le Roi, ils se fondront dans la masse. Ils peuvent être n'importe où, être n'importe qui.
— Nous devrions fouiller Notre-Dame dès à présent, proposa alors Vittorio.
Ugo leva les yeux vers les gargouilles de la cathédrale, puis son regard se perdit dans le bleu du ciel.
— Certes. Mais je crains de commencer cette tâche titanesque et de ne rien trouver.
— Pourtant, intervint Selene, les tableaux de Gozzoli...
— Ce sont de vieilles peintures, ma chère.
— C'est tout de même la seule piste que nous ayons, d'après Orsini.
— Entrons, jetons un œil. Nous reviendrons cette nuit pour fouiller. Il y a trop de monde, ce matin.
Effectivement, la Grand'Place était dores et déjà noire de monde. La vie, à Paris, ne semblait jamais s'arrêter, la clameur montait même la nuit.
— Vous m'excuserez, les amis, dit Valentino une fois devant les lourdes portes de la cathédrale. Mais j'ai des façons un peu moins conventionnelles d'entrer dans ce magnifique édifice.
Il disparut.
Valentino avait sa façon bien à lui d'apprécier Notre-Dame. Peu loquace avec les hommes, il avait fait de la gardienne de Paris sa confidente. La pierre l'avait écouté, apaisé. Il aimait les figures drôles et grimaçantes des gargouilles qui vomissaient de temps à autre des flots de pluie, car il pleuvait bien plus à Paris qu'à Rome. D'abord prostré dans sa cape, pestant contre le froid et l'humidité, il s'y était peu à peu habitué. Il avait fini par aimer le ciel gris de cette région de la France. Les jours de pluie abreuvaient son âme de mille pensées, et lavaient le pavé des rues.
Il se demanda s'il supporterait, aujourd'hui, le soleil perpétuel de l'Italie. La pluie quand elle tombe, et la mélancolie qui tombe avec elle, peuvent-elles manquer parfois ?
Depuis les années passées ici à veiller, avec d'autres Assassins, sur les faits et gestes de Louis XII, Valentino avait fait de Paris son chez-lui. Il se sentait souvent coupable de l'amour qu'il portait à cette cité, responsable de la guerre contre son pays natal. Combien de ses compatriotes, de ses frères, étaient tombés sous les coups de lance étincelante des Français ? Mais Paris, Paris l'avait accueilli à bras ouverts, à pleines cuisses même, lui l'ennemi d'au delà des Alpes. Les rappels à Rome, trop fréquents depuis cette histoire de Pomme d'Eden, ne le réjouissaient plus.
Ah ! Trahison du cœur envers la patrie.
Pourtant, perché sur les hauteurs d'un des deux beffrois, l'Assassin contemplait la cité, son ciel plus volontiers sombre que bleu, ses toits, ses habitants qui ressemblaient à des fourmis, ses maisons et ses bâtiments qui s'étendaient jusque là où le regard ne porte plus. Et alors, devant ce spectacle merveilleux, baigné dans la lumière du matin, ou dans celle des crépuscules solitaires, Valentino sentait sa culpabilité se dissoudre dans le vent dont la caresse flattait ses joues.
L'Assassin se glissa à l'intérieur de Notre-Dame.
Quand Selene entra dans la cathédrale, la beauté de l'édifice lui coupa le souffle.
Notre-Dame de Paris était démesurée. Démesurée par sa taille, démesurée par sa beauté, démesurée par son symbole. Soudain, Selene comprit pourquoi Paris pesait autant dans toutes les affaires du monde, si ses architectes étaient capables de construire un aussi vaste monument.
La voûte était si haute qu'en levant le nez Selene crut tomber à la renverse.
Des milliers de petites chandelles, suspendues entre les piliers, l'éclairaient d'une lumière chaleureuse qui ondulait sur les ogives comme des langues de feu. Les vitraux des cents fenêtres projetaient sur la pierre des kaléidoscopes de couleurs vives. Et la rosace, la rose du midi, splendide, brillait comme un soleil dans cet univers minéral.
Assis sur les nombreux bancs qui filaient comme des vagues acajou vers le chœur, des hommes et des femmes, le front pieusement baissé et les mains jointes, priaient avec ferveur. D'autres allumaient des cierges, entraient et sortaient des confessionnaux, déposaient des fleurs dans les renfoncements des chapelles. Le ventre de Notre-Dame grouillait de vie silencieuse. L'atmosphère solennelle de l'endroit pénétra l'âme de Selene, qui se surprit à chuchoter une courte prière que lui avait apprise sa mère.
Près d'elle, Ugo et Vittorio, les yeux levés vers les arcs d'ogives et les chapiteaux des piliers, étaient pareillement subjugués par la splendeur de la cathédrale.
Une odeur d'encens leur parvint, et les cloches, soudain, se mirent à sonner. Notre-Dame appelait les fidèles à venir célébrer la messe.
Attirés par le son des cloches, une nuée de fidèles catholiques pénétra la cathédrale. Puis le calme revint, et les quatre Assassins en profitèrent pour sortir. Selene, qui fermait la marche, s'arrêta sur le pas de la porte.
Une voix mélodieuse lui parvenait faiblement. Elle se retourna, cherchant des yeux d'où ce curieux chant pouvait bien venir. La messe n'avait pas commencé, le prêtre n'était même pas encore sorti de la sacristie. Et sur les bancs, personne ne chantait ; la nef était balayée de murmures. Selene tendit l'oreille, mais ne décela rien d'autre qu'une voix aérienne et lointaine.
Ugo l'appela. Selene pensa que le bruit des cloches, très puissant, lui était simplement resté dans les oreilles. Elle sortit à son tour et les lourdes portes de bois se refermèrent dans son dos.
Le chant se tut. La jeune femme oublia.
D'un commun accord, le groupe rentra à l'auberge, émerveillés autant qu'accablés par l'ampleur de leur prochain travail. La visite rapide de Notre-Dame n'avait pas rassuré Ugo. Les recherches prendraient tellement, tellement de temps ! S'ils tardaient, l'ennemi leur passerait devant : ils étaient aidés, eux, par le cardinal d'Amboise.
Tomber nez à nez avec les mercenaires de Cesare n'était pas envisageable.
Une fois revenu dans leur chambre, ils conversèrent joyeusement sur ce qu'ils venaient de voir. Seul Ugo restait sombre, et il fit part de ses craintes à ses acolytes.
— Peut-être devrions-nous passer d'Amboise à tabac et le forcer à nous dire où est la Pomme ? proposa-t-il.
— Il mentira, déclara Valentino. Peut-être même qu'il ne sait rien.
— Alors nous le tuerons.
— Et anéantir nos chances de trouver rapidement le Fragment ?
— Capturons-le et forçons-le à nous mener à elle, dans ce cas. Et ensuite...
Ugo passa un doigt sur sa gorge.
— C'est une idée, approuva Valentino. Mais nous serions poursuivis aussitôt par les mercenaires de Cesare, et par l'armée française elle-même. D'Amboise est dans les ficelles des Borgia depuis trop longtemps : que nous le relâchions ou que nous le tuions, si nous nous servons de lui, c'en est fini de nous.
— Réfléchissons, déclara Selene, qui gardait la tête froide. Quels indices avions-nous, sur le tableau de Gozzoli ?
— Un bâtiment en construction, au milieu d'un hectare de forêt, récita Ugo... Et le portrait d'une grande dame blonde, sûrement une Orsini.
— Qui d'autre...
— Alors ?
— Je ne comprends pas. Nous ne disposons pas de toutes les informations.
— Sans blague, renchérit Valentino.
— Reposons-nous, leur intima Ugo en s'allongeant. Une longue nuit nous attend.
Vittorio ne se fit pas prier et rejoignit sa couchette en hauteur. Valentino fit de même, par-dessus celle de Selene.
— Alors, commença-t-il, c'est un joli château, le Louvre, n'est-ce pas ?
— Oui.
— L'architecture française a son charme.
— Comment c'est, à l'intérieur ?
Valentino prit quelques secondes pour se rappeler.
— C'est beau. Il y a de grandes tapisseries aux murs représentant les illustres rois de France, des divinités antiques ou des scènes de chasse. Louis XII semble aimer beaucoup les scènes de chasse, d'ailleurs. Je me souviens des réceptions, surtout : du faste des repas, des milliers de bougies, et un nombre hallucinant de convives. La décoration ne m'a pas marquée plus que ça..
— Pas autant que la reine Anne ? le taquina Selene.
Valentino éclata de rire, puis soupira en se remémorant la belle Anne de Bretagne :
— Non, effectivement. Pas autant que la reine...
— Les Françaises ne te laissent pas indifférent, mon ami.
— Ah ! C'est vrai. Je me laisse séduire facilement, avoua Valentino. Le temps d'une nuit seulement... Mais Anne... très chère Anne... je crois que je l'épouserais.
Selene sourit. Valentino lui était de plus en plus sympathique depuis qu'il était sorti de son mutisme méfiant.
La jeune femme s'allongea sous sa couverture en soupirant. Le voyage jusque Paris avait été l'épreuve la plus difficile de toute sa vie, mais la compagnie des trois autres Assassins, antipathique au début, avait, au fur et à mesure de la route, adoucie ses peines. Aujourd'hui, elle était presque heureuse d'avoir réussi à arriver si loin.
oOo
Selene fut réveillée par Vittorio un peu avant minuit.
— Debout.
Elle se frotta les yeux. Avait-elle tant dormi ? Presque douze heures ? Ses compagnons semblaient aussi hagards qu'elles, encore saouls d'un long moment de sommeil.
La route laissait des traces de lassitude invisibles dans les corps, qu'un couchage correct effaçait lentement. Après s'être étirée un peu, Selene se sentit en forme, comme elle ne l'avait plus été depuis longtemps.
Seul son estomac criait famine, et le groupe se félicita d'avoir gardé quelques provisions au fond des sacs. Ils mangèrent rapidement, assis en tailleur sur les tapis, sans parler. L'auberge silencieuse aurait fait résonner un craquement de latte ou un grincement de marche.
Bientôt, ils furent prêts.
Ugo ouvrit la fenêtre l'air frais et clair de la nuit entra. Agiles, ils se coulèrent le long des murs de l'auberge. Leurs semelles de cuir atteignirent sans un bruit le pavé froid.
Paris, la nuit, était mal éclairée. Afin de garantir à ses habitants une sécurité toute relative, un couvre-feu était instauré, des soldats en binôme patrouillaient régulièrement les rues. Les quatre Assassins, enveloppés dans leur cape de voyage, traversèrent la Grand'Place au pas de course.
Notre-Dame somnolente les attendait sagement, couchée sur le ventre.
