15 - Akashi Seijuro x OC [Jour shopping] - Une étonnante invitation
En général, quand on se retrouvait convoqué dans le bureau du président du conseil du lycée, ce n'était jamais une bonne chose. Surtout quand le lycée était Rakuzan et que le président s'appelait Akashi Seijuro, plus connu sous le surnom de "empereur de Rakuzan". Surnom qui lui allait extrêmement bien, de l'avis de toutes les personnes qui le connaissaient de manière plus ou moins proche.
La jeune fille brune qui se dirigeait vers ce bureau n'était pourtant pas plus stressée que cela car elle savait qu'elle n'avait rien à se reprocher. Aucune absence injustifiée, des notes toujours correctes, aucun manque de respect envers Akashi ou un quelconque professeur, rien qui ne justifiait une telle convocation à la fin des cours. Dans ses prunelles bleu nuit, aucune peur ne siégeait, comme si tout allait bien. Et de toute façon, elle n'était pas du genre à s'inquiéter pour rien, comme certaines de ses camarades.
Or, elle se posait quand même des questions car c'était bien la première fois qu'elle se rendait à cet endroit, surtout convoquée par le président en personne. Que pouvait-il bien lui vouloir ? La seule façon de le savoir était d'aller le rencontrer. Pour une fois qu'une chose sortant de l'ordinaire lui arrivait, Ayumu -que la plupart de ses proches appelaient Ayu car elle n'aimait pas trop son prénom- n'allait pas se plaindre. Elle était même presque curieuse car bien qu'Akashi était dans sa classe, jamais elle ne lui avait adressé la parole directement. Juste un signe de tête en guise de bonjour quand elle le croisait pour ne pas l'ignorer mais rien de plus.
Elle ne connaissait pas grand chose de lui car, contrairement à la plupart des autres filles du lycée, il ne l'intéressait pas plus que cela. On pouvait le trouver beau, certainement, mais il y avait des tas d'autres garçons plutôt mignons, à Rakuzan. Bon, elle savait quand même qu'il était le capitaine de leur équipe de basket et que c'était un joueur exceptionnel. Ayu n'avait jamais assisté à un de ses matchs en personne, c'était une de ses camarades qui le lui avait dit. Et aussi un très bon joueur de shogi, ce qui l'intéressait bien plus car elle-même n'était pas mauvaise.
Pour qu'un tel événement la sorte de son quotidien, c'était que sa vie lui semblait assez morne. La jeune fille sortait rarement de chez elle pour une autre raison que se rendre au lycée ou faire des courses quand elle y était obligée. Elle vivait avec sa mère mais ce n'était pas comme si celle-ci s'intéressait à ce qu'elle faisait de ses journées, elles n'étaient pas très proches et la brune trouvait cela un peu dommage. Elle n'avait qu'une seule personne de son entourage qu'elle considérait comme une amie mais elle n'était pas inscrite dans ce lycée. Elle la voyait seulement pendant les vacances scolaires, quand c'était possible, sinon elles communiquaient le plus souvent via leur téléphone. La plupart de son temps, Ayu le passait seule à faire ses devoirs ou à lire, ainsi que d'autres choses qui attiraient son intérêt.
Elle était ennuyeuse, comme tout le monde le répétait à Rakuzan, et elle se moquait bien de ce que les autres pouvaient penser d'elle. Ce n'était pas eux qui feraient sa vie, de toute façon. Le plus important était d'être une élève correcte qui faisait de son mieux, elle ne demandait rien à personne et c'était très bien comme cela.
Bon, il allait la faire attendre encore combien de temps, devant le bureau, en fait ? Cela faisait plus de cinq minutes qu'un membre du conseil était allé annoncer son arrivée, elle commençait un peu à s'impatienter. Ah enfin ! Ce n'était pas qu'elle avait quelque chose d'important de prévu après mais quand même…
_ Nakata-san, tu peux entrer, l'informa celui qui l'avait accueilli quelques instants plus tôt.
_ Merci.
Le jeune homme s'effaça pour la laisser entrer dans le bureau du président et referma la porte derrière lui, la laissant seule avec celui qu'elle était venue voir. Enfin, celui qui avait demandé à la voir serait une formulation plus exacte.
_ Nakata Ayumu-san, tu es donc venue, déclara Akashi qui souriait derrière son bureau. Je t'en prie, installe-toi, ajouta-t-il en désignant un des fauteuils.
_ En effet, je ne pensais pas avoir le choix, donc je suis là, répondit la lycéenne en prenant place en face de lui. Que me vaut donc l'honneur de cette convocation, Akashi-san ?
Un honneur, disait-elle ? Il était bien rare que le président rencontre une personne qui lui dise une telle chose en venant dans son bureau, surtout en le regardant franchement dans les yeux. Et cette réponse plutôt impertinente qu'elle lui avait donné en arrivant, il n'en entendait pas très souvent de telles, non plus. Voire même jamais car la plupart des élèves avaient bien trop peur des conséquences pour ne serait-ce qu'oser y penser. Cette jeune fille ne manquait pas de courage, son instinct ne l'avait donc pas trompé.
Le sourire de Seijuro s'accentua quand il constata qu'elle ne baissait pas les yeux malgré l'intensité qu'il mettait dans son regard. Était-elle donc comme certaines rumeurs le prétendaient ? Il en doutait fort, surtout que son dossier scolaire était satisfaisant. Elle avait la moyenne dans toutes les matières et faisait des efforts pour s'améliorer, d'après ce qu'il avait pu constater en classe. Il n'était pas rare de la trouver en train de relire une leçon avant un contrôle mais elle ne parlait jamais à personne. Oui, il avait toujours gardé un oeil sur sa camarade, une camarade qui avait aiguisé sa curiosité, chose assez rare pour être notifiée. Elle était simplement franche, ce qui était assez rare, aujourd'hui.
_ La raison de cette convocation est simple, assura Akashi, je veux m'assurer que tout se passe pour le mieux pour toi, à Rakuzan.
_ Que veux-tu dire ? Je ne suis pas certaine de comprendre.
Pas de doute, Akashi avait quelque chose derrière la tête, songea Ayu soupçonneuse. Avait-il besoin de la convoquer ainsi pour lui parler de cela ? Ils étaient quand même en cours ensemble toute la journée ou presque, selon les options choisies. Les occasions de discuter ne manquaient pas. Et là, d'un seul coup, il s'intéressait à elle, allant jusqu'à la convoquer ? Il y avait anguille sous roche, elle n'était pas stupide.
_ J'ai pourtant utilisé des mots simples, n'est-ce pas ?
_ Je ne dis pas le contraire, Akashi-san, c'est juste que je ne comprends pas la raison d'une telle convocation, s'expliqua-t-elle sans prendre de gants. Surtout que nous sommes camarades de classe, n'est-ce pas ?
Oui, elle aussi savait utiliser ces termes en toute ironie, il n'était pas le seul. Seulement, Ayu n'était pas certaine que cela soit une bonne idée de lui parler ainsi, elle connaissait sa réputation impitoyable. Il n'était pas l'empereur pour rien. Certaines rumeurs étranges couraient sur Akashi Seijuro mais elle n'était pas du genre à y prêter attention. Peut-être aurait-elle dû, se dit-elle quand elle vit les yeux du jeune homme se rétrécir, signe qu'il était irrité ou que sa patience avait atteint ses limites.
_ En effet, confirma-t-il soudain plus froidement.
Elle lui tenait tête franchement, aucune dérobade ne se lisait dans ses prunelles sombres. Aucune peur, non plus. Cette Nakata Ayumu n'était définitivement pas une élève de Rakuzan comme les autres. Son intérêt pour elle était donc justifié, pensa-t-il en souriant de nouveau alors qu'une lueur de défi illumina brièvement les yeux bleu nuit de sa camarade. Impossible pour lui de ne pas le remarquer.
_ Dans ce cas, tu n'es pas contre l'idée de passer plus de temps en ma compagnie, durant les heures de cours, pour que nous puissions en parler, je suppose, lâcha-t-il plutôt fier de lui.
Quoi ? Passer du temps avec lui au lycée ? Cette conversation n'avait plus ni queue ni tête ! Mais elle sentait que le capitaine de l'équipe de basket l'avait amenée exactement là où il le souhaitait, depuis le début de cet entretien. Pas de doute à avoir car s'il y avait bien une chose qu'Ayumu savait à propos de lui, c'était qu'il ne faisait et ne disait jamais rien au hasard. Tout était toujours prévu à l'avance. Et quand les personnes se rendaient compte du piège tendu, il était trop tard pour revenir en arrière.
_ Je dois reconnaître que tu es un très fin stratège, Akashi-san, répliqua-t-elle en souriant à son tour, lui montrant ainsi qu'elle avait compris où il voulait finalement en venir. Mais sache une chose, la partie vient de commencer et méfie-toi du cavalier : il pourrait te surprendre.
Voilà une référence au shogi qu'il comprenait à la perfection. En tout cas, elle ne se laissait pas démonter aussi facilement, cela lui promettait des bonnes choses pour la suite. Peut-être jouerait-il contre elle au shogi, un de ces jours, songea-t-il, la partie pourrait être intéressante, même s'il ne perdrait évidemment pas. Sa victoire était immuable, et ce depuis le jour de sa naissance. Il était absolu, n'est-ce pas ?
_ Je t'invite même à essayer, si tu t'en penses capable, Ayumu.
_ J'y compte bien, assura-t-elle finalement amusée par cette passe d'armes. On devrait faire une partie de shogi, à l'occasion, car au moins avec toi, je serai obligée de me donner à fond et ça me changera agréablement.
_ Je suis d'accord avec toi, ça promet une partie intéressante.
Pourquoi, quand c'était lui qui disait son prénom, il lui paraissait plus beau ? C'était un vrai mystère, elle devait le reconnaître. Peut-être que c'était juste dans sa façon de le prononcer… ou la sonorité que sa voix lui donnait. Elle n'avait quand même pas pu s'empêcher de tiquer un peu, en l'entendant, c'était plus fort qu'elle. Un réflexe qu'elle ne contrôlait toujours pas, malgré les années.
Le jeune homme se leva, satisfait d'avoir réussi la première partie de son plan pour se rapprocher de la brune qui n'était pas aussi impassible et ennuyeuse qu'on le disait. Il ne fallait jamais se fier aux rumeurs, si l'on voulait apprendre à connaître quelqu'un, mais à croire que la plupart des élèves de ce lycée ne se donnait pas la peine d'aller plus loin. Preuve indéniable de leur manque d'intelligence.
Qui pouvait dire ce que ce rapprochement allait donner, dans le futur ? A part lui, personne ne le pouvait. Akashi avait déjà pris sa décision : Nakata Ayumu deviendrait son impératrice, tôt ou tard. Elle était bien trop intéressante pour qu'il la laisse à un autre. Il avait déjà quelques idées sur la manière dont cette partie allait se jouer et il avait hâte de passer à la suite. Oui, songea-t-il en fermant la porte du bureau derrière eux, une lueur d'impatience dans ses prunelles hétérochromes, il avait hâte.
OoOoOoO
De retour chez elle, Ayumu soupira de lassitude quand elle vit l'état de l'appartement. Avant de faire ses devoirs, elle devait donner un bon coup de nettoyage car vivre dans un capharnaüm, non merci. Cela la fatiguait d'avance car elle savait qu'à son retour du lycée, le lendemain soir, ce serait exactement la même chose. Déjà que sa mère était rarement chez elles quand elle avait un copain, chose pas très légale sachant qu'elle avait une fille mineure à charge, ce n'était pas pour s'occuper de mettre un peu d'ordre lorsqu'elle vivait une rupture "douloureuse", comme elle disait.
Et en ce moment, c'était exactement cela. Quand elle était présente, sa mère restait cloitrée dans sa chambre, à appeler le nom de son dernier amant en date, pleurant à chaudes larmes et refusant de manger. Et quand elle se trouvait au lycée, elle trouvait le moyen de salir leur appartement à vitesse grand V. Comment elle faisait, en fait ? Ce n'était pas humain de salir autant en si peu de temps ! Et puis, ce n'était certainement pas en versant des grandes eau qu'elle allait le faire revenir vers elle, songea-t-elle en levant les yeux au ciel. Comment il s'appelait le dernier, déjà ? Ah oui, Takumi. Deux mois plus tôt, c'était Naoki et encore trois mois avant, si elle se souvenait bien, c'était Ren.
A l'écouter, elle avait perdu le grand amour de sa vie et elle ne pouvait pas vivre sans lui. Chose que la jeune fille avait déjà entendu bien plus d'une fois, auparavant, et entendrait encore à l'avenir, mais soit. Si elle voulait jouer la grande diva tragique qui se complaisait dans son malheur, d'accord, mais qu'elle le fasse en sourdine. C'était vraiment usant, à force.
Et ceci était la raison principale pour laquelle Ayu ne parvenait pas à tisser de réels liens avec celle qui l'avait mise au monde. Sa mère ne la laissait jamais approcher, préférant sortir avec des hommes qui n'étaient pas faits pour elle, et ce n'était pourtant pas faute d'avoir essayé. A présent, elle avait compris la leçon et l'on ne l'y reprendrait plus, elle avait assez donné.
_ Par quoi je commence ? souffla-t-elle en se pinçant l'arrête du nez.
L'ampleur de la tâche la fit grimacer et elle sentit qu'un mal de tête prenait naissance au niveau de ses tempes. Génial, ne manquait plus qu'un début de migraine pour couronner le tout. Elle avait vraiment de la chance d'être sa mère parce qu'avec quelqu'un d'autre, cela ferait longtemps que la jeune fille lui aurait dit ses quatre vérités. Elle ne méritait pas autre chose, jamais elle n'avait été une mère pour elle. D'ailleurs, la loque lui servant de génitrice -qui pleurait tant qu'elle en était desséchée- lui répétait sans cesse qu'elle n'avait jamais voulu d'elle et que c'était son père qui avait voulu la garder. Père qui était décédé deux mois après sa naissance d'un mauvais coup de froid. Sa vie aurait certainement été différente s'il avait vécu mais au moins, elle avait la chance de ne pas porter le nom de famille de sa mère. Cela aurait été encore pire, c'était certain.
Il fallait vraiment qu'elle se change les idées sinon elle allait finir par péter un câble. Entre l'autre qui se lamentait sur le fait que sa vie était finie et sa migraine qui s'en mêlait, elle était servie. Comment faire ses devoirs dans une ambiance comme celle-ci ? C'était simple, elle ne travaillait pas chez elle. Elle préférait profiter de la bibliothèque de la ville ou du lycée pour étudier et c'était ainsi qu'elle parvenait à se maintenir à un niveau convenable.
Autant se rendre au lycée, il restait ouvert tard et au moins, elle serait tranquille, songea-t-elle en prenant son sac de cours au passage. Le rangement, Ayumu verrait plus tard, là, elle voulait oublier sa vie de merde et se concentrer sur ce qui comptait le plus pour elle : ses cours. Heureusement qu'elle avait le lycée sinon la jeune fille ne savait pas ce qu'elle ferait. Une chose était sûre : elle allait faire tout ce qu'elle pouvait pour échapper à la vie minable qui l'attendait si elle restait avec sa mère. Entrer dans une bonne fac et trouver un bon travail, voilà ce pour quoi elle se levait chaque matin.
_ Pour le moment, t'es encore en première année de lycée, ma fille, donc prends ton mal en patience, maugréa-t-elle pour elle-même en sortant de l'appartement.
En marchant tranquillement, elle habitait à vingt minutes du lycée donc elle arriva vite à destination, pour son plus grand soulagement. Pendant au moins deux heures, les pleurs et cris de désespoir de sa mère lui seraient épargnés et elle aurait largement le temps de terminer ses devoirs pour le lendemain.
Personne n'était au courant de cet aspect de sa vie, à Rakuzan, et Ayumu comptait bien que cela le reste. Mais c'était sans compter la nouvelle inconnue dans l'équation, en la personne d'Akashi. Bien sûr, ce qui s'était passé quelques heures plus tôt n'avait pas quitté son esprit et elle se demandait comment elle allait faire pour lui cacher ses conditions de vie s'ils devenaient plus proches. Ce n'était pas impossible et leur moment de brève complicité à la fin de leur entrevue le prouvait.
Chaque chose en temps : d'abord, ses leçons. Pour Akashi, elle verrait bien plus tard.
OoOoOoO
Plus de trois semaines s'étaient écoulées depuis la fameuse convocation et Ayumu reconnaissait sans peine que le capitaine de l'équipe de basket était vraiment très intelligent. Malgré le nombre de fois où ils avaient joué l'un contre l'autre au shogi, jamais elle n'était parvenue à remporter la moindre victoire. Même si une fois, cela s'était joué vraiment sur le fil du rasoir, à la grande surprise du jeune homme. Il l'avait félicitée pour s'être aussi bien battue contre lui sans jamais abandonner et elle était plutôt fière d'elle.
Oui, Akashi Seijuro était absolu et gagnait toujours, elle était bien placée pour le savoir. Absolu ? Pour le moment, car la brune ne désespérait pas de le vaincre un jour. D'ailleurs, en ce moment-même, les deux lycéens se trouvaient dans le bureau du président et disputaient à nouveau une partie de shogi. Ayumu réfléchissait au prochain coup qu'elle allait faire mais le sourire narquois de son adversaire la déconcentrait allégrement. Aujourd'hui, elle ne réussissait pas à se concentrer et il en profitait pour se moquer d'elle, son menton posé sur sa main et le coude sur le bureau.
_ Eh bien, tu abandonnes ? la provoqua-t-il une nouvelle fois.
_ Même pas en rêve, Akashi-kun, marmonna-t-elle sans le regarder.
Mais ce qui changeait pour cette partie, c'était qu'ils avaient convenu d'un enjeu. Bien sûr, Seijuro n'aurait jamais parié s'il n'était pas certain de gagner, c'était l'évidence même. Cependant, il ne niait pas apprécier le spectacle de sa future impératrice en train de se battre désespérément contre des moulins à vent. La partie était officiellement perdue pour elle mais elle refusait de l'admettre. Elle s'obstinait et elle bougea une pièce qui acheva de la noyer.
_ Oh mais quelle idiote ! s'écria-t-elle en secouant vivement la tête.
_ Tu te rends ?
_ Que je le veuille ou non, je viens de me faire laminer en beauté et ce n'est pas drôle, protesta-t-elle en le foudroyant du regard.
Pourquoi finissait-elle toujours par se faire avoir ? Depuis le temps, elle le savait, il était bien trop fort pour elle. Et maintenant, elle allait avoir un gage ! Connaissant la personnalité de celui qui était devenu un ami au fil des jours, elle craignait le pire. Que lui réservait-il ? Croisant les bras sur sa poitrine, elle le regardait en boudant. Tsss… elle l'aurait un jour, elle se le jura.
_ Bon, vas-y, dis-moi ce que je dois faire maintenant…
On aurait dit qu'elle se rendait tout droit à l'échafaud et Akashi se délectait de cette vision. Cela aurait été amusant de faire monter la pression, l'air de rien. Mais qu'elle ne s'inquiète pas tant, il n'allait pas non plus lui faire faire quelque chose de honteux ou étrange, du moins cette fois. Ce qui serait une bonne idée pour une prochaine partie, à garder en mémoire, au cas-où.
_ Mon père donne une soirée, le samedi qui vient, et tu seras ma cavalière attitrée, annonça-t-il, une lueur étrange dans ses yeux.
Elle ? Il l'invitait, elle, dans une soirée mondaine de la haute société ? Soit il avait perdu l'esprit, soit… elle ne savait pas. Non, c'était une blague, il lui faisait une blague et il allait ricaner pour montrer que c'était du pipeau, hein ? Sauf que non, Akashi ne riait pas et lui paraissait plus sérieux que jamais. Bon, elle était dans la merde ! Qu'est-ce qui lui avait pris d'avoir cette lubie ?
_ Tu ferais mieux de choisir quelqu'un d'autre, Akashi-kun, je ne suis pas celle qu'il te faut, soupira-t-elle, un peu déçue malgré elle. Et puis, c'est dans deux jours, il faut que je demande à ma mère et…
_ C'est déjà fait, depuis ce matin, et elle n'a pas été difficile à convaincre, surtout quand je lui ai dit que tu dormais chez moi, samedi soir, pour t'éviter de rentrer trop tard. assura-t-il avec l'air supérieur qui le caractérisait parfois. N'oublie pas, c'est un ordre et tu sais que mes ordres sont…
_ Absolus, oui, je sais, le coupa-t-elle dans un souffle. Il devrait y avoir ta photo à côté de ce mot, dans le dictionnaire. Un vrai empereur.
Il n'y avait bien que de sa part que Seijuro acceptait d'être coupé de la sorte car venant d'une autre personne, il aurait déjà sorti ses ciseaux, le regard menaçant. Et de plus, il failli applaudir à la justesse de sa remarque. Comme quoi, elle finissait toujours par retenir les choses les plus simples. Il arriverait peut-être à faire quelque chose d'elle, finalement. C'était un peu méchant car il avait reconnu son intelligence depuis déjà leur première conversation.
_ Tu as bien appris ta leçon, Ayu, la nargua-t-il avec son sourire en coin.
_ A force de l'entendre, crois-moi que ça finit par rentrer, répliqua-t-elle sur le même ton.
Oui, il l'appelait Ayu, à présent. C'était elle qui le lui avait demandé, d'un ton presque suppliant car il s'obstinait à utiliser son prénom en entier. Prénom dont, elle le rappelait, elle avait horreur car il lui venait de sa mère. Bien sûr, il avait exigé de comprendre pour quelle raison et elle lui avait expliqué ce qui se passait chez elle. Il ne connaissait pas les détails les plus sordides de sa vie mais il en savait assez pour avoir accepté sa requête. Il était d'ailleurs le seul au courant de ce secret et elle avait confiance en lui pour ne rien dire à personne.
En échange, Akashi lui avait ordonné de l'appeler aussi par son prénom mais elle n'y était pas encore arrivée. C'était bien trop intime pour elle, et il n'était pas son… petit-ami pour qu'elle se permette d'être aussi familière avec lui. Elle avait changé le suffixe avec lequel elle s'adressait à lui -remplaçant le "Akashi-san" formel par le "Akashi-kun" plus familier- et c'était déjà bien, venant d'elle. Cela ne faisait pas longtemps qu'elle l'avait remarqué mais quand il lui parlait ou même plongeait son regard intense dans le sien, elle se sentait de plus en plus mal à l'aise. Son coeur se mettait à battre plus vite et ses mains devenaient moites, ce qui était assez gênant quand elle jouait au shogi. Contre lui.
Ayu n'était pas suffisamment idiote pour ne pas comprendre ce qui lui arrivait, surtout avec une mère spécialiste dans les peines de coeurs tragiques. Elle craquait pour son ami, et pas qu'un peu. Il fallait dire qu'elle passait tout son temps libre avec lui, elle s'était même rendue presque tous les soirs aux entraînements de basket tout cela parce qu'il n'aimait pas qu'on lui désobéisse. Même si en vérité, elle aimait le voir sur le terrain, il était si différent et il était indéniablement le meilleur. Même elle, avec son très faible niveau en basket, elle s'en était rendue compte. Sans doute pour se moquer d'elle, il l'avait venir sur le terrain après le départ du coach et l'avait défiée de marquer un panier. Bien sûr, elle l'avait manqué, ce fichu panier était bien trop haut pour elle.
_ Tout le monde n'est pas absolu comme toi, Akashi-kun, lui avait-elle lancé en lui tirant la langue.
Et c'était petit à petit que ses sentiments étaient devenus de plus en plus forts. En à peine deux semaines, en plus… Bon, le record de sa mère avait été de vingt-quatre heures, même pas, donc elle n'était pas encore un cas désespéré. Peut-être que si, en fin de compte car comme on disait : les chiens ne faisaient pas des chats. Il ne manquerait plus qu'elle ait hérité de la malchance de cette femme en amour ! Pourvu que non ! Pourvu que non ! Oui, c'était important donc elle l'avait dit deux fois. Si cela pouvait conjurer le sort, ce serait tout bénéfique pour elle.
Elle était certes parfois encore intimidée par son aura imposante, comme tout le monde à Rakuzan, mais la plupart du temps, Akashi la laissait se moquer de lui et se contentait de sourire narquoisement, lui promettant des petits soucis pour plus tard. Mais c'était encore une autre histoire. Et… Non… Non, ce n'était pas possible ! Il n'avait quand même pas dit qu'elle dormait chez lui après la soirée ?
_ Je dors chez toi ? lâcha-t-elle éberluée. C'est dans le gage, ça aussi ? On n'en avait pas parlé !
_ Bien évidemment, confirma l'empereur sans cacher l'amusement que lui provoquaient les réactions de la jeune fille.
_ Tu sais que je te déteste, hein ? maugréa-t-elle boudeuse. Tu n'es qu'un manipulateur, Akashi Seijuro.
_ Merci pour le compliment, fit-il avec une petite inclinaison de la tête, histoire de l'agacer un peu plus.
Étrange qu'elle n'ait pas réagi avant, surtout qu'il en avait parlé au même moment mais venant d'Ayumu, plus rien ne le surprenait. Il savait comment elle allait réagir avant même qu'elle ne parle, il lui suffisait pour cela de lire ses émotions dans ses prunelles bleu nuit. Mais savoir qu'elle allait dormir sous son toit, deux jours plus tard, le mettait incroyablement de bonne humeur.
Et puis, cela lui fournirait un prétexte pour passer encore plus de temps en sa compagnie car il était évident qu'elle ne pourrait pas assister à la soirée donnée par son père avec ses vêtements habituels. Une robe de soirée était exigée et vu que c'était lui qui lui avait ordonné de l'accompagner, il allait lui offrir une robe digne de son élégance naturelle.
_ Etant donné que les cours sont annulés, demain, on va en profiter pour aller faire du repérage pour ta robe de soirée, annonça-t-il le plus simplement du monde. Et on mangera ensemble, le midi.
_ Tu ne vas quand même pas…
_ Bien sûr que si, Ayu, il est normal que je t'offre cette robe vu que je t'ai demandée de m'accompagner, l'interrompit-il, l'index levé.
_ Ordonnée, tu veux dire ? le nargua-t-elle.
Pour Seijuro, cela voulait dire exactement la même chose, aussi se contenta-t-il de balayer de la main la correction donnée par la brune. Elle était plutôt jolie et il était assez impatient de la voir vêtue d'une robe de soirée, habillée et maquillée pour l'occasion.
_ Tu ne me laisses pas le choix, n'est-ce pas ? soupira-t-elle vaincue. On se rejoint où et quand, alors ?
_ Devant le lycée, à 10h00, lui répondit-il en se levant du fauteuil. Sauf si tu préfères que je vienne te chercher en bas de chez toi.
_ Non, ça me convient, répondit-elle rapidement, à 10h00 demain matin devant le lycée.
Ce n'était pas plus mal, songea la jeune fille soulagée. Jamais elle ne montrerait l'endroit où elle vivait à Akashi, elle en aurait bien trop honte. Pourquoi avait-il fallu qu'elle tombe amoureuse de lui, déjà ? Ils ne faisaient clairement pas partie du même monde et elle avait l'impression d'être comme Cendrillon. Un sourire teintée d'ironie étira légèrement ses lèvres à cette pensée. Elle serait habillée comme une princesse, le temps d'une soirée, et le lendemain, elle retrouverait ses habits communs.
Elle avait répondu bien trop vite, quelque chose n'allait pas. Le capitaine du club de basket darda sur elle un regard plein de sous-entendus. Peut-être qu'elle n'avait pas envie qu'il sache où elle vivait… sauf qu'il le savait déjà. En effet, il était allé directement trouver la mère de sa future impératrice pour lui parler de samedi et il n'avait pas pu manquer l'intérieur de l'appartement.
Comment faisait Ayumu pour vivre dans un endroit comme celui-ci ? Il comprenait mieux pourquoi elle restait le plus longtemps possible au lycée, surtout qu'elle lui avait confiée qu'elle ne s'entendait pas avec sa mère et que son père était mort deux mois après sa naissance. Seulement, Akashi se moquait complètement de la famille d'où elle venait, ce qui lui importait le plus était sa personnalité et l'ardeur qu'elle mettait à être une bonne élève. Une chose qui importait aussi beaucoup à son père.
Mais ce n'était pas son père qui choisirait la femme avec qui Seijuro ferait sa vie, c'était lui. Et il l'avait déjà trouvée en la personne de Nakata Ayumu, elle ferait une parfaite impératrice et deviendrait la mère de ses enfants, il en était certain. Son intérêt purement poussé par la curiosité s'était mué en quelque chose de bien plus puissant : elle lui appartenait mais elle ne le savait pas encore. Il comptait d'ailleurs mettre les choses au clair avec la brune, lors de la soirée ou le lendemain, il verrait bien comment les choses se dérouleraient.
D'ailleurs, malgré toutes ses tentatives en ce sens, la jeune fille ne pouvait pas lui cacher ce qu'elle éprouvait, il était parfaitement au courant qu'elle était amoureuse de lui, comme il l'avait prévu. Avait-il tout fait pour cela ? Bien sûr que oui, il ne faisait jamais rien au hasard.
Oui, la partie était bientôt terminée et Akashi en connaissait déjà le dénouement. Ses plans étaient toujours parfaits et cette fois-ci ne ferait pas exception. Cela ne pouvait en être autrement. Il ne le permettrait pas.
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Ayumu aurait tout donné pour se retrouver ailleurs, à ce moment précis. Comme convenu avec Akashi, elle était arrivée un peu avant 10h00 devant Rakuzan et il avait fait son apparition peu après. Bien sûr, étant donné que les cours étaient annulés, elle était habillée de ses vêtements de ville et de son propre avis, ce n'était pas très glorieux. Le jeune homme n'avait rien laissé paraître de ce qu'il pensait -un vrai gentleman, elle le reconnaissait sans peine- mais elle ne voulait pas savoir. Il s'était contenté de prendre son bras et de la conduire à la voiture noire stationnée devant eux.
La route n'avait pas duré très longtemps car à peine vingt minutes plus tard, ils étaient déjà en train de déambuler dans les rayons d'une boutique luxueuse de robes de soirée. Elle s'en était doutée mais Akashi choisissait les robes lui-même -une vendeuse à qui elle avait donné sa taille les mettait de côté ensuite- et elle allait bien sûr les essayer, pour qu'il lui donne son avis. Mais une chose la surprenait : pour quelle raison ses choix se portaient toujours sur une robe dans les tons de rouge ou de bordeau ? Elle n'était même pas certaine que cette couleur lui aille, s'habillant toujours dans des couleurs assez neutres comme le marron ou le gris. Passe-partout et ennuyeuses, comme elle.
Dépenser une somme aussi folle pour une robe et des chaussures qu'elle ne porterait qu'une seule fois, c'était pour elle un terrible gaspillage, mais le jeune homme aux prunelles envoûtantes lui avait déclaré que ce n'était qu'un détail. Un détail ? Pour lui, certes, mais pas pour elle ! D'accord, les robes étaient magnifiques mais elle valaient aussi très cher. Ayu avait même cru avoir une attaque quand elle avait regardé le prix sur une étiquette, alors qu'elle se trouvait dans le rayon des articles en soldes. Et ce n'était pas le pire, non. Était-elle vraiment obligée de porter des chaussures à talons ? Elle n'en avait jamais mis de sa vie, elle allait se ridiculiser ! Cette soirée allait être un véritable enfer, elle le sentait. C'était une punition, n'est-ce pas ? Avec Akashi Seijuro, la brune s'attendait à tout.
_ Tu ne crois pas que tu en as choisi assez, Akashi-kun ? lâcha-t-elle dans un soupir d'ennui.
_ Tu n'aimes donc pas le shopping, Ayu ? la taquina-t-il alors qu'il faisait signe d'emporter une nouvelle robe pour l'essayage.
_ C'est ma première expérience, alors je ne sais pas, avoua-t-elle un peu honteuse.
Elle n'avait pas besoin de le lui dire, Seijuro s'en était déjà rendu compte dès le départ. Sa future impératrice n'avait pas l'air intéressée par tout cela et c'était un bon point. Elle avait même protesté en voyant les prix exorbitants des robes, gênée qu'il lui offre une telle robe alors que les autres filles en auraient sans doute profité pour obtenir plus de lui. Au moins, elle n'en avait pas après l'argent et la position des Akashi dans la société japonaise. Elle s'intéressait à lui, tel qu'il était, et il aimait cela.
Le transformerait-elle sans le savoir ? Bien sûr et Akashi s'en était déjà rendu compte, surtout pendant les entraînements de basket quand elle était présente. Elle le reprenait toujours quand elle le trouvait trop sévère avec ses coéquipiers et il ne lui disait rien, approuvant même -avec le recul- ce qu'elle lui reprochait.
D'ailleurs, Leo et Kotaro lui avaient même demandé si elle désirait devenir leur manager à plein temps mais la jeune fille ne voulait pas, pour le moment. Elle ne connaissait pas assez bien le basket pour les aider de manière efficace et le capitaine lui avait proposé de lui apprendre les règles de base. Elle avait accepté mais seulement lorsque les examens trimestriels seraient terminés.
_ Viens, tu vas déjà essayer celles-ci, l'invita-t-il en lui tendant la main.
_ Il y en a quand même beaucoup, non ? souffla-t-elle avant de placer timidement sa main dans la sienne.
_ Ne t'en fais pas pour ça, lui assura-t-il avec un sourire presque doux. Occupe-toi seulement de te faire belle pour cette soirée, le reste, j'en fais mon affaire.
Euh… le coeur d'Ayu venait de manquer un battement et elle ne savait plus quoi dire. Il avait bien dit "belle", elle n'avait pas rêvé ? Elle se laissa conduire aux cabines par son ami, sans remarquer le sourire en coin qu'il affichait. Elle était comme déconnectée et une fois seule dans sa cabine très spacieuse, elle se dévêtit de manière automatique, sans faire attention à la vendeuse qui l'attendait pour l'aider à enfiler la première robe.
Une fois la robe correctement boutonnée, la jeune fille se tourna vers le miroir et écarquilla ses prunelles bleues en voyant le résultat. La couleur d'un beau rouge soutenu faisait ressortir à merveille la blancheur de sa peau et jamais elle n'aurait cru cela possible. Et jamais elle n'aurait imaginé avoir une telle silhouette, elle se trouvait belle pour la première fois de sa vie. Il fallait dire pour sa défense que sa mère avait toujours dénigré son physique, peut-être par jalousie, elle n'en savait rien.
Le décolleté de la robe n'était pas indécent et dévoilait avec élégance la naissance de sa poitrine. Et le haut s'attachait dans la nuque, laissant le haut de son dos et ses épaules complètement nus. Bien sûr, avec une telle robe, impossible pour elle de mettre un soutien-gorge mais heureusement, il y en avait un intégré, ainsi elle ne serait pas trop gênée. C'était la première qu'elle essayait mais Ayu n'en voulait pas d'autre, elle avait trouvé la tenue parfaite, surtout qu'elle descendait jusqu'à mi-mollet.
_ Voulez-vous montrer le résultat à Akashi-sama ou bien lui faire la surprise ? la questionna la vendeuse avec un sourire complice.
_ Lui faire la surprise, vous dites ? répéta-t-elle, la mine songeuse. Je trouve que c'est une très bonne idée.
_ Et si je peux me permettre un conseil ?
La lycéenne de Rakuzan l'invita à parler avec un sourire, ce qui détendit l'employée.
_ Vous devriez boucler vos cheveux en les laissant libres sur vos épaules et opter pour un maquillage assez léger mettant en valeur vos yeux, je vous garantis que l'effet sera impressionnant.
_ Je garderai en mémoire ce que vous venez de me dire, assura Ayu avec reconnaissance. Merci pour votre aide, infiniment.
Pendant que la jeune femme emmena les autres robes pour les ranger en rayon, Ayumu se rhabilla et esquissa un petit sourire malicieux en repensant aux mots de la vendeuse. Faire une surprise à Akashi Seijuro ? La question ne se posait pas, pour une fois qu'elle en avait l'occasion. Il allait lui en dire des nouvelles et elle avait hâte d'être au lendemain, finalement.
Akashi paya la robe et prit la pochette qui la contenait, curieux de savoir laquelle sa cavalière avait bien pu choisir car elle n'avait rien voulu lui dire et encore moins lui montrer. Elle changeait les règles du jeu mais ce n'était pas une mauvaise chose, en soi. Elle disait vouloir lui faire la surprise et il n'était pas mécontent de cette idée. Maintenant, le choix des chaussures et étonnamment, la jeune fille savait ce qu'elle voulait. Elle lui avait expliqué ensuite que c'était la vendeuse dans la boutique précédente qui lui avait conseillé de prendre ce type de chaussures, assurant que cela irait à merveille avec la robe qu'elle avait choisi.
_ Tu ne comptes vraiment rien me dire, n'est-ce pas ? s'amusa-t-il à déclarer en sortant de la boutique de chaussures.
_ Tu connais déjà la couleur, à cause des chaussures que j'ai prises, n'en demande pas trop, Akashi-kun, le taquina-t-elle avec un sourire. Tout vient à point à qui sait attendre.
_ Très bien, je me montrerai patient, dans ce cas.
Alors qu'ils remontaient dans la voiture avec leurs achats que le chauffeur déposa dans le coffre, Ayumu sentit son sourire devenir moins joyeux. Étant donné que tout était enfin terminé, il n'y avait plus de raison de faire durer les choses plus longtemps. Le temps était vraiment passé trop vite et même si elle était encore stupéfaite et toujours aussi gênée par l'argent qu'Akashi avait dépensé pour elle juste pour une soirée, elle n'était pas contre l'idée de rester encore un peu avec lui.
Quand il avait pris sa main dans la sienne et entrelacé leurs doigts, son coeur s'était mis à battre si vite que la brune avait cru qu'il allait s'arrêter brusquement. Et elle était presque certaine qu'elle avait rougi, à ce moment-là, pour sa plus grande honte. Elle n'était pourtant pas sa petite-amie alors pourquoi un tel geste ? Pour les employés de la boutique ? Elle n'en savait absolument rien car elle ne parvenait pas à lire en lui, il était bien trop secret.
_ Où allons-nous maintenant, Seijuro-sama ? demanda le chauffeur en démarrant le moteur.
_ A la maison pour déjeuner et déposer nos achats dans la chambre de Nakata-san, Hiroto-san, répondit le rouge sans lâcher sa voisine du regard.
La surprise qui se lisait dans ses prunelles bleu nuit était on ne pouvait plus satisfaisante, se dit le rouge en posant son regard sur sa voisine. Qui avait dit que la journée était terminée ? Pas lui, en tout cas. Le capitaine de l'équipe de basket de Rakuzan comptait bien passer le restant de cette journée en compagnie de la jeune fille. Une autre partie de shogi, peut-être, ou alors faire simplement leurs devoirs ensemble. Il trouverait bien une occupation et ce n'était pas cela qui manquait, chez lui.
_ Comment ça, ma chambre ? s'étonna-t-elle en se tournant vivement vers lui. Et comment ça, on déjeune chez toi ?
_ Pourquoi t'ai-je demandé hier soir par message de prendre ton sac de rechange dès aujourd'hui, à ton avis ? lui fit-il remarquer après avoir posé une main sur sa joue. Tout simplement car tu passes la nuit chez moi ce soir, également.
Mais… ce n'était pas prévu ! Il arrangeait vraiment les choses comme cela lui convenait. Sérieusement, cet homme était tout bonnement impossible ! Ayumu ne put s'empêcher d'éclater de rire en secouant la tête. Elle aurait dû le prévoir, elle le connaissait bien pourtant. Mais à croire qu'il réussissait toujours à la surprendre, malgré tout. Ce n'était pas très grave, elle aurait sa vengeance, le lendemain soir. Elle allait lui montrer qu'elle aussi était capable de le surprendre.
_ Qu'est-ce qui te fait rire ainsi ? s'enquit-il alors que la voiture entrait dans la cour du manoir Akashi.
_ Toi, répondit-elle, les yeux brillants. Parce que tu réussis toujours à m'amener là où tu le veux sans que je m'en aperçoive.
_ Je suis absolu, Ayu, et crois-moi, ce n'est pas fini.
Seijuro était étrangement heureux de voir qu'elle riait en sa compagnie. Mais pour quelle raison ? Il n'avait pas pour habitude de se mentir, Ayumu lui plaisait vraiment beaucoup. A ses côtés, il se sentait paisible et il oubliait le poids qu'il portait en tant que fils unique de la famille Akashi. Serait-il amoureux de sa future impératrice ? Une possibilité à laquelle il réfléchirait plus tard, pour l'instant, il voulait juste profiter d'être avec elle et rien d'autre ne comptait.
OoOoOoO
Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas aussi bien dormi, et le fait de ne pas entendre les plaintes désespérées de sa chère mère y était sans doute pour beaucoup. La soirée de la veille s'était très bien passée, à son grand étonnement. Au bras du président du conseil de Rakuzan, elle n'avait pas vraiment dénoté dans cette société huppée. Akashi l'avait briefée, un peu avant, sur la manière de se comporter dans ce genre de soirée.
Et comme prévu, Ayu avait réussi à surprendre son cavalier attitré avec sa tenue. Une lueur peu commune avait brillé dans ses yeux hétérochromes et il l'avait complimentée sur son élégance d'une voix plus chaude et langoureuse, qui ne l'avait pas laissée indifférente. C'était la première fois qu'il lui avait parlé de cette façon et la brune en était restée chamboulée pendant pas mal de temps.
Avec le recul, la jeune fille avait compris la raison du choix de couleur rouge pour les robes. En effet, elle était ainsi assortie avec la chemise qu'avait porté le capitaine sous sa veste noire. Il avait pensé aux moindres détails et ce sens de l'organisation l'étonnait toujours.
Mais les paroles étranges qu'il avait prononcées en la ramenant devant sa chambre, à la fin de la soirée, que devait-elle en penser ? Et le baise-main juste avant de la quitter ? Ayumu était complètement perdue car elle ne parvenait pas à comprendre les intentions de son camarade de classe. Elle l'entendait encore, quand elle fermait les yeux :
_ Demain sera une journée mémorable, fais de beaux rêves, Ayu.
Ce serait trop beau qu'il partage ses sentiments car Akashi Seijuro était absolu et quand on l'était, on ne tombait pas amoureux. C'était l'évidence même car quelqu'un d'absolu ne pouvait pas avoir de faiblesse et l'amour était considéré comme telle par certaines personnes. La jeune fille prit sa tête entre ses mains, posant ses coudes sur ses genoux. S'amusait-il à jouer avec ses sentiments ? Voulait-il lui donner de faux espoirs ? Ce serait vraiment cruel de sa part et elle lui en voudrait certainement car on ne jouait pas impunément avec les sentiments des gens.
Oui, pour la brune, il était évident qu'Akashi était au courant de ce qu'elle éprouvait pour lui car il était bien trop observateur pour ne s'être rendu compte de rien. Surtout que certaines de ses réactions étaient assez révélatrices, il fallait l'avouer. Elle n'osait même plus le regarder en face à cause de cela, alors qu'elle n'avait jamais eu de problèmes à le faire, auparavant, pour ne parler que de cela
De toute façon, il allait bien falloir qu'ils en parlent à un moment donné. C'était impossible de laisser traîner les choses de cette façon. Il la repousserait sans doute mais tant pis. Elle resterait digne et continuerait à avancer comme elle l'avait toujours fait. Sans lui car il était exclu qu'elle passe encore du temps en sa compagnie dans ces circonstances. Peut-être était-ce cela que sa phrase sybilline signifiait… Non, il ne valait mieux pas prétendre savoir ce qu'il avait en tête car elle avait pas mal de chances de se tromper, autant attendre de l'entendre de sa bouche.
Mais ce qui l'avait étonné de sa part, durant la soirée de la veille, c'était qu'il l'avait présentée aux invités comme sa petite-amie alors qu'elle ne l'était absolument pas. Il avait dit la même chose à son père, quand il était rentré pour le dîner, le soir de la journée boutique. Lui forcer la main ? Cela ressemblait assez à l'empereur mais il était hors de question qu'elle se laisse faire. Elle n'était pas un objet lui appartenant…C'était à en perdre la tête, elle ne savait plus quoi en penser et elle était complètement perdue.
_ Bonjour, Ayu, tu as bien dormi ? lui demanda soudain l'objet de ses pensées en entrant dans le petit salon.
_ Oui, je te remercie, répondit-elle simplement.
Akashi plissa les yeux pour observer plus attentivement la jeune fille assise sur le canapé et il était évident qu'elle semblait contrariée. Par ce qu'il avait dit à son père et aux invités sur leur relation ? Certes, il ne lui avait jamais posé cette fameuse question mais pour lui, la chose était évidente. Seulement, comme elle le lui avait répété plusieurs fois, elle n'était pas lui. Était-il temps de lui parler ? Il prit place à côté d'elle mais avant de pouvoir dire quelque chose, Ayumu lui demanda dans un soupir :
_ Dis-moi, Akashi-kun, je suis quoi pour toi ? Un jouet ou autre chose ?
_ Tu rentres dans le vif du sujet, je te reconnais bien là, assura-t-il en s'adossant au canapé avant de poser son bras sur le dossier, derrière elle. Ce que tu es pour moi, c'est très simple, Ayu…
Observant avec une avidité teintée d'amusement le visage plein de soupçon de la brune, Seijuro devinait sans problème ses pensées. Elle devait croire qu'il s'amusait avec elle mais ce n'était pas du tout le cas. Sinon, jamais il n'aurait pris la peine de la présenter à son père comme celle étant sa petite-amie et il ne l'aurait jamais amenée chez lui, ni invitée à une soirée importante pour la société Akashi. Sa future impératrice, corrigea-t-il dans son esprit. Elle ne méritait que le meilleur et il était plus que prêt à le lui donner. A lui donner cette part de lui qu'il n'avait jamais laissé entrevoir à quiconque.
_ Réponds-moi, s'il te plaît, le pria-t-elle, les poings serrés sur ses genoux.
Quelle impatiente elle faisait, mais cela faisait partie de son charme, songea-t-il. Le jeune homme posa une main douce sur un des poings de la jeune fille et déplia ses doigts pour les entrelacer aux siens. Et de son autre main, il prit son menton et la fit plonger son regard dans le sien, un sourire inhabituellement tendre sur son visage. Avant de répondre, il déposa un léger baiser sur sa joue et posa son front sur le sien, leurs visages plus proches que jamais. Et il vit avec amusement le rouge envahir les joues d'Ayu tandis qu'elle cherchait à s'éloigner de lui en vain.
_ Tu veux savoir ? Je vais te le dire : Nakata Ayumu, tu es celle que j'ai choisi pour être mon impératrice.
_ Pardon ? s'écria-t-elle, les yeux écarquillés. Pourquoi moi ?
Pour donner plus de poids aux mots qu'il s'apprêtait à prononcer, Akashi Seijuro prit la main qu'il tenait toujours et la posa sur son torse, au niveau de son coeur, gardant la sienne par-dessus.
_ Parce que tu as réussi l'exploit de t'emparer du coeur de l'empereur que je suis, acheva-t-il avant de se lever et de la mettre debout à son tour. Tu m'appartiens.
Quoi ? Non, il ne venait quand même pas de lui dire… Quoi ? Ayu était sous le choc, son corps tremblait de partout et son coeur menaçait de quitter sa poitrine tellement il battait fort. Akashi Seijuro, celui qu'on appellait l'empereur de Rakuzan, venait de se déclarer à elle dans son propre salon ? Elle n'en revenait pas et ne savait même pas quoi lui dire ! Elle rêvait, c'est cela ? Elle rêvait et elle allait se réveiller ? Par pitié, qu'on ne la réveille pas !
_ Tu ne rêves pas, et c'est à ton tour de parler, il me semble, non ? la taquina-t-il pour la faire réagir.
Des larmes de joie commencèrent à envahir les yeux sombres d'Ayumu alors qu'elle lui souriait, radieuse. Elle ne rêvait donc pas, elle était donc bel et bien dans les bras du garçon qu'elle aimait qui venait de lui avouer ses sentiments. A présent, elle n'avait plus de raison de le cacher, tout irait pour le mieux car il était lui et ce qu'elle avait de plus cher au monde.
_ En effet, c'est à mon tour, confirma-t-elle avant d'inspirer profondément. Je t'aime, Akashi Seijuro, et… je peux dire que tu m'appartiens aussi ? demanda-t-elle malicieuse.
_ Tu es la seule personne à qui je l'autorise, répondit-il sur le même ton. Tout est dit ?
_ Oui, tout est dit… Seijuro.
Elle venait enfin de l'appeler par son prénom, mieux valait tard que jamais, n'est-ce pas ? Le capitaine de l'équipe de basket de Rakuzan la serra plus fort contre lui et sentit les bras de sa petite-amie l'entourer au niveau de son cou. Il se pencha doucement vers elle et posa enfin ses lèvres sur les siennes, dans un baiser plein de passion et d'amour.
Un empereur ne tombait jamais amoureux, disait-on ? Dans ce cas, il n'avait jamais rencontré une impératrice comme Ayumu. Elle était parfaite, dans ses bras, rien qu'à lui. Son amour pour elle le rendait plus fort que jamais. Il était absolu car il avait trouvé la femme parfaite. Et son amour pour elle était aussi absolu et il ne permettrait à personne d'en douter. Personne.
