Salutations !
Cette fic existe en anglais sur AO3 sous le titre 'We can be... Celestial' sous le même pseudo (Romana_IntheVoid).
J'ai cette idée en tête depuis la diffusion de l'épisode, le discours du Docteur m'a donné des frissons, cette partie était vraiment magnifique !
J'ai cru pendant un terrible instant, que le Toymaker allait dire oui, et que l'Humanité allait devoir dire adieu à son protecteur et je me suis dis : et si je l'écrivais ? Finalement, l'idée a bougé entre temps, mais j'espère que cette fiction vous plaira quand même.
Bonne lecture !
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« Tout ceci n'a aucun sens ! Pourquoi êtes-vous si petit joueur ? Vous changez les balles en pétales de fleurs. Imaginez le bien que vous pourriez faire… Alors pourquoi vous vous y refusez ?!
– Vous le savez fort bien, ce n'est rien de plus qu'un visage dissimulant une immensité que vous ne pourrez jamais cerner parce-que vos concepts de Bien et de Mal ne sont rien pour moi. Tout ce qui existe c'est la Victoire ou la Défaite.
– Vous savez fort bien que j'ai eu de nombreux visages et ceux-ci dissimulaient bien plus encore. Alors, venez avec moi. Quittez ce tout petit monde. Nous emmènerons vos jeux jusqu'aux étoiles ! Le Cosmos sera notre plateau de jeu. Ensemble nous serions… Célestes !
Un instant, il se surprit à l'imaginer.
– Le Seigneur du Temps et le Fabricant de Jouets…
– Des jeux à n'en plus finir ».
Et pendant un court instant ce fut vrai.
Tout un univers où il avait dit oui et pris la main tentatrice de cet être aux milles visages qui se voulait l'égal des Dieux.
La surprise dans son regard.
Pas une seule fois auparavant sa proposition n'avait été acceptée. Plus jamais elle ne le serait.
Le Maître avait bien trop d'orgueil pour accepter de parcourir l'Univers à ses côtés, bien trop peur de qui il deviendrait s'il cessait d'être l'ennemi du Docteur.
Peu d'autres avaient eu droit au discours tentateur du Seigneur du temps. Pas ainsi, pas si vrai. La tentation d'un Seigneur du Temps désespéré.
C'était un tel honneur.
La chaleur de sa paume contre la sienne.
Les êtres vivants étaient si chauds, si plein de sang, de chair et d'os. Le Fabricant de Jouets l'avait presque oublié. Les tendons roulant sous la peau dans le mouvement, les fins sillons créant une unicité sous les doigts, la fragile dureté des ongles. C'était si… pittoresque.
Le cris de surprise du Seigneur du Temps.
Sa mâchoire se crispant, ses doigts enserrant les siens alors qu'ils disparaissaient de la tour de UNIT, éclatants comme une bulle de savon.
Laissant derrière eux l'assourdissant silence du vent.
Et bien plus bas, le chaos d'une Humanité en perdition.
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Un instant ce fut vrai.
L'instant suivant, le Fabricant de Jouets repensa à Celui qui attend.
Et cela cessa d'exister.
Tout un avenir possible, tout un passé transformé, leur éternel présent.
Envolé.
Brisé.
Brûlé.
Nein nein nein nein…
Les cendres d'un Univers détruit sur la langue, le Fabricant de Jouets refusa la main tendue de son adversaire.
« Pourtant… Je crois que je suis tombé amoureux de l'Humanité. Cette planète constitue le terrain de jeu idéal », l'odeur familière de galaxies incendiées le suivait alors qu'il décidait de changer la donne : « Je ne suis pas pressé de quitter cet endroit.
Tant de colère et de haine, tant de faux-semblants et de tromperies, des jeux si complexes que personne n'en connaît vraiment les règles, de merveilleux jeux où tout le monde est perdant.
Le Fabricant de Jouets allait prospérer ici-bas, en commençant par faire souffrir cet Être qui lui avait fait miroiter une fugue dans le Cosmos à jamais disparue.
Un rire creux résonnait dans son être.
Couper, couper, couper.
Couper les fils des précieux jouets du Seigneur du Temps.
– Stop, stop, stop » !
Le regarder courir en voulant les sauver, sachant que c'est par sa faute qu'ils mouraient.
Couper, couper, couper.
Les regarder brûler.
« Votre adversaire, c'est moi » !
Le Fabricant de Jouets cessa de sourire.
Tuer le Docteur, voilà la chose à faire.
Plus de serpent tentateur faisant écho à ses souvenirs d'un présent inexistant.
Juste un autre homme, un nouveau visage cachant le même être, un masque vierge qu'il pourrait affronter sans entendre dans ses oreilles résonner sa voix.
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« L'Univers est si vaste, ne voyez-vous pas sa beauté ? »
Des questions.
« Prenez ma main. »
Une chaude assurance.
« Allons-y ! »
« Vivre est le plus complexe des jeux, ne voudriez-vous pas les pousser à gagner ? »
Tellement de questions, de tout, tout le temps.
« Vous n'avez pas envie d'essayer ? »
Questionner, questionner, questionner !
« Qu'importe le monde, qu'importe les planètes, vous Fabricant de Jouets, à quoi aimeriez-vous vraiment jouer ? »
Faisant vaciller l'équilibre. Ployer l'aiguille vers le Bien, le Bon et le Juste. Toute cette gentillesse…
« Alors, qu'en avez-vous pensé ? »
Réécrire le monde juste en le remettant en question.
En étant si juste, si sûr de sa vérité que pour lui les astres se remettent à tourner.
« Plus de guerre, nulle part ! Plus jamais ! »
Un cri, un grognement, une promesse.
« Je savais que vous seriez capable de tout changer ! »
Un rire joyeux qui résonne partout dans l'Univers bien après s'être éteint.
Un écho fantomatique que le Fabricant de Jouets fait sien.
Un écho qui se déforme et se glace. Qui se tord et se corrompt.
« Peut-être aviez-vous raison à l'époque, sur Terre ».
Une concession.
« Bien, Mal, ce n'est rien d'autre qu'un simple jeu »...
Une fatigue.
« Ça ne vous épuise jamais de gagner » ?
Une fêlure.
« Je ne suis pas sûr de pouvoir rester à tes côtés ».
Et une fin.
Chaque jeu a toujours une fin, bonne ou mauvaise, quand il n'y a plus de joueurs pour y jouer.
Seul reste le Fabricant de Jouets, inchangé.
Oui, après tout le temps du monde, toujours inchangé…
Puis un autre choix, en ce moment même, des éons dans le passé.
Les cris de trillions d'âmes atomisées.
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Tuer ce Docteur c'était faire disparaître les possibilités.
Tuer le Docteur c'était faire face à un Docteur en colère, un Docteur prêt à jouer à l'ancienne.
Un Docteur qui ne le connaissait pas.
Qui n'avait pas sillonné les étoiles à ses côtés.
Qui ne savait pas que son rire le changerait, l'avait changé.
Qui ne se doutait pas que le Fabricant de Jouets portrait sur ses lèvres le cadavre racornis de son rire autrefois enjoué. Ce rire qui n'existerait jamais et qui l'accompagnait pourtant depuis longtemps.
Rien de mieux qu'un bon jeu suivant les règles traditionnelles.
« J'ai joué la première partie contre un Docteur. J'ai joué la deuxième contre ce Docteur-ci. Enfin, vos propres règles prescrivent clairement que je dois jouer la prochaine partie contre le prochain Docteur !
Le tir était beau. C'était final.
Le rayon galvanique réduisant à néant les derniers 'et si ?' qui ternissait sa résolution.
Ou plutôt, c'est ce qui aurait dû se passer. Si seulement son foutu adversaire ne modifiait pas la réalité seulement en existant ! Les règles n'existaient pas pour le Docteur, nein, il faisait toujours ce qui lui plaisait !
Cela l'a séduit, dans un autre temps. Il a trouvé cela fascinant, brillant, cette puissance du Seigneur du Temps.
Tant pis, cela ne changeait rien.
Il le tuerait encore.
Il allait gagner, jouer et jouer encore sur cette planète microscopique au fin fond de l'Univers, jouer et gagner toujours !
Et personne ne le retrouverait.
C'était un As du cache-cache. Beaucoup étaient morts avant de seulement songer à regarder dans sa direction.
Sauf que personne ne gagne éternellement.
Pas même le Fabricant de Jouets.
– C'est fini. Vous avez perdu, à la loyale.
Une voix différente de celle qui le hantait. Le même homme derrière un nouveau masque. Plus ancien, plus sage.
Plus léger étonnamment. Aérien, comme un rire qui n'existerait jamais. Un rire qui dansait parmi des galaxies qui n'existaient pas encore.
– Deux manches à une et ma récompense, Fabricant de Jouets, est de vous bannir de ce plan d'existence, pour toujours »!
La même voix, le masque qu'il connaissait, qu'il ne connaîtrait jamais. Qu'il avait tué mais qui était toujours là.
Fatigué dans sa victoire, usé. Brisé.
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Alors qu'il lançait une dernière menace, le Fabricant de Jouets savait que ce n'était pas terminé.
Il patienterait.
Les étoiles traceront leur route dans le ciel. Des civilisations naîtront et brûleront, Celui qui attend lui-même quitterait sa cachette et finirait par disparaître, comme le diamant s'effrite et les montagnes se transforment en sable avec un peu de patience.
Et il serait toujours là, intemporel.
Prêt pour la revanche.
Et peut-être que ce sera lui, cette fois, qui lui tendrait la main.
Il fera face à un autre visage, mais toujours le même Docteur, et comme l'Ordre et le Chaos, le Jeu continuerait.
Après tout, les mythes ne meurent jamais.
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