Stiles n'avait pas envie de se montrer coopératif. Non, tout ce qu'il voulait, c'était rentrer chez lui et faire ce qu'il avait à faire en cette soirée catastrophique d'Halloween : des recherches. Encore des recherches. Toujours des recherches. De manière générale, l'hyperactif avait l'impression que sa vie n'était que recherches. Forcément, il avait envie de s'avancer et de prendre un peu de temps pour lui. Aider sa meute, c'était bien : penser un peu à lui, c'était sympa aussi. Non parce que l'air de rien, tout ça, c'était fatigant. Il y passait parfois des nuits entières ! Ou des bouts de nuits, quand il n'arrivait pas à tenir la cadence. C'était parfois à se demander si ses amis ne faisaient pas exprès de se mettre dans de beaux draps, de découvrir de nouvelles espèces surnaturelles. Parce qu'à chaque fois, c'était lui qui se coltinait l'apprentissage – presque par cœur – de bestiaires, de grimoires, de toutes ces choses-là. Il avait beau avoir une excellente mémoire, c'était fatigant. Dans cette histoire, il avait l'impression d'être le seul à réellement travailler ! Quelle arnaque…

Deaton claqua des doigts devant les yeux de Stiles qui sembla tout à coup revenir à la réalité. Et bien évidemment, il pesta contre lui-même. C'était toujours pareil. Un mot, une image, et il finissait dans la lune. A réfléchir, sans arrêt. Comme d'habitude. Il savait que certains membres de la meute – dont Jackson – pensaient qu'il faisait exprès et pour être honnête, il aimerait bien. Sauf qu'il n'était jamais complètement maître de lui-même, maître de sa tête. L'on sous-estimait souvent la puissance de l'hyperactivité en tant que telle. La sienne était tout autant physique que mentale. Les deux formes, toutes aussi embêtantes l'une que l'autre, ne cessaient de lui pourrir la vie, en particulier en public. Non seulement il se retenait de tapoter tout et n'importe quoi mais en plus, il se perdait bien trop facilement dans ses pensées et réflexions sempiternellement multiples. Et puis ce n'était pas le moment. Ce n'était jamais le moment. Mais là, c'était pire, parce que Jackson Whittemore se trouvait dans la même pièce que lui. Songer au fait qu'il était venu chez lui suite à son appel pour l'aider… Bordel, rien n'allait ! Pourquoi, dans tout son – maigre – répertoire, avait-il fallu que ce soit lui qui réponde ? Qui se déplace ? Stiles avait souvent confié à ses amis ne pas avoir de chance et la vie n'arrêtait pas de lui donner raison. Jackson, quoi. Jackson Whittemore. En d'autres circonstances, peut-être que l'hyperactif se serait tout de suite montré des plus reconnaissants, mais l'arrogance et la brutalité dont avait fait preuve le kanima l'avaient réellement rendu boudeur. Alors, il n'avait pas la moindre envie d'être gentil. Pire que ça : il contrôlait difficilement ses humeurs.

En fait, il était carrément capable de lui sauter à la gorge juste parce qu'il l'avait énervé. S'il ne le faisait pas, c'était juste parce qu'il avait un minimum la mainmise sur lui-même. Il était civilisé. Pour l'instant. Mais que Whittemore ne le cherche pas, sinon… Il risquait d'y voir définitivement rouge. Sa soirée était déjà assez nulle comme ça, ce n'était pas la peine de l'empirer… Il n'en avait vraiment pas besoin.

- Stiles, commença Deaton, est-ce que tu peux nous raconter le déroulé de ta soirée ?

- Déjà fait, marmonna-t-il.

Mais, comme il avait un minimum de jugeotte, il le fit, parce que le vétérinaire, lui, ne savait rien. Enfin, il n'en voyait toujours pas l'intérêt. En fait, il lui paraissait complètement stupide de s'étaler sur cette soirée alors que ça allait mieux. Il se sentait un peu patraque, oui, du reste… Il n'avait plus mal. Deaton lui demanda alors de lui détailler au maximum la douleur qu'il avait ressentie et Stiles le fit en évitant sciemment de faire attention aux plis soucieux qui lui barraient le visage. Ignorer, c'était toujours plus simple, toujours plus rassurant. Il était déjà énervé : pas besoin de s'encombrer d'inquiétude.

- Et tu n'as vu personne ? Tu es vraiment resté chez toi ? Continua le vétérinaire.

- Me semble que c'est ce que je vous ai dit, non ? Railla Stiles. Enfin si, j'ai vu quelqu'un. Un gosse qui voulait des bonbons. Mais sinon j'ai pas bougé. Après, vous savez, les crampes intestinales, ça existe… Ou alors peut-être que je suis en train de faire une appendicite et que je devrais commencer à me poser des questions sur ma santé… Vous opérez les humains ?

Si Deaton ignora sa remarque, Stiles entendit Jackson soupirer d'agacement avec une clarté indéniable. Il piqua un fard mais fit de son mieux pour ne pas réagir. Difficile tant il était à fleur de peau. Si difficile qu'il s'imagina mentalement en train de balancer son poing dans sa belle gueule. Cela le soulagea à un point infinitésimal, mais suffisant pour l'empêcher d'exécuter son geste dans la réalité. Et puis pourquoi il était toujours là, lui ? Il l'avait emmené chez Deaton, ce qui était plus qu'acceptable venant de lui, alors il pouvait s'en aller. Voilà. Maintenant, il pouvait et devait s'en aller. De son côté, Stiles n'allait rien faire d'autre qu'attendre que le médecin en ait fini avec lui – même s'il n'était toujours pas un animal –, et ensuite il rentrerait. A pieds, sans doute. Pas grave, il faisait un peu froid, certes… Mais ça irait. Un quart d'heure de marche n'allait pas le tuer. Quoiqu'il avait eu l'impression que la douleur qui l'avait tant secoué qu'il aurait pu y rester, mais bon…

- Stiles, je crois que tu n'as pas réellement conscience de ce qui t'arrive, fit finalement Deaton, les plis soucieux de son front s'accentuant.

L'hyperactif fit à nouveau mine de ne pas les voir.

- De ce qui m'est arrivé, le corrigea-t-il presque automatiquement.

- De ce qui t'arrive, le reprit le vétérinaire.

- Je n'ai plus mal, donc c'est passé.

En tout cas, cela lui paraissait complètement logique. En ce sens, Stiles était assez pragmatique. S'il s'agissait souvent d'une qualité, elle ne l'était pas dans ce genre de cas. Car le châtain avait tendance à l'utiliser en la détournant pour justifier un certain relâchement quant à son état de santé. Cet idiot avait l'habitude de toujours minimiser ce qui pouvait le rendre mal. Un rhume. Une grippe. Qu'importe ce qu'il avait, il prenait rarement la peine de se reposer complètement. Et puis parfois, il laissait sa flemme le pousser à ne rien faire et à jouer la larve sur son lit ou son canapé – au choix. Dans ces moments-là, il se plaignait avec exagération à son père dans l'espoir de rater les cours. Souvent, ça marchait. Mais souvent n'était pas toujours et toujours n'était pas souvent, au plus grand dam de l'hyperactif pour qui le lycée restait une source d'angoisse sourde. Quelque chose d'assez dérangeant pour qu'il veuille y échapper quelques fois, mais pas assez pour en parler.

Sauf qu'en cet instant, la situation était complètement différente. Il n'avait pas affaire à son père qu'il pouvait berner facilement. Enfin… Tout ce qu'il voulait à l'heure actuelle, c'était rentrer chez lui, ne serait-ce que pour ne plus avoir toute cette attention concentrée sur sa personne. Il n'aimait pas ça. C'était lourd et inutile. Bizarre. Anormal. Stiles préférait passer à la trappe, c'était plus facile pour lui. Un peu embêtant parfois, certes.

Aussi embêtant que cette lourdeur qu'il se mettait doucement à ressentir à nouveau. L'instinct de l'humain ne s'alarma qu'un instant. Il n'avait pas mal, donc ça allait. La douleur était passée, elle ne reviendrait pas. Il avait dû avoir une espèce de crampe, de… Un truc sans importance. Il se redressa.

- Bon c'est pas tout ça mais va falloir que je rentre. Whittemore, c'est sympa d'être venu à ma rescousse, mais maintenant tu peux te casser et Deaton… Vous êtes adorable, comme toujours.

Lorsqu'il avait parlé, Stiles n'avait regardé ni l'un, ni l'autre. Pas envie. Tout ce qu'il voulait à l'heure actuelle, c'était se carapater dans sa chambre et ne plus en sortir avant un moment, histoire d'oublier qu'il s'était évanoui allongé – ça, il ne s'en remettait toujours pas – et que Whittemore l'avait trouvé dans cet état. Qu'il était toujours là. Qu'il devait bien s'amuser de le voir dans cette situation. Ah ça, il devait jubiler, l'abruti, de l'avoir trouvé dans une telle position de faiblesse. Forcément, il aurait de la matière pour se moquer de lui, au lycée. Mais Stiles comptait bien prendre sa revanche. Jackson n'était-il pas venu à sa rescousse, tel un chevalier servant ? Sa réputation de gros dur arrogant en prendrait un coup si ça se savait… Quel dommage. Au moindre mot de Jackson sur cet épisode, Stiles n'hésiterait pas à faire de même, dans l'autre sens. Pis il le frapperait aussi, son poing le démangeait toujours. Stiles n'était pourtant pas porté sur la violence, cependant… Il se sentait d'humeur à taper le premier venu – excepté Deaton. Lui, il était agaçant de s'intéresser autant à son cas, mais gentil. Toujours gentil. Il s'agissait d'ailleurs d'une des rares personnes à toujours le prendre au sérieux lorsqu'il donnait son avis quant à une affaire surnaturelle. Il l'appuyait, aussi.

Mais Whittemore… Cette enflure de Whittemore…

Déterminé à s'en aller, Stiles repoussa le plaid. Devint rouge pivoine. Le remonta jusqu'à sa taille avant même de comprendre ce qu'il avait vu. Puis son visage pâlit à une vitesse folle et un torrent de questions explosa dans son crâne. Mais une prédomina.

Pourquoi son slip s'était-il transformé en couche ?!