- Les douleurs devraient s'estomper d'ici un jour ou deux, énonça Deaton. Et je pense qu'il faudrait te procurer des patches chauffants, quoique le mieux serait une bouillotte… Tu en as une chez toi ?

Les yeux entrouverts et le visage livide, Stiles mit un temps monstre à réfléchir, puis hocher doucement la tête. Il se sentait lourd, épuisé.

Et Jackson tenait toujours son poignet.

Si l'hyperactif comprenait quelque chose ? Non, absolument pas. Il était juste là et… Las. Depuis son réveil il était confus. Plus on lui parlait, moins il comprenait. Tout ce qu'il retenait, c'était sa faiblesse croissante et… Jackson lui avait pris sa douleur. Deux fois. Là, il gardait son poignet entre ses doigts. Lui pompait cette souffrance qu'il ne sentait par conséquent pas.

Mais la lourdeur qui l'assaillait était sans équivoque. Sans doute était-elle aussi forte que le moment où il s'était lamentablement évanoui sur son canapé. Ou pas. Stiles n'en savait rien – et n'avait absolument pas envie de demander à Jackson de le lâcher. Bizarrement, vérifier son hypothèse ne le tentait pas vraiment. Déjà qu'il était en mauvaise posture, autant ne pas aggraver la situation…

- Il faudra te la faire chauffer et la garder contre ton bas-ventre le plus longtemps possible. La chaleur a un effet bénéfique sur la douleur. Par contre, ne mets pas la bouillotte directement contre ta peau, tu risquerais de te brûler.

Le vétérinaire continuait de lui donner des… Consignes ou conseils, il n'en savait trop rien. La seule chose qu'il remarquait dans tout cela, c'était le radical, identique. « Con ». Bizarrement, ce mot lui allait étrangement bien. Parce que Stiles se sentait con. Il ne comprenait rien et n'arrivait à faire aucun lien. Il portait une couche. Jackson Whittemore lui prenait sa douleur. Il était épuisé. Se faisait soigner par un vétérinaire.

C'était tout aussi stupide que la théorie de la Terre plate.

- Quant aux saignements, tu devrais en avoir pour quelques jours supplémentaires. Si le sort a été calibré comme je le pense, ils ne devraient pas excéder une semaine.

- Des… Saignements ? Répéta Stiles dans un souffle.

Il ne voyait pas ce que le vétérinaire voulait dire par là. Rien de censé ne lui venait à l'esprit. Puis, où l'homme voyait-il du sang ? Stiles tourna la tête d'un côté, de l'autre, tenta tant bien que mal de se redresser… En vain. Etait-il réellement épuisé ou la prise de sa douleur par Jackson le vidait-il de son énergie ? Stiles ne savait qu'en penser, si bien qu'il se dit qu'un petit somme lui ferait du bien. On disait souvent que la nuit portait conseil, mettait les sens en éveil.

Sauf qu'il ne pouvait pas s'endormir ici. Il fallait qu'il rentre chez lui et qu'il trouve le moyen de faire quelque chose de constructif de sa soirée.

- Oui Stiles, des saignements, répéta le vétérinaire comme si de rien n'était.

L'hyperactif fronça les sourcils – autant qu'il pouvait le faire dans son état. Histoire de montrer son mécontentement évident face à cette absence de réelle communication. Deaton énonçait des faits – à ses yeux –, sans les expliquer. Et Stiles avait besoin d'explications, ne serait-ce que pour comprendre un minimum ce qui était en train de lui arriver. Merde, il avait l'impression que c'était grave, très grave pour que Whittemore en personne lui prenne si gentiment sa douleur.

- Ça ne l'est pas, mais je dois avouer que tu n'as pas de chance, entendit-il.

Ah, sans doute avait-il parlé à voix haute, comme cela lui arrivait de temps à autres. Dans son état aussi lourd qu'étrange, Stiles avait parfois du mal à faire la différence entre ce qu'il pensait et ce qu'il disait. Parfois, comme cette fois-ci, il pouvait arriver que quelques paroles lui échappent sans qu'il ne puisse y faire quoi que ce soit. C'était tel qu'il n'avait même pas remarqué que pour une fois, le ton de Jackson n'avait rien de moqueur. On aurait dit qu'il était compatissant par rapport à son état – et si Stiles avait été assez conscient pour penser cela, sans doute se serait-il giflé pour oublier cette idée saugrenue.

Puis de toute manière, il n'avait plus l'énergie de rien et en réalité, pas seulement parce que Jackson l'aidait à ne pas souffrir. La raison à cela était plus… Interne.

xxx

- Tu as fait quoi ?!

Le bel homme savamment vêtu d'un simple t-shirt et d'un pantalon de pyjama toisait son compagnon d'un air à la fois en colère, effaré et… Confus. L'autre, dont les yeux de chats ressortaient étonnamment bien grâce à la lumière tamisée de la chambre, se permit un sourire innocent.

- C'était juste une petite blague. Rien de plus, Alexander, fit-il en faisant un geste léger, comme si ce n'était rien. Promis.

- Magnus, tu as lancé un sort à un humain ! Lui rappela ledit Alexander d'un air plus que désapprobateur.

Le sorcier se rapprocha de son homme d'une démarche lente mais assurée, sans s'arrêter de sourire. Il ne s'en voulait pas, pour la simple et bonne raison que sa petite intervention chez ce pauvre jeune homme n'avait rien de méchant. Il avait juste plaisanté avec lui… Sans l'en informer.

- Si ça peut te rassurer chéri, ce n'est rien d'irréversible, fit le sorcier aux yeux de chat en posant ses mains sur ses épaules.

- Mais tu n'avais pas à faire ça !

- C'était Halloween. Je fais toujours quelque chose pour Halloween. Est-ce ma faute s'il n'avait pas de bonbons ?

Alexander Lightwood soupira de désespoir. Il aimait son homme, vraiment. C'était la personne la plus extraordinaire qu'il lui avait été donné de rencontrer.

Mais parfois, il avait des lubies déraisonnables. Pire que cela : destructrices. Oh, l'humain n'allait pas en mourir, non, simplement…

- Il en a pour six mois, Magnus…

Le sourire de Magnus Bane, sorcier de renom aux attitudes aussi fantasques que sa personnalité était loufoque, s'élargit. Il déposa un rapide baiser sur les lèvres du brun face à lui avant de dire, l'air de rien :

- Six… C'est un très joli chiffre, tu ne trouves pas ?

xxx

L'on ne pouvait pas considérer Jackson comme quelqu'un de gentil. Mais il fallait toutefois reconnaître que le jeune homme était toujours présent pour sa meute. Même si ce soir, celle-ci était incarnée par un hyperactif agaçant au possible portant une couche et emmailloté dans un plaid épais. C'était la condition qu'il avait posée au vétérinaire lorsque celui-ci lui avait demandé de ramener Stiles pour lui : hors de question que l'humain salisse les sièges de sa si précieuse voiture. Ce n'était pas une Camaro, mais elle était belle et Jackson y tenait – au prix qu'elle avait coûté, il avait tout, sauf envie de la dégrader d'une quelconque manière. Deaton lui avait assuré que son bijou ne risquait rien justement parce que Stiles avait sa couche, mais Jackson n'avait rien voulu entendre.

Stiles pissait le sang, et ça suffisait pour qu'il soit réticent à l'idée de le ramener avec sa voiture. Le plaid s'était alors imposé comme une nécessité. D'autant plus que Stiles s'était tout bonnement endormi. Quoiqu'il serait plus exact de dire qu'il avait fini par perdre connaissance, l'épuisement de son corps ayant eu raison de lui. Très honnêtement, Jackson n'arrivait pas à imaginer ce qu'il pouvait ressentir – et au fond, il n'était pas sûr de le vouloir. Disons que de son côté, il était heureux de ne pas être le malheureux porteur de ce sort quelque peu… Gênant. Mentalement, il ne l'aurait pas supporté. Enfin si, puisqu'il y aurait été obligé, mais… Sur le coup, il aurait sans doute explosé.

Bon, ce n'était pas le cas de Stilinski. Pas encore, en tout cas. Parce qu'il n'avait pas semblé comprendre, parce que… Deaton avait parlé de ses symptômes sans nommer clairement la chose. Pas qu'il ait voulu lui cacher quoi que ce soit, simplement… A ce moment-là, Stiles était à moitié dans le cirage. S'embêter à lui expliquer l'inexplicable tout en tentant de le rassurer n'aurait servi à rien : il fallait juste attendre que son état s'améliore. Qu'il retrouve une forme approximative et d'après Deaton qui avait pris le temps de le lui expliquer à lui après avoir décelé le sort – bien avant le premier réveil de Stiles –, cela pourrait prendre un moment.

Et Jackson avait pour mission – malgré lui – de prévenir Noah et éventuellement quelques membres de la meute… Histoire de les mettre au courant du caractère quelque peu exceptionnel de cette situation, qui, d'après Deaton, ne devrait pas excéder une petite semaine. De ce qu'il en savait, c'était à peu près comme ça que cela marchait chez la gent féminine. Bien évidemment, il y avait des exceptions et chaque femme était différente.

Stiles lui-même était d'autant plus différent du fait qu'il était un homme. Un homme avec un appareil génital masculin. Un appareil génital masculin fonctionnel. Jackson n'avait pas cherché à en savoir davantage – ce que lui avait dit Deaton lui suffisait. Inquiet à l'idée que l'hyperactif ait pu subir une réelle transformation physique à cause du sort, le vétérinaire avait été obligé de le regarder – en tout bien tout honneur bien sûr. Puis il lui avait fait enfiler une couche, aussi. Il fallait avouer qu'à ce sujet, Jackson avait envie de rire. Nul doute qu'il le taquinerait avec ce fait lorsqu'il serait en état d'éveil et de comprendre le monde qui l'entourait. Il appuierait sur ça, juste pour s'amuser. D'ici là, il n'aurait sans doute plus mal – et Jackson se sentirait moins scrupuleux. De par son état, Stiles avait pour l'instant droit à la grâce magnanime de Jackson. Qu'il en profite, car ce n'était pas un cadeau donné à tout le monde.

Quelques minutes plus tard, Jackson se gara dans la petite allée des Stilinski. Il jeta un œil à son passager, toujours endormi. Si on lui avait dit qu'il se retrouverait à devoir ramener l'hyperactif chez lui, un soir d'Halloween, après que celui-ci ait été ausculté par un vétérinaire, Jackson aurait ri et n'y aurait pas cru une seule seconde. Peu désireux de s'attarder davantage ici et de se trouver là au réveil de l'hyperactif, le kanima se saisit de ses clés – absolument mal cachées – et emmena le châtain à l'intérieur. Sa soirée était assez longue et compliquée comme cela, alors Jackson tenait à l'écourter au plus vite et ne pas risquer d'être encore là au moment où Stiles aurait la bonne idée de reprendre connaissance. Il ne voulait pas lui expliquer que sa vie allait être complètement bouleversée pendant quelques jours, qu'il allait sans doute être encore plus chiant que d'habitude et plus… Plus lui. Tout ce que voulait le kanima à cet instant, c'était retrouver sa tranquillité on ne peut plus méritée après toutes les bonnes actions qu'il avait menées ce soir.

Alors sitôt l'hyperactif installé dans son lit, Jackson s'en alla.