Pour Gon, il y avait deux types de jours: les bons et ceux qui auraient pu l'être.

Ce jour-là par contre en était un qui n'entraient dans aucune de ses catégories prédéfinies.

Il faisait chaud pour commencer. C'était insupportable.

Le soleil avait décidé de se lâcher pile le jour où il avait choisi de déménager.

Après s'être tapé plusieurs bornes entre sa petite bourgade natale et la ville grouillante qui devait l'accueillir, il avait passé des heures à monter ses meubles, seul.

Son appartement reposait au troisième étage, les escaliers avaient été une épreuve insurmontable.

Ils avaient paru infinis, plus encore parce que la fatigue le faisait grincer des dents.

Alors que le jour déclinait enfin, il ne lui restait plus qu'un carton à monter, celui où il rangeait ses romans.

Cadeaux de son père à chaque anniversaire, compensation bien moindre à son absence, hélas.

Il gravit une dernière fois les marches d'escaliers, les muscles tendus, douleurs articulaires ressenties.

Son dos hurlait à l'agonie.

Comble de malheur, peut-être, un livre avait décidé de partir vivre sa propre aventure et était tombé du carton, pile à ses pieds et un mètre avant sa porte d'entrée.

Gon ne s'énervait jamais pour rien mais il sentait la migraine poindre.

Il s'approcha du fuyard et malgré les protestations de son corps endolori, il le ramassa, se baissant dans l'action.

Et alors que sa main effleura le livre, son regard rencontra une paire de baskets mauves.

Il leva la tête,

Cette paire de chaussures était rattachée à une jean bleu qui recouvrait de fines jambes elles-mêmes attachés à un buste emmitouflé dans un pull noir duquel dépassaient deux bras qui semblaient bien tracés et une tête d'une blancheur hypnotique, surmontée d'une chevelure hirsute blanche elle aussi et dans laquelle était incrusté un regard bleu électrique. Il devait aussi avoir la vingtaine, comme lui.

En somme, l'inconnu était sacrément beau.

C'était comme voir en face une incarnation masculine du conte de blanche neige.

Tout de suite, Gon avait sentit son cœur se retourner agréablement dans sa poitrine quand il avait croisé les deux saphir emprisonnés dans ses yeux.

«- Tu lis la Prophétie de Langley ? C'est que tu dois être peu banal comme personne. »

Autant il était à tomber, autant sa voix était une mélodie agréable à l'oreille. Elle sonnait à la fois grave et possédait des tons aigües qui étaient loin de la rendre agaçante, au contraire.

« -Ah, tu connais ? C'est l'un de mes romans préférés.

-C'est aussi l'une de mes lectures favorites. Je sens qu'on va bien s'entendre. T'es le nouveau locataire du 23 ?

-Oui, je m'appelle Gon Freecs.

-Killia Zoldyck enchanté et bienvenu. J'suis ton voisin du 21. On est face à face."

Gon se permit un coup d'œil rapide à la porte estampillée d'un 21 qui était comme l'a dit Killua en face de la sienne.

Si proche que s'ils ouvraient leurs portes au même moment, ils se rentreraient probablement dedans.

« -Je suis ravi d'avoir fait ta connaissance mais là, je dois y aller. On se revoit bientôt hein Gon ?

-Ok. »

Il aimait la façon dont Killua prononçait son prénom.

Il le disait avec une intonation particulière comme si la façon dont il sonnait sur sa langue était curieuse.

Alors que celui aux cheveux blancs descendaient les escaliers, il s'arrêta une dernière fois et se tourna vers Gon avec une mine indéchiffrable et avant que le nouveau venu ne puisse dire quelque chose, il lui indiqua d'un soigneux mouvement de la tête, deux portes métalliques closes sur le mur au bout du couloir.

« -Pourquoi t'as pas pris l'ascenseur ? Monter des meubles par l'escalier avec cette chaleur, quelle drôle d'idée. »

Il avait oublié qu'il y avait un ascenseur…

Puis, Killua repartit.

Et Gon manqua de faire une syncope, le rouge aux joues.