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Notes de l'Auteure :

Comme toutes les nuits depuis ma naissance, les cauchemars m'ont terrassé.

Pourquoi devrais-je souffrir seule si je peux vous en faire profiter ?

Je vais raconter le dernier songe, celui sur le matin, avant de me réveiller.

La chanson qui tournait dans mon Palais Mental, et qui colle parfaitement à l'histoire, est :

'Ophélia' de Nolwenn Leroy.

Ça fait plusieurs jours que je veux me promener sur la plage de Laytown, mais il y a une violente tempête dehors, avec beaucoup de vent et de pluie, donc j'attends que ça passe. Cependant, mes cauchemars ont pris mon envie de retourner à la mer un peu trop au sérieux et dans leurs propres versions...

Allez...

Plongeons dans les eaux sombres !

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« Je descends lentement,
Mon corps enfin se repose,
Les cheveux longs dans le courant
Ondulent en caressant. »

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Notre histoire commence dans un Royaume au bord de l'océan. Nous étions en pleine journée, le temps était clément, ni trop froid, ni trop chaud, sans vent, ni pluie. Dans ce Royaume au bord de l'océan, se trouvait un immense centre commercial sur les berges qui bordaient la mer d'Irlande. Depuis les fenêtres des magasins, il était possible d'admirer les vagues en toute sécurité.

Je me trouvais présentement à cet endroit, en compagnie de ma meilleure amie Banshee. Elle avait le même âge que moi, la trentaine.

J'avais, comme toujours, de longs cheveux châtains noués en une grande tresse qui tombait dans mon dos et une peau si pâle que sa blancheur faisait ressortir mes milliers de grains de beauté.

Je portais une robe bleu marine, assortie à l'océan, avec des Converses blanches et surtout, j'avais enfilé un épais pull brun, car j'avais toujours froid. Ce qui faisait souvent rire mon mari : Mick Davies. Il nous accompagnait Banshee et moi. Il portait une simple chemise blanche à fines rayures bleu marine, assorties à ma robe, ainsi qu'un vieux jean. Ses cheveux ébène partaient dans tous les sens sur sa tête, il avait une barbe de trois jours et de profonds yeux translucides, plus pâles encore que la plus pure des mers du Monde.

Tout se déroulait le plus normalement possible. J'avais un petit porte-monnaie dans la poche de mon pull, ainsi que mon téléphone portable, dont la batterie baissait de plus en plus. Néanmoins, je ressentais souvent des frissons me parcourir l'échine. Je me sentais observé, épié, stalké. Mon estomac se tordait lorsque j'analysais la foule, sans pour autant ne rien trouver d'étrange.

Malgré tout, nous nous amusions. Mick souhaitait partir dans une boutique en particulier, tandis que Banshee et moi voulions faire la queue pour nous acheter à manger.

Mick m'embrassa et partit dans sa direction, tandis que je suivis mon amie vers la file d'attente. Nous parlions de tout et de rien, et j'ai attrapé mon portefeuille pour prendre ma carte bancaire.

Ce fut à ce moment-là, que tout bascula...

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« Dans le silence libre et sans lien,
Doucement me balance,
Un berceau bleu étincelant au fond de l'océan. »

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Nous étions dans la longue file d'attente et Banshee me voyait fouiller avec détresse dans toutes les poches de mon porte-monnaie.

- Ali, qu'est-ce qu'il se passe ?

- C'est étrange... Je ne retrouve pas ma carte... Je sais très bien que je l'ai prise, elle devrait être là...

- Tu crois qu'une personne te l'a volé ?!

J'arrêtais de fouiller et je réfléchis :

- Possible...

J'ai donc sorti mon téléphone portable de ma poche, en expliquant :

- Je vais appeler la banque pour faire opposition et je vais téléphoner à Mick pour lui emprunter de quoi m'acheter à manger. Reste dans la file, je reviens dans quelques minutes.

J'ai débloqué mon écran et là, mauvaise surprise :

- Non !

- Quoi ?

- Il me reste seulement 1% de batterie. Je vais me dépêcher. Si mon téléphone s'éteint, c'est normal. Je reviens.

J'ai laissé mon amie dans la queue, sans savoir que je ne la reverrai jamais plus...

Je me suis éloignée de la file pour me poser dans un coin d'un couloir. J'ai d'abord envoyé un message à Mick, puis j'ai composé le numéro de téléphone de ma banque, le plus rapidement possible avant que mon appareil ne s'éteigne. Mon angoisse revint plus fortement encore. Mon cœur battait la chamade sans trop comprendre pourquoi. Les mains tremblantes, j'allais appuyer sur le bouton 'appeler', lorsqu'une douleur fulgurante s'empara de moi.

Puis, tout est devenu noir...

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« Si tu as rêvé dans les eaux sombres,
Dans la pénombre où nage Ophélia,
Si la lueur des profondeurs t'attire aussi,
Ne me retiens pas,
Même si les bras froids du tendre océan te saisissent,
Englacent ton cœur,
Tu me rejoindras,
Ne me sauve pas,
Coule avec moi,
Ne me retiens pas. »

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J'ai mis du temps à ouvrir les yeux tellement mon crâne me faisait souffrir. Une migraine intense m'empêchait d'émerger totalement. Petit à petit, je me suis battue contre la douleur, et j'ai commencé à analyser où je me trouvais :

J'étais par terre, sur un sol froid, en béton, rempli de feuilles mortes, de branches, de poussières et de terre. Surtout, j'étais pied nu. J'avais encore mon pull sur mon moi, et c'était tant mieux, car j'avais affreusement froid. En levant les yeux, j'ai compris que je me trouvais dans une espèce de trou carré, en pierres grises. J'avais la peau glacée, mais surtout ma robe et mon pull étaient désormais sales et couverts de terre humide.

Je ne savais pas du tout où je me trouvais, ni qui m'avait jeté là-dedans. J'ai fouillé les poches de mon pull mais, évidemment, nulle trace de mon téléphone portable.

Puis, j'ai entendu du bruit provenant d'en haut, à trois mètres au-dessus de ma tête. Une ombre se glissa dans l'ouverture et me sourit d'une horrible façon, avant de siffler :

- Oh, hello, my little mermaid...

Mon cœur rata un battement.

Seul Mick connaissait mon secret, mon passé de Sirène.

Alors, qui était mon ravisseur ? Et que me voulait-il ?

Il a disparu du trou pour dévaler des escaliers en colimaçon, cachés dans un coin que je n'avais même pas vu. J'étais toujours assise par terre, contre le mur, lorsque l'étranger a débarqué devant moi, son sourire carnassier déformant son visage.

Il a tendu une main vers moi et ses doigts crochus se sont accrochés à mon bras. Il m'a soulevé comme si je ne pesais rien, ce qui était assez vrai en réalité, puis il m'a traîné vers lesdits escaliers en me tirant de force vers le haut.

Mon mal de tête et mon réveil en douleur m'empêchèrent clairement de parler et de demander à cet individu ce qu'il me voulait exactement. Une fois arrivé en haut des marches, je découvris que nous étions au bord de l'océan. Devant moi, un petit bateau blanc, à moteur, dansait au rythme des vagues. Sans attendre plus longtemps, l'homme me tirait toujours vers lui, me maintenant fermement par le bras. Impossible de me défaire de ses horribles doigts et comme j'étais pied nu, j'essayais de freiner sa force en m'enfonçant dans le sable.

Sans sucés.

Nous avons mouillé nos pieds et nos jambes dans l'eau de l'océan pour arriver jusqu'au frêle esquif. Sans vergogne, il m'a jeté dans son bateau en sautant à son tour à l'intérieur. La chute me fit mal et j'ai failli me casser le bras. J'eus à peine le temps de me relever qu'il avait déjà allumé les moteurs pour quitter le rivage. Je me trouvais à la poupe du navire de telle sorte que lorsqu'il démarra, je pouvais voir la plage s'éloigner petit à petit. En face de moi, il y avait l'énorme bâtiment qu'était le centre commercial. Des gens se trouvaient sur les balcons et aux fenêtres.

Sans trop réfléchir, j'ai commencé à hurler, en agitant mes bras dans leurs directions pour leur faire comprendre ma détresse. Durant de longues secondes, je criais et je bougeais mes bras pour montrer aux Humains que j'avais besoin d'aide. Ils assistaient clairement à mon kidnapping.

La plage devint de plus en plus petite et j'entendis des pas dans mon dos. En me retournant, je vis, sans surprise, l'homme, dans une colère sans nom, qui leva un poing vers moi.

Puis, tout est encore devenu noir...

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« Je n'entends ni ne respire,
Les vagues se retirent,
Sur l'oreiller blanc des abysses,
Je peux me laisser partir. »

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Nous étions au milieu de l'océan. En ouvrant difficilement mes yeux, je pus repérer la lande au loin, nous n'étions qu'à quelques kilomètres, trop loin pour crier à l'aide, mais pas assez pour perdre le centre commercial des yeux. Le soleil n'allait pas tarder à se coucher, nous étions en fin d'après-midi et, malgré ma migraine toujours aussi fulgurante, j'ai analysé où je me trouvais :

Sur le sol humide du bateau de mon kidnappeur. Mais, cette fois-ci, je remarquais qu'une espèce de corde, tel du fil de pêche plutôt épais, s'enroulait autour de ma taille pour terminer entre les mains sales de l'homme en face de moi. Il me sourit de toutes ses dents jaunes, et s'amusa :

- J'ai toujours dit à mes amis : pour attraper une Sirène, n'essayez pas de la capturer en mer, mais lorsqu'elle se trouve sur Terre, elle est plus facile à harponner.

Il rit.

Moi pas.

J'ai essayé de défaire le nœud de la corde qui entravait ma taille, sans y parvenir. Tout à coup, l'homme se pencha vers moi pour m'agripper fermement et me jeter par-dessus bord !

L'eau n'était pas froide et elle était assez claire et pure pour y voir à travers. Le fond ne se trouvait qu'à quatre ou cinq mètres sous mes pieds. La beauté des couleurs des coraux des poissons m'empêcha de trop paniquer.

La transformation commença.

Car oui, j'étais réellement un Sirène. Et, au contact de l'eau de mer, je me changeais à nouveau. Mes jambes se collèrent entre elles pour former une longue et magnifique queue de poisson. Les dizaines de nageoires terminaient le bout de ma queue, couleur émeraude, étincelantes parfois d'éclairs dorés. Les écailles brillaient sous l'eau et une nacre poudrée parsemait ma peau pâle. Je ne portais plus de vêtements. Une épaisse ligne d'écailles pourpre en forme de bustier enveloppait ma poitrine.

(Oui, j'avais exactement la même allure que 'La Petite Sirène' du film Live Action !)

Néanmoins, malgré toute cette beauté et mon changement en Sirène, la corde de mon ravisseur était toujours nouée autour de ma taille et je sentais qu'il tirait dessus depuis son bateau pour me ramener à la surface. J'avais beau essayé de m'échapper, de me glisser hors du fil telle une anguille, rien ne fonctionnait. Et l'homme tira sur la corde pour me ramener à la surface, avec douleur.

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« Si tu as rêvé dans les eaux sombres,
Dans la pénombre où nage Ophélia,
Si la lueur des profondeurs t'attire aussi,
Ne me retiens pas,
Même si les bras froids du tendre océan te saisissent,
Englacent ton cœur,
Tu me rejoindras,
Ne me sauve pas,
Coule avec moi,
Ne me retiens pas. »

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Une fois à la surface, accrochée au bateau, mais toujours dans l'eau, l'homme me sourit en raillant, fière de lui :

- Tu sais combien vaut une véritable Sirène vivante ? Grâce à toi, je vais me faire un paquet de frique !

Il rit derechef.

Je réfléchis rapidement : Banshee et Mick ont dû réaliser que j'avais disparu et, même si mon portable était éteint, ils devaient déjà être à ma recherche.

J'imaginais Banshee courir au post de Police le plus proche, tandis que Mick fouillerait les océans, puisqu'il était le seul à connaître mon secret.

Mais, arriverait-il à comprendre ? Ou à retrouver ce frêle esquif ?

Je l'espérais de tout mon cœur, car le fil rongeait ma peau, commençait même à meurtrir ma chair et je n'arrivais pas à me faufiler à travers ce piège.

Je ne sus pas exactement combien d'heures se sont écoulées depuis mon kidnapping, mais le soleil tombait déjà sur l'horizon de l'océan. Plus j'essayais de nager dans la direction opposée du bateau et plus l'homme tirait sur le fil pour me ramener sur les bords de ce dernier.

Il riait et criait en même temps.

Cependant, j'étais trop occupé par la faible lumière qui arrivait au loin. J'ai d'abord cru à un mirage, mais en analysant le halo de plus prés, je compris qu'il s'agissait d'un autre bateau qui naviguait vers le nôtre.

Mick !

Je reconnus Mick, se tenant à la proue et sondant la surface des flots. Lorsqu'il fut assez près, il réussit à me voir, attachée au frêle esquif de mon kidnappeur. Quant à lui, d'ailleurs, il s'apprêtait à remettre les moteurs en route pour mettre le plus de distance possible entre lui et mon mari.

Pourtant, avant que l'inconnu ne prenne la fuite, Mick hurla :

- NON ! ARRÊTEZ !

Le marin n'était pas fou, il avait dû m'espionner avant de me capturer et il savait très bien que Mick était mon mari. Il a donc démarré son chalutier, sans me ramener à son bord, j'étais toujours accroché au bastingage, piégée.

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« D'un coquillage blanc,
On renaîtra émerveillé dans la lumière,
On ouvrira nos paupières closes,
Devant la beauté d'une autre mer. »

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Avant de disparaître sur les flots de l'océan, Mick ordonna à son navigateur de se rapprocher le plus possible de notre navire, puis il prit de l'élan.

Je le vis, déterminé, en sautant de la proue pour plonger au plus prés de moi. Malgré la douleur autour de ma taille, je me suis enfouie sous l'eau à mon tour pour tendre la main à Mick et le ramener à la surface à côté de moi.

Je souris pour la première fois depuis mon enlèvement. Tout comme Mick, qui m'enlaçait et se mit à m'embrasser amoureusement. Il portait ses mêmes vêtements, son jean et sa chemise blanche, mais il avait enlevé ses chaussures pour ne pas s'alourdir.

Le temps sembla comme s'arrêter pour nous deux, dans les bras l'un de l'autre, il m'embrassait langoureusement comme s'il avait peur de me perdre à nouveau.

Et il avait raison, car mon kidnappeur découvrit la scène avec horreur et poussa violemment le levier des vitesses. Son bateau fendit les flots.

Le soleil se coucha lorsque Mick hurla. J'étais toujours liée au navire par la corde qui rongeait ma taille, mais mon mari n'était accroché à rien. J'eus le réflexe salvateur d'agripper la main de Mick au moment même où le bateau partit à toute vitesse.

Ma main droite tenait fermement le bord du navire, pour ne pas me faire douloureusement tirer par le fil, tandis que ma main gauche retenait Mick.

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« Je retourne à la mer,
Je retourne à la mer. »

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Durant de longues, très longues minutes, je réussis à tenir Mick de toutes mes forces. Il essayait lui aussi de s'accrocher au bastingage, mais ses doigts glissèrent à cause de l'eau et de la vitesse.

D'ailleurs, le kidnappeur donnait souvent des coups de gouvernail pour nous faire lâcher prise. Éventuellement, cela fonctionna...

La main de Mick glissa définitivement de la mienne.

Je l'entendis hurler :

- ALISONE !

La nuit noire nous enveloppait déjà et, à mon tour, je criais :

- MICK !

L'écho de ma complainte résonna au milieu de l'océan...

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« Je n'entends ni ne respire,
Les vagues se retirent,
Sur l'oreiller blanc des abysses
Je peux me laisser partir. »

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Puis, je me suis réveillée.

Il était 5h15 du matin et je suis restée au lit jusqu'à 6h15, car j'avais froid et j'étais épuisé.

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22.01.2024

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