22 décembre - Sage ou pas sage ?
Drago contemplait son reflet d'un oeil critique. Le dilemme creusait des lignes disgracieuses sur son front d'ordinaire immaculé. Il passa son pouce sur les renflements longilignes qui déformaient son visage parfait, pour lisser l'anxiété, pour qu'elle reflue loin dans sa chair.
Sage ou pas sage ?
Ses cheveux étaient plaqués sur son crâne, fondus dans sa peau, presque invisibles. Ses yeux étaient trop bleus, comme deux billes collées sur un visage de cire. Son nez froncé emportait les coins de sa bouche dans un rictus qui ne le quittait plus.
Sage ou pas sage ?
Il portait une robe sorcière verte, des bottes en cuir de dragon, et la chevalière des Malefoy. Il était tel qu'il devait être pour le bal de Noël organisé par sa mère, qu'il était d'ailleurs supposé ouvrir à son bras. Il pouvait à tout moment passer le seuil de sa porte, descendre les escaliers, et rejoindre Narcissa Malefoy pour l'aider à terminer les derniers préparatifs. Il le pouvait, au prix d'un effort surhumain.
Sage ou pas sage ?
Honnêtement, Drago ne s'en sentait pas capable. Il avait la flemme. La lassitude rendait son choix moins courageux, puisque c'était le seul possible. Il haussa les épaules.
Pas sage.
Drago frotta son cuir chevelu vigoureusement, effaçant les traces baveuses des multiples sortilèges qu'il avait appliqués pour faire tenir sa coiffure toute la soirée. Il retira sa robe et ses chaussures, puis passa un coup d'eau fraîche sur son visage.
Là, c'était mieux. Il pouvait repartir sur de bonnes bases.
Il enfila une chemise dont il laissa les quelques premiers boutons ouverts sur son torse. Il choisit un jean troué qu'il affectionnait particulièrement et compléta sa tenue moldue avec une paire de baskets d'un violet qui aurait fait pâlir d'envie les varices de sa mère. Il traça un trait d'eyeliner sur le bord de sa paupière qu'il échappa sur l'extérieur de son oeil, prolongeant la courbe de ses yeux vers sa tempe. Il laissa ses cheveux s'envoler joyeusement sur son crâne, comme un halo doré témoignant de l'auto-bénédiction qu'il s'était accordé.
Enfin, Drago retrouva son reflet dans le miroir. Ses yeux creusaient des pattes d'oie sur sa peau tant il souriait, mais cette déformation-là sublimait ses traits. Il se sentait tellement mieux, tellement lui-même. Il avait conservé la chevalière à son doigt.
Après tout, quoi qu'il fasse, quels que soient ses choix, personne ne pourrait lui retirer son identité.
