Hello, voila le chapitre 2 !

Bonne lecture.


Chapitre 2

Elle se réveilla en sursaut le matin. Elle allait être en retard pour son cours de métamorphose. Elle commençait à s'activer lorsqu'une pensée lui traversa l'esprit. Une pensée vraiment inattendue de la part de la miss Je-sais-tout. Pourquoi devrait-elle aller en cours ? Après tout, personne ne remarquerait son absence et malgré les préjugés de certains, elle n'avait pas encore lu tous les livres de la bibliothèque. Elle choisit de prendre son temps. Elle lava ses cheveux qui commençaient à ternir. Dans toute cette histoire, elle avait oublié qu'elle existait. Ne dit-on pas "je pense donc je suis" ? Personne ne savait qu'elle existait, mais elle, oui ! Elle se souvenait de tout, elle se souvenait de chacune des personnes qui l'avaient oubliée, elle se souvenait de Ron et de Harry avec qui elle avait survécu à la guerre, elle se souvenait des discussions jusqu'à pas d'heure avec Ginny dans sa petite chambre au Terrier. Elle se souvenait de McGonagall avec qui elle avait pris l'habitude de boire le thé de temps en temps. Elle se souvenait de ses parents, mais ils ne se rappelait pas d'elle. Peut-être était-ce un retour de bâton ? Elle les avait oubliés et en contrepartie, le monde l'oublierait aussi. Tout ce qui lui restait était ses souvenirs, ils lui prouvaient son existence et elle avait monstrueusement peur de réellement disparaître, si elle ne pensait pas un minimum à elle, elle s'oublierait aussi. Son identité était incertaine.

Elle monta aux cuisines pour prendre son déjeuner, ayant loupé le petit déjeuner dans la grande salle. Il lui fallut s'y reprendre plusieurs fois pour passer, mais le tableau finit par la laisser entrer. Comme à chaque fois, les tableaux ne semblaient pas la voir vraiment, ni la reconnaître, mais au moins, ils finissaient par remarquer assez longtemps sa présence pour qu'elle puisse aller où elle voulait, même si certaines fois cela prenait plus de temps que d'autres. Elle zigzagua entre les elfes qui s'activaient en cuisine. Elle prit au passage un peu de nourriture et du jus de citrouille. Elle s'installa à une table reculée où personne ne la percuterait. Elle était devenue douée pour éviter les foules et les couloirs bondés. Elle eut autant de mal à les éviter en sortant, mais réussit à passer la porte sans en toucher aucun. Une petite victoire en somme, vu le fourmillement des elfes dans la pièce.

Les jours passèrent à une vitesse affolante et une nouvelle routine se mit en place. Elle passait la plupart du temps à la bibliothèque ou dans sa chambre, délaissant petit à petit ses recherches qui n'aboutissaient pas pour de la lecture plus légère. Elle assistait parfois à certains cours, souvent au hasard. Prenant plaisir a simplement écouter ses professeurs sans craindre l'évaluation. Elle avait même été à un cours de Trelawney, et son avis n'avait pas changé, la divination était une matière ridicule et inutile. Elle prenait de temps en temps ses repas dans la grande salle pour faire passer un peu la solitude. Mais quand personne ne vous voit ni ne vous parle, les repas avec tout le monde n'étaient finalement plus qu'un moment de tristesse si difficile qu'elle les délaissait petit à petit. Elle prenait dans ces cas-là une assiette qu'elle remplissait puis disparaissait dans ses appartements de fortune.

Elle avait décidé pendant une semaine de redécorer ses appartements, pour qu'au moins un peu, elle s'y sente bien. Elle avait pris dans la tour de Gryffondor quelques coussins et le plaid. Un vase qui traînait là plein de poussière avait été embarqué pour s'installer sur sa petite table. Hermione avait passé son temps à récupérer des objets dans tout le château, de petites choses que personne ne remarquerait. Des livres s'étaient entassés dans un coin et elle devait vraiment aller les rendre à madame Pince qui commençait à virer chèvre avec tous ces précieux ouvrages disparaissant et réapparaissant sans explication. Au moins, ils revenaient dans le même état, sans aucune déchirure ni tache. Elle pouvait se déplacer à sa guise et, c'est-à-dire aussi, aller à Pré-au-lard quand elle le souhaitait.

Pendant plusieurs semaines, elle n'avait pas osé prendre d'autre choses que le nécessaire dans les magasins . Et puis, un jour, en entrant un matin chez le libraire, elle était tombée sur un nouveau livre : l'art de faire disparaitre les choses. Intriguée, elle l'avait feuilleté. Celui-ci ne l'aiderait pas beaucoup à retrouver son état d'origine, mais il pouvait être très intéressant. Alors, se faisant plus petite qu'une souris, ce qui était bien sûr évident, elle sortit. En plein milieu de la rue, le village complétement recouvert de blanc, elle regarda le précieux ouvrage entre ses deux mains. Une pointe de remords s'empara d'elle avant que ce ne soit l'injustice qui ne l'inonde. Prête à l'envoyer balader, son mouvement s'arrêta et une larme coula qu'elle chassa rageusement de son visage. Elle leva les yeux vers le ciel :

"J'ai toujours été quelqu'un de bien, j'ai toujours fait du mieux que j'ai pu. Alors pourquoi me faites-vous ça ? Elle ne savait même pas à qui elle parlait. Mais elle devait mettre la faute sur quelqu'un peu importe qui c'était.

Noël arrivait à grands pas, l'espoir commençait à s'effriter.

Les vacances avaient commencé et la plupart des élèves étaient rentrés chez eux pour les fêtes. Les foules d'élèves avaient disparu et elle pouvait se balader à sa guise sans craindre de bousculer quelqu'un si elle ne faisait pas attention où elle marchait. Le château était calme, Harry et Ron étaient rentrés pour Noël au Terrier ou au square Grimmauld, elle ne savait pas trop, cela faisait peut-être bien une ou deux semaines qu'elle ne les avait pas vus. Elle vivait presqu'en ermite, isolée du monde.

Elle se dirigea vers la grande salle, devant l'immense sapin, en ce 24 décembre. Elle explosa en sanglots. Cela faisait des semaines qu'elle retenait ses larmes et ses cris, s'empêchant de s'effondrer malgré la solitude. Elle ne savait plus quoi faire, elle avait tout tenté. Elle n'arrivait pas à se résigner mais en même temps, c'était comme si chaque petite parcelle d'espoir qui naissait dans son cœur quand elle avait l'impression que quelqu'un la regardait ou qu'elle rêvait que quelqu'un dise son nom disparaissait quand elle comprenait que rien de tout cela n'arrivait. Que la personne qui la regardait et lui faisait signe était destinée à quelqu'un derrière elle, que ce n'était pas elle qu'on avait appelée mais que son cerveau l'avait simplement cru.

Ce serait à ça que ressemblerait sa vie ? Pouvoir voir les gens, les entendre, les sentir sans jamais qu'ils se sachent qu'elle est là. Ne plus avoir d'amis, de famille, ne jamais connaître l'amour ! Elle s'était déjà résignée à ne plus jamais sentir les bras de sa mère autour d'elle depuis la guerre mais ses amis, ou la simple présence d'un être, elle ne pourrait pas vivre sans.

Elle regarda les boules rouges et vertes, les guirlandes de toutes les couleurs reflétaient la lumière des bougies. À quoi bon vivre ! Pourquoi s'acharnait-t-elle ? Elle ferait mieux de se laisser mourir, qu'est-ce que cela changerait de toute façon ? Elle pourrait très bien monter tout en haut de la tour d'astronomie, passer la rambarde et se laisser tomber que personne ne le remarquerait. Son corps mourrait sans qu'aucun n'ait le souvenir qu'elle ait existé. Peut-être que son corps réapparaîtrait seulement après cette mort douloureuse et une fin de vie misérable. La douleur de cette perte, celle de sa vie, lui tordit le ventre. Elle sentit un goût d'acide remonter dans sa bouche, un spasme la parcourut et elle rendit son dîner. Immobile devant la flaque, elle ne sut quoi faire.

Ce soir-là, celui qu'on passe en famille à rire et à s'aimer, elle le passa seule, une mare de vomi devant elle. Elle sut alors que plus rien n'avait d'importance. Elle se sentait chuter, et rien ne la rattraperait. Rien ne la rattraperait parce que personne ne le pouvait et elle ne savait plus comment le faire elle-même. Comment pouvait-on vivre dans une telle solitude avec pourtant un monde entier à l'extérieur ?

Avec la dernière goutte d'énergie présente dans son corps, elle se redressa et partit se coucher, n'arrivant plus à pleurer. Même la tristesse commençait à s'envoler.

Elle eut moins de mal à passer le nouvel an. Apparemment, la douleur de Noël avait été si forte qu'elle n'avait même pas été capable de se relever, à part pour satisfaire ses besoins primaires et boire un peu. Elle passait son temps dans le lit simple de ses appartements comme vidée. Le livre sur sa table de chevet avait été abandonné, ses affaires habituellement bien rangées traînaient un peu partout. Ses cheveux n'étaient plus qu'une masse frisottante et volumineuse dont on ne connaissait ni le début ni la fin. Même un mort aurait eu l'air plus vivant qu'elle. Des cernes étaient si profondément dessinés sous ses yeux qu'elle paraissait sans aucune vie. Elle s'était simplement laissée abandonner, perdant toute notion du temps. Chaque petit effort était surhumain, alors elle ne cherchait plus à l'effectuer. Son esprit était vide de pensées, sa vie vide de sens, son cœur et son âme vide de sentiments.

Elle avait l'impression qu'il lui aurait fallu un miracle pour la sortir de là, du monde sombre dans lequel elle s'était profondément plongée. Dans ce puits sans fond, sans lumière, elle ne serait pas capable de s'en sortir.