Chapitre 47: la fête

On y était, j'allais rencontrer sa famille, sa meilleure amie et ses autres dates. J'avais eu du mal à choisir comment m'habiller parce que je ne voulais pas me dénaturer, mais en même temps je ne voulais pas avoir l'air de ne pas avoir fait d'effort non plus. Clairement je n'eus pas l'air d'avoir fait trop d'effort, mais c'était suffisant pour moi. En allant chercher mes enfants à la garderie, j'avais même eu droit à un « vous êtes bien belle ce soir! Avez-vous quelque chose de particulier? » de la part d'une éducatrice.

En arrivant chez moi, j'allais m'habiller comme je le voulais et je quittai la maison en direction de la fête. J'allais être pile à l'heure.

Lorsque j'arrivai, je vis quelqu'un qui se dirigeait vers la maison. Je reconnus rapidement Camille, une des personnes que Mage datait. On se salua amicalement, puis on entra. C'était quand même plus fluide et détendu que ce que j'aurais cru. Mon corps émettait des signes de stress, mais je ne ressentais pourtant aucun stress. C'était plutôt une gêne de me retrouver dans un contexte non familier avec des gens que je ne connaissais pas.

Je parlai un peu avec Camille, puis éventuellement le père de Mage et sa belle-mère se joignirent à nous. À un moment, son père nous demanda ce que nous faisions dans la vie et nous demanda aussi si on travaillait avec Mage.

C'est à ce moment que je compris que son père n'avait aucune idée qu'on datait Mage! C'était quand même une information importante à savoir pour filtrer certains propos! Évidemment tous mes propos étaient filtrés de par la présence des autres dates de Mage, mais cela amenait un autre niveau. En plus, la veille, j'avais pris la peine de lui demander s'il y avait des choses que je pourrais dire ou faire qui rendrait la situation malaisante et il n'avait rien dit (mis à part des évidences comme ne pas parler de la chlamydia ou son vidéo de porn ou autre). Il me semble que ça aurait été une information pertinente à dire que son père ne savait pas qu'on datait (NOTE AU LECTEUR 😉 ). Surtout dans le contexte où c'était très clair que si quelqu'un nous demandait notre relation sa réponse serait qu'on datait – c'était ce qu'il m'avait dit lorsque nous étions allés à la soirée de lancement de livre sur le polyamour. Donc, évidemment, je m'attendais à ce que son père le sache.

Le plus cocasse était qu'on avait discuté la veille de sa communication. Il en était venu à la conclusion qu'il fallait qu'il change son mode de communication. Mais changer son mode de communication aurait été comme changer sa personnalité; c'était impossible. Ce qui était possible cependant, c'était de dire clairement aux gens, dès le début de ses interactions, qu'il était ouvert à répondre à tout, mais qu'il fallait simplement poser la question. De plus, l'information primordiale était de dire qu'il préférait parler de vive voix qu'à l'écrit et qu'il n'avait aucun problème à dire non. Personnellement, après avoir eu ces informations, j'osais lui demander n'importe quoi. Si j'avais envie de faire quelque chose qui, je croyais, ne l'intéresserait pas, je lui demandais et je savais qu'il me dirait non sans problème. Je savais aussi que ce « non » ne signifiait pas qu'il ne m'appréciait pas, mais simplement qu'il n'avait pas envie de faire ce que je proposais. Même encore à ce jour, je me disais parfois qu'il dirait non, mais je lui demandais toujours. Souvent, il me surprenait avec un oui. C'est d'ailleurs ce qui arriva quand je lui demandai s'il voulait aller patiner avec mes enfants et moi en sachant qu'on allait se voir le lendemain. Il n'était pas le genre de personne à vouloir qu'on se voie deux jours de suite. En même temps, c'était deux contextes bien différents. De mon côté, une sexdate deux jours de suite aurait pu être correcte une fois de temps en temps, mais j'aimais mieux varier les activités.

Il y avait eu un temps ou le voir 1 ou 2 fois par semaine était suffisant, mais je me rendais compte que, si l'on faisait des activités autres que des sexdates, je pouvais, voire même j'avais envie, de le voir peut-être plus souvent. En fait, en général, la fin de semaine j'aimais toujours avoir quelqu'un avec moi quand je faisais des choses avec mes enfants, alors c'était certain que j'appréciais les moments que je passais avec lui et mes enfants. Dans tous les cas c'était comme toute chose : tout était parfait. Et quand j'avais envie de faire quelque chose avec lui, je lui demandais et s'il ne voulait pas il me le disait et on s'organisait simplement autre chose.

Revenons à ce qui nous intéresse : la soirée. Par la suite, sa meilleure amie arriva avec son chum, puis Rafael arriva. J'étais contente d'être arrivé tôt quand je le vis entrer parce qu'il se ramassa à simplement entrer seul dans un lieu qu'il ne connaissait pas et à devoir s'assoir à travers des inconnus sans se faire introduire. En y repensant, je me demande même si à la fin de la soirée le père de Mage connaissait le nom de Rafael! Il était assurément stressé et il ne parla pratiquement pas de la soirée. J'avais toujours tendance à être stressé quand je voyais le stress des gens alors sa présence me stressait. En même temps, il me semblait qu'il n'y avait rien à faire pour diminuer le stress; il y avait trop de monde! Peut-être dans un contexte avec Rafael et Mage seulement on aurait pu arrivé à aucun stress, mais avec beaucoup de gens cela semblait une tâche ardue.

La conversation de groupe continua et nous allâmes finalement nous installer pour manger. J'avoue que j'avais un petit stress quant à la configuration des places pour manger, mais je fus ravie de la configuration. J'étais assise entre Mage et Rafael. La meilleure amie de Mage était en biais de moi, tout comme son père. Puis, sa belle-mère et Camille étaient relativement en face de moi. Je pense que cela aurait été beaucoup moins stressant pour Rafael si Mage avait été entre nous deux plutôt que moi entre Rafael et Mage, mais les choses arrivèrent ainsi. Le repas se passa bien.

C'était peu tendu et les gens semblaient s'amuser. J'adressai brièvement la parole à Rafael quand il voulut sortir de table. Par la suite, nous allâmes au salon. Je changeai de place par rapport à ma place initiale (qui était à côté de Camille) puisque Mage s'y était installé. Évidemment, je ne pouvais pas m'empêcher de les observer interagir. Je voyais certainement dans le comportement de Mage qu'il voulait s'assurer que son père ne sache pas qu'il datait Camille parce qu'il gardait une certaine distance avec elle.

À un moment donné, Rafael annonça qu'il allait quitter et je me demandai si je faisais de même. J'étais quand même déjà fatigué, mais je décidai de rester. Ensuite, nous allâmes manger le dessert. Cette fois, ce fut Catharina qui était assise à côté de moi. Cela nous permit d'échanger quelques mots. Elle me faisait penser à Alex de par sa douceur, son ouverture et son accueil. Ça ne me surprenait aucunement que Mage ait été ami avec elle depuis longtemps.

La discussion de groupe continua et je me disais que je quitterais sous peu. À un moment, Mage me montra l'heure et me demanda si je devais quitter puisqu'il pensait que j'avais dit à ma mère que je serais de retour vers 20-21h comme il l'avait estimé. Mais, finalement, je n'avais pas eu le temps de le dire à ma mère. En y repensant, peut-être voulait-il me pousser à quitter pour avoir une raison de quitter lui-même? (Ici une question qui demande une réponse! Simple curiosité).

Je voyais que Mage n'en pouvait plus et qu'il voulait quitter. Quand il se leva, j'en profitai pour dire que j'allais quitter et tout le monde répondit qu'eux aussi. J'hésitai à proposer un lift de retour à Mage. Peut-être allait-il vouloir marcher avec une des personnes qui quitteraient en même temps? Avant mes enfants, j'aurais proposé de reconduire tout le monde, mais je n'avais maintenant qu'un seul siège de disponible à cause des bancs d'auto. Avant de quitter, j'entendis son père lui proposer de le reconduire et je me dis que j'allais au moins lui proposer et il déciderait. Il accepta avec joie ma proposition.

J'étais bien contente puisque cela me permit d'entendre ses impressions sur la soirée. Avant de quitter, il dit au revoir à Camille en lui faisant un câlin (tout comme cela avait été le cas avec Rafael), puis il dit au revoir à Catharina et son chum. Nous rentrâmes dans l'auto puis nous discutâmes de la soirée en route vers chez lui.

On se laissa sur des mots de bonne soirée. Évidemment je remarquai que toutes ses dates avaient eu un câlin et pas moi (note au lecteur!) et il ne m'avait pas embrassé comme à l'habitude quand on se quittait. Cela ne me dérangea pas assez pour que je dise quelque chose. De toute manière, je lui avais assez fait de câlin le matin même quand on s'était réveillé ensemble (bonnnn, évidemment le terme « assez » n'existait pas quant il était question de quelque chose en lien avec lui, mais disons que c'était cela qui fit que je ne disais rien puisque ça avait été bien correct).

Au final, je repensais à la soirée et tout s'était bien déroulé. Je n'avais pas vécu de stress relié à moi-même ou mon sentiment par rapport aux autres. Ça avait été épuisant parce que j'avais été à l'affut de ses moindres gestes et paroles, autant avec les gens qu'il datait qu'avec sa meilleure amie ou son père.

Au final, je pense que ce qui me marqua le plus la soirée fut son père. Il avait tellement la même personnalité que Mage : un peu taquin, qui aime être drôle et faire rire. Mais, en plus de cela, il avait tellement un amour infini pour Mage; c'était magnifique. À mes yeux, peu de choses étaient plus belles que l'amour d'un parent pour son enfant. Je me retrouvai à penser que j'espérais avoir encore ce lien que le père de Mage avait avec lui quand mes enfants seraient grands, je ne pouvais que l'espérer. J'avais quelque peu parlé avec son père de mes enfants et, à chaque fois, il ne faisait que montrer dans toutes ses paroles à quel point il trouvait que Mage était parfait et qu'il était certainement sa plus grande joie et sa plus grande réussite. J'avais une double compréhension de cette affection. D'une part, je comprenais l'amour qu'il avait pour Mage en tant que parent parce que j'aimais, moi aussi, mes enfants de cet amour inconditionnel. D'autre part, je comprenais l'amour qu'il avait pour lui en tant que personne – l'amour de sa personne, de sa personnalité, de son être – parce que j'avais moi aussi cet amour qui me permettait, de manière tout à fait non objective, de trouver que tout chez lui était parfait. Ceci ne voulait pas dire que je ne lui trouvais aucun défaut ou aucun point à améliorer, mais plutôt que la globalité de sa personne était à mes yeux un chef-d'œuvre.

J'avais craint que sa famille ou sa meilleure amie ne m'aime pas, mais cela sembla bien aller. C'était certainement aussi moins stressant de penser que son père me jugeait comme une amie ou collègue plus que comme une date. En tant que maman, j'espèrerais ne pas faire cela, mais j'étais pas mal certaine que si mon enfant me présentait une date je serais plus critique que s'il me présentait un ami. En même temps, la personnalité de la personne, je ne change pas, peu importe la relation. Quand j'avais moi-même présenté Mage à ma mère, elle aurait pu dire qu'on se datait même si je ne l'avais pas dit, juste de par nos interactions. Évidemment, j'étais beaucoup plus calme et plus douce en sa présence, chose qui n'arrivait qu'avec les personnes qui m'intéressaient et/ou que je fréquentais et ma mère me connaissait assez pour le voir.

J'avais aussi eu peur de trop aimer ou de ne pas aimer ses dates, mais ce fut bien parfait. Je ne pouvais rien dire sur Rafael puisqu'il n'avait pas parlé. Quand il était arrivé, j'avais eu l'impression que son père l'avait détesté instantanément – je ne peux pas dire pourquoi. En fait, c'était probablement en comparaison avec Camille. C'était clair que son père l'avait tout de suite aimé : la fille super belle, douce, gentille l'avait charmé. Et moi je semblais me situer entre les deux. Au fil des interactions, je constatai que son père semblait en fait apprécier tout le monde également, c'était peut-être un concours de circonstances ou le stress de Rafael qui avait teinté leur première interaction. Camille me semblait sympathique. C'était le genre de personne avec qui j'aurais pu discuter un certain moment. Elle était fun and bubbly; c'était le genre de personne qui devait s'entendre bien avec tout le monde. Elle parlait sans problème et prenait aussi de l'espace physique en ce sens qu'elle avait tendance à beaucoup bouger sur place (on reconnaissait en elle la danseuse), ce qui était assez passe-partout comme personnalité. Malgré cela, je fus quand même surprise de l'ensemble de sa personne. J'imagine que je ne la connaissais pas assez, mais je me demandai bien assez vite quels pouvaient être ses sujets de conversations avec Mage – en dehors des chats – parce que je ne pouvais cibler aucun intérêt qui semblait commun aux deux. En même temps, cela leur appartenait de trouver leurs intérêts communs et de les exploiter.

La conclusion de la chose était que Camille et Rafael semblaient sympathiques. J'étais contente de mon sentiment par rapport à eux, c'est-à-dire de ne pas les trouver trop parfaits, mais de les apprécier. Je me rappelai alors quelques discussions avec Mage, notamment une ou il me disait qu'il ne me datait pas avec détachement. À ce moment il avait aussi dit qu'il savait qu'on se verrait encore dans 2 mois, tout comme Catharina et son père, mais qu'il ne pouvait pas le savoir pour ses autres dates. Je me demandai alors si c'était toujours le cas : datait-il avec détachement Camille et Rafael? Pensait-il sérieusement qu'il y avait une possibilité qu'il ne les voie plus dans x nombres de temps? (Question laissée au lecteur encore une fois). Personnellement, j'avais l'impression que c'était deux personnes importantes pour lui et qu'il ne datait pas sans détachement, peu importe ce qu'il en dirait. J'avais aussi l'impression que leur relation était peut-être obstruée par la communication, tout comme la nôtre l'avait été. Ils se retrouvaient alors peut-être dans un stade où nous étions au milieu de l'été.

En même temps, arriver à une communication fluide avait été un effort d'ajustement intense. Au final, ce fut quand je lâchai complètement toute attente et toute restriction personnelles et que je me mis à faire des avalanches que tout se place : tous les éléments stressants étaient partis un à un. J'avais commencé à mieux le connaitre, en connaissant ses routines, ses règles internes, ses patterns de dating et sociaux.

À la fin de la soirée, je me demandai quelles informations Rafael et Camille avaient par rapport à lui. À un moment pendant la soirée, Camille avait fait un commentaire qui me parut assez genré sur Mage. Je ne sais pas si j'avais mal entendu parce que plusieurs personnes parlaient et je ne pouvais pas relater ses propos exacts, mais je me rappelai que sur le coup je me demandai sérieusement si elle savait qu'il était non binaire. En même temps, ça ne serait pas surprenant qu'elle ne le sache pas; je savais d'expérience qu'il ne le criait pas sur tous les toits, même si c'était visible sur sa page insta.

Parlant de genre, je constatai également que, dès les premières interactions avec moi, Catharina m'avait adressé des propos en faisant les accords me concernant au masculin. Ce fut une agréable surprise. J'avais toujours eu un peu de malaise à ce que les gens accordent au masculin dans un contexte ou ils se demandaient réellement si j'étais un gars, voire même qu'il voyait réellement que j'étais un gars. Mais cela n'était pas une option de la manière dont je me présentais. C'était donc un parfait accord au masculin dans un contexte de non-binarité. Cela ne changeait pas le fait que j'acceptais sans problème les accords au féminin, mais évidemment que les accords au masculin occasionnels étaient sympathiques. À ce moment, je me demandai aussi à quel point Mage lui avait parlé de moi et de ses autres dates. Il avait déjà mentionné quelques éléments qu'il avait discutés avec elle, mais rien de plus. Cela allait être à investiguer!

De mon côté, ce fut une soirée agréable, mais épuisante. C'était le genre de chose que je ferais avec plaisir une fois par année pour sa fête, mais pas beaucoup plus que cela. Je me dis que pourrait éventuellement accepter une activité avec certaines personnes parmi celles qui étaient présentes (dans le sens avec un nombre réduit de personnes parce que beaucoup de personnes que je ne connais pas, c'est stressant, mais tous semblaient sympathiques, particulièrement sa meilleure amie sans surprise). Somme toute, j'étais contente d'avoir pu rencontrer toutes les personnes qui avaient une place importante dans sa vie en ce moment précis et je me comptais chanceuse de faire partie de ces gens.