Chapitre 2:

Pour les new-yorkais, midi est le moment où ils font une pause pour déjeuner après une dure matinée de labeur. Dans les profondeurs, les jeunes tortues mutantes se réveillent à peine. Léo pouvait sentir l'odeur de l'omelette grillée et du thé jusque dans sa chambre. Il adore quand son plus jeune frère se met derrière les fourneaux pour préparer le petit déjeuner. En entrant dans la cuisine, Léo entendit Mikey fredonner tout en pressant quelques agrumes.

- Hey frangin, bien dormi ? chantonna la jeune tortue orange. Ton thé au jasmin est infusé comme tu aimes et les pancakes seront bientôt cuits.

- Pas terrible, j'ai fais des mauvais rêves, avoua le frère aîné. Merci pour le thé Mikey. Tu as pensé au sirop d'érable pour aller avec les pancakes ?

- Évidemment, il n'existe pas d'autre manière de manger des pancakes, affirma Mikey en dégainant la bouteille de sirop sucrée. Il manque juste un peu de chantilly, du chocolat, du miel, des bonbons et du sucre glace.

Léo se limita au sirop d'érable et regarda, un peu dégoutté, son frère transformer son assiette en une montagne de sucre, sans se soucier d'en devenir malade. Il semble que le ninja orange n'apprend jamais de ses erreurs culinaires.

- Tu nettoieras les tapis du dojo si tu es malade Mikey, c'est mon seul avertissement, prévint Léo.

- T'inquiète pas, je peux gérer n'importe quel entraînement de Splinter, assura Mikey. J'ai passé cette phase d'être malade après avoir mangé.

- Je n'aurais plus aucune raison de me retenir pendant nos duels alors, déclara la voix bourrue de Raphaël en entrant dans la cuisine. Il y en a marre que tu sois tout le temps malade parce que tu manges n'importe quoi Mikey.

Le jeune ninja afficha une moue offensée devant les paroles de son grand frère. Vexé, il lui balança une orange, marmonnant que tout le monde est méchant avec lui et que la prochaine fois, ils n'auront qu'à se débrouiller pour le petit-déjeuner. Léo roula des yeux à la fausse menace. Mikey savait parfaitement que mettre sa menace à exécution condamnerait ses trois frères à ne plus avoir de petit-déjeuner, vu les catastrophes qu'ils sont dans la cuisine.

- Fais pas ça Mikey, tu nous aimes trop, tenta de négocier Léo. Raph, excuse toi tout de suite !

- Non, mais t'es pas bien Léo ? Je refuse de m'excuser pour avoir dit la vérité.

- Pense au petit-déj, on ne peut pas le perdre, insista la tortue bleue, appuyant ses mains sur les épaules de Raph pour lui faire comprendre la gravité de la situation. La catastrophe de la dernière fois ne doit jamais se reproduire, on l'a juré, je te rappelles.

Un éclair d'angoisse traversa un instant les yeux verts de Raph au souvenir de la seule et unique fois où ils avaient essayer de préparer un petit-déjeuner sans Mikey. Il y a des priorités dans la vie qu'ils ne peuvent malheureusement pas laisser de côté.

- Mikey, mon cher frère qui fait si bien la cuisine, accepte mes humbles excuses. Ce n'est sûrement pas de ta faute si tu es malade, c'est la nourriture qui tente de t'empoisonne, ironisa la tortue rouge.

- Tes excuses sont bizarres frérot, songea Mikey.

- Accepte les ou mon poing va les enfoncer dans ta petite caboche, bouillit Raphaël.

- Là je reconnais mon frère, se moqua le plus jeune, en échappant à la rage fraternelle avec agilité.

Assis sur un tabouret du bar, avec sa tasse de thé dans la main, Leonardo ne pouvait pas s'empêcher de glousser devant les pitreries de ses jeunes frères, qui se poursuivaient et chahutaient dans la cuisine, mais en prenant grand soin de ne pas renverser une miette du petit-déjeuner. Il remarqua à peine l'arrivée de la quatrième tortue, qui se jeta sur la cafetière sans dire un mot à aucun de ses frères, un air renfrogné sur le visage. Le génie de la fratrie parlait rarement le matin, attendant que la caféine réactive son système. Slalomant entre les tortues turbulentes, il faucha au passage un pancake, avant de s'installer dans un coin calme de la cuisine pour siroter son café chaud.

- Regardez qui nous fais enfin l'honneur de sa présence, dénonça Raph dès qu'il aperçut son frère de génie.

Donnie se contenta d'un grognement en réponse, les yeux rivés sur le liquide noir dans sa tasse.

- Tu as eu un problème sur tes machines ou dans ton labo durant la nuit ? interrogea Léo, essayant de pousser son frère à s'ouvrir un peu à eux.

- Non, pas de travail, pas de problème, grommela Donatello.

Les quelques mots suffirent pour que l'aîné des tortures comprenne d'où venait le souci.

- Quelqu'un t'a empêché de continuer tes expériences hier soir, alors maintenant, tu es frustré. Tu as l'impression que trop d'idées fourmillent dans ton esprit, sans pourvoir les mettre en forme.

- C'est qui le type surpuissant qui a réussi l'exploit de détacher notre génie de sa table de travail ? Il faut qu'il me donne sa recette, railla la tortue rouge.

- Je parie que c'est une technique secrète d'April, imagina Mikey. En usant de ses pouvoirs psychopsychiques et de son cristal, elle peut faire ce qu'elle veut à Donnie. Quoi qu'elle pouvait déjà lui faire faire n'importe quoi avant même tout ça.

- Non, April n'a rien à voir, c'est Sensei qui est venu me voir hier soir dans mon labo pour que j'arrête de travailler.

- Il y a au moins une personne que tu écoutes toujours, soupira Léo, content que leur père soit intervenu pour aider le génie à se reposer un peu.

- Mais tout le temps que je passe à dormir est du temps perdu à créer des équipements qui nous sauverons peut-être la vie dans un moment critique, tenta d'argumenter Donnie, sans réussir à convaincre qui que se soit.

- Tu ne peux rien inventer si tu t'écroules de sommeil Donnie, rappela Léo, fatigué d'avoir à répéter sans cesse le même sermon. Et les conséquences seraient pires si tu t'endors au milieu d'une mission.

Leonardo vit son jeune frère rouler des yeux, agacé par la réprimande devenue presque quotidienne. Il préféra baisser les yeux sur son café plutôt que de continuer à écouter, sachant comment la situation allait se terminer.

- C'est vraiment un argument puissant venant de celui qui passe son temps à s'entraîner sur ses katas, charria Raphaël, en rappel d'une période où Léo passait ses journées, voir ses nuits dans le dojo à pratiquer les exercices de ninjutsu, jusqu'à s'en écrouler de fatigue.

- Justement, je sais de quoi je parle. Mais j'ai su laisser la pression retomber parce que tout cet entraînement n'était plus sain, admit Léo, mais il dut reprendre sa phrase quand il vit le regard peu impressionné de Raph. Bon, ok, c'est Sensei qui m'a obligé à me détendre et à freiner les entraînements. Et il m'a même interdit l'accès au dojo et aux armes et m'a surveillé pour être sûr que je ne m'entraînais pas en secret. On ne va quand même pas devoir en arriver aux mêmes extrémités Donnie.

Le ninja violet hocha la tête en soupirant. Ce serait un véritable drame s'il se faisait interdire l'accès à son propre laboratoire. Une partie de son esprit savait pourtant que ses frères n'agissaient que pour son propre bien.

- Maintenant que je suis reposé, je peux aller un peu à mon labo ? tenta Donnie

- Tu pourrais y aller, mais d'abord, entraînement, promit Léo joyeusement. Allons retrouver Maître Splinter dans le dojo.

Les quatre frères tortues se dépêchèrent de finir leurs petits-déjeuners et de ranger la cuisine, puis partirent vers le dojo, pressant le pas pour ne pas arriver en retard. Sensei n'aime pas quand ses élèves tardent à arriver pour l'entraînement. Et même si les tortues ont grandis, menés de durs combats, traversés l'univers entier, vécus de tragiques histoires et des épreuves plus terribles les unes que les autres, elles ont gardés une petite appréhension pour les peines supplémentaires données à celui qui ose négliger la ponctualité d'un ninja.

Comme d'habitude, les jeunes ninjas commencent la séance d'entraînement par un moment de méditation. Splinter les attendrait sous le grand arbre du dojo, déjà en transe ou les rejoindrait en cours. La seconde situation semble de rigueur pour aujourd'hui. Léo est le plus rapide à atteindre un état méditatif, suivi peu après par Raph. Donnie et Mikey sont un peu en retard, luttant pour ne pas se rendormir.

Après plusieurs dizaines de minutes, le plus jeune commença à s'agiter, ayant toujours du mal à rester longtemps concentré. Les discrets rappels à l'ordre de Léo n'eurent bientôt plus d'effet sur le ninja orange, qui se trémoussait de plus en plus.

- Les gars, si Maître Splinter est en retard, on peut lui donner un gage ? demanda Mikey, quand le silence devient insupportable pour lui.

- Sensei n'est jamais en retard. S'il nous fait attendre, c'est sûrement dans le cadre de la leçon du jour, défendit Léo

- Génial, une leçon sur l'attente, mes préférées, se plaignit Raph. C'est vraiment cool de poireauter pendant des heures, alors qu'on pourrait frapper des trucs.

La tête brûlée en rouge avait depuis un moment dépassé son seuil de patience pour ce type d'exercices. Il avait perdu sa méditation et se retenait d'aller frapper sur quelque chose pour se détendre. Mikey était aussi prêt à quitter le dojo et seul le regard d'avertissement de Léo le clouait sur place.

Pourtant même le chef des tortues dû avouer après une bonne heure d'attente que l'absence de leur maître était inhabituelle. Et il n'avait pas le moindre indice sur la raison de cette soudaine disparition. Les trois tortues plus jeunes se tournèrent vers Léo, pressés de savoir de ce décidait leur aîné. La tortue bleu semblait hésitante, n'aimant pas douter de son père, qu'importe la raison.

- Peut-être que Sensei voulait que l'on fasse l'entraînement autre part aujourd'hui …

- Sans nous prévenir ? Ça ne ressemble pas à Sensei et tu le sais, contra Donnie. Il aurait donné une consigne particulière, une énigme ou t'en aurait parlé Léo.

- Je n'ai pas souvenir qu'il m'ait dis quoi que ce soit en particulier. Donnie, tu as vu Sensei hier soir, il ne t'a pas parlé de l'entraînement ?

- Non, il m'a juste obligé à aller me coucher dans ma chambre, se rappela le génie violet.

- Ça explique le bazar de ce matin, lâcha soudain Mikey, ayant abandonné la méditation au profit de dessin à même les tatamis.

- Quel bazar ? S'étonnèrent les trois frères, surpris par la remarque du plus jeune.

- Les alarmes, les bips, tous ces trucs sonnaient dans le labo de Donnie quand je me suis levé pour préparer le petit-déj'. C'était chiant, alors j'ai tout éteint.

- Quoi ? Mais pourquoi t'es pas venu me réveiller, imbécile ? s'énerva Donnie en se jetant sur le ninja orange. Imagine que ce soit une alarme sur les kraangs ou les foots, ou pire encore…

Ne tenant plus, le génie sauta de sa place pour aller vérifier en vitesse dans son laboratoire, ignorant les appels de ses frères. En quelques grandes enjambées, il fut installé devant son ordinateur, alors que de multiples scénarios sinistres se jouaient dans son esprit. Très vite, il se rendit sur l'historique des alertes et aboya à ses frères ce qu'il lisait sur l'écran.

- Les gars, les capteurs ont enregistrés une présence dans les égouts cette nuit, très proche du repère.

Avant même qu'il n'ait fini sa phrase, Donnie sentit la présence de Léo dans son dos, inquiet pour la sécurité de sa famille. L'alerte s'était produite après leur retour de patrouille, quand ils sont tous partis se coucher.

- C'est un foot, un kraang, un mutant inconnu ? pressa Léo.

- Alors, pas d'ADN extra-terrestre détecté, donc pas de kraang ou de footbot. Il était seul, mutant, à sang chaud, comme un rat.

- Le Roi des Rats qui serait revenu pour s'en prendre encore à Sensei ?

- C'est une possibilité. Je vais pousser les recherches pour être sûr, proposa Donnie, perturbé par les données affichées sur son écran.

Raph arriva à son tour dans le laboratoire, brandissant un papier dans sa main.

- En fouillant le dojo avec Mikey, on a trouvé cette lettre posée sur le sanctuaire de Splinter, expliqua Raphaël aux deux autres. C'est l'écriture de Sensei !

Léo arracha sans attendre la feuille des mains de son frère en rouge et lut à haute voix.

Mes chers fils,

Je pars quelques jours du repère pour honorer un rendez-vous personnel. Ne vous inquiétez pas pour moi.

En mon absence, soyez très prudents, évitez au maximum les ennuis et ne prenez pas de risques inutiles. Et surtout, ne vous blessez pas.

Leonardo s'occupera des entraînements.

Je vous aime, mes enfants.

À bientôt,

Sensei Splinter

Le temps sembla s'arrêter dans le repère pendant plusieurs minutes, chacun intégrant à sa manière le message de Splinter. Le bip de l'ordinateur de Donnie ramena les jeunes tortues dans la réalité. Ramenant son attention sur le résultat affiché, le ninja violet confirma que le mutant enregistra cette nuit n'était autre que Splinter quittant leur repère.

- Mais … mais pourquoi il ne nous a rien dit avant de partir ? bredouilla Léo, choqué par le stratagème de son père. Enfin … je veux dire … ce n'est pas pas la première fois qu'il part pour régler des affaires personnelles, mais il nous en parle avant d'habitude.

- Ouais, si l'un d'entre nous quittait le repère de la même manière, on n'a pas fini de se faire engueuler, grogna Raph. Merde, comment on peut l'aider si on ignore tout de son affaire ?

Léo était si abasourdi par la situation qu'il ne releva pas le langage vulgaire de son frère impétueux.

- Je peux retrouver sa trace, proposa Donnie, en allumant un logiciel de pistage.

L'idée fut tout de suite accepter par le reste de la fratrie. Quelques minutes furent suffisantes pour que Donnie retrace le parcours complet de son père dans les égouts puis à la surface. Splinter avait marché pendant plusieurs kilomètres, passant sous divers quartiers de la ville. Puis était sorti à la surface dans un coin tranquille, déserté par les humains même durant le journée. Il a évité soigneusement les angles de visibilité et les caméras. Le rongeur emprunta une ruelle qui le conduisit dans un parc arboré mais vide de monde. Les traces de Splinter s'arrêtaient d'un coup, disparaissant complètement des radars de Donatello.

- Donnie, qu'est ce qui se passe, pourquoi Sensei est introuvable maintenant ? paniqua Léo en voyant les capteurs s'éteindre.

- Je n'en sais rien, avoua le génie, en appuyant en même temps sur plusieurs boutons de son clavier. Plus aucun signal de lui, c'est comme si il s'était volatilisé.

- Il a peut-être eu des ennuis, partagea Mikey, surprenant ses frères par son arrivée discrète. Et il a été emmené dans un portail vers une autre dimension.

- Ta théorie est stupide, contra Raph en claquant la tête de son petit frère. Même si Sensei a des ennuis, il est un maître ninja accompli, personne ne pourrait l'obliger à passer dans un portail contre son gré. Il y a forcément une explication bien plus logique, comme les instruments de Donnie qui déconnent par exemple.

- Hé, ne t'en prend pas à mon matériel de haute qualité, pesta le concerné. Vos puces de traçages sont sensés émettre quel que soit la distance ou l'environnement dans lesquelles elles se trouvent.

- Nos puces de traçages ? Donnie, ne me dit pas que tu as utilisé une puce sur Sensei pour suivre sa trace, fulmina Léo.

Le génie se sentit d'un coup extrêmement mal à l'aise et bégaya.

- Je ne vous l'avais pas dit ? Heu… le truc, c'est que je nous ai tous équipés … disons, de puces pour être retrouvés même en cas de problème, hèhèhè …

Trois regards mécontents flambèrent sur Donatello en même temps. Les yeux émeraude de Raphaël reflètent sa colère et une future et terrible vengeance.

- J'ai une puce sur moi ? Trop bien, elle est cachée où ? S'amusa Mikey en se contorsionnant dans tous les sens.

- Donatello, nous aurons une petite discussion à propos de ces puces un peu plus tard, promit Léo, dans un intonation proche de celle de Splinter.

- Je tiens à dire que ces puces sont très utiles, car sans elles, on n'aurait jamais su où se rendait Splinter, qui est, comme Raph l'a rappelé, un maître ninja qui sait parfaitement se déplacer dans les ombres sans se faire voir par des caméras.

L'argument ramena les frères tortues vers leur véritable problème : retrouver leur père.

- Donc tu sais où Splinter a été localisé pour la dernière fois ? Demanda Léo froidement.

- Oui, il était dans le vieux parc de la troisième avenue.

- Alors ne perdons pas plus de temps et allons voir, poussa Raphaël en route vers le garage pour se mettre au volant du combi.

Les trois autres tortues ne se firent pas prier pour monter derrière Raph, de plus en plus soucieuses pour leur père.


Voila pour le second chapitre. J'aime beaucoup écrire les relations fraternelles des tortues, c'est souvent les moments les plus amusant dans les épisodes. Mais l'heure n'est plus à l'amusement, place à l'action, les tortues partent à la recherche de leur père.

A la prochaine ;)