2. Le dragon chinois.

— Si tu veux à ce point devenir un héros Deku, saute du toit et espère renaître avec un signe astrologique cette fois-ci.

Izuku ne le prit pas au sérieux, il le traita de crétin une fois Kacchan parti. Comme s'il allait sauter du toit.

— Et tu ferais quoi si je le faisais vraiment espèce d'imbécile de Kacchan ? grommela-t-il à l'adresse du concerné absent.

Le garçon ramassa sur le sol ce qui restait de son carnet, c'est-à-dire, pas grand-chose. Heureusement c'était un nouveau, il n'avait pas encore pris beaucoup de notes dessus, et il pourrait les rattraper ce soir même. Parce qu'Izuku ne se contentait pas de noter, il retenait aussi. Il savait sur le bout des doigts les attributs de tous les élèves de sa classe et même des professeurs. On se moquait de lui parce qu'il n'avait rien, mais ce gamin avec la petite queue d'une chèvre, qui ne savait rien faire d'autre que des cabrioles, n'était pas beaucoup plus fort. Seulement, comme il avait des attributs alors c'était bon, on le laissait tranquille ?

C'était terriblement injuste.

Izuku pouvait faire des cabrioles lui aussi.

D'ailleurs il pouvait courir, sauter, étudier, lancer une balle et même la rattraper. Il était moins fort, il n'avait pas d'attribut, mais il n'était pas un moins que rien. Il le savait. Quoi qu'en disent tous les autres, quoi qu'en pense la société, il n'avait qu'à serrer les dents et faire de son mieux.

Izuku prit un balai, nettoya les cendres et les jeta. Puis il rangea son sac et sortit enfin du lycée. Il trainait des pieds, il repensait aux paroles de Kacchan, aux moqueries de ses camarades et de ses profs. Personne ne croyait en lui. Pas même sa mère. Et pourtant, Izuku le savait, sa mère l'aimait de tout son cœur, de toute son âme, mais elle pensait qu'il ne pourrait pas rentrer à Yuei sans attribut. Son père non plus n'y croyait pas, avec moins de tact qu'Inko il avait carrément dit à son fils de laisser tomber.

— Tu pourrais apprendre la comptabilité, cela ne demande pas d'attributs particuliers, lui avait-il proposé.

La comptabilité. Alors qu'Izuku voulait sauver les gens.

— Tu ne pourras pas devenir policier, fais-toi une raison.

Il devait se faire une raison. Des années qu'il devait se faire une raison. Mais il n'y arrivait pas tout simplement. Et puis la comptabilité ? Vraiment ?

Il n'y avait pas de sot métier, Izuku l'entendait très bien.

Seulement c'était comme proposer à quelqu'un qui souhaitait faire de l'escalade de plutôt jouer à la pétanque. Ça n'avait rien à voir.

De mauvaise humeur, Izuku fit un détour en chemin, il alla s'acheter un nouveau cahier de notes à la papeterie et fureta dans les allées. Il y avait de nouvelles biographies de tel ou tel héros policier. Izuku perdit le fil du temps et comme son portable était en silencieux, il ne remarqua pas tout de suite l'heure ni les appels de sa famille.

Ce ne fut que quand il sortit du magasin – et en même temps de sa transe – qu'il remarqua qu'il se faisait tard. Il allait rappeler sa mère pour la rassurer, quand il entendit des cris non loin. Ses jambes bougèrent toutes seules, il glissa son portable dans sa poche, oubliant le message pour Inko. Quelqu'un était en danger, c'était l'impression qu'il avait, et même sans pouvoir, sans attribut, même s'il n'était rien, il ne pouvait s'empêcher de vouloir sauver les autres.

Les cris venaient d'une ruelle et Izuku s'y faufila. Il faisait sombre, mais il entendait des voix. Quelqu'un criait :

— Un monstre !

Et quelqu'un d'autre lançait des cailloux sur quelque chose tout en braillant :

— Va-t'en !

Izuku faillit croire à un jeu, quand il aperçut un éclat orange au fond de la ruelle. Il s'approcha et tomba sur deux gamins. Un cheval reconnaissable immédiatement à sa crinière, et un coq qui avait des plumes rouges sur la tête.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-il avant de l'apercevoir.

Devant lui. Coincé dans la ruelle. Un dragon. Un véritable dragon chinois. Il ne se contentait pas d'avoir un attribut, il était complètement métamorphosé. Son corps était allongé. Ses pattes griffues pendaient, ses écailles étaient d'un orange vif magnifique. Le dragon ondulait et ne touchait pas le sol. Il montrait les dents comme s'il allait attaquer et pourtant il restait où il était. Une longue crinière noire commençait à la pointe de sa queue et s'étendait jusqu'au-dessus de son crâne. De longues moustaches blanches virevoltaient autour de son museau et sur la tête, des cornes blanches elles aussi étaient pointées vers les enfants.

Izuku voyait que l'animal était agglutiné, il ne comptait pas attaquer, il cherchait seulement à se défendre.

— Ce monstre est apparu, dit le cheval.

— Ce n'est pas un monstre, souffla Izuku impressionné, c'est un dragon.

— Non c'est un monstre, insistèrent les gosses.

Izuku leva les yeux au ciel agacé.

— Quand on n'a pas d'attribut on est un moins que rien, et quand on est complètement transformé on est un monstre c'est ça ?

Puis il ramassa des cailloux et se plaça entre le dragon et les enfants. Il en lança un en faisant exprès d'éviter les mômes, uniquement pour leur faire peur :

— Au secours, un monstre avec des plumes sur la tête, cria-t-il, et un humain cheval hideux.

Les enfants lui braillèrent après, mais Izuku, même sans attribut, était plus grand et plus déterminé. Les mômes lâchèrent l'affaire en se plaignant « je le dirai à mon père, c'est un buffle, il te fera la peau. »

— C'est ça et n'oublie pas de lui dire que tu as perdus contre un humain banal.

Les deux petiots partirent tous les deux vexés. Une fois seul dans la ruelle, Izuku se tourna vers le dragon. Il ne pouvait s'empêcher d'être impressionné. Un vrai dragon. Un magnifique dragon. Là, juste devant lui.

— Qui es-tu ? demanda-t-il.

Mais le dragon se contenta de souffler par ses énormes narines. Il ne semblait pas avoir le don de la parole. Izuku s'approcha et s'aperçut que l'animal (pouvait-il le qualifier d'animal ?) avait la patte qui saignait.

— Tu es blessé, constata-t-il.

Le dragon montra ses dents, des dents très très pointues. Izuku aurait dû avoir peur, mais ce n'était pas le cas. Il était bourré de curiosité et d'admiration. Un enfant était donc né complètement dragon, était-ce la prochaine évolution ?

— Je veux seulement t'aider, fit Izuku.

Puis réfléchissant, il dit :

— Cache-toi derrière les poubelles, je vais chercher de quoi te soigner pour ne pas que ta blessure s'infecte.

Izuku s'assura que le dragon le comprenait puis il courut en direction de la pharmacie la plus proche où il acheta antiseptique et bandage. Préoccupé par le dragon, il oublia de rassurer sa mère d'un message.

Dans la ruelle, le dragon était toujours là et Izuku en fut presque surpris, comme si cette rencontre était tellement incroyable, qu'elle tenait plus du rêve que de la réalité. Il s'approcha à petits pas en expliquant qu'il ne lui voulait pas de mal, qu'il allait juste soigner sa blessure. C'était étrange, mais l'animal parut lui faire confiance et tendit sa patte blessée. Est-ce parce qu'il avait compris que l'humain était là pour l'aider ? Ou parce qu'Izuku s'y prenait avec douceur ? Izuku n'en savait rien, mais il était ému par cette confiance. Il avait tellement l'habitude d'être rejeté, que d'être accepté lui faisait quelque chose. Il nettoya la plaie et enroula un bandage autour.

— Tu ne peux pas parler ?

Le dragon souffla et secoua son corps et sa tête, en signe de négation.

— Je ne sais pas qui tu es, mais tu es vraiment beau, constata Izuku à voix haute.

Le dragon repoussa Izuku avec une de ses pattes comme si l'humain l'agaçait.

— Tu as un endroit où rentrer ou tu veux que je reste avec toi ? interrogea Izuku.

Il n'obtint aucune réponse et répéta :

— Tu as un endroit où rentrer ?

Izuku obtint finalement une réponse positive de la part du dragon qui hocha son énorme tête en signe d'acquiescement.

— Tu devrais y aller alors.

Cette fois, le dragon secoua le crâne.

— Tu veux que je reste avec toi ?

L'animal fit signe que oui. Alors Izuku resta à ses côtés, au fond de cette ruelle.

Seulement à ce moment-là le jeune homme se souvint soudainement de sa famille, il sortit son portable et appela Inko.

— Tout va bien, assura-t-il, je suis avec un ami.

— Quel ami ? se méfia Inko sachant très bien que son fils n'en avait malheureusement pas.

Izuku ne sut que répondre, mais sa mère trouva une réponse :

— Tu es avec Katsuki ? Il t'a retrouvé ?

— Kacchan ?

Kacchan le cherchait ? Pourquoi l'aurait-il fait ? Il se fichait d'Izuku. Mais le mensonge était tout trouvé, du moins pour l'instant :

— Oui je suis avec Kacchan, dit-il.

Il n'aimait pas raconter des bobards à sa mère, mais que pouvait-il faire d'autre ? Dire : « je suis avec un dragon complètement dragon, tu ne trouves pas ça fou toi ? ». Oui elle trouverait ça fou, au point de penser qu'il avait pété les plombs.

— Je reviens vite, jura-t-il, juste un truc à faire et je suis là.

— Dépêche-toi, je t'attends, fit Inko, il se fait tard et j'ai failli appeler la police.

— Désolé maman, je ne voulais pas t'inquiéter.

Elle lui recommanda encore de rentrer vite et de faire attention à lui, puis Izuku raccrocha pour se tourner vers le dragon.

— C'était ma maman, elle s'inquiète. Je lui ai menti en disant que j'étais avec mon ami d'enfance et en fait je suis avec toi.

Le dragon le fixait de ses yeux rouge rubis. Même s'il ne pouvait pas parler, il était clair qu'il comprenait tout et ne ratait pas une miette de ce qu'il se passait. Izuku lui sourit et le dragon souffla encore, comme agacé.

— Mon ami d'enfance est aussi un dragon, d'ailleurs, fit Izuku. Il s'appelle Kacchan… Enfin Katsuki, mais moi je l'appelle Kacchan. Il est hyper fort. Je ne sais pas lequel de vous deux est le plus fort, mais Kacchan va devenir un grand héros, j'en suis persuadé.

Comme le dragon ne pouvait lui répondre, il se contenta d'onduler et de le fixer. Izuku continua donc de parler, il décrivit Kacchan et sa force. Lancé sur le sujet de son ami d'enfance, il devenait intarissable.

— Bon, des fois il se comporte comme un crétin, surtout avec moi, mais même s'il gueule beaucoup, je sais qu'il a bon fond et que son rêve est de devenir le meilleur policier et de sauver plein de monde.

Le dragon releva son crâne, comme s'il faisait le fier. Cela amusa Izuku.

— Quoi ? Toi aussi tu veux sauver les gens ?

L'animal hocha sa grosse tête.

— Alors vous formeriez une bonne équipe.

Izuku se rembrunit un peu en ajoutant :

— Alors que moi… Je n'ai rien. Kacchan est mon modèle, mais il y a peu de chance que je le rattrape, sans aucun pouvoir. On aurait pu se battre côte à côte, mais je crains que cela n'arrive jamais et que je sois destiné à devenir comptable comme le suggère mon père.

Le garçon eut un petit rire triste, et le dragon s'approcha de lui. Il posa sa patte saine sur son crâne. Izuku ne sut pas si c'était pour l'encourager, le remercier ou simplement lui montrer combien il était petit et fragile. Parce que sous cette énorme patte, c'est ainsi que se vit Izuku. Le dragon pourrait l'écraser et le tuer d'une pichenette, mais il ne le fit pas. Il se contenta d'appuyer sa patte comme ça, sans le griffer, sans l'écrabouiller, juste en le fixant dans les yeux.

Les lèvres d'Izuku s'étirèrent. Et le dragon le poussa gentiment en arrière.

Quelques minutes passèrent où Izuku remplit le silence en parlant de ses policiers préférés, et puis quelque chose sembla changer chez le dragon. Il se mit à vibrer bizarrement, comme s'il allait exploser. Après un dernier regard vers Izuku, l'animal s'envola et prit la fuite. Il était peut-être simplement pressé de rentrer chez lui et le discours d'Izuku l'avait sans doute saoulé.

— Au revoir dragon-chan, cria-t-il.

Et l'animal disparu au loin. Izuku resta un instant là, tout émerveillé par cette rencontre. Puis il reprit ses esprits et rentra enfin chez lui. Sa mère lui posa des questions sur son retard, mais il resta évasif, perdu dans ses pensées. Il ne pouvait pas lui dire la vérité, car elle était trop incroyable, sa mère le prendrait pour un fou et parce qu'il voulait garder ce moment rien que pour lui. Il avait rencontré un dragon. Pas un hybride. Un dragon complet, tout entier. C'était fantastique.

xxx

Katsuki rentra par la fenêtre de sa chambre qu'il avait laissée ouverte à cause du temps plutôt clément, et tout à coup se retransforma en humain. Nu comme un vers.

Putain, putain, putain.

C'était quoi ce bordel ?

Il toucha son crâne, ses cornes étaient toujours là, c'était rassurant de savoir qu'elles n'avaient pas disparu, elles.

Merde.

Est-ce qu'il avait halluciné ? Est-ce qu'il avait rêvé ?

Il regarda son pied blessé dont le bandage n'avait pas tenu, il repensa à ce crétin de Deku venu le sauver (lui un dragon) et fut bien obligé d'accepter qu'il ne délirait pas. Tout ça, c'était la réalité.

Katsuki s'était métamorphosé en dragon entier.

Ce n'était jamais arrivé avant. Les personnes n'avaient que des attributs, on n'avait jamais entendu qu'un signe astrologique pouvait prendre la forme entière de l'animal.

Alors pourquoi ?

Et comment ?

Katsuki tout en se rhabillant réfléchit. Il avait paniqué à cause de cet idiot de Deku. Quand il avait su que celui-ci n'était pas rentré chez lui, il s'était imaginé le pire, il s'était dit que le petit humain aux cheveux verts avait bel et bien sauté du toit et qu'il ne verrait plus jamais sa bouille constellée de taches de rousseur. La peur l'avait envahi et lui qui était le meilleur à la course avait eu l'impression de faire du sur place. Il ne courrait pas assez vite, il n'allait pas assez vite.

Il avait voulu pouvoir accélérer et voler.

Et c'était arrivé. Il s'était transformé, déchirant ses vêtements, son corps avait changé, s'était allongé. Des écailles orange vif avaient poussé sur lui, ses mains et ses pieds étaient devenus des pattes griffues, son visage s'était métamorphosé en gueule pleine de dents, avec de grosses narines et de longues moustaches. Il n'avait pas compris ce qui lui était arrivé et avait tenté de filer dans une ruelle pour se cacher, pour comprendre ce qu'il se passait. Il perdait le contrôle de son corps, mais pas celui de son esprit. À l'intérieur, il était toujours Katsuki Bakugo, seulement, voilà, il n'était plus du tout humain. Il ondulait et avait du mal à ne pas renverser les poubelles, parce qu'il ne maîtrisait rien du tout. En chutant sur le sol, il s'écorcha une patte et fit un bruit pas possible. Il tenta de recommencer à voler, sans savoir tout à fait comment s'y prendre.

Katsuki réfléchissait à comment retrouver le contrôle, quand les deux gamins apparurent. Ils avaient dû entendre le boucan. Ces deux sales mômes l'avaient attaqué et avaient osé le traiter de monstre. Lui, Katsuki, comparé à un monstre alors qu'il était un majestueux dragon depuis sa naissance.

Il ne maitrisait pas suffisamment son corps pour se défendre quand les gosses lui avaient lances des cailloux. Katsuki avait peur que s'il bougeait trop, il leur fasse du mal. Se retrouver dans cette situation n'était pas agréable, il n'avait jamais été la victime, toujours le bourreau. Et soudain les rôles s'échangeaient, soudain il était traité différemment, il n'était plus le mec qu'on adulait, il s'était transformé en monstre, en cible. Katsuki se souvint des paroles de sa mère qui lui disait qu'un jour il dégringolerait de son piédestal. Et il se rendit compte qu'elle avait peut-être eut raison.

Au moment où il allait agir, refusant de se laisser maltraiter, Deku fit son apparition. Bien sûr de toute la population, des milliards de gens que peuplaient ce monde, il avait fallu que ce lui qui vienne le sauver. Lui. Ce minable sans attribut.

Deku agit comme s'il était puissant, menaça les gosses comme si lui aussi avait des pouvoirs, il réussit même à les chasser de la ruelle. Katsuki avait grommelé intérieurement, quelle honte d'être sauvé par un moins que rien. Mais Deku s'était approché de lui, avait écarquillé les yeux d'émerveillement, et Katsuki avait oublié ce désagrément. Pendant que le petit humain partait chercher de quoi le soigner, le dragon tenta d'apprendre à mieux contrôler son corps. Ce n'était pas évident, il se sentait gros dans cette minuscule ruelle. Pour voler, il devait onduler, alors il se posa sur le sol, reposant son poids sur sa patte saine. Il attendit. Deku revint assez vite et s'approcha pour le soigner.

Katsuki le laissa faire.

Bien entendu il fallut que ce petit nerd soit impressionné et commence à lui faire des compliments. Si Katsuki avait pu parler, il aurait beuglé contre Deku. Il se contenta de souffler de mécontentement. Alors que dans le fond, il était flatté.

Il était un dragon.

Un beau dragon.

Deku accepta de rester avec lui et ce fut rassurant, parce que Katsuki ne savait pas quoi faire. Il ignorait comment retrouver sa vraie forme et s'il sortait de la ruelle, il craignait qu'on s'en prenne à nouveau à lui. Et pas par des gamins seulement armés de cailloux, mais par des gens effrayés ayant des armes et des pouvoirs développés.

Il écouta donc les élucubrations de Deku. D'abord il parla de Katsuki. Sans savoir qu'il s'adressait en vérité à Katsuki. Deku le complimenta et le dénommé se demanda comment Deku pouvait être aussi admiratif, alors que Katsuki ne s'était jamais gêné pour le brimer. Le dragon eut alors un geste pour lui, posant sa patte sur son crâne. Cela voulait dire « tu n'es pas si nul, tu as sauvé des enfants lanceurs de cailloux que j'allais bouffer ». Le sourire de Deku le troubla et il le repoussa doucement.

Ensuite Deku raconta des histoires sur ses policiers préférés. Bizarrement, l'entendre faire le nerd, calma le dragon, le calma si bien qu'il sentit son corps reprendre sa forme originelle. Il ne voulait pas que Deku le voit, sans trop savoir pourquoi, il n'avait aucune envie que l'humain sache que c'était à Katsuki qu'il se livrait depuis le début.

Alors Katsuki s'envola. Il entendit ce crétin de nerd l'appeler « dragon-chan ». Kacchan d'abord et maintenant : dragon-chan. Décidément, Deku était définitivement un idiot.

Katsuki regarda ses mains, ses cinq doigts. Donc s'il récapitulait, il avait tellement paniqué et souhaité pouvoir voler et aller plus vite qu'il avait réussi à se métamorphoser, et une fois calmé il avait retrouvé forme humaine. Était-ce une exception, un phénomène incontrôlable ou bien pouvait-il apprendre à s'en servir et se transformer autant qu'il le voudrait ?

Parce qu'être un dragon en entier était complètement dingue.

Dangereux peut-être, après tout deux gamins lui avaient jeté des cailloux et si des gens mal intentionnés l'apprenaient, Katsuki pouvait finir disséqué dans un laboratoire. Mais c'était aussi carrément fou. Et absolument génial. Il n'avait plus qu'à espérer que les mômes se tairaient ou que personne n'écouterait leurs élucubrations.

Le blond se souvint de l'admiration dans les yeux de Deku et sourit. S'il pouvait se faire accepter, le monde serait à ses pieds.

— Je suis un foutu dragon, ricana-t-il.

Sa mère entra dans sa chambre sans frapper au même moment :

— Qu'est-ce que t'as à baragouiner que tu es un dragon ? Ça fait quatorze ans que tu l'es.

— Qu'est-ce que tu veux la vieille ?

— Je m'inquiétais en ne te voyant pas rentrer. Par où t'es passé ? Je ne t'ai pas vu revenir.

Elle ne le laissa pas répondre et continua :

— Izuku est rentré au bercail, il allait bien. Il paraît que tu l'as rencontré en chemin.

— On peut dire ça.

— Tu devrais prendre un peu plus soin de lui, n'oublies pas qu'il n'a pas d'attributs, mais que ça ne te donne pas le droit de l'embêter.

Katsuki grinça des dents :

— Je ne suis pas sûr qu'il ait envie d'être traité comme une chose fragile parce qu'il n'a pas l'attribut.

C'était même tout le contraire.

— C'est pas une raison pour le brimer, et tu le sais.

Katsuki haussa les épaules et changea de sujet :

— M'man, t'as déjà entendu parler d'hybrides qui se métamorphosait en entier ?

Mitsuki fronça les sourcils. Son fils posait la question négligemment, mais il ne parlait jamais pour ne rien dire. Sauf quand c'était pour gueuler sans raison.

— Pourquoi ? interrogea-t-elle.

— Pure curiosité. Imagine comme ce serait cool si, par exemple, tu devenais un tigre complètement. Tu imagines ?

— Non je n'imagine pas, fit Mitsuki, parce que c'est impossible. On ne se métamorphose pas.

Sauf moi, pensa Katsuki. Moi j'ai réussi.

— Et ne change pas de sujet, je te parlais d'Izuku.

— Ouais ouais je sais, tu es obsédé par ce gamin, à croire que tu le voudrais pour fils.

— Et bien oui, plaisanta sa mère, lui ne me traiterait pas de vieille sorcière.

Katsuki eut une moue mi-fâchée, mi-amusée.

— Mets-toi à sa place, reprit sa mère plus sérieusement, tout le poids qui repose sur ses épaules simplement parce qu'il est né différent. Il a besoin d'un ami et avant vous vous entendiez bien.

— Donc tu demandes à un dragon de rester ami avec un moins que rien.

— Izuku n'est pas un moins que rien ! C'est un gentil garçon, intelligent et malin comme tout.

Elle n'avait pas tort. Deku était une encyclopédie sur patte, il était vif d'esprit également. S'il avait eu un pouvoir, des attributs, Katsuki aurait eu du souci à se faire.

— T'es au courant qu'il veut rentrer à Yuei, je dois tout faire pour le convaincre que c'est une mauvaise idée.

— Pour toi ou pour lui ?

— Il va se faire écraser !

— Il se fait déjà écraser !

— Justement, il n'a pas peur malgré les brimades, maman, il va se faire massacrer, tu crois que c'est ce que je veux ?

— Alors, sois gentil avec lui !

Katsuki grogna et détourna les yeux.

— Je sais que dans le fond tu penses à lui et tu t'inquiètes pour lui.

Le blond resta silencieux.

— Je te connais, tu es mon fils. Cesse de faire l'idiot et sois gentil avec lui, répéta-t-elle.

Katsuki haussa les épaules et sa mère soupira.

— Sale gosse, gronda-t-elle, c'est l'heure de passer à table, on en reparlera.

xxx

Izuku avait croisé un dragon. Un vrai dragon. Des pieds jusqu'à la tête. Un dragon orange.

Ou alors il avait rêvé.

Ou alors il avait halluciné.

Ou alors il s'était inventé un truc super cool. Parce que sa vie ne l'était pas.

Sauf que non.

Izuku avait vraiment rencontré un vrai dragon. Un magnifique dragon. Encore plus beau que Kacchan. Enfin Kacchan n'avait que des cornes, il n'était pas métamorphosé en entier. La route d'Izuku avait croisé celle d'un dragon tout entier qui l'avait écouté, avait tenté de communiquer avec lui et qui avait fini par s'enfuir.

Est-ce qu'Izuku allait le rencontrer de nouveau ? Ou est-ce que sa chance était passée ?

Dragon-chan lui avait mis du baume au cœur d'une certaine façon. Il ne l'avait pas attaqué alors qu'il aurait pu, il ne l'avait pas traité de haut non plus, il l'avait observé avec son regard rouge. Non, Izuku ne deviendrait pas comptable. On disait impossible qu'un dragon soit métamorphosé en entier, or, Izuku avait bien vu le contraire de ses yeux.

S'il existait des gens métamorphosés en entier, Izuku pouvait devenir un héros, un policier qui ferait le bien autour de lui et sauverait les gens, sans avoir aucun pouvoir.

Pendant tout le repas, il continua de rêver, laissant échapper quelques chuchotis sans s'en rendre compte.

— Tu as l'air de bonne humeur, constata sa mère, quelque chose de bien est arrivé ?

— Je crois, répondit Izuku.

— Tu es resté longtemps avec Katsuki, vous vous êtes réconcilié ?

— Pas que je sache, fit Izuku, en même temps on ne s'est jamais vraiment disputé.

Inko ne dit rien, elle savait ce que vivait son fils, elle savait que Katsuki comme le reste du monde n'était pas tendre avec lui, mais Izuku se plaignait vraiment très rarement de Katsuki devant elle, voire même jamais.

— C'est autre chose, continua Izuku, j'ai juste passé une bonne journée. Désolé d'être rentré tard et d'avoir oublié de prévenir.

— Ce qui compte c'est que tu sois là, fit Inko, et que tu ailles bien.

Izuku sourit à sa mère. Ces sourires chaleureux et doux dont seul lui avait le secret (ou qu'il tenait d'Inko). Son père n'était pas là, souvent absent à cause de son travail. Izuku et Inko avaient l'habitude de se retrouver en tête à tête.

— Tu veux qu'on regarde un film ce soir ? proposa-t-elle.

Mais Izuku savait qu'il n'aurait pas la tête à se concentrer sur le téléviseur.

— Non, désolé, j'ai encore des devoirs à faire.

— D'accord, dit-elle, ne te couche pas trop tard.

— Promis.

Dans son nouveau carnet, Izuku n'écrivit pas les informations que Kacchan avait brûlées plus tôt dans la journée. À la place, il tenta de dessiner le dragon chinois. Il n'était pas le plus fort en dessin, mais il se débrouillait toujours mieux que Kacchan qui n'avait pas assez de patience pour gribouiller correctement.

Il coloria l'animal en orange, lui fit ses yeux rouges, ses cornes blanches, sa crinière noire et à côté, décrivit le dragon avec des mots. Il avait estimé sa taille, mais comme le dragon s'aplatissait un peu pour tenir dans la ruelle, Izuku n'était pas sûr de lui. Quatre pattes crochues contenant cinq doigts aux longues griffes. Une gueule pleine de dents, des naseaux énormes et des moustaches blanches accrochées à son museau qui virevoltaient dans tous les sens.

Le dragon était capable de voler et de marcher, mais il n'avait rien fait d'autre. Pouvait-il cracher du feu comme Kacchan ? Ou avait-il d'autres pouvoirs cachés ?

Autre question : comment une métamorphe pouvait exister sans que personne ne le sache ?

Et finalement : qui était-il vraiment ?

À suivre.

L'autatrice : voilà le deuxième chapitre. Je ne sais quoi en dire, j'espère seulement qu'il vous plaira. Je ne suis pas très douée en description, mais j'espère avoir su retranscrire la majesté de dragon-Kacchan.